Transition énergétique: Warum ?

Publié le 10 mai 2015 dans ÉnergiePar Michel Gay [*]



Les questions en suspens sur la transition énergétique ne manquent pas. Tour d’horizon de ces interrogations qui devraient amener à repenser cette transition.






Dans la recherche d’une transition énergétique en France pour diminuer notre consommation d’énergies fossiles et nos émissions de gaz à effet de serre, pourquoi («warum ») n’exploite-t-on pas l’expérience de nos voisins allemands qui se sont aussi lancés dans une transition appelée « virage énergétique » (Energiewende) ? Le programme de cette transition allemande prévoit de sortir du nucléaire et de le remplacer par du charbon (essentiellement du lignite, le plus sale des charbons), du gaz, ainsi que par des énergies renouvelables (essentiellement des éoliennes et des panneaux photovoltaïques).


Pourquoi n’évoque-t-on jamais les problèmes de pollution et les coûts faramineux (bientôt insupportables ?) liés à cette Energiewende ? Estimé, il y a deux ans à 30 milliards d’euros par an sur huit ans, soit 2 000 euros par an et par foyer, le coût total de cette transition énergétique allemande est maintenant revu à 1 200 milliards d’euros !


Pourquoi ne dit-on pas que l’Allemagne compte installer 24 GW1 de centrales à gaz et à charbon d’ici 2020 pour compenser l’arrêt du nucléaire ? Elle émet aujourd’hui 9,1 tonnes de CO2 par habitant, à égalité avec la Belgique. En 2020, avec 12 t CO2/habitant, elle rejoindra les Pays-Bas, derrière l’Estonie et le Luxembourg.


Il n’y a pas que l’écologie qui souffre. Les ménages aussi. En 2014, le gouvernement allemand a reconnu que 6,9 millions de ménages vivaient en dessous du seuil de précarité énergétique2. Ces faits sont largement dus à l’Energiewende. Cette année, les consommateurs allemands devront subventionner l’énergie « verte » du montant astronomique approchant les 30 milliards d’euros, en sus de leur facture d’électricité, au nom de « la répartition des charges des énergies renouvelables ».


Pourquoi des responsables politiques continuent-ils à prendre l’Allemagne comme modèle dans le domaine énergétique ? Les deux premières compagnies d’électricité d’Allemagne (E.ON et RWE) ne se sont pas remises du brusque arrêt des centrales nucléaires ordonné par Angela Merkel en 2011. Le 11 mars 2015, E.ON a présenté une perte record de 3 milliards d’euros pour 2014. Fin 2014, elle s’est scindée en deux pour pouvoir survivre, isolant ainsi les énergies renouvelables de la production conventionnelle (charbon, gaz, hydraulique). Au total, E.ON, RWE, EnBW et Vattenfall ont supprimé 25 000 emplois ces dernières années3. Les Allemands sont en train de supprimer des emplois bien réels alors que les emplois « virtuels » prévus ne sont pas là. SMA Solar, numéro un de l’énergie solaire en Allemagne, compte supprimer environ 1 600 emplois, soit le tiers de ses effectifs.


Pourquoi, à la lumière de ce qui se passe chez nos voisins, laisse-t-on dire que le développement des énergies renouvelables serait source de centaines de milliers d’emplois dans notre pays ?


Pourquoi dissimule-t-on que, sur les quatre milliards d’euros de déficit d’Areva, 570 millions proviennent d’études et de développement des sources d’énergies renouvelables ?


Pourquoi ne souligne-t-on pas que les sources d’énergie intermittentes (éoliennes et photovoltaïque) nécessitent d’autres sources d’appoint qui prennent le relais en cas d’absence de vent ou de soleil ? Ces sources sont principalement le gaz et le charbon. Plus la part de ces énergies intermittentes va augmenter dans notre « mix » énergétique, et plus nos rejets de CO2 vont croître.


Pourquoi exprime-t-on toujours la puissance de ces sources d’énergies renouvelables en valeurs de « puissance installée » et non de kWh produits ? Leur rendement étant faible, cela permet de « hausser » artificiellement la valeur de la fourniture potentielle d’énergie: 9 120 MW4 en 2014 pour près de 6 000 éoliennes par exemple, donnent un potentiel de production d’électricité d’environ 80 TWh sur une année (8 760 heures) alors que la production réelle n’est que de 18 TWh (de manière variable non pilotée), soit 22% de « facteur de charge », constant depuis des années.


Pourquoi cache-t-on que la justification principale de l’installation de telles sources d’énergie intermittentes et à faible rendement tient dans les subventions dont bénéficient les exploitants contre toute légitimité économique ?


Ainsi, les éoliennes installées en France ont rapporté plus de 1,5 milliard d’euros aux constructeurs de machines, payés par le consommateur et contribuable. En 2015, la facture pourrait se situer autour de 2,5 milliards d’euros uniquement pour les éoliennes en France. Idem pour le photovoltaïque qui perçoit l’essentiel des subventions: Le « facteur de charge » en 2014 est de 12%, et il ne changera guère sauf découverte miraculeuse toujours attendue. Cette manne prélevée de façon discrète sur nos factures d’électricité ne bénéficie même pas aux industries de notre pays ! Ces éoliennes et ces panneaux photovoltaïques sont fabriqués à l’étranger.


La France et sept autres pays européens5 (ne comprenant pas l’Allemagne…) ont appelé à une plus grande souplesse des aides publiques accordées à la filière nucléaire dans une lettre ouverte adressée à la Commission européenne. Cette coalition estime que la filière devrait bénéficier de subventions européennes pour la recherche, l’innovation et le financement de nouveaux projets, au même titre que les énergies renouvelables. Ces pays expriment leur souhait de voir l’énergie nucléaire reconsidérée par l’Europe et reconnue enfin comme une énergie décarbonée indispensable à la lutte contre le changement climatique.


Pourquoi les médias tentent-ils de nous faire croire que le nucléaire est fini et que l’avenir est d’imiter les Allemands ? En réalité, 436 réacteurs nucléaires sont en activité dans le monde (380 GW) et il n’y en a jamais eu autant en construction (82 réacteurs en 2014 pour 100 GW, dont 42 en Chine). La France ne devrait-elle pas rester dans cette dynamique industrielle ?


Pourquoi évoque-t-on si peu l’étude de la revue scientifique Environmental Science & Technology (2 avril 2013) qui affirme que l’utilisation de l’énergie nucléaire a permis de sauver 1,84 million de vies de 1971 à 2009. En se fondant sur les scénarios de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), les scientifiques estiment qu’il y aurait entre quatre et sept millions de morts supplémentaires en 40 ans (2010-2050) si l’énergie actuellement produite par le nucléaire était compensée par du charbon. Dans le cas où toute cette énergie serait produite par du gaz naturel, les décès évités iraient de 420 000 à 680 000. La source d’énergie actuellement la plus exploitée au monde reste le charbon sous ses diverses formes.


Pourquoi ne souligne-t-on pas plus que la France est l’un des meilleurs élèves au monde, et donc en Europe, pour les rejets de CO2 avec 5,7 t CO2/habitant ? Seuls deux pays comparables en Europe font légèrement mieux que nous: La Suisse et la Suède dont les sources d’énergie électrogène sont l’hydraulique… et le nucléaire.


Pourquoi quasiment aucune publicité n’est faite par nos médias sur les excellentes performances énergétiques de notre pays ?


En mars 2015, la France vient de se placer au troisième rang des meilleurs systèmes énergétiques mondiaux selon le « Global energy architecture performance index 2015 ». Sans surprise, c’est le poids du nucléaire dans le mix énergétique français qui explique le bon classement de l’Hexagone. Notre pays se situe même au deuxième rang mondial sur le critère de développement durable, derrière la Suède. Les énergies décarbonées représentent 51% de l’énergie primaire utilisée en France, dont 42% liées au nucléaire. Ce taux monte à 90% pour la seule production d’électricité. En 2014, celle-ci provient à 75% du nucléaire, à 11,8% de l’hydraulique, à 2,8% de l’éolien et à 0,7% du solaire photovoltaïque.


Pourquoi faudrait-il cacher l’apport positif de l’énergie nucléaire aussi bien sur le plan économique qu’écologique ?


Pourquoi les politiques de tous bords font les yeux doux aux « Verts » alors qu’ils n’ont obtenu que 2% des voix aux dernières élections présidentielles et départementales ? Près des deux tiers des Français (63%) ont une mauvaise opinion des écologistes6. Les Français ne les trouvent ni « courageux » (54%), ni « sympathiques » (50% contre 46%), ni « proches des préoccupations des Français » (68%), ni « compétents » (64%), ni « crédibles » (68%).


Pourquoi, enfin, n’a-t-on pas suffisamment entendu l’appel suivant7 de plusieurs anciens ministres, dont Robert Badinter, Jean Pierre Chevènement, Alain Juppé et Michel Rocard ?

« Nous appelons solennellement les médias et les femmes et hommes politiques à exiger que les débats publics vraiment ouverts et contradictoires puissent avoir lieu sans être entravés par des minorités bruyantes et, parfois provocantes, voire violentes. Il est indispensable que les scientifiques et ingénieurs puissent s’exprimer et être écoutés dans leur rôle d’expertise. L’existence même de la démocratie est menacée si elle n’est plus capable d’entendre des expertises, même contraires à la pensée dominante».


Face à l’obscurantisme manœuvrier de quelques écologistes antinucléaires nourris d’idéologie, face à la couardise de certains élus plus soucieux de leur réélection à court terme que de l’intérêt général de la France, il ne reste que l’information du plus grand nombre sur la réalité car, en démocratie, le nombre est une qualité reconnue par les « politiques ».


[*] Inspiré directement du texte « Sag, Warum ? Dis, Pourquoi ? » de Jacques Foos, Professeur Honoraire au Conservatoire National des Arts et Métiers (Sciences et Technologies Nucléaires).



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