« L’oursin bleu »: La nature y est superbe, âpre et sauvage

23 AOÛT 2015 | PAR JEAN-LUC GASNIER





Une vue de la ligne de crêtes séparant le Var de l'Estéron avec, au premier plan, des oursins bleus © JL Gasnier



C’est au bout d’un chemin défoncé, parsemé de mauvaises ornières, stigmates des orages tempétueux qui sévissent en été dans la région. L’exploitation de Mary-Lise, « l’oursin bleu », se déploie dans un replat montagneux, subit îlot de verdure et de nature domestiquée, sur les pentes rocailleuses et arides de la haute vallée de l’Estéron, dans l’arrière pays niçois. 




Plus haut, le village d’Ascros s’accroche, sur un éperon rocheux, en marge de la ligne de crêtes séparant la vallée du Var de celle de l’Estéron. Ce coin des Alpes maritimes est un endroit rêvé pour les randonneurs et les contemplatifs: La nature y est superbe, âpre et sauvage, telle que décrite dans les romans de Giono, préservée d’une empreinte humaine trop forte, loin des bancs de touristes de la côte d’Azur pourtant toute proche. Pour les résidents, pour ceux qui y vivent à longueur d’année, les rigueurs, les exigences, les morsures d’un environnement difficile, parfois hostile, sont davantage ressenties et peuvent faire oublier la poésie des lieux: Les éleveurs du coin pestent souvent contre les écologistes des ministères parisiens qui ont réintroduit le loup.



Travailler la terre dans cette nature sans demi-mesure exige de l’endurance, de la persévérance, de l’ardeur; on ne peut ménager ses efforts, il faut beaucoup donner pour recevoir en retour. Mary-Lise cultive quelques arpents de terres en terrasses, arrachés à la roche, d’ordinaire plus propices à l’élevage des chèvres qu’à la culture maraîchère: Elle produit essentiellement des légumes mais elle a aussi quelques ruches et des poules, elle vend sur place à quelques habitués et sur les marchés. Mary-Lise est une convertie, venue à l’agriculture sur le tard: Il y a quelques années, son parcours personnel et professionnel a pris un virage inattendu et débouché sur cette installation en agriculture biologique, en zone de montagne, loin des villes, loin de la clientèle bobo qui constitue une niche recherchée par les rayons « bio » des grandes surfaces.


Mary-Lise fait partie de ces « néo-ruraux » pour qui « le retour à la terre » est avant-tout un choix de vie, un engagement réfléchi qui prolonge une prise de conscience, très éloigné d’une démarche marketing. Mary-Lise aime son métier pour ce qu’il a de plus précieux : Le respect de la vie. Cultiver en mode « biologique » c’est tirer parti de la nature en lui obéissant, c’est jardiner, aménager, en amateur professionnel, une philosophie très éloignée des méthodes de l’agriculture intensive qui reste le modèle dominant et soutenu par les pouvoirs publics. Car l’engagement de Mary-Lise et des agriculteurs bio se heurte au désengagement de l’État pour des raisons budgétaires et à l’inconséquence d’une administration qui gère des fonds européens en méconnaissant les réalités et les contraintes des exploitants. Les aides consacrées à l’agriculture biologique se font de plus en plus rares, alors même que le programme « Ambition bio 2017 » prévoit le doublement des surfaces en bio d’ici 2017 (lire ici) .



Cette année, le versement du dernier quart des subventions à l’agriculture biologique dues au titre de l’année 2014 a bien failli passer à la trappe: Il n’y avait plus d’argent dans les caisses ! La mobilisation des exploitants a finalement fait reculer le ministère. Mais, pour la période 2015 2020, les nouveaux critères d’attribution seront tellement restrictifs que plus aucun agriculteur bio des Alpes maritimes ne pourra prétendre aux « aides au maintien » (*).


Par contre, Mary-Lise continuera à acquitter, comme tous ses collègues maraîchers certifiés, sa redevance annuelle à l’organisme « ECOCERT » afin de bénéficier du label « bio ».


Comme elle le fait remarquer avec malice, « il faut payer pour ne pas polluer » alors que la majorité des agriculteurs perçoivent des aides pour produire avec des intrants qui leur permettent d’augmenter les rendements à court terme au détriment de l’environnement et d’une gestion sur le long terme. À partir de 2015, sans aide de l’État, c’est finalement un peu le principe de la double peine qui sera appliqué à la majorité des agriculteurs bio. Ne devrait-on pas, au contraire, taxer les systèmes de culture intensifs et imposer à l’inverse un label « produits issus d’une agriculture utilisant des pesticides chimiques de synthèse dangereux pour votre santé » ?



Avec un gouvernement qui vient d’expulser les occupants de la ferme alternative des Bouillons ( lire ici l'article de Jade Lindgaard), c’est évidemment une totale utopie. Le développement d’une agriculture véritablement respectueuse des paysans, des consommateurs, et support d’éducation et de sensibilisation aux questions environnementales n’est pas à l’ordre du jour.



(*) Les aides spécifiques à la bio sont principalement constituées des aides à la conversion (qui accompagnent la phase de transition, d’une durée de 3 ans le plus souvent, vers la certification en « agriculture biologique ») et des aides au maintien pour les agriculteurs certifiés.


Commentaire: La lutte contre l'éolien industriel se base sur les mêmes critères: Pour le respect de la nature superbe, âpre et sauvage et pour le respect de la vie. Et cette lutte est légitime.


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