Climathon, semaine 35: La Révolution est en marche

Publié le 2 septembre 2015 dans Environnement
Par Benoît Rittaud (et le jury du Climathon)


Quand le gratin mondain en appelle à la révolution « climatique »…







Il est des réalisations climathoniennes qui réussissent à rassembler toutes les qualités, à montrer le meilleur dans toutes les catégories: Le ridicule d’une prose ampoulée, le mensonge grossier, le délire alarmiste si excessif qu’il en devient insignifiant… Bref, il est des semaines où l’on connaît à l’avance le nom du vainqueur. La semaine 35 est de celle-là. 


Incontestablement, les compétiteurs sont rentrés de vacances, avec la ferme intention de reprendre leur marche en avant dans la propagande climatique la plus débridée.


Ceux qui suivent un tant soit peu l’activité médiatico-climatique pré-COP21 ont sans doute déjà deviné le nom du vainqueur de cette semaine: À l’unanimité, le jury décerne le titre à l’appel « pour en finir avec les crimes climatiques », qui, outre les splendides qualités déjà signalées, se distingue par un fabuleux pétage de plombs collectif joli grain de folie.


Cette pétition internationalo-galactique n’est rien d’autre qu’une préparation à une insurrection qu’on imagine sans pitié, comme l’indiquent ces quelques lignes dont l’audace a cloué sur place l’ensemble du jury :

« Nous gardons confiance en notre capacité à stopper les crimes climatiques. Par le passé, des femmes et des hommes déterminé.e.s ont mis fin aux crimes de l’esclavage, du totalitarisme, du colonialisme ou de l’apartheid. Elles et ils ont fait le choix de combattre pour la justice et l’égalité et savaient que personne ne se battrait à leur place. Le changement climatique est un enjeu comparable et nous préparons une insurrection similaire ».


Comme toutes les révolutions, celle qui nous est annoncée a commencé discrètement, par un signal anodin: Un article de Mediapart tellement important et universel qu’il est réservé aux abonnés. Ce journal donne tout de même accès à ce texte dans son « Club », mais d’une manière générale le jury du Climathon ne peut que s’émouvoir du très faible écho donné à cet appel dans la plupart de nos grands médias. 


Heureusement que le Syndicat National des Travailleurs de la Recherche Scientifique (une émanation de la CGT) a rapporté l’information dans sa liste de diffusion, permettant à la Science Française de briller au firmament du courage et de l’engagement pour le Bien.



L’appel est tellement exceptionnel qu’il est difficile de ne pas le citer en intégralité. Chaque phrase est une perle, chaque mot est un prodige. Prenez le premier paragraphe, par exemple, qui commence par un « Nous sommes à la croisée des chemins » particulièrement original et novateur qu’on s’en voudrait de ne pas le citer. Pourra-t-on sauter quelques phrases avant de citer un autre passage ? Non, car comment voulez-vous manquer de citer la deuxième phrase, qui proclame que « Nous ne voulons pas nous retrouver contraint.e.s à survivre dans un monde devenu à peine vivable » ? Une exagération pareille est impossible à rater. La phrase d’après ? « Des îles du Pacifique Sud à la Louisiane, des Maldives au Sahel, du Groenland aux Alpes, la vie quotidienne de millions d’entre nous est déjà perturbée par les conséquences du changement climatique ». Le lecteur en conviendra: Il aurait été regrettable de passer sous silence cette habile confusion entre le présent et le futur hypothétique, entre les évolutions climatiques normales et l’éventuelle responsabilité humaine. La phrase suivante ? Impossible, à nouveau, de ne pas la mentionner, elle qui évoque sans honte au présent de l’indicatif la « submersion des îles du Pacifique sud » (qu’on attend encore), le « déracinement de réfugiés climatiques en Afrique et dans le sous-continent indien » (comme quoi on peut être cent signataires du gratin mondial et être, en géopolitique internationale, d’une ignorance si crasse qu’elle ferait honte à un lycéen), la « recrudescence des tempêtes et ouragans » (un mensonge pur et simple comme on les aime)… Bref, il est impossible de trouver un passage qui ne mérite pas les éloges du jury.


Bien sûr, il n’est pas d’insurrection révolutionnaire sans désignation des méchants « [L]es forces de blocage et de paralysie l’emportent », s’indignent nos révolutionnaires du clavier éveilleurs de consciences qui, n’en doutons pas, n’hésiteront pas à s’exposer personnellement par d’autres coups d’éclats tels que, pour une bonne part d’entre eux, une courageuse démission de leurs postes dans la fonction publique pour dénoncer leurs Gouvernements qui, comme l’explique l’Appel, « n’abandonneront pas aisément [leurs] profits » l’expression de leur indignation contre les Grands Méchants qui nous menacent:


« Partout, des forces puissantes – entreprises du secteur fossile, multinationales de l’agro-business, institutions financières, économistes dogmatiques, climatosceptiques et climatonégationnistes, décideurs politiques prisonniers de ces lobbies – font barrage et promeuvent de fausses solutions ».


Si d’aventure, ce qui apparaît heureusement fortement improbable, cette insurrection devait tourner court, chacun devra avoir en tête la responsabilité écrasante de ces agents du grand capital. N’oublions pas en effet que:

« L’esclavage et l’apartheid n’ont pas disparu parce que des États ont décidé de les abolir, mais par des mobilisations massives qui ne leur ont pas laissé le choix ».


La victoire de cette semaine est donc partagée entre cent signataires, mais amplement méritée, tant ces signataires ont laissé collés sur le bitume tous les autres compétiteurs. Ils ont compris que la victoire était à ce prix, qu’elle allait se chercher avec les dents, et que désormais à moins de cent jours de la COP21, il ne serait plus possible de ramener le trophée avec de simples arguments d’écolos scientistes repus: Il faut mentir, désigner des méchants à la vindicte publique et, sous l’égide d’esprits éclairés, mettre en place une bonne dictature enfin raisonnable profiter de « l’occasion unique de renouveler la démocratie ».


Dans l’attelage hétéroclite des signataires, l’on retrouve bien sûr quelques vainqueurs passés du Climathon comme Naomi Klein et Nicolas Hulot (notre Commandeur des Croyants). Au sujet de ce dernier, le jury du Climathon ne sait pas s’il doit s’étonner de sa présence: En tant qu’envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète et ancien présentateur d’Ushuaïa sur TF1, l’on pourra se demander s’il ne serait pas lui-même l’un de ces « décideurs politiques prisonniers des lobbies ». À moins qu’il ne s’agisse de son envoyeur.


Signalons aussi quelques figures qui, il fut un temps, pouvaient être désignées comme des scientifiques mais qui, par leur soutien à cet Appel, montrent très clairement qu’elles ont définitivement choisi de tourner la page pour s’engager à fond dans la propagande climatique la plus abjecte, pour le plus grand plaisir du jury du Climathon: Christophe Bonneuil (il faudra un jour parler de sa splendide collection au Seuil), Amy Dahan-Dalmedico (qui fut dans une autre vie historienne des mathématiques), Jean Jouzel (sans grande surprise), Claude Lorius (mentor du précédent), Valérie Masson-Delmotte (climatologue de son état, dont on attend beaucoup), Dominique Bourg (philosophe – si, si), Geneviève Azam (« économiste »), Gilles-Éric Séralini (l’inénarrable chercheur anti-OGM), Isabelle Stengers (qu’il aurait été dommage de rater), Jacques Testart (dont on n’attendait pas mieux), Jean-Baptiste Fressoz (un anthropocéneux, gage de compétences), Jean-Pierre Dupuy (sans surprise), Marie-Monique Robin (présentée comme journaliste), Philippe Descola (lui aussi figure attendue), Serge Latouche (qu’il aurait été dommage de rater) et Stefan Aykut (qui fait la paire avec Amy Dahan). L’intelligentsia française peut être fière d’elle.


Cet appel, « c’est comme dans le référendum maudit… mais en vrai », nous indiquait un lecteur. On croirait lire en effet le fictif « Appel au discernement » de l’épisode 7 du feuilleton paru cet été dans L’Opinion. En quelque sorte, l’appel primé cette semaine n’est rien d’autre qu’un plagiat. Difficile de s’en plaindre: En fait de propagande climatique, on ne saurait accepter que la fiction gardât un temps d’avance sur la réalité.

Les accessits de la semaine


Jolie entrée de Gilles Ramstein dans le Climathon avec une belle interview parue dans Le Progrès le 24 août (réservée aux abonnés du journal malgré son importance universelle).


Le climatologue qui, en d’autres temps, aurait pu être soupçonné d’appartenir au honteux lobby nucléaire si le Commissariat à l’Énergie Atomique qui l’emploie n’avait pas, en tout désintéressement, embrassé la Cause, donne dans le pathos classique en invoquant nos malheureux enfants qui souffriront (il s’est peut-être inspiré de Jean Jouzel):

« J’ai 55 ans: La génération de mes enfants sera la première à être réellement confrontée à des problèmes climatiques graves ».


Attention tout de même, monsieur Ramstein: En voulant bien faire, vous vous mettez en porte à faux avec les vainqueurs de cette semaine qui nous assurent que « la vie quotidienne de millions d’entre nous est déjà perturbée par les conséquences du changement climatique ». Le devin nous promet ensuite « au moins un mètre » de remontée du niveau des mers d’ici la fin du siècle (Eh, l’Océan, faudrait voir à accélérer un peu, passque là, on est sur un rythme de +30cm seulement, c’est quoi c’boulot, non mais j’vous jure.) Le détour par le mythe postmoderne de l’île de Pâques généreusement offert par l’intervieweur est ensuite l’occasion pour Gilles Ramstein de montrer qu’être climatologue permet de raconter tout ce qu’on veut sur tous les sujets sans craindre d’être contredit: À condition d’aller dans le sens de la facilité, l’anthropologie de bazar, l’économie de comptoir, les prophéties à deux sous et les raccourcis historiques dignes de la pire des BD ont toute leur place dans un discours militant au ras des pâquerettes scientifique de haute volée:

« L’homme a eu l’habitude de se construire en dilapidant. Cette croissance se fondait sur l’idée que la terre était pleine de bonnes choses et qu’on pouvait en profiter sans compter car ses ressources étaient presque infinies. (…)

On se trompe si on pense que la technologie résoudra tous les problèmes. De nombreuses civilisations ont disparu car elles ont fait des erreurs intellectuelles. Nous avons pris conscience du caractère fini d’un certain nombre de richesses. Il faut en tirer les conséquences en changeant nos comportements à l’égard de la nature ».


Des esprits malsains pourraient juger qu’affirmer le caractère fini des ressources n’est guère en ligne avec la crainte du réchauffement climatique (en un mot: S’il n’y a bientôt plus de pétrole, à quoi bon se préoccuper de nos émissions de gaz à effet de serre ?). Ce genre d’esprits tordus et malfaisants ont sûrement lu La Peur exponentielle pour ainsi faire le lien entre alarmisme climatique et peur du monde étroit.


Au sujet de la hausse du niveau des mers, Gilles Ramstein semble toutefois être en retard sur la dernière terrible alerte en date, signalée par le Journalderéférence avec tout le recul qu’on lui connaît :

« Inévitable. C’est ainsi que la NASA a qualifié mercredi 26 août la montée des océans d’au moins un mètre dans les cent à deux cents prochaines années».


Le journal ajoute qu’une « certaine incertitude demeure » sur « le calendrier précis de cette montée », joli euphémisme pour qualifier une fourchette qui va quand même du simple au double. Autre humour involontaire élément d’information donné par Le Monde :


« Les dernières prédictions sérieuses en date, qui remontaient à 2013 par un panel intergouvernemental des Nations unies sur le changement climatique, évoquaient une montée des océans de 30 à 90 cm d’ici la fin du siècle ».


Visiblement, au Monde, on a oublié jusqu’au nom même du GIEC. Quant aux « dernières prédictions sérieuses », il faut croire qu’elles ne l’étaient pas tant que ça, puisqu’elles doivent être révisées à peine deux ans plus tard. Mais bon, pas de panique: C’est dans le sens du pire, donc c’est bon.


Commentaire: «En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai»

Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838)



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