Climathon, semaine 48 : Bouquet final

Publié le 2 décembre 2015  
Par Benoît Rittaud (et le jury du Climathon)


La propagande climatique autour de la COP21 se devait de finir en apothéose !







Ce n’est pas sans émotion que le jury rend aujourd’hui son dernier verdict pour récompenser la plus belle pièce de propagande climatique. Le vainqueur de la semaine 48 fait honneur à la très haute tenue qui a prévalu tout au long de l’année, montrant une dernière fois que l’innovation dans la propagande la plus odieuse ne connaît pas de limite. Le Climathon finit donc en apothéose.

C’est Bruno Latour, notre Immense Sociologue des Sciences qui Sait Séparer le Bien du Mal, qui réalise l’exploit dont le jury n’osait rêver pour cette ultime semaine de compétition. Avec ses propos tenus sur Reporterre, dans lesquels il fait un parallèle non pas entre les attentats du 13 novembre et le réchauffement climatique (c’est déjà devenu bien trop banal) mais entre les terroristes et ceux qui contestent la crise climatique, Bruno Latour achève le Climathon. Il l’achève dans les deux sens du terme: Il le couronne en l’élevant au firmament de l’abject ; il le termine en en franchissant les ultimes limites, là où la dérision n’est plus possible.

C’était peut-être la conclusion inévitable du Climathon: Le rire peut beaucoup, mais il ne peut pas tout. Ami lecteur, tout comme vous vous installeriez avec respect et silence sur votre siège en attendant d’entendre le Messie de Haendel, prenez le temps du recueillement avant de prendre connaissance des propos si incomparablement odieux de Bruno Latour.

« Le 13 novembre est une préfiguration gore de la catastrophe qui suivra l’échec de la conférence de Paris et des suivantes. Si vous utilisez avec raison le terme de nihilisme pour décrire les militants fous, il me semble que le terme s’applique aussi, mais à une échelle démultipliée, à ceux qui ont aussi, à leur façon, le goût pervers de l’au-delà. Tout comme ceux qui se tuent en tuant, ceux qui prétendent ne pas aborder de front la grande mutation climatique, s’écrient au fond, selon deux registres différents mais qui résonnent avec la même stridence: « Vive la mort ! »

Il serait vraiment tragique qu’en s’occupant avec raison de détruire ceux qui ne peuvent que tuer pour un temps limité des innocents, on retarde une fois encore de s’occuper de ceux qui peuvent tuer massivement, longtemps, progressivement en entraînant dans leur délire bien d’autres êtres que les humains. S’il est légitime qu’un état d’urgence calibré permette de manifester en sécurité, il faut rappeler aux pouvoirs publics qu’il existe un autre état d’extrême urgence qui permette à la société civile d’apprendre comment repérer ses autres ennemis, comment s’équiper contre eux ».



Les accessits de la semaine


François Gemenne, qui n’avait pas ménagé ses efforts ces derniers mois pour se faire une place au Climathon, a longtemps tenu la corde pour la victoire cette semaine, avec cette interview publiée dans Rue89. Véritable synthèse de tout ce que la propagande climatique peut avoir de primaire et d’odieux, cette interview réussit le tour de force de rassembler plusieurs des propos les plus sublimes dont ont su nous gratifier les compétiteurs du championnat d’automne.

Pour faire l’éloge des propos de notre premier accessit, il n’est pas possible de ne pas commencer par ce lien, fait à l’aide d’une succession logique dont la rigueur laisse rêveur, entre les attentats du 13 novembre et le réchauffement climatique :

« L’urgence climatique et l’urgence terroriste posent la même question: Comment vivre ensemble dans un monde globalisé ? Et, accessoirement, c’est le pétrole qui finance largement Daech… »

Une seconde forte pensée consiste à vomir sur Philippe Verdier, ce journaliste de France Télévisions viré il y a quelques semaines pour hétérodoxie climatique. Dans le registre des analogies faciles dont certains compétiteurs se sont fait une spécialité, celle de François Gemenne a tout spécialement plu au jury pour son caractère particulièrement hardi:

« Je ne veux pas accuser Philippe Verdier de défendre le Front national, mais il y a dans son discours sur le climat quelque chose qui se rapproche beaucoup de celui du FN sur l’immigration. Verdier dit que le changement climatique va produire une série d’impacts positifs en France, que c’est bien pour nous, que ça va créer une ambiance de vacances. De la même façon, le FN dit qu’il ne faut pas laisser les autres venir chez nous, parce qu’on est bien entre nous, et ce parti propose de créer une forteresse autour de nous. C’est la même logique ».

Pour apprécier comme il se doit ce morceau de talent pur, il convient d’avoir été préalablement formé à une façon de raisonner bien particulière, dans laquelle la rationalité ne tient aucune place. Une démonstration comme la précédente peut ainsi être dite « à la Gemenne » dès lors qu’elle fait un rapprochement des plus absurdes dans le seul objectif de traîner dans la boue un esprit déviant. Précisons à l’intention des néophytes de ce type de démonstration postmoderne que, malgré la phrase conclusive, la logique n’a rigoureusement rien à voir dans le propos, si ce n’est la logique de l’injure gratuite.

Vous êtes encore hésitant ? C’est sans doute que vous n’êtes pas fait pour être chercheur à Sciences Po. De la même manière, en constatant qu’environ 60% du prix du carburant correspond à des taxes (en France) tandis que les énergies « vertes » font l’objet de nombreuses aides fiscales (sans lesquelles les industries qui les développent ont d’ailleurs fâcheusement tendance à boire le bouillon), peut-être pensez-vous bêtement que l’énergie fossile est taxée tandis que les énergies « vertes » sont subventionnées. Si c’est le cas, vous avez tout faux, et il est grand temps d’écouter attentivement la parole du Grand Sachant :

« Le drame, c’est que nous avons déjà aujourd’hui les solutions technologiques qui permettraient de nous en sortir, mais elles sont trop peu utilisées, notamment parce que les énergies fossiles reçoivent énormément de subventions, ce qui rend les renouvelables moins compétitives ».

De même, si vous pensiez jusque là que les cyclones et les sécheresses n’avaient pas attendu l’invention des 4×4 pour frapper un peu partout et depuis toujours, hâtez-vous de vous mettre à la page et de prier pour retrouver le paradis climatique perdu :

« La vérité, c’est que le changement climatique est déjà là, c’est déjà une réalité. Les catastrophes naturelles déplacent chaque année 26 millions de personnes [plus que le nombre de réfugiés de guerre, ndlr], c’est une personne par seconde, et à ce chiffre il faut ajouter les déplacements liés à des dégradations plus lentes de l’environnement ».

Dernière perle de cette interview-collier: La reprise de l’indémodable idée que la démocratie, c’est ringard, et qu’il faudrait songer à faire voter les ours polaires (les « acteurs non humains »).

« Il y a un problème démocratique.
Les acteurs autour de la table sont toujours les gouvernements, comme on le faisait après la Seconde Guerre mondiale. Or, ceux qui ont le plus de leviers pour agir ne sont pas les États, mais les collectivités, la société civile, les sociétés privées. Il faut penser à mettre d’autres acteurs autour de la table, à signer d’autres types d’accords. On pourrait même représenter les acteurs non humains et les générations futures autour de la table
 ».

Au rayon « démocratie nouvelle », on soulignera le remarquable recyclage de l’ancienne tradition qui consistait à faire voter les morts: Désormais, voteront ceux qui n’existent pas encore. Qu’est-ce qu’on innove, à Sciences Po…

Selon le bon vieux principe qu’une absurdité répétée un grand nombre de fois devient une vérité incontestable, Le Monde martèle une fois encore que les attentats du 13 novembre sont le « monstrueux rejeton » du chaos créé par le Terrible Réchauffement. Emporté par son élan, l’auteur de l’article démontre également que les actes de piraterie ont eux aussi la même cause. Attention, la démonstration est digne de Gémenne: Le plancton est « affecté par le réchauffement » (c’est bien connu), moins de plancton implique moins de poissons, moins de poissons implique des pêcheurs désœuvrés et des pêcheurs désœuvrés impliquent des pêcheurs qui deviennent des pirates.

Les attentats du 11 septembre 2001 ? Le réchauffement climatique. La vague d’attentats à Paris en 1995 attribués au GIA algérien ? Le réchauffement climatique ! « Les événements d’Algérie » entre 1954 et 1962 ? Encore et toujours le réchauffement climatique. Le monde est enfin devenu simple.

Bien entendu, la plus grave conséquence des récents attentats est l’interdiction des marches pour le climat devant se dérouler en France en préambule au Sauvetage de la Galaxie Paris 2015. Heureusement, Nicolas Hulot, notre Commandeur des Croyants toujours aussi prompt à faire le bonheur de gens qui ne lui ont rien demandé, pense aux malheureux citoyens engagés et privés de sport ce week-end. Dans l’hebdomadaire Paris Match destiné aux jeunes, il présente une initiative « pour ne pas trop les frustrer »: La création d’un site pour trouver dans le monde un marcheur par procuration. Le principe est simple: Vous ne pouvez pas marcher en France, vous vous inscrivez sur le site et quelqu’un le fera pour vous quelque part dans le monde. Le jury du Climathon, qui percevait déjà très bien l’intérêt concret de ce type de marches pour la sauvegarde de la Planète, soutient très fortement cette nouvelle riche idée du Commandeur des Croyants et il est très sensible à son symbole. Toi, pauvre Français frustré d’action et débordé par de nobles activités qui élèvent ton esprit, fais donc faire à d’autres la basse besogne de marcher dans le froid et la pluie de novembre et dis-toi que ton représentant marcheur à l’autre bout du monde sera honoré de représenter un petit bout de la France Éternelle.

La paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, hélas jamais lauréate du Climathon, profite d’un portrait particulièrement servile brossé par Sciences et Avenir pour tenter, dans un effort désespéré de s’adjuger l’ultime trophée. Pour cela, en fine stratège, elle commence par une attaque en règle des odieux climatosceptiques, une passe d’arme souvent payante à défaut d’être originale. Elle a ainsi été « ulcérée par les attaques et les insultes » de ceux-ci (à sa décharge, Bruno Latour n’avait peut-être pas publié son texte au moment de l’interview), mais aussi « effrayée par le boulevard que leur laissaient les médias ». Une simple lecture des 47 premiers opus du Climathon suggère en effet toute l’étendue de ce boulevard médiatique. Manifestement, tout écart à l’orthodoxie est insupportable à notre climatologue. Toutefois, en scientifique ouverte et droite, elle milite pour l’organisation d’un « vrai débat » (on ne saura pas avec qui) et « pour un retour à l’éthique ». Pas dérangée par la contradiction, elle explique être revenue de Stockholm « choquée » par l’intrusion des politiques dans la science, avant de se lancer dans une entreprise de réhabilitation des écologistes, « caricaturalement perçus par une certaine élite comme « antiscience », en raison des oppositions aux OGM, au nucléaire, à la chimie… ». Valérie Masson-Delmotte a gardé intacte sa faculté d’étonnement – sans doute un effet de son sens éthique :

« Par un raccourci mental étonnant, les sciences du climat sont assimilées par certains à l’écologie politique et au refus du progrès, alors qu’ils parlent de la biodiversité et du climat de la même manière que les chercheurs ».

Sans vouloir être offensant vis-à-vis de Noël Mamère ou d’Emmanuel Cosse, ce dernier point ne contribue pas à nous rassurer sur l’excellence scientifique française. En tous cas, notre nouvelle égérie nationale du GIEC s’avère moins bonne politique que ses mentors, reconnaissant avec une belle candeur qui confine à l’acte de foi le peu de fiabilité des modèles actuels pour prévoir l’évolution du climat :

« On arrive à simuler correctement les climats passés, cela me donne confiance dans notre capacité à anticiper l’avenir, à prévoir des scénarios corrects de changement climatique».


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