La Commission condamnée pour son retard sur les perturbateurs endocriniens

EurActiv.com  
Henriette Jacobsen traduit par Manon Flausch
17 déc 2015



Le retard de la Commission sur les perturbateurs endocriniens condamné par le Tribunal de l’UE [Environmental Illness Network/Flickr]

Le Tribunal de l’Union européenne a estimé que Bruxelles retardait de manière illégale depuis plusieurs années l’encadrement législatif des perturbateurs endocriniens, pourtant soupçonnés d’être dangereux par la communauté scientifique.

L'exécutif européen aurait dû adopter des critères scientifiques pour l’identification de ces substances chimiques qui modifient les hormones avant le 13 décembre 2013, en vertu de la réglementation sur les biocides. Mais en juillet 2013, une proposition de loi a été bloquée par l’ancienne secrétaire générale de la Commission, Catherine Day, qui ne voulait pas qu’une loi passe sans qu’il y ait eu une évaluation d’impact économique. Des études montrent pourtant que l’absence de mesures coûte également cher à l’UE.

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Le blocage prolongé du dossier a fait réagir la Suède. En mai 2014, Lena Ek, alors ministre de l’Environnement suédoise, a décidé de porter plainte contre le retard de la Commission. Cette procédure a fini par être également soutenue par le Conseil et le Parlement. Lors d’une interview avec EurActiv, Lena Ek avait expliqué que si la Commission ne se remettait pas au travail, la Suède remettrait en cause l’interdiction des perturbateurs endocriniens mise en place par la Commission.

Dans son arrêt du 16 décembre 2015, le tribunal européen estime que l’évaluation d’impact exigée par la Commission n’était pas nécessaire.

« S’agissant de la prétendue nécessitée, invoquée par la Commission, de procéder à une analyse d’impact en vue d’évaluer les incidences des différentes solutions envisageables, le Tribunal constate qu’aucune disposition du règlement n’exige une telle analyse d’impact », lit-on dans l’arrêt.

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Perturbateurs endocriniens, une longue bataille
Certaines substances chimiques utilisées dans la confection de certains plastiques et qui se retrouvent donc dans nombre d’objets du quotidien, comme les bottes en caoutchouc, les rideaux de douche ou certains contenants alimentaires, sont soupçonnées d’être dangereux pour le système endocrinien humain, qui régule nos hormones.

Les scientifiques pointent notamment du doigt un nombre croissant de cancers et la baisse de fertilité, qui pourraient être liés à ces produits. Certains appellent donc à une réglementation stricte de leur utilisation, en vertu du principe de précaution.

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« La décision du Tribunal européen est une première », explique Vito Buonsante, conseiller juridique pour les produits toxique chez ClientEarth « Il a jugé que la Commission retardait, de manière illégale, une décision cruciale pour la protection des citoyens et de l’environnement européen ».

« La Commission mène une évaluation de l’impact économique d’une mesure qui protège notre santé et notre environnement. Ce processus est tout à fait partial et on ne sait pas quand il se terminera. Cette situation doit changer immédiatement. La Commission doit protéger le public, et pas l’industrie chimique », assure-t-il.

Dans un communiqué de presse, PAN Europe, une ONG anti-pesticide, déclare que l’arrêt du tribunal « est sans doute la seule décision démocratique qui a été prise depuis le non-respect du délai de présentation des critères par la Commission ».

« Le problème des perturbateurs endocriniens est une question extrêmement grave que nous avons tenté d’affronter sur la base du principe de précaution et de conseils scientifiques », explique Janez Potocnik, qui était alors commissaire à l’environnement et occupe à présent le poste de président du Panel international des ressources du PNUD, à EurActiv.

« En 2013 déjà, mes services planchaient sur l’établissement de critères pour la réglementation et sur la révision de la stratégie sur les produits perturbant le système endocrinien. Malheureusement, il a été impossible de parvenir à un accord avec la Commission sur notre plan d’action. Cela a entrainé la situation actuelle, dans laquelle la Commission a été poursuivie devant le Tribunal européen par plusieurs États membres, la Parlement et le Conseil. L’arrêt du Tribunal constitue malheureusement une conséquence logique de cette situation. Je regrette qu’il ait été nécessaire d’en arriver là ».

>> Lire : Trafic d'influence à Bruxelles autour des perturbateurs endocriniens

« Malheureusement, ce nouvel exemple illustre encore une fois les échecs systémiques d’intégration des politiques par les gouvernements. En tant que commissaire à l’environnement, j’ai souvent souligné la difficulté pour les ministres de l’Environnement du monde entier de mener à bien des programmes nécessaires quand d’autres les trouvent trop encombrants ou trop ennuyant pour la compétitivité de certaines industries », poursuit-il « Comme dans le cas Volkswagen il semble que l’on n’agisse seulement quand les problèmes deviennent absolument inévitables ».

>> Lire aussi : Les eurodéputés s’opposent au recyclage des plastiques contenant un perturbateur endocrinien


CONTEXTE
La Commission européenne aurait dû définir des critères de test pour les potentiels perturbateurs endocriniens avant mi-décembre 2013. Ces substances chimiques se trouvent dans un très grand nombre de produits d’usage quotidien: Aliments, produits de nettoyages, contenants alimentaires, etc.

Le délai prévu n’a cependant pas été respecté et à ce jour il n’existe toujours aucune définition officielle qui permettrait l’élaboration de directives en la matière.

>> Lire : Un rapport sur les perturbateurs endocriniens caviardé à la Commission


LIENS EXTERNES
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Communiqué de presse : Arrêt sur l'affaire Suède - Commission européenne sur la défiition des perturbateurs endocriniens



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