Le paysage énergétique allemand en 2015

http://www.sfen.org/
Publié par Hartmut Lauer
22 janvier 2016



D'après les premières publications[1] [2], il est possible de tirer déjà plusieurs enseignements des évolutions énergétiques en 2015 en Allemagne. D’abord, la consommation d’énergie primaire a légèrement augmenté en raison d’une météo moins clémente qu’en 2014. Ensuite, les filières renouvelables dans la production et la consommation d’électricité sont en hausse et le pays a atteint un record absolu en matière d'exportation d’électricité.


Mais la décarbonisation du système énergétique stagne, causant l'augmentation légère des émissions de gaz à effet de serre (GES). Et surtout, si les prix de l’électricité sur le marché spot se sont effondrés, la facture électrique des ménages et de l’industrie non-exemptée du soutien aux énergies renouvelables, reste parmi les plus élevées d’Europe.


La consommation d’énergie primaire stagne
La consommation d’énergie primaire atteint les 13 335 PJ (pétajoule), soit 317,4 M de tonnes équivalent pétrole (tep), en augmentation légère (+ 1,3 %) par rapport à 2014. En revanche, si l’on tient compte des températures de 2015, plus froides notamment pendant la saison de « chauffe », la consommation d’énergie primaire corrigée des variations climatiques est au contraire 1,5 à 2 % inférieure à celle de 2014.

Les énergies fossiles (charbon, lignite, pétrole et gaz) couvrent 79,4 % de la consommation du pays, l’énergie nucléaire représente 7,5 % et les énergies renouvelables 12,6 %.




Consommation d'énergie primaire en Allemagne en 2015 en % (les données entre parenthèses correspondent à la consommation 2014)


2015: Un cru électrique historique
Avec 647,1 TWh, la production brute d'électricité allemande en 2015 atteint un sommet historique, augmentant d'environ 3 % (19,3 TWh) par rapport à 2014.

Les filières renouvelables progressent le plus avec 31,6 TWh supplémentaires, pour représenter 30 % de la production et presque un tiers (32,5 %) de la consommation électrique.




Production d'électricité en Allemagne – 2015 (les données entre parenthèses sont celles de 2014)

La progression record de 50 % de la production éolienne, avec 86 TWh (77,9 TWh terrestre et 8,1 TWh offshore), est la raison principale de la hausse de la production d’électricité à base d’énergies renouvelables. Et ceci pour deux raisons: En 2015 les vents ont été favorables et 5,8 GW de puissance supplémentaires ont été raccordés au réseau en 2014. Ainsi, en 2015, notamment grâce à ces nouvelles installations mises en service courant 2014, le parc éolien allemand a fourni, pour la première fois, de l’électricité pendant une année entière avec une capacité significativement augmentée.

Avec 194 TWh, les énergies renouvelables ont produit plus d’électricité qu’aucune autre filière par le passé. Le record de production du nucléaire a été atteint en 2001 et celui du lignite en 1990, chacun avec 171 TWh. La part record des renouvelables dans la consommation d´électricité s’est établie le 23 août 2015 entre 13h et 14h, avec 83,2 %.


Le réseau peut-t-il suivre ?
La transition énergétique allemande prévoit d’arriver à 35 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité d’ici 2020. Selon la trajectoire actuelle, cet objectif sera atteint nettement plus tôt. Ce qui n’est pas sans risque: Le développement du réseau pourrait ne pas suivre et donc ne pas être en mesure d’accueillir la hausse de production issue des renouvelables, sans impacter négativement la stabilité du système.

L’électricité allemande reste encore très dépendantes des combustibles fossiles (lignite, charbon, gaz et pétrole) qui fournissent 55,9 % de l’électricité contre 14,1 % pour le nucléaire. De plus, l’arrêt définitif de la centrale de Grafenrheinfeld (Bavière) fin juin 2015 a entraîné une baisse de 5,6 TWh de la production nucléaire par rapport à l’année précédente.


Exporter l’électricité produite par les combustibles fossiles

Les énergies renouvelables couvrant de plus en plus la consommation intérieure, la production d’électricité à base de charbon/lignite est désormais majoritairement exportée. Le solde exportateur des échanges physiques [3] atteint un record absolu de 50 TWh en 2015, soit ~ 8 % de la production (+50 % par rapport à 2014).

Le solde exportateur des échanges contractuels atteint même les 60,9 TWh, en forte hausse par rapport à 2014 (+ 20,6 TWh) en raison de prix spot parmi les plus bas en Europe. L‘Allemagne a exporté principalement vers l’Autriche et les Pays-Bas. Le troisième acheteur a été la France, avec 13,3 TWh d’importations allemandes pour 3,8 TWh d’exportations vers son voisin d’Outre-Rhin.


Réduire la consommation: Une obligation
En raison d’une météo moins clémente en 2015, la consommation électrique a augmenté de 0,8 % (597,0 TWh contre 592,2 TWh en 2014), avec une croissance de l’économie de 1,7 %. Le découplage de la croissance économique et de la consommation d’électricité n’est pas assez rapide. Selon l’objectif de la transition énergétique – l’Energiewende – les Allemands devraient réduire leur consommation d’électricité de 10 % d’ici 2020, par rapport à 2008. En 2015, avec moins de 3,4 % de réduction de la consommation, la trajectoire est inférieure à l’objectif. Dans les 5 prochaines années, il va donc falloir consommer 8 TWh de moins par an (l’équivalent de la production d’un an d’un réacteur de 1 GWe Ndlr), pour espérer pouvoir atteindre l’objectif de moins 62 TWh par rapport à 2008.


La décarbonisation du système énergétique stagne

En raison d’un hiver moins clément, les Allemands ont « poussé » leur chauffage et consommé plus d’énergie, contribuant à légèrement augmenter les émissions de gaz à effet de serre: Les premières estimations évaluent à 925 MteqCO2 les émissions de CO2 (contre 902 MteqCO2 en 2014).

Plus d’un tiers des émissions sont liées à la production d’électricité: C’est dire combien ce secteur joue un rôle important pour réduire les GES. En 2015, les émissions dues à la production électrique n’ont guère évolué du fait de l’importance du charbon et du lignite dans la production de base, qui ont rejetés environ 250 MteqCO2.

Selon les mesures phares de la transition énergétique, l’Allemagne prévoit de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2020 par rapport à 1990. Pour y parvenir, il faudrait réduire les émissions annuelles de 500 MteqCO2 par rapport à 1990. Or, en 2015 la réduction annuelle est de 325 MteqCO2. Il faut donc encore les réduire de 175 MteqCO2 par an d’ici 2020. Atteindre cet objectif de 40 % de réduction des émissions d’ici 2020 devient de plus en plus incertain.


Le prix de l’électricité
La moyenne annuelle des prix spot sur la bourse de l’électricité recule à nouveau à 31,60 €/MWh. Et les prix à terme continuent encore à baisser. Au deuxième semestre, l’électricité était vendue à moins de 30 €/MWh pour les années 2016 à 2019.

Par contre la facture d’électricité des ménages et de l’industrie non-exemptée du soutien aux énergies renouvelables est parmi les plus élevées en Europe. Par rapport à la France, les prix de l’électricité sont deux fois supérieurs pour les ménages et plus de 50 % supérieurs pour l’industrie. Avec un niveau de taxes représentant plus de 50 % de la facture...

Le soutien au développement des renouvelables pèse considérablement sur la facture. Entre 2010 et 2014, la «taxe renouvelables» a plus que triplé, passant de 2,05 cents€/kWh à 6,24 cents€/kWh. Après un léger recul technique en 2015 à 6,17 cents€/kWh, la taxe est arrivée au niveau record de 6,35 cents€/kWh en 2016. La loi EnR de 2014 visait surtout à freiner la hausse des coûts de subventions aux énergies renouvelables, à stabiliser la surcharge à son niveau actuelle et à la répartir plus équitablement (lien blog 11 avril 2014). Mais les coûts de subventions sont de nouveau à la hausse. La réforme de la loi EnR ne pouvait que freiner l’augmentation des coûts de subventions aux renouvelables. Et d’ici 2020, il faut encore s’attendre à une nouvelle augmentation de cette taxe renouvelables jusqu’à 7,5 cents€/kWh. La réorganisation complète du réseau de transport d’électricité et le maintien nécessaire d’une capacité conventionnelle de réserve occasionneront des frais supplémentaires.

[3] Le solde des échanges physiques est calculé par différence entre l’énergie exportée et l’énergie importée aux frontières entre le réseau allemand et les pays frontaliers.


Crédit photo : EDF


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