Les solutions hors-réseau: L’avenir de l’énergie en Afrique

Par Arnaud Aubry (contributeur Le Monde Afrique)
24.02.2016

Commentaire: Miracles en Afrique: Les éoliennes produisent même sans vent et les panneaux photovoltaïques sont performants à l'ombre et de nuit. Trop fort! Pourtant, tous les africains ne sont pas convaincus. Ingrats va! De plus, ils se posent des questions: «...
 Beaucoup d’entreprises se sont mises à vendre du solaire, mais qui s’occupent du service après-vente ? ... il y a un risque que peu d’entreprises ne soient capables de réparer les installations solaires quand elles tomberont en panne... »... « Une question cruciale car sinon dans cinq à dix ans – le temps de vie des panneaux solaires – la ruralité nouvellement éclairée d’Afrique subsaharienne pourrait retourner à la nuit...»Nous nous posons les mêmes au sujet des éoliennes. 

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Le 4 février, Mohammed VI, roi du Maroc, inaugurait en grande pompe Noor 1, première phase de la construction d’une centrale solaire géante qui devrait afficher à terme une puissance impressionnante de 580 MW. Ce projet monumental a pour but de rendre le Maroc moins dépendant aux importations d’hydrocarbures, dans un pays où l’intégralité de la population a accès à l’électricité.

De l’autre côté du Sahara, le paysage énergétique est tout autre. Si l’on y trouve bien des centrales électriques, elles n’alimentent en électricité que, relativement, peu de monde: En Afrique subsaharienne, seulement 32 % de la population est connectée à un réseau électrique, à la qualité souvent médiocre, avec des coupures de courant fréquentes. Vétustes, peu fiables, surchargés, les réseaux existants feraient perdre entre un et deux points de PIB par an aux pays d’Afrique subsaharienne, selon le département pour le développement international britannique.


Le solaire et l’éolien

Dans les zones rurales, où 63 % de la population vit, l’accès à l’électricité est même souvent tout simplement impossible… Éloignée des grands centres urbains, la population est également éloignée des câbles électriques. Et ça ne risque pas de changer de sitôt car le coût de l’extension du réseau est prohibitif : Entre 7 000 et 15 000 euros le kilomètre. Il faudrait 830 milliards de dollars pour réussir à raccorder toute l’Afrique au réseau électrique avant 2030.

La solution pour ces millions de personnes sans électricité ? La production autonome, « off the grid » en anglais, c’est-à-dire déconnectée du réseau électrique, et donc indépendante des infrastructures centralisées comme les centrales nucléaires ou au charbon: « C’est l’avenir pour une large partie de la population africaine », juge Andrew Scott, chercheur au sein du think tank britannique Overseas Development Institute (Institut du développement d’outremer) car c’est « la façon la plus rapide et la moins coûteuse de développer l’accès à l’électricité ».

Lire aussi : Les énergies renouvelables en Afrique ne sont pas une utopie

Les solutions autonomes adoptent de nombreuses formes, comme celle du générateur électrique diesel, omniprésent de nos jours en Afrique. Mais ce sont surtout les énergies renouvelables qui sont en train de se développer, en particulier le solaire dont les coûts ont baissé de 80 % depuis 2008, ce qui le rend compétitif avec les énergies fossiles.

Selon les projections d’un rapport de l’Agence internationale de l’énergie: « En 2040, deux tiers des systèmes autonomes et des mini-réseaux des zones rurales seront alimentés par le solaire photovoltaïque, de petites centrales hydroélectriques ou l’éolien ». En Angleterre, le programme de développement de l’énergie en Afrique, Energy Africa, ne s’y est d’ailleurs pas trompé: Il se focalise uniquement sur les projets hors-réseau solaires.


L’énergie solaire dans 300 000 foyers au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda

En Afrique de l’Est, l’entreprise M-Kopa participe à la réalisation de cette prédiction. En quelques années, l’entreprise affirme avoir installé l’énergie solaire dans 300 000 foyers au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda. Avec un système assez simple: Les clients font un dépôt initial d’environ 35 dollars afin d’acquérir un panneau solaire, 2 lampes fixes, une lampe mobile et des chargeurs de téléphones portables, un ensemble de produits dont le coût total est d’environ 200 dollars.

Les clients remboursent ensuite le reste grâce au système de banque mobile, largement développé sur le continent, pour environ 45 centimes de dollars par jour. Si jamais les clients ne payent plus, un système commandé à distance permet d’en bloquer le fonctionnement. Après un an, l’installation est remboursée et leur appartient.

Lire aussi : M-Kopa, quand le soleil éclaire les foyers africains (2/14)

L’impact de ces installations simples sur le quotidien des Africains est sans précédent « La qualité de l’éclairage améliore le niveau d’éducation de manière significative, puisque les enfants peuvent étudier après le coucher du soleil », indique Yves Maigne, directeur de la Fondation énergies pour le monde (Fondem). Sans oublier les effets sur la santé et la sécurité: Utiliser une lampe solaire plutôt que la lampe à pétrole, largement répandue, évite de respirer des fumées toxiques ou de déclencher des incendies accidentels.


Des mini-réseaux pour les villages

Plus inattendu est l’impact de l’électricité hors-réseau sur la situation des femmes. Solar Sister est une start-up opérant en Afrique de l’Est, ainsi qu’au Nigéria: Les femmes y jouent le rôle de commerciales, présentant aux membres de leur communauté les solutions solaires de la jeune entreprise. Une façon non seulement de développer la présence de l’électricité dans ces communautés rurales reculées mais aussi de donner à ces femmes les moyens de leur émancipation, et de lutter contre l’extrême pauvreté. Solar Sister compte 2 000 entrepreneuses depuis le lancement de ce projet en 2010, qui ont touché environ 250 000 foyers.

Lire aussi : Suncities, une coopérative pour financer l’électrification rurale en Afrique

L’électrification hors réseau ne s’arrête pas à la porte des maisons individuelles. Pour les villages, il existe des mini-réseaux qui coûtent de 100 000 à 200 000 euros et qui apportent l’électricité aussi bien pour les maisons que pour les artisans, les cafés, les auberges, les vidéo-clubs etc. « Cet investissement est crucial pour aider à combler l’écart en matière d’offre d’énergie et d’opportunités économiques qui sépare les communautés rurales d’Afrique subsaharienne des habitants de ses villes », affirme l’agence internationale de l’énergie.

Le modèle a néanmoins ses limites: Les solutions hors-réseau sont loin d’avoir convaincu tout le monde « Les Africains veulent être reliés au réseau ! », rapporte ainsi Yves Maigne, qui témoigne qu’il faut parfois « beaucoup de pédagogie » pour faire accepter aux villageois ces solutions. Et ce n’est pas le seul problème.

« Depuis que les prix ont commencé à baisser, beaucoup d’entreprises se sont mises à vendre du solaire, mais qui s’occupent du service après-vente ? », demande Yves Maigne, selon qui, dans les villages reculés, il y a un risque que peu d’entreprises ne soient capables de réparer les installations solaires quand elles tomberont en panne. Une question cruciale car sinon dans cinq à dix ans – le temps de vie des panneaux solaires – la ruralité nouvellement éclairée d’Afrique subsaharienne pourrait retourner à la nuit.


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