L’intégration des énergies renouvelables, casse-tête économique et environnemental

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novembre 2014






Champ d’éoliennes Offshore


Le projet de loi sur la transition énergétique donne lieu actuellement à des batailles de chiffres des différents acteurs du secteur (nucléaire, éolien, photovoltaïque…), chacun prêchant bien évidemment sa paroisse. Autour de ces questions sensibles, il est indispensable de bien établir la situation actuelle et de ne pas comparer des pommes et des poires. Quel est donc le surcoût lié à l’incorporation des énergies renouvelables (EnR par la suite) dans le mix électrique français et quels sont les bénéfices à en tirer à court et moyen terme?

Une facture d’électricité à décrypter
Alors que les débats font rage sur le réel coût de l’électricité, il est tout d’abord nécessaire de bien comprendre sa facture. En Novembre 2014, le prix d’un kWh (soit l’utilisation d’un appareil électrique d’une puissance de 1kW pendant 1h) pour un client résidentiel soumis au tarif réglementé – le fameux « Tarif Bleu » d’EDF – était proche de 0.14€. Ce tarif est fixé par l’Etat, principal actionnaire d’EDF (à hauteur de 85%) après consultation de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) qui prend en considération tous les coûts rentrant en ligne de compte, de la production à la fourniture d’électricité.

Ainsi, comme le montre le graphique ci-dessous, la part liée à la production d’énergie – couvrant les coûts de production et les coûts de commercialisation – est aujourd’hui estimée et fixée à environ 50€/MWh (soit 0.05€/kWh). Cela représente environ 36% de la facture totale. D’où proviennent alors les 64% restants ? Il s’agit en réalité de plusieurs taxes permettant de prendre en charge divers coûts. Dans l’ordre d’importance on retrouve :
Le TURPE (Tarif d’Utilisation du Réseau Public d’Electricité), permettant de couvrir les coûts liés à l’acheminement de l’électricité sur le réseau. Il permet ainsi de rémunérer le transporteur d’électricité RTE et le distributeur ERDF, à un prix aujourd’hui fixé à 40€/MWh.
La TVA, commune à tout secteur.
La CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité), permettant notamment de financer les tarifs de rachat des énergies renouvelables pris en charge par EDF, les dispositions sociales ainsi que de supporter les surcoûts liés à l’acheminement d’électricité dans les zones isolées (péréquation tarifaire). Elle était fixée à 16.5€/MWh en 2014 et passera à 19.5€/MWh à partir du 1er Janvier 2015.
La TCFE (Taxe sur la Consommation Finale d’Électricité) reversée aux communes et aux départements.
La CTA (Contribution Tarifaire d’Acheminement), plus controversée, permettant de financer l’Assurance Vieillesse des agents gaz et électricité.





Postes de coûts couverts par la facture (Source: Commission de Régulation de l’Energie (CRE) – Observatoire des marchés de l’électricité au 3ème trimestre 2014)

Un récent rapport de la CRE (Octobre 2014) a montré que pour prendre en charge l’intégralité des frais liés aux tarifs de rachat et aux surcoûts de production, la CSPE atteindrait 25.93€/MWh, soit une augmentation de 57% sur un an. Il a cependant été décidé par le gouvernement que ce tarif ne soit pas appliqué en cette période difficile pour le pouvoir d’achat des ménages. Notons tout de même que cette différence a jusqu’ici été prise en charge par l’Etat en s’endettant vis-à-vis d’EDF. C’est d’ailleurs cette dette qui compose (en partie) les provisions d’EDF destinées au démantèlement des centrales. On peut donc légitimement s’attendre à une hausse continue des tarifs dans les prochaines années pour effectuer ce rattrapage. A titre d’information, l’éolien représentait 12% des charges liées à la CSPE en 2013 et le photovoltaïque près de 41%.


Un mix français en pleine mutation
Le mix électrique représente la répartition des différentes sources de production d’électricité. Notons pour être concis qu’il est ici question de mix électrique et non énergétique -qui est lui lourdement dominé par les hydrocarbures alimentant nos transports- comme ont malheureusement tendance à confondre certains journalistes.


Quelle part de renouvelables aujourd’hui?








Mix électrique français (Source: Bilan électrique RTE 2013)


Le tableau présenté ci-dessus regroupe la production française en 2013. Le pourcentage d’énergies renouvelables au sein du mix électrique représente près de 19% de la production totale (avec pour objectif d’atteindre 27% en 2020). Cette part est malgré tout encore largement dominée par l’hydraulique, les productions éoliennes et solaires demeurant marginales bien qu’en forte progression. En ce qui concerne l’éolien, la France a l’avantage de disposer de trois régimes de vent différents (Atlantique, Méditerranéen et Continental) ce qui permet un certain foisonnement à l’échelle du pays. A noter que pour cette énergie, il est bien plus intéressant de disposer d’un vent moyen constant qu’un vent fort mais irrégulier puisque l’éolienne est dimensionnée pour une certaine gamme de vitesse de vent (entre 10 et 90 km/h en général). Au-delà d’une certaine vitesse, la puissance est donc écrêtée.

Les 58 réacteurs nucléaires français continuent donc d’alimenter très majoritairement notre consommation. La notion de facteur de charge est intéressante à développer ici. Il s’agit du rapport entre l’énergie électrique effectivement produite par une installation sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait pu produire si elle avait fonctionné à sa puissance nominale (correspondant donc à la capacité installée) durant la même période. Ainsi, la production photovoltaïque dépend fortement de l’ensoleillement et est bien évidemment nulle la nuit. Quant à l’énergie éolienne, elle est proportionnelle au cube de la vitesse du vent ; autrement dit, quand le vent souffle deux fois moins fort, l’éolienne produit 8 fois moins d’électricité. Pour illustrer cette notion, les facteurs de charge de l’éolien et du photovoltaïque sont donnés dans les graphiques suivants.





Facteur de charge éolien (Source: Bilan électrique RTE 2013)





Facteur de charge photovoltaïque (Source: Bilan électrique RTE 2013)



Ces chiffres sont à mettre en regard d’un facteur de charge de près de 80% en moyenne pour du nucléaire. Pour illustrer grossièrement la situation à l’échelle du territoire national, il faut près de 1600 éoliennes « classiques » (de capacité 2MW) ou plus de 2.2 millions d’installations photovoltaïques domestiques (en général 3kWc) pour produire sur l’année autant d’électricité qu’un seul réacteur nucléaire. Tout ceci permet d’insister sur l’importance de bien comparer des énergies produites (en MWh) et non pas des capacités installées (ou puissance nominale, en MW).

Les centrales au gaz, premières victimes des énergies intermittentes
L’électricité est introduite sur le réseau suivant une logique de préséance économique(aussi appelée ordre de mérite). Le coût marginal représente ici le surcoût engendré par la production supplémentaire d’un MWh. Ce coût étant nul pour les énergies renouvelables intermittentes – le vent et le soleil se chargeant eux-mêmes de la production – il est logique qu’elles soient introduites en priorité sur le réseau. Le schéma suivant illustre le bouleversement qu’a créé l’introduction des renouvelables en ce qui concerne l’injection sur le réseau.





Introduction des énergies sur le réseau (Source: Sia Partners)

L’offre augmentant sensiblement avec l’introduction des EnR intermittentes, les centrales thermiques deviennent de plus en plus difficilement rentables. Ces centrales (au fioul, à gaz ou au charbon) sont principalement destinées à produire de l’électricité en périodes de pointe (voir le graphique suivant détaillant, par filière, la production d’électricité française à 19h le 10 Décembre dernier). On peut tout de même s’étonner de la production constante -bien que modeste- de ces installations pendant les heures creuses. Présentant l’avantage d’être flexibles et rapides à mettre en marche (surtout vrai pour les centrales à gaz), elles demeurent fortement polluantes, en particulier celles au charbon. Pâtissant de cette transition énergétique et d’un hiver doux, GDF-SUEZ a ainsi décidé en 2013 de placer sous cocon 3 de ses 5 centrales à gaz présentes sur le sol français. Pour être rentables, les experts estiment qu’elles doivent disposer d’un facteur de charge de près de 45%, condition loin d’être remplie aujourd’hui. Les centrales à charbon jouissent quant à elle d’un faible coût de matières premières qui leur permet encore de rester compétitives comme nous le verrons plus loin avec le cas allemand.





Production d’électricité le 10 Décembre dernier à 19h (Source: RTE Eco2Mix)


Des perspectives encourageantes pour les EnR
Le développement de parcs éoliens et de fermes solaires va certainement continuer sa progression dans les années à venir si l’on veut atteindre les objectifs fixés. Les tarifs de rachat entretenant ces filières, initialement introduits pour encourager leur développement, ne sont cependant pas destinés à perdurer. Ils sont d’ailleurs régulièrement revus à la baisse. En parallèle, le coût de revient (LCOE en anglais) de ces énergies intermittentes ne cesse de diminuer (voir le cas des USA sur le graphique), grâce à l’effet volume mais aussi aux nombreuses améliorations techniques permettant de doper les rendements énergétiques. On peut alors imaginer que ces filières deviendront compétitives d’elles-mêmes d’ici quelques années si cette tendance baissière s’inscrit sur le long terme. L’éolien off-shore va lui aussi prendre une place conséquente à partir de 2020 avec les constructions d’importants parcs en Normandie, Vendée et Bretagne. Les volontés politiques de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique seront intéressantes à observer pour évaluer le réel potentiel de ces filières sur le long terme.





Évolution des coûts du solaire et de l’éolien (Source: Levelized Cost of Energy Analysis V8.0, Lazard, Sept.2014)


En dehors des traditionnelles filières éoliennes et solaires, de nouveaux procédés prometteurs émergent. C’est notamment le cas des énergies marines, avec des systèmes capables de récupérer l’énergie des courants (hydroliennes, pour l’instant testées au large du Finistère et en Normandie) ou encore l’énergie thermique de la mer (avec plusieurs projets intéressants dans les DOM-TOM, à La Réunion en particulier). Les coûts de maintenance sous-marine et de raccordement demeurent malgré tout d’importantes barrières à lever.


Quid de nos voisins européens?
Il demeure aujourd’hui impossible de faire émerger une politique énergétique commune au niveau européen. La diversité des pays, qu’elle soit liée aux ressources du sous-sol (charbon en Pologne), à la géographie (nombreux lacs propices à l’hydraulique en Scandinavie) ou aux idéologies (anti-nucléaire en Allemagne), rend définitivement compliqué une quelconque union sur ces problématiques. Néanmoins, des changements profonds apparaissent un peu partout et les énergies renouvelables y jouent un rôle majeur.


Une transition énergétique précipitée en Allemagne
L’opinion française conserve encore aujourd’hui – étonnamment – une image relativement positive de l’implication environnementale outre-Rhin. L’Allemagne a en effet choisi d’accélérer sa sortie du nucléaire (progressivement d’ici 2022) à la suite de l’accident de Fukushima en 2011 et a ainsi entamé sa transition énergétique en subventionnant lourdement les énergies renouvelables. Pourtant, n’en déplaise aux anti-nucléaires, cette transition soulève aujourd’hui des problèmes écologiques puisque la production nucléaire s’est en partie reportée sur celle des centrales à charbon, fortement émettrices de CO2, entre 2011 et 2013. Le charbon étant bon marché en Europe (voir article précédent sur le gaz de schiste) et le prix de la tonne de CO2 au plus bas, l’Allemagne n’hésite pas à bâtir son mix électrique sur cette ressource (voir ci-dessous, le lignite et la houille étant deux différents types de charbon), en dépit des considérations environnementales. On peut cependant légitimement espérer que cette situation ne soit que transitoire, des mesures commençant à être prises par le gouvernement pour réduire ces émissions.





Mix électrique allemand ( Source: Syndicat allemand de l’énergie et de l’eau)

Le gouvernement allemand a pris la décision de faire porter le financement de ces énergies renouvelables très majoritairement aux particuliers, de façon à conserver une industrie -souvent énergivore – compétitive à l’échelle mondiale. Ainsi, les particuliers allemands ont une facture parmi les plus salées d’Europe comme nous le verrons par la suite.


Le Danemark, un cas d’école
Le Danemark fait aujourd’hui figure de meilleur élève en ce qui concerne son implication dans les énergies renouvelables. Pour preuve, l’éolien a produit plus de 33% de l’électricité danoise en 2013, un record mondial. Alors pourquoi ne pas copier ce si beau modèle énergétique ? En réalité, tout n’est pas rose – ou plutôt vert en l’occurrence – chez nos amis scandinaves. En dépit de l’importance de l’éolien, le charbon contribuait encore à hauteur de 35% dans le mix électrique danois en 2012. En effet, l’intermittence de ces nouvelles énergies renouvelables oblige l’installation de centrales thermiques « de soutien » capables de réagir rapidement (temps de démarrage d’environ 15min) pour faire face à un déficit imprévu de la production d’électricité d’origine intermittente.
D’un point de vue économique, cette forte implication dans les énergies renouvelables –aussi louable soit-elle – impose d’importantes subventions publiques qui se traduisent directement sur la facture des particuliers. Le Danemark dispose en effet d’un important système d’interconnexions avec ses pays voisins, notamment la Norvège riche en réservoirs hydrauliques pouvant stocker cette électricité et considérée comme « la batterie bleue » en Europe. Comment se traduit factuellement cette interconnexion ? Comme l’explique J.M Jancovici, quand le vent souffle fort le Danemark fournit son surplus d’électricité à la Norvège à un prix faible, correspondant au coût opérationnel d’un barrage hydraulique. Dans la situation inverse où les éoliennes sont à l’arrêt, la Norvège est susceptible de revendre son électricité issue de ces mêmes barrages hydrauliques à un prix correspondant à une demande de pointe et c’est bien là que le bât blesse.


Des disparités en termes de prix
La France fait aujourd’hui partie des pays européens où l’électricité est la moins chère. Ceci s’explique principalement par les investissements dans la filière nucléaire qui ont été réalisés dans les années 1970 et qui sont désormais amortis. Le rôle de l’Etat, qui agit toujours au niveau des tarifs réglementés, permet également de maintenir des tarifs bien plus bas que nos voisins. Néanmoins, ces tarifs réglementés tendent à disparaître – tout du moins les tarifs Jaune et Vert des plus gros consommateurs à partir du 1er Janvier 2016 – sous la pression de l’Union Européenne qui souhaite entièrement libéraliser ce marché sur le Vieux Continent.





Prix de l’électricité pour les particuliers en Europe (Source: Observatoire de l’électricité)
Il ne fait toutefois aucun doute que la faiblesse de ces tarifs ne perdurera pas bien longtemps dans notre pays. Nos centrales nucléaires arrivent en effet en fin de vie et les nouvelles techniques mises en œuvre aujourd’hui sont bien plus coûteuses, tout autant du côté des énergies renouvelables que du nouveau réacteur nucléaire EPR d’EDF. A titre d’information, le tarif de rachat de l’éolien onshore est à ce jour fixé à 82€/MWh, et celui du photovoltaïque à 270€/MWh pour un particulier intégrant le panneau à son toit (130€/MWh s’il est seulement posé, tarifs 2014). Pour les futures éoliennes off-shore, il est question de plus de 220€/MWh ( ! ). D’autre part, la Cour des Comptes a estimé en Avril dernier que le coût de l’électricité produite par le futur EPR de Flamanville serait compris entre 70 et 90€/MWh – et vraisemblablement plus proche de 90 que de 70 au vu des retards engagés – chiffres à mettre en regard des 50€/MWh payés actuellement sur la facture présentée plus haut.
L’introduction massive des EnR en Europe a également provoqué des distorsions importantes sur les marchés de gros (sur le marché spot journalier en particulier). Ainsi, des prix négatifs (on vous paye donc pour recevoir de l’électricité !) sont observés depuis quelques années, en particulier en Allemagne (pendant 56h en 2012) et dans les pays nordiques. Quand les éoliennes et/ou le photovoltaïque produisent en fortes quantités à des heures de la journée où la demande est très faible, les prix s’écroulent (cette électricité doit absolument être évacuée du réseau sous peine de black-out par surcharge). Cela signifie également qu’il est moins coûteux pour certains producteurs de vendre à prix négatifs plutôt que d’arrêter puis de redémarrer leurs centrales. C’est typiquement le cas du nucléaire, qui est peu flexible face à ces fluctuations, bien que le suivi de charge (variation de la puissance de fonctionnement pour s’adapter à la demande) soit de plus en plus courant sur de telles installations.


Et le climat dans tout ça?
De l’électricité plus ou moins carbonée
Comme le montre le graphique ci-dessous, la France est un des pays émettant le moins de CO2 pour sa production d’électricité. Seules la Norvège (riche en barrages hydrauliques) et la Suède (où l’hydraulique et le nucléaire sont responsables de la quasi-totalité de la production) affichent un meilleur bilan. Ces deux états font par ailleurs partie des rares pays européens qui ont eu le courage politique d’instaurer une taxe carbone à proprement parler (et non pas seulement un système d’allocation de quotas d’émissions de CO2). La production électrique française émet pour sa part moins de 80g de CO2 par kWh produit. L’importante part de nucléaire dans le mix électrique, n’émettant pas directement de gaz à effet de serre, explique ce faible impact environnemental. La marge de progression pour réduire ce chiffre via les énergies renouvelables est donc, vous l’aurez compris, relativement mince.





Empreinte carbone de l’électricité (Source: Observatoire de l’industrie électrique)


L’absurdité environnementale du panneau chinois
La question autour de l’intégration des énergies renouvelables pourrait également être tournée ainsi : quels sont les émissions évitées pour notre planète ? A cette question, arrêtons-nous sur le photovoltaïque, qui a été très – trop ? – lourdement subventionné en France dans les années 2000. Considérons le cas classique d’un panneau solaire fabriqué en Chine – qui détient de loin la principale part de marché comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous – et utilisé en France, où l’électricité est 9 fois moins carbonée. Le temps de retour sur investissement énergétique est en moyenne de 3 ans pour un panneau (autrement dit le temps au bout duquel le panneau aura produit autant d’énergie qu’il lui en fallu pour être conçu). Un rapide calcul permet alors de montrer qu’un tel panneau met près de 30 années à couvrir les émissions de gaz à effet de serre qui ont été émises lors de sa fabrication. La durée de vie d’un tel panneau étant estimée à 25 ans, l’absurdité de telles subventions –tout du moins au niveau environnemental– est irrécusable.





Production et implantation du solaire dans le monde en 2012


L’énergie propre, une notion utopique
« L’énergie propre n’existe pas, il existe seulement des énergies avec des externalités moins contraignantes que d’autres » (voir http://lecentiemesinge.blog.lemonde.fr/ ). En effet, toute production d’énergie, quelle qu’elle soit, engendre à un certain moment des externalités environnementales. Ceci se vérifie pour l’éolien, qui utilise des moteurs à aimants permanents constitués notamment de Néodyme et de Dysprosium (dont les réserves sont par ailleurs critiques). Ces deux éléments chimiques font partie de la famille des terres rares et sont issus de mines chinoises où l’exploitation est un véritable désastre écologique. En ce qui concerne le photovoltaïque, le coût environnemental a déjà été présenté plus haut. Pour être tout à fait complet, on se doit également de citer l’exploitation de l’uranium au Niger et les quantités colossales de béton nécessaires à la construction d’un réacteur nucléaire.
De même, l’impact d’un véhicule électrique, présenté comme la révolution écologique pour l’automobile, dépend fortement du lieu où il est utilisé. Le bien fondé de ce type de véhicule est en effet plus que discutable dans des pays à l’électricité fortement carbonée (Chine et Inde notamment). Cette électricité permettant de recharger la batterie, les émissions des véhicules thermiques sont alors simplement reportées sur celles des centrales à charbon.


Les Smart-Grids, passage obligé pour une intégration maîtrisée
Le marché des réseaux intelligents (Smart-Grids en anglais) est en pleine essor depuis peu, et ce aux quatre coins de la planète. L’idée est de connecter les technologies pour une meilleure efficacité du système dans sa globalité. Des innovations apparaissent donc face à l’afflux de ces sources d’énergie intermittente et à l’intérêt nouveau porté à une meilleure gestion de sa consommation. Ainsi, les compteurs intelligents (affichant les données en temps réel) envahissent nos maisons pour plus de transparence et une meilleure compréhension de notre consommation.
Ceci devrait permettre au client de moins subir sa facture. Les industriels l’ont d’ailleurs bien compris en introduisant le concept de consomm’acteur. Il s’agit désormais de maîtriser sa consommation, avec l’émergence des fameux Négawatts (ou mégawatts évités) pour permettre à la fois de diminuer ses frais et son impact environnemental. Les problématiques d’effacement (déconnexion du réseau sur une courte période quand celui-ci peine à fournir) font également leur apparition aujourd’hui, notamment pour une meilleure gestion des périodes de pointe. L’effacement est susceptible d’apporter une réelle valeur sociétale dans le sens où la réduction de consommation pourrait remplacer l’activation des centrales thermiques lors des pics de demande. C’est d’ailleurs ce dont il est question dans l’actuel projet de loi relatif au marché de capacité.
On peut imaginer que dans un futur proche, nos appareils ménagers seront alors capables de s’adapter au rythme des éoliennes en étant pilotés à distance ou encore de s’éteindre quelques minutes par heure sans que cela n’impacte notre confort.


Le stockage, solution réaliste ou chimère?
Où en est-on aujourd’hui?

Il est courant de lire que le principal problème lié à l’électricité est qu’elle ne se stocke pas. En réalité, elle peut se stocker mais sous une forme différente : énergie chimique dans les batteries ou station de transfert d’énergie par pompage (STEP) dont le principe consiste à faire monter de l’eau à une certaine hauteur en heures creuses puis de la turbiner pour restituer l’énergie en heures pleines. Cette dernière technique est la plus couramment utilisée et de loin la plus rentable. Les capacités de stockage demeurent malgré tout marginales en regard des quantités produites.
On peut également remarquer qu’aucune ferme solaire implantée en France métropolitaine n’est aujourd’hui équipée de batteries pouvant lisser la production. Le coût de ces systèmes est un frein important à leur développement. D’après Artelia, le surcoût engendré par la mise en place de batteries Lithium-ion sur une installation solaire est estimé à près de 65% de l’investissement initial (sur la base d’1MWh de batterie pour 1MW de photovoltaïque installé). Ces coûts sont cependant amenés à baisser drastiquement avec l’effet volume dans le futur comme le montre le graphique suivant. Pour être pleinement compétitifs, les prix devront atteindre moins de 300$/kWh.





Évolution des coûts du Li-ion d’ici à 2030


Les îles, un terrain d’expérimentation intéressant
Les zones qui ne sont pas connectées au réseau électrique ont d’ores et déjà expérimenté des systèmes couplant photovoltaïque et batteries, notamment sur les îles, de manière à disposer d’une complète autonomie électrique. Pour en faire de même sur les zones connectées, il faudra vraisemblablement des incitations gouvernementales ou des mesures prises par les gestionnaires de réseau obligeant le stockage.
Dans les DOM-TOM, la part d’électricité venant d’énergies renouvelables atteint par endroit plus de 30% (notamment en Guadeloupe et à La Réunion), ce qui complique sensiblement la gestion du réseau. Ainsi, dans ces régions, les appels d’offre de la CRE pour de nouvelles installations d’énergies intermittentes contiennent désormais une obligation de disposer de capacités de stockage de manière à fournir une production stable et prédictible comme l’illustre le graphique suivant.





Effet du stockage sur une courbe de charge photovoltaïque classique


A quand l’auto-consommation?

Les tarifs d’achat liés aux énergies renouvelables n’incitent bien évidemment pas aujourd’hui à consommer sa propre production : un particulier français intégrant du photovoltaïque à son toit en 2014 a revendu son kWh à 27c€ alors qu’il le payait 14 c€ sur sa facture EDF. Néanmoins, ce fossé est bien plus faible et continue de se réduire dans nombre de pays, notamment en Allemagne où l’autoconsommation dans les foyers devrait exploser dès 2016. Consommer sa production permet en effet de s’affranchir des frais liés à l’utilisation du réseau (TURPE en France comme expliqué plus haut).
Ainsi, la parité réseau pour le photovoltaïque est déjà atteinte dans plusieurs pays (on peut notamment citer le Chili) : le coût de production d’un kWh équivaut au prix de vente de l’électricité délivrée par le réseau. Les tarifs de rachat ne sont alors plus nécessaires. Cette parité dépend bien entendu à la fois de l’irradiation considérée (« alimentant » le panneau solaire) et du prix de base de l’électricité locale. Notons tout de même que pour couvrir l’intégralité de sa consommation avec une telle installation, il est nécessaire d’ajouter un système de stockage en soutien.


Un bilan mitigé
Les énergies renouvelables, tout comme le nucléaire, ont un fort caractère capitalistique(voir graphique ci-dessous). Les taux d’actualisation élevés pratiqués dans ces secteurs obligent à l’heure actuelle des subventions publiques coûteuses qui se répercutent inévitablement sur le contribuable. Ces taux d’actualisation, qui sont sensés refléter la valeur future de l’argent investi aujourd’hui, jouent un rôle non négligeable dans l’estimation du coût de l’électricité, à fortiori quand l’investissement initial est conséquent.




Part de l’investissement initial pour différentes sources de production d’électricité

Il est par ailleurs impératif d’intégrer dans l’analyse l’ensemble des externalités associées à chaque technologie : le coût de l’intermittence doit être considéré car il suppose que soient associées des capacités additionnelles (stockage ou centrales thermiques) quand le vent et le soleil sont absents. Il est couramment admis qu’il faut environ 1MW de thermique en soutien de chaque MW d’énergie intermittente installé. D’autre part, un fort développement des EnR engendrera assurément des externalités liées à la gestion du réseau, qui ne sont aujourd’hui pas prises en compte dans le coût lié à ces énergies. ERDF estime ainsi que, pour chaque gigawatt d’installation photovoltaïque (équivalent de la puissance d’un réacteur nucléaire), elle investit de 400 à 500 millions d’euros en raccordement et renforcement des réseaux, ces installations étant décentralisées.

L’acceptation sociétale d’un prix de l’électricité fortement à la hausse devra émerger en France dans les prochaines années, tant du fait du coûteux renouvellement du parc nucléaire – sans compter le démantèlement de l’ancien où le retour d’expérience est nul – que des externalités liées aux énergies intermittentes. L’actuel projet de loi sur la transition énergétique se targue pourtant dès le 1er article de «maintenir un prix de l’énergie compétitif ». Laissons le terme « compétitif » à la discrétion de chacun, l’avenir nous livrera assez vite ses vérités… 


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