La politique énergétique européenne vue de... Manhattan

Qu'il est instructif et agréable de lire un article sur le monde énergétique où se mêlent clairvoyance et compétences. Deux qualités qui seraient les bienvenues pour la politique énergétique de la France et ... des français. Professeur, ministre?  
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Jean-Pierre Riou
08/06/2016 



Depuis 2005, la politique énergétique de l'Union européenne aurait fait grimper le prix de l'électricité.



Une étude du Manhattan Institute (M.I.) de mars 2016 : « Energy policies and electricity prices, cautionary tales from the EU» analyse les 10 dernières années de politique énergétique en Europe, et en tire les avertissements pour les États-Unis
.


L’étude constate en effet que depuis 2005 la politique européenne agressive vis-à-vis du réchauffement climatique est à l’origine d’une hausse du prix de l’électricité susceptible de pénaliser durablement son industrie.

L’étude mentionne la mise en garde de l’Agence internationale de l’énergie (IEA) de 2014 envers ces objectifs climatiques coûteux, qui accusés de menacer l’industrie européenne dans les 2 prochaines décades, et même d’avantage. Le Manhattan Institute estime que les conséquences de cette augmentation du prix de l’électricité correspondent à une chute globale de 10% des exportations européennes pour tout produit nécessitant de l’énergie, (chimie, papier, ciment, acier, fer…), soit un recul supérieur à celui du Japon (-3%) tandis que les États-Unis devraient, au contraire, bénéficier d’une progression.

L’étude étaye son propos avec la comparaison de l’évolution du prix de l’électricité dans différents pays:



Et recherche les causes de l’accroissement récent de l’écart entre son prix en Europe et aux États Unis. L’interdiction de la fracturation hydraulique en Europe est évoquée, en raison de la dépendance ainsi accrue aux importations de gaz. Mais l’étude attire surtout l’attention sur la stricte corrélation, pour chaque pays, entre le prix de l’électricité et la quantité de MW renouvelables intermittents (éolien/photovoltaïque) installés par habitant.



D’autre part, l’étude du M.I constate une dépendance au gaz paradoxalement accrue en Europe, parallèlement à l’importance des énergies renouvelables intermittentes. Cette dépendance européenne, qui a plus que doublé en 25 ans, serait passée de 7% pour la production d’électricité en 1990 à 15.5% en 2013, les pays ayant consacré les plus fortes subventions aux énergies renouvelables étant ceux qui ont le plus massivement augmenté cette dépendance au gaz. L’étude prend l’exemple de l’Angleterre qui produit désormais 27% de son électricité avec du gaz alors quelle n’y avait pratiquement aucun recours en 1990 pour sa production, de l’Allemagne qui a augmenté ce recours de 70% depuis 1990, et de l’Espagne qui en aurait eu une augmentation supérieure encore. En plus des conséquences de ces importations sur l’augmentation du prix de l’énergie avec ses répercussions sur la désindustrialisation, l’étude attire l’attention sur l’enjeu géostratégique que représente cette dépendance, notamment pour Allemagne qui importe désormais 87% de son gaz, dont 39% depuis la Russie.

Le Manhattan Institute fait le constat que ces trois pays tentent désormais de réduire drastiquement leurs subventions aux énergies renouvelables.

Bloomberg vient effectivement de confirmer ce coup de frein brutal des investissements dans les énergies renouvelables dans les pays qui s’y étaient le plus engagés. Mentionnant l’Espagne, dont cette politique a entraîné une augmentation de la dette publique de 8% en une seule année, [et qui n’a pratiquement plus installé 1 seule éolienne depuis 2012 NdA], l’Italie qui est passée de 30 milliards d’investissement en 2011 à pratiquement rien depuis 3 ans, ou le gouvernement britannique qui vient de s’efforcer de démanteler les aide dans ce domaine et d’affirmer son soutien au gaz et au nucléaire.

Selon le rapport Ren21, les investissements dans les énergies renouvelables subissent effectivement une régression marquée dans les pays développés depuis 2011, la hausse globale, depuis, n’étant due qu’à celle des pays en voie de développement.



Il pourrait d’ailleurs être utile d’en connaitre la part financée par les pays dits développés, ainsi que la quantité d’« Unités certifiées de réduction d’émissions » que ceux-ci espèrent en obtenir afin de pouvoir continuer à polluer à moindre coût dans le cadre des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto. Ce rapport Ren21 relativise au passage la portée des symboles de notre transition énergétique nationale, puisqu’il évalue à 1.4% de la production mondiale d’énergie finale, celle de la production d’électricité de l’ensemble « éolien + solaire + géothermie + biomasse ».

L’étude du Manhattan Institute évoque quelques chiffres qui peuvent surprendre, comme celui avancé par la Commission européenne pour permettre au réseau de supporter l’injection de la quantité prévue d’intermittence des énergies renouvelables et qui serait de 2400 milliards de dollars, ou encore le chiffre 2015 du Fraunhofer Institut concernant le coût de la seule transition énergétique allemande et qui serait de 1200 milliards de dollars. Comment n’être pas tenté de mettre ces chiffres en regard du piètre bilan provisoire de cette politique énergétique concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le système électrique européen est en crise. L’avenir d’EDF qui était notre principal atout industriel, est dangereusement menacé. Tout comme, d’ailleurs, celui de ses homologues allemands RWE ou Eon, en raison de la surproduction aléatoire des énergies renouvelables qui tirent le prix de gros du MWh à la baisse mais dont les différents mécanismes de soutien ainsi que les différents mécanismes destinés à intégrer son intermittence font monter en flèche le prix du kWh pour le consommateur. Le plus grave de ces 2 leviers sur les prix étant d’ailleurs le 1° qui supprime la rentabilité des moyens non subventionnés et dissuade toute recherche ou investissement dans des alternatives pérennes. La « démocratie participative » prétend écouter les souhaits de la population et respecter ses choix.

Encore faut il qu’une politique de vérité sur les coûts réels et la quantité de CO2 effectivement évitée par chaque projet de la transition énergétique soit préalablement menée. C’était, en tout état de cause, la recommandation n° 4 du rapport 2012 de France Stratégie « énergie 2050 » qui préconisait : « Recommandation n° 4 : s’engager courageusement dans une politique de vérité (c’est-à-dire de hausse) des prix de l’énergie et des émissions de CO2, en traitant de façon spécifique et différente le cas de la précarité et celui des industries grosses consommatrices. » Les français, paraît-il, souhaitent majoritairement agir pour le climat en créant des emplois permettant de remplacer une partie des centrales nucléaires par l’énergie du vent et celle du soleil, qui sont gratuites et sécuriseront notre approvisionnement en électricité. Ce ne sont malheureusement pas les données du problème.


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