Greenpeace : ma petite entreprise ne connaît pas la crise

http://www.contrepoints.org
Par Wackes Seppi.
Publié le 30 août 2016

Commentaire : tant que les mougeons existeront, GP a de beaux jours devant-elle... Mais au fait, pour qui et pour quoi "roule" la multinationale Greenpeace?




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Greenpeace International vient de publier son rapport annuel pour 2015. S’agissant des comptes, il confirme ce que nous savons déjà : c’est une machine à engranger de l’argent. Sur le fond, il nous apporte son lot de surprises et de rhétorique.



By: Internet Archive Book ImagesFlickr Commons

La sainte duplicité

La jolie photo est de rigueur pour la page de titre : un native American, de dos (est-ce un symbole ?) protestant contre une plate-forme de forage. On pourrait aussi l’interpréter comme un amérindien saluant la plate-forme… une cible de l’activisme déployé par Greenpeace à des fins lucratives (remplir son tiroir-caisse).
En tout cas, l’image de l’autochtone est ainsi capturée par une organisation dominée essentiellement par des blancs, les donateurs étant essentiellement occidentaux…

En page 2, sous la table des matières, une petite note :
« L’organisation mondiale Greenpeace se compose de Greenpeace International et 26 organisations nationales et régionales Greenpeace, qui sont toutes des entités juridiques distinctes et indépendantes. »
C’est exact sur le plan du droit des sociétés, mais faux sur celui de la structure de la multinationale, comme on l’a vu précédemment. Le malaise transparaît dans la suite (nous proposons deux traductions possibles de « could be used » :
« Dans ce rapport annuel « Greenpeace » [pourrait être utilisé ][a pu être utilisé] à des fins de commodité là où des références sont faites soit à Greenpeace International, soit à l’une des organisations nationales ou régionales de Greenpeace. Par ailleurs, les mots « nous » et « nos » sont également utilisés pour faire référence à nos partenaires du réseau Greenpeace et leurs employés, militants et bénévoles respectifs. Ces termes [pourraient] [ont pu] également être utilisés là où l’identification de l’entité indépendante Greenpeace spécifique n’apporte aucune utilité. »
Les belles paroles ne suffisent pas à cacher la réalité : il n’y a d’indépendance que très relative pour les « partenaires » : Amsterdam contrôle tout.

C’est anecdotique mais significatif : quelle est l’URL de Greenpeace France ? http://www.greenpeace.org/france/fr/

Remplir le tiroir-caisse
Il n’y a pas à dire : la situation financière de la multinationale est florissante : 346.148.000 euros encaissés en 2015, soit +16,7 % par rapport à l’année précédente (attention tout de même aux effets des variations de taux de change). Cela place Greenpeace au niveau de la Micronésie si on fait la comparaison avec les produits nationaux bruts. Cela représente aussi, par exemple, le chiffre d’affaire cumulé des trois premières entreprises semencières françaises. Mais celles-ci ne vendent pas de vent ou de la gesticulation, mais des produits et, in fine, contribuent à notre alimentation.
Toutefois, la multinationale est manifestement l’émanation de l’Occident vieillissant et frileux. La moitié environ des ressources provient de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis d’Amérique et des Pays-Bas.




Selon le rapport, « Greenpeace est habilité [empowered – on peut lire plus prosaïquement : financé] par plus de 3,3 millions de personnes partout dans le monde ». La réalité : la moitié des donateurs résident dans cinq ou six pays. On notera aussi la baisse sensible du nombre de donateurs dans les trois premiers pays donateurs ; conséquence à notre sens : de plus en plus d’argent consacré à la recherche d’argent.




Un tiers des recettes totales (116.599.000 euros ou 34 %) est en effet dépensé directement pour entretenir le flux de dons, autrement dit, remplir le tiroir-caisse. On peut y ajouter les 31.245.000 euros (9 %) dédiés aux médias et à la communication et les 14.058.000 euros (4 %) engloutis par l’information et les relations publiques. Cela fait au total 46,8 % des recettes.
La multinationale a fait un bénéfice à faire pâlir d’envie – un surplus en termes politiquement et juridiquement corrects – de près de 25.000.000 d’euros (7,2 %). Ramenés aux dépenses, les frais liés de près ou de loin au fonctionnement de la cash machine dépassent donc la moitié des dépenses (51 %).

La multinationale engloutit aussi 51.293.000 euros pour l’« appui organisationnel » (15 % des recettes).



Au total, les fonds affectés à des « campagnes » (climat et énergie ; détox ; aliments pour la vie ; forêts ; océans ; sauvez l’Arctique ; autres) représentent 74.249.000 euros, soit 21,4 % des recettes… Le gogo qui fait un don à Greenpeace en a pour son argent ! Encore faut-il savoir combien, de cette somme, sert à entretenir la machine sous la forme d’appui aux campagnes.

Greenpeace en France : la mouche du coche
Il est toujours plaisant de lire les rapports annuels et de constater le génie inventif des rédacteurs ; c’est là une observation générale. La France est citée deux fois.

On peut ainsi s’esclaffer :
« Greenpeace France a lutté pour obtenir une loi nationale historique sur la transition énergétique qui, si elle est appliquée, entraînera une réduction de l’électricité d’origine nucléaire de 76% à 50% d’ici 2025, ce qui nécessite la fermeture de jusqu’à 20 réacteurs et leur remplacement par des énergies renouvelables. »
Il nous semble que la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique (électrique) avait fait l’objet d’un engagement de campagne, non pas de Greenpeace, mais d’un candidat à l’élection présidentielle…

Il y a aussi :
« Développer les relations entre les agriculteurs et les personnes est fondamental pour la construction d’un système alimentaire plus centré sur l’humain et qui respecte aussi l’environnement. Greenpeace France s’est allié avec deux organisations paysannes pour lancer un financement communautaire, par des dons, de vingt agriculteurs écologiques, y compris pour la création d’une banque de semences locale et la préservation des semences locales. »
Comment se gonfler d’importance ? Ne dites pas « quatre projets » (à 20.000 euros chacun)… mais vingt agriculteurs. Du reste, on a du mal à les trouver… Quatre à six pour la Maison des Semences Paysannes du Lot ; quatre pour les diagnostics pour changer les pratiques ; trois pour l’achat d’un toaster ; trois pour la plantation de haies.

On peut penser que le recours au crowdfunding est astucieux, surtout pour des projets bénéficiant de fortes subventions. On peut aussi penser qu’en vantant une action – somme toute mineure (un peu de com’ sur les pages web) –, Greenpeace a pointé vers un défaut de rentabilité de cette « agriculture écologique » qu’il préconise. Quatre petits projets et puis s’en vont… Petite opération de com’ sans lendemain ou constatation de l’échec de l’action sur le plan stratégique (notamment par le détournement des dons vers des projets pratiques) ? En tout cas, on ne peut que trouver dérisoire la mise en valeur de cette action dans le rapport annuel de la multinationale.

Dans quel monde vivent-ils ?
Nous ne nous intéresserons ici qu’au chapitre « aliments pour la vie ». Son introduction est tonitruante :
« La nourriture nous apporte la vie, le bonheur et l’amour. Toutefois, une poignée de sociétés sont en train d’industrialiser, de marchandiser et de contrôler tous les aspects de notre système alimentaire. Ils font pousser notre nourriture sur d’énormes fermes de monoculture, épandent de grandes quantités de produits chimiques sur des cultures génétiquement modifiées (GM), et nourrissent les animaux d’élevage avec ces cultures dans des fermes-usines. »
Avec une telle vision dystopique du monde de l’agriculture et de l’alimentation, on peut justifier beaucoup d’actions, de gesticulations et de postures. Quels sont les point clés retenus ?



-La Chine a annoncé un plafonnement de l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques pour 2020 ;
-Des gouvernements régionaux du Mexique et de l’Argentine approuvent l’agriculture écologique ;
-Des semences écologiques d’urgence ont été distribuées à des centaines d’agriculteurs philippins après le typhon Hagupit (ou Ruby) ;
-19 pays de l’Union européenne ont interdit la culture des OGM.

C’est plutôt osé, mais c’est une technique courante, que de s’approprier les mérites de décisions gouvernementales, si tant est qu’elles existent et qu’elles ont une once de pertinence.
Dans le cas du Yucatan, on n’a pas dépassé, semble-t-il, l’effet d’annonce, voire l’instrumentalisation de propos polis lors d’une visite.
Dans le cas de l’Argentine, Greenpeace a protesté le 6 août 2015 pour réclamer la mise en vigueur d’une loi de la province de Misiones sur le développement de l’agriculture écologique. Cette loi ne fait qu’organiser un système d’agriculture de nature biologique. Greenpeace instrumentalise ainsi un mot pour faire entrer une démarche législative dans le catalogue des succès de son activisme.
Quant au scandale des pays européens, Greenpeace a certes joué un rôle sur la durée, mais l’impéritie politique prospère sans Greenpeace.
Les semences aux Philippines ? Outre que cela s’est, semble-t-il, produit en décembre 2014, en dehors de l’année couverte par le rapport, le rôle de Greenpeace a tout l’air de s’être limité à celui de la mouche du coche.

S’agissant des Philippines, Greenpeace se vante aussi de sa victoire au sujet des essais en plein champ de l’aubergine Bt :
« Aux Philippines, Greenpeace Asie du Sud-est a gagné le procès contre les essais en plein champ de l’aubergine Bt qui avaient débuté en 2013. La Cour Suprême a décidé d’interdire définitivement les essais en plein champ de l’aubergine Bt, et de barrer temporairement l’importation, la commercialisation et la propagation des OGM jusqu’à ce qu’une nouvelle ordonnance administrative ait été promulguée. »
Greenpeace omet simplement de signaler que l’interdiction définitive se rapportait à des essais qui étaient terminés depuis pas mal de temps lors du jugement ; et que la nouvelle ordonnance a été publiée le 30 mars 2016 (ce qui permet de reprendre des essais moyennant respect des conditions prévues). De plus, la Cour Suprême a renversé son arrêt le 26 juillet 2016 (opinion séparée ici), mais on peut considérer que cet événement est arrivé trop tard pour être pris en compte dans le rapport annuel.

Le « people power »
Tout était parfait… tout sera encore plus parfait demain. C’est là aussi un principe de base des rapports annuels. Mais avec « people power » – dont on ne sait pas trop s’il faut le traduire par l’inclusif « pouvoir du peuple » ou le sélectif « pouvoir des gens » – Greenpeace semble amorcer une évolution philosophique :

« 2015 a été une année passionnante pour l’engagement et la mobilisation pour Greenpeace. Nous avons changé nos structures et nos systèmes pour faire en sorte que les gens soient au cœur de toutes nos campagnes, et que nous puissions inspirer et être inspirés par un milliard d’actes de courage qui susciteront un avenir meilleur.
Nous avons utilisé les canaux qui nous ont permis de mieux écouter les idées des gens pour améliorer nos campagnes et, en retour, nous avons soutenu des centaines d’agents de changement dans le monde entier dans l’exécution de leurs propres projets, avec des victoires environnementales, petites et grandes.
Et nous avons vu Greenpeace collaborer avec d’autres organisations et groupes pour diriger un mouvement plus large. Au cours de 2015, nous avons appris comment mieux co-créer des campagnes avec des individus et des parties du mouvement.
»

Rhétorique ou vrai changement de stratégie ?



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