Jadot, Al Gore, WWF… la planète écolo se prend les pieds dans les stats du renouvelable

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Par Cédric Mathiot
5 octobre 2016

Commentaire: Quand on aime, on en arrive à prendre ses rêves pour des réalités...Et, on finit par raconter n'importe quoi. Mais nous savons depuis longtemps que: plus c'est gros, plus ça passe.Au fait, les pro-éolien et anti-nucléaire sont-ils des écolos? Allez vous avez 4 heures...
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Site de construction d'éoliennes à Plouguin (Finistère), en 2005. Raphaël Helle
 
C’est un chiffre spectaculaire que Yannick Jadot a dégainé pour mettre en lumière le développement des énergies renouvelables (EnR) dans le monde. Sur BFMTV, l’eurodéputé écolo a déclaré : «En 2015, 90 % des nouvelles capacités de production électriques installées dans le monde – ce qu’on a construit comme capacité à produire de l’électricité – 90%, ce sont des énergies renouvelables. La même année, la France a réduit de moitié ses investissements dans les énergies renouvelables !»



Les investissements ont bien reculé en France…
La deuxième partie de la phrase est exacte. Les investissements sur les EnR ont reculé de 53 % en France en 2015, tombant à 2,9 milliards d’euros. Et si le recul est quasi général en Europe (- 23 % en moyenne), il est donc plus marqué dans l’Hexagone.
mais le chiffre de 90 % est farfelu


En revanche, l’autre affirmation selon laquelle les EnR représentent 90 % des nouvelles installations électriques mondiales porte davantage à caution. Interrogé sur sa source, Yannick Jadot a renvoyé Désintox à un communiqué de l’association WWF, lequel s’appuie lui-même sur un communiqué de presse de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Mais en remontant ce fil, patatras : on découvre un cas d’école de confusionnite à l’échelle planétaire, partant d’un communiqué peu clair que personne ou presque n’a compris. Résultat : depuis six mois circule un chiffre parfaitement farfelu.
Le point de départ de l’affaire remonte au mois de mars. L’AIE publie un communiqué. On y lit cette affirmation un peu sibylline : «Les données préliminaires de l’agence suggèrent que l’électricité produite par les sources d’énergie renouvelables a représenté autour de 90 % de la génération de nouvelle électricité en 2015.» 
La formulation, peu claire, donne lieu à des interprétations enthousiastes, y compris chez les spécialistes. Un mois après le communiqué, Al Gore donne un chiffre «stupéfiant» lors d’une conférence à Oxford dans le cadre du Skoll World Forum. Citant l’AEI – et modifiant quelque peu la substance du communiqué – il assure que «90 % des nouvelles installations de production d’électricité dans le monde en 2015 ont été de l’éolien ou du solaire».

Voir:
https://youtu.be/lYYF1E--eas
 A partir de 1:47:35
 
Dans les médias ou sur les réseaux sociaux, nombre de personnes ont compris le communiqué de la même manière. Certains parlant d’une des plus grandes annonces sur le climat :
Et c’est donc également cette version qu’a reprise Yannick Jadot sur BFMTV il y a quelques jours.
Mais le chiffre de 90 %… ne se vérifie nulle part, quelles que soient les sources consultées. Chaque année, le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) rend ainsi un rapport sur les tendances des investissements en matière d’énergies renouvelables. Dans la dernière livraison, on apprend que les renouvelables ont représenté 53,6 % des capacités nettes installées de production d’électricité en 2015. En intégrant le gros hydroélectrique (que le Pnue ne comptabilise pas comme faisant partie des énergies renouvelables), on arrive à 62 %.


Le rapport indique que ces 53,6 % sont un record. Pour la première fois, si on regarde les capacités nettes installées pour la production d’électricité, les énergies renouvelables passent devant les énergies fossile. Mais on est encore loin des 90 %.



L’Agence internationale de l’énergie donne des chiffres approchants, quoique un peu plus faible. L’AIE (qui intègre, elle, d’office le gros hydro-électrique dans les EnR) estime qu’en 2015, la part du renouvelable dans les nouvelles capacités nettes installées a été de 55 % (1).

A quoi correspondent donc les 90 % ?

Mais à quoi correspondent les 90 % cités partout, alors ? Interrogée par Désintox, l’AIE concède que son communiqué de mars était peu clair, et qu’il a été largement sujet à incompréhension. De fait, il n’a rien à voir avec les nouvelles capacités, comme tant de gens l’ont compris.


En fait, l’agence a voulu comparer la hausse de la production d’électricité générée par les renouvelables en 2015 à la hausse la production globale d’électricité (cette dernière étant maladroitement traduite dans le communiqué par «nouvelle électricité»). En mars, au moment du communiqué, les données provisoires pour 2015 permettait d’arriver à un ratio de 90 % – les chiffres ont été revus depuis et le ratio devraient même être supérieur à 100 %. En 2015, les EnR ont permis de produire environ 260 térawatt-heure (TWh) en plus qu’en 2014. Et cette hausse devrait être supérieure à la hausse globale de l’électricité produite dans le monde.
C’est parce que ce ratio est impressionnant que l’AIE a voulu le mettre en avant. Mais en fait, cet indicateur est rarement utilisé… car il n’est pas toujours très éclairant. En effet, il compare la progression de la génération d’électricité issue des renouvelables (qui croît régulièrement), à la production de l’électricité globale dans le monde, qui est soumise à des variations conjoncturelles, car liées à la consommation, et donc à la croissance. 
Un exemple permet de comprendre les limites de l’indicateur : en 2009, la crise mondiale a causé une baisse inédite de la production mondiale d’électricité. Cette année-là, les énergies renouvelables ont généré 139 TWh de plus qu’en 2008… alors que la production globale d’électricité baissait de 78 TWh. D’où un ratio négatif de - 177 % (ne voulant pas dire grand chose). A l’inverse, en 2010, en raison du niveau de référence très bas de 2009, l’augmentation de la production globale d’électricité a été très forte : + 1 350 TWh. En comparaison, la hausse de la production électrique via les EnR, bien que très élevée elle aussi (321  TWh de plus qu’en 2009), n’a représenté que 24 % de la croissance globale de la production d’électricité. Si on regarde cet indicateur sur le long terme, il est assez erratique. Le Financial Times, un des rares médias à avoir compris le chiffre de l’AIE au moment de sa publication en mars, avait mis en ligne un graphique retraçant l’évolution de cet indicateur depuis quarante ans. Le résultat est assez déroutant.


Le graphique bidon de WWF
L’association WWF, a elle aussi dégainé un graphique illustrant ces 90 %. Il est plus lisible que celui du Financial Times… mais il est hélas totalement faux, l’association ayant compris de travers le communiqué de l’AIE, comme Al Gore et tant d’autres. Dans le dossier «15 signaux prouvant que la transition énergétique est en marche», publié par l’association en septembre, on trouve ce graphique : 


A bien y regarder, c’est une sorte de «cadavre exquis» statistique : il met bout à bout des données (et des sources) n’ayant rien à voir. Jusqu’à 2013, le graphique de WWF est une reproduction d’un graphique emprunté à l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (Irena), qui présente la part des renouvelables dans les nouvelles installations électriques. Voici le graphique d’origine (c’est la ligne verte).



Et pour l’année 2015, WWF – croyant donc que les 90 % cité par l’AIE représentait aussi la part des EnR dans les nouvelles capacités – a donc ajouté ce pourcentage. Le résultat est spectaculaire, mais n’a aucun sens. Car la brusque envolée de 2015 n’a aucun rapport avec les données qui précèdent.

Morale de l’histoire : l’Agence internationale de l’énergie, consciente d’avoir égaré pas mal de monde, en a tiré les leçons. Elle ne devrait pas insister sur ce ratio de 90 % (revu depuis à plus de 100 %) lors de la présentation de son Medium-term report («rapport à moyen-terme») dans deux semaines. Ou alors, il faudra mieux l’expliquer.

(1) La proportion varie un peu si l’on calcule en brut, c’est à dire si l’on tient compte uniquement des nouvelles capacités installées sans tenir compte des capacités «enlevées». Le ratio évolue alors légèrement, en défaveur des EnR, puisqu’il y a davantage de fermetures de centrales à gaz-charbon ou nucléaire que de fermeture dans les éoliennes ou dans le solaire. Selon l’AIE, en 2015, les ENR ont représenté en brut 51 % des nouvelles installations de production d’électricité dans le monde.

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