BPI : le scandale que nous aurions pu éviter

Politique
Par Sébastien Laye
Publié le 14 novembre 2016


Commentaire: le slogan de la BPI est: (http://www.bpifrance.fr/ ):
"BPI et ses partenaires mobiliseront 200 milliards d'euros d'ici 2019 pour financer les entreprises. Serez-vous la prochaine?"
Apparemment, certains membres et salariés (e) n'ont pas attendu 2019 pour faire acte de candidature. Mais qui s'en soucie vraiment?😏
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La Cour des Comptes, dans un rapport encore provisoire, tire la sonnette d’alarme sur la gestion de la BPI et plus de 2 milliards qui manquent à horizon 2019.


Il est toujours douloureux, rétrospectivement, de réaliser à quel point on peut être un Cassandre peu écouté dans son propre pays. Or, en juillet 2014, au milieu du concert de louanges qui avaient accompagné la mise sur les fonts baptismaux de la nouvelle BPI (avec un si rare consensus gauche droite), nous sortions la première analyse critique de cette institution1 dans un rapport dont les conclusions furent aussi défendues à l’Assemblée Nationale au printemps 2015. A l’époque, nous mettions en exergue la gouvernance ubuesque de la banque, mais aussi le risque de sérieux conflits d’intérêts au sein d’une institution aux activités si éparses qu’elle n’avait aucun équivalent dans le monde (préteur, garant de prêts, fonds de fonds, investisseur direct au capital des sociétés (des start-ups aux géants industriels en Bourse), conseil, export-assureur)- si ce n’est peut-être dans les rêves les plus impérialistes d’un Blackstone que Nicolas Dufourcq prétendait concurrencer (à mille lieux de la vision mesurée et austère que l’on attendrait d’un grand commis de l’État soucieux des deniers publics). 


Un ver dans le fruit depuis la conception de la BPI
Nous écrivions ainsi en 2014: « A l’instar des déboires du Crédit Lyonnais, la structure même de la nouvelle BPI porte en elle le germe de futurs « mal-investissements ». En effet, les responsables de la BPI sont issus de la technostructure, sans réelle expérience entrepreneuriale et n’ont aucune expérience pratique du secteur privé, du private equity, du capital-risque ou encore du crédit aux PME. Cette situation porte en germe de nombreux conflits d’intérêts et ne laisse pas présager d’un bon usage des deniers publics ». Concrètement, la Cour des Comptes révèle aujourd’hui le résultat de cette gouvernance technocratique : malgré un bénéfice net divisé par deux en 2015 et des marges incroyablement faibles au regard du volume d’activité, les salaires de l’institution sont parmi les plus élevés de la fonction publique ; malgré des contre-performances évidentes dans leurs investissements, 28 cadres dirigeants de l’activité Investissement ont connu une hausse de 23% de leur salaire en 2015 après deux autres années consécutives d’augmentation, ce qui porte leur rémunération actuelle à un niveau moyen de 245 000 euros. Les notes de frais et de taxis se sont envolées alors que les seules voitures de fonction coûtent presque 7 millions par an…

Ce tour de finance collective et créative avec l’argent du contribuable qu’est la BPI, ce hedge fund avec l’argent public, est en train d’accoucher du monstre dont nous avions anticipé les déboires: du fait d’investissements hasardeux de la BPI et du cumul d’engagements pour les années à venir, la Cour des Comptes anticipe, dans un rapport encore provisoire, un besoin de financement non résolu de 2.4 milliards d’euros possiblement entre 2017 et 2019. Bien sûr, le niveau final dépendra des taux de défaut et de la tenue des marchés financiers à l’horizon 2018, mais on ne peut que déplorer le niveau d’amateurisme de la banque, qui reste incapable d’imaginer des sources de financement en cohérence avec ses engagements. La Cour des Comptes doute en particulier de la conformité des ratios de solvabilité de la banque aux normes de Bale III. Voilà à nouveau un État donneur de leçons aux banques et aux acteurs du privé, incapable de contrôler ses propres troupes. En réalité, nous demandions dès 2014 à la banque d’arbitrer dans ses positions et de sortir du capital des entreprises cotées, ce qui lui aurait permis de récupérer ces 3 milliards d’euros qui manquent aujourd’hui au bilan de la banque. Pourtant, presque rien n’a été fait en deux ans et Nicolas Dufourcq promet à nouveau à la Cour des Comptes de vendre ces participations au cours des prochaines années. Nous demandons à voir, alors qu’il est peu probable que les marchés financiers permettent de liquider ces positions aussi facilement que par le passé au cours des prochaines années…

[1] BPI: Bureaucratie Protectionnisme Inefficacité, Laye & Koenig, Generation Libre, Juillet 2014


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