L’utopie suicidaire du mix énergétique 100 % renouvelable

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La COP21 est terminée, laissant derrière elle son cortège de messages culpabilisateurs :
  • « Vous ne pourrez pas dire à vos enfants que vous ne saviez pas. »
  • « 7 milliards d’habitants, 1 seule planète. »
  • « Plus tard ce sera trop tard ... »
Ce sommet climatique s’achève néanmoins sur une note d’espoir. Les pays émergents et les pays les plus pauvres n’ont pas cédé au chantage à la réduction des émissions de CO2 car ils n’ont pas vu chez les pays occidentaux une volonté claire de les aider à entamer une véritable transition énergétique leur permettant de sortir de la misère, notamment parce que le Fonds Vert de 100 Mds$ par an n’est pas assuré d’être abondé. On a pu entendre Rafael Correa déclarer : « L’Équateur utilisera jusqu’à sa dernière goutte de pétrole pour sortir de la pauvreté ».

 
Le Premier ministre indien Narendra Modi a demandé aux pays du Nord « d’assumer plus de responsabilités » car les pays en voie de développement doivent être « autorisés à se développer ». C’était le sentiment partagé par les Chinois, les Russes et les Sud-africains : ne pas accepter de fausses solutions qui n’attaqueraient pas le problème principal du sous-développement. Heureusement, grâce à leurs efforts, le principe de « différenciation » a été adopté, faisant peser la responsabilité sur les pays industrialisés qui ont inventé cette thèse du réchauffement d’origine humaine en premier. Les masques d’hypocrisie vont donc pouvoir tomber.
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 En finir avec le mythe des renouvelables

Pendant plusieurs mois, Solidarité & Progrès a tiré à boulets rouges sur la COP21. Une des raisons principales en était la volonté de ses promoteurs d’imposer une transition énergétique vers les « renouvelables » et en dehors du « nucléaire » et des « fossiles ». Les extrémistes comme Jean Jouzel ou Hans-Joachim Schellnhuber ont même défendu l’idée qu’il fallait laisser 80% de ce qui reste d’énergies fossiles dans le sol pour ne pas risquer un réchauffement de la planète de plus de 2°C. Ceci aurait pour effet, selon nous, de rapidement diminuer la capacité des sociétés humaines à maintenir un niveau de vie digne pour tous, voire tout simplement à l’atteindre, et mènerait à une réduction de la capacité réelle de peuplement de la Terre, jusqu’à moins de 2 milliards d’habitants en une ou deux générations.
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IMAGE 1 – Schéma de la population en fonction de la source primaire d’énergie.
Pas en tuant directement ceux « en trop », ne soyez pas vulgaires, mais en créant les conditions économiques et politiques pour qu’ils meurent d’eux-mêmes par pénurie d’énergie et qu’ils n’engendrent pas une descendance trop nombreuse. Ce qui revient non seulement à laisser mourir ceux qui sont déjà là mais aussi à tuer dans l’œuf des milliards d’humains qui auraient pu naître. C’est donc un génocide lent et silencieux que nous dénonçons, dont les conséquences, par définition, ne pourront être mesurées que dans le futur. Heureusement, à S&P, nous avons une méthode pour « voir » le futur avant qu’il n’arrive et nous mobiliser « avant qu’il ne soit trop tard ».

Redescendre sur Terre

Beaucoup d’ONG, et même des maires du monde entier, ont pressé François Hollande et les négociateurs de la COP21 d’inscrire dans l’accord final l’objectif d’atteindre 100% d’énergies renouvelables d’ici 2050. C’est évidemment une folie suicidaire. Mais encore faut-il le prouver. Pour appuyer ma démonstration, je prendrai comme référence le récent rapport de l’ADEME (l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) paru en octobre 2015 et intitulé « Un mix électrique 100% renouvelable ? Analyses et optimisation ». Il vise selon ses auteurs à « mettre en lumière les freins et les mesures à mettre en œuvre pour accompagner une politique de croissance massive des énergies renouvelables (EnR) électriques » en France d’ici 2050 et à « identifier les limites au-delà desquelles la faisabilité technique serait impossible ou le coût pour la collectivité non supportable. » L’ADEME se place ainsi en « précurseur » pour « ouvrir le champ des possibles ».
Je tiens avant toute chose à saluer le travail des chercheurs, ingénieurs et analystes qui ont passé au crible des dizaines de millions de paramètres, variables et contraintes pour rédiger ce rapport, allant jusqu’à recenser toutes les zones d’implantation possibles des EnR, les gisements rentables de vent et de soleil, les profils journaliers de consommation, les spécificités régionales, les échanges transfrontaliers etc. C’est un exercice de prospective à la hauteur de l’enjeu, dans la tradition historique française d’Aménagement du Territoire, où l’on pense le territoire comme un tout cohérent et pour lequel on situe précisément les contraintes physiques à surmonter.
Grâce à ce rapport on ne peut plus rester dans le vague ou dans le rêve, on est forcé de redescendre sur Terre et de prendre en compte le réel. Par exemple, vous pouvez d’ores et déjà abandonner l’idée que les renouvelables sont une énergie gratuite ! Ensuite, le titre du rapport lui-même précise bien le champ d’application de l’étude : il s’agit de trouver un mix électrique 100% EnR, pas un mix énergétique global, donc cela ne couvre que le quart de la consommation d’énergie en France. Préparez-vous donc à mettre un mythe à la poubelle.

Du vent, du soleil et de la sobriété

Avant de rentrer dans les détails, il s’avère nécessaire de brosser un peu le tableau général de cette proposition faite par l’ADEME d’un mix électrique 100% EnR. Je ne traiterai pour l’instant que du « cas de référence » où les seules contraintes retenues pour l’optimisation sont celles des coûts relatifs d’implantation des différents dispositifs EnR ou le service qu’ils peuvent rendre au système en terme de stabilisation de la production.
Ces contraintes permettent aux auteurs de l’étude de déterminer après optimisation par ordinateur et « moulinage des données » la composition optimale du mix EnR. 14 millions de variables et 19 millions de contraintes sont prises en compte. Les différents dispositifs de production retenus sont : l’éolien (terrestre et en mer), le solaire photovoltaïque (PV sur toiture et au sol), l’hydraulique (barrages et fil de l’eau), les énergies marines (marémotrice, houlomoteur et hydroliennes) et d’autres méthodes (géothermie, bois, méthanisation, incinération des ordures ménagères...).
L’étude fait d’abord un bilan en terme de puissance installée, donnée en GigaWatts (GW = un milliard de Watts) et exprimant la capacité instantanée maximale des dispositifs à pouvoir générer un travail, puis en terme de production annuelle d’énergie électrique, donnée en TéraWatt-heure (TWh = un milliards de kiloWatt-heure) et exprimant l’énergie totale produite par les dispositifs EnR pendant une année. Pour comparer, sachez que la puissance électrique installée actuelle est de l’ordre de 130GW (nucléaire 63GW, thermique 27GW, hydraulique 25GW et EnR 13GW) pour une production annuelle d’énergie de 550TWh et une consommation de 440TWh.
Première surprise, l’ADEME table sur un scénario de baisse de la consommation d’électricité d’ici à 2050 et prend pour cible 421TWh [1] à fournir à la société française du futur.
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IMAGE 2 – Schéma de la production et de la consommation d’électricité pour un mix 100% EnR (cas de référence).
Cela suppose selon leurs prévisions une stabilité du tertiaire et de l’agriculture, une forte baisse de -26TWh pour le résidentiel (au demeurant atteignable), une forte baisse de -28TWh pour l’industrie (ce qui est très discutable si l’on décide de relancer ce secteur !), le tout malgré une très forte hausse de +48TWh pour le transport (quelques millions de voitures électriques et plus de transports publics) et grâce à l’annulation des coûts énergétiques d’enrichissement de l’uranium -17TWh [2].
Cette hypothèse, favorable aux EnR qui auront moins de travail à fournir, reflète la façon de penser d’une société en désindustrialisation depuis 30 ans qui a perdu le sens des réalités de la production et qui se berce d’illusions décroissantes, même si l’on ne peut pas accuser les auteurs de l’étude car c’est un problème culturel plus général d’acceptation d’une mort industrielle lente et fatale.
Deuxième surprise, le résultat de l’optimisation fait apparaître un mix fortement dominé par deux dispositifs principaux : l’éolien et le solaire. Les autres dispositifs, si chers aux écologistes, aux socialistes reverdis et à M. Mélenchon, comme la géothermie, les hydroliennes ou la biomasse, ne représentent qu’une infime minorité de la production EnR optimisée, du fait de leur coût exorbitant et de la disponibilité plus faible de la ressource. Ce qui prouve que l’ordinateur est moins idéologique que les politiques ! On arrive donc à un mix où 2/3 des 482TWh produits le sont par l’éolien et 1/6 par le solaire. Le reste est assuré pour 1/12 par les barrages et 1/12 par les autres moyens.
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IMAGE 3 – Répartition de la production électrique selon la source pour un mix 100% EnR (cas de référence).
Pour ceux donc qui auraient encore des illusions sur la « transition verte » il est clair, grâce à cette étude de l’ADEME, qu’elle reposera essentiellement sur du vent ! Surtout, la soi-disant diversité des EnR prônée par tous et censée pallier tous les problèmes d’approvisionnement n’a pas fait long feu : elle est refoulée par les algorithmes mathématiques dès le départ.
Troisième surprise (qui n’en est pas vraiment une), la gestion de l’intermittence de la production obligera à un surdimensionnement du système pour compenser les périodes de faible production ou de non production. Il faudra donc augmenter de 55% (66GW) la puissance installée actuelle pour passer à 196GW. En effet, comme chaque dispositif produit peu et pas tout le temps, il faut en mettre plus. Ceci revient à multiplier les besoins en terme de matériaux de construction, d’énergie nécessaire pour bâtir, de main-d’œuvre, de réseau électrique etc. Une débauche de moyens si éloignée de la sobriété professée par ailleurs.
Ensuite, il faudra multiplier les dispositifs de stockage de l’énergie (batteries, STEP, intersaisonnier – cf plus loin) pour un total de 90 TWh (1/5 de la production) sachant que les mauvais rendements feront perdre 46TWh au système, la moitié. Une grande partie des efforts sera donc consacrée à pallier les insuffisances du système plutôt qu’à générer d’autres activités productives.
Pour découvrir les autres surprises, il va nous falloir maintenant creuser un peu plus le sujet.

Combien ça coûte ?

En général, quand on parle d’argent, les gens prennent les choses plus au sérieux. Donc pour fixer les idées, nous allons aborder la question épineuse du coût prévisionnel de ce nouveau mix électrique 100% EnR. L’étude de l’ADEME est une bonne référence de par sa rigueur et son sérieux mais, il faut l’avouer, son penchant naturel est d’aller dans le sens des EnR, sans exagérer non plus. C’est pourquoi nous serons beaux joueurs et nous nous appuierons sur leurs données qui sont les plus fiables sur le marché.
Il ne s’agira pas dans ce paragraphe de conclure définitivement mais de poser des ordres de grandeur qui nous permettront de comparer principalement avec le coût de la filière nucléaire (ce que l’ADEME se garde bien de faire d’ailleurs, d’où cet article). Nous prenons toujours le cas de référence qui suppose une consommation annuelle maîtrisée de 421 TWh (pertes réseau incluses), une bonne acceptation sociale des EnR qui permet d’en mettre partout où c’est possible et des progrès technologiques importants (quoique vraisemblables) dans les filières éoliennes et solaires.
La méthode de calcul des coûts est dite « LCOE » (pour Levelized Cost Of Energy) ou méthode du coût de production moyen actualisé. Elle consiste à additionner le coût, en euros, de l’investissement de départ et le coût de la maintenance de l’installation actualisée sur une période donnée (ici de 2010 à 2050) et de diviser par la production d’énergie totale du dispositif sur la période. On obtient une valeur exprimée habituellement en centimes d’euros par kiloWatt-heure (c€/kWh) ou en euros par MégaWatt-heure (€/MWh). On peut aussi prendre le coût total, en euros, et le diviser par le nombre d’années de la période considérée (ici 40 ans) et on obtient le coût annuel total exprimé en milliards d’euros par an (Mds€/an).
La simulation par ordinateur, une fois optimisée en fonction des contraintes, propose un mix 100% EnR avec 96GW d’éolien terrestre (environ 50.000 éoliennes selon l’étude, aujourd’hui il y en a 4.000 en France), 10GW d’éolien en mer (5.000 éoliennes), 25GW de PV sur toiture et 38GW de PV au sol (500 km²). Le reste est composé des barrages (20GW) et des autres EnR (5GW).
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IMAGE 4 – Répartition de la puissance électrique installée selon la source pour un mix 100% EnR (cas de référence).
Les durées de fonctionnement sont prises égales à 20 ans pour les éoliennes et 25 ans pour les panneaux PV. La période considérée étant de 40 ans, il faut donc inclure le renouvellement des installations (sûrement le sens du mot « renouvelable »).
Ainsi le coût calculé du déploiement de ces dispositifs EnR, ramené à une année, se monterait selon l’ADEME à 50,1 Mds€/an. Là dedans, il faut compter 32,7 Mds€ consacrés annuellement à l’investissement et au raccordement des filières au réseau, 12 Mds€ à la construction du réseau de distribution et 4 Mds€ à l’investissement dans les moyens de stockage de l’électricité (pour gérer l’intermittence de la production, principal défaut des EnR). Ramené à la production énergétique totale des EnR sur l’année de référence, le coût LCOE serait de 119 €/MWh [3].
Si l’on intègre tous ces coûts sur la période de référence de 40 ans (qui est aussi, au passage, la durée de vie typique d’une centrale nucléaire), cela nous donne une ardoise de 2000 Mds€ pour un mix 100% EnR, hors taxes et hors investissements de recherche ! L’étude parle d’un « coût maîtrisé »...
Avant de tenter une comparaison avec le nucléaire, il est nécessaire à ce stade de vérifier si ces résultats choquants sont plausibles ou s’il s’agit d’une erreur de compréhension de notre part. Prenons pour cela des exemples concrets actuels et tentons d’extrapoler.
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IMAGE 5 – La toute nouvelle centrale solaire de Cestas, près de Bordeaux.
La récente inauguration de la centrale solaire de Cestas près de Bordeaux, la plus grande d’Europe, nous donne d’abord un aperçu des montants d’investissement engagés pour ce genre d’installation : 360 millions d’euros (M€) pour 260 hectares (ha) de panneaux PV. Dans le mix 100% EnR de l’ADEME il faudrait 50.000 ha (500 km²) de PV au sol donc au bas mot l’addition serait de 70 Mds€. Sachant que le PV au sol a une durée de vie de 25 ans, il faudra les renouveler une fois donc disons 100 Mds€ avec l’amortissement.
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IMAGE 6 – Parc éolien de Fruges dans le Nord-Pas-de-Calais.
Crédit : Philippe Frulier - Allimage
Pour l’éolien terrestre, prenons le plus grand parc éolien de France, dans le Nord-Pas-de-Calais à Fruges : 70 éoliennes pour 140MW de puissance et un investissement de 210 M€. Pour le mix 100% EnR il faudrait 50.000 éoliennes donc cela coûterait au bas mot 200 Mds€, à renouveler une fois après 20 ans de service donc 400 Mds€, hors gestion, maintenance et démantèlement.
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IMAGE 7 – Parc d’éoliennes en mer de St Brieuc en projet.
Pour l’éolien en mer, prenons le parc éolien au large de St Brieuc, vitrine du savoir-faire français et actuellement en projet : 62 éoliennes pour 496MW de puissance et un coût initial de 2,5 Mds€. L’ADEME propose d’en construire 5.000 donc cela coûtera la bagatelle de 200 Mds€, renouvelé une fois après 20 ans d’utilisation donc 400 Mds€.
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IMAGE 8 – La centrale solaire du parking de l’aéroport de Montpellier.
Pour le PV sur toiture, prenons un cas favorable, la centrale solaire du parking de l’aéroport de Montpellier : 27.000 m² de panneaux PV pour une puissance de 5MW et un coût de 8,5 M€. Le mix 100% EnR prévoit 25GW de puissance PV sur toiture. Ceci, avec une durée de vie de 25 ans, coûtera environ 80 Mds€.
Si l’on additionne tout cela, on obtient le chiffre de 980 Mds€. En ajoutant la gestion, la maintenance et le démantèlement on peut compter environ 1200 Mds€. A cela s’ajoute l’hydraulique et les autres EnR qui représentent 1/6 de la production, donc on peut rajouter un coût de 300 Mds€ tout compris. Au final, le coût calculé par nous du mix 100% EnR serait approximativement de 1500 Mds€ sur 40 ans. Ce qui est cohérent avec le résultat de l’ADEME de 2000 Mds€, calculé avec des hypothèses favorables.
Ça ne vous paraît pas si élevé ? Vous avez du mal à vous rendre compte des proportions ? Il faut quand même savoir que c’est pratiquement le PIB de la France en une année (2.100 Mds€), juste pour fournir l’électricité...
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IMAGE 9 – Les quatre réacteurs nucléaires de la centrale de Cattenom.
Il est temps d’introduire le nucléaire dans l’équation, juste pour affiner notre jugement. Pour cela, nous nous appuierons sur le rapport de la Cour des Comptes (CdC) de janvier 2012, actualisé en mai 2014, intitulé « Le coût de la filière électronucléaire française », qui n’est pas exempt de défauts mais qui a le mérite d’incorporer tous les coûts de la filière depuis 1945, y compris la recherche, le traitement des déchets à vie longue et le démantèlement des centrales.
Procédons pas à pas. Selon la CdC, la construction des 58 réacteurs nucléaires français a coûté 96 Mds€, auxquels il faut ajouter les réacteurs de 1ère génération (6 Mds€) et le surgénérateur Superphénix (12 Mds€). La recherche nucléaire (CEA et autres) a coûté 55 Mds€ (mais elle n’a pas bénéficié qu’à la filière nucléaire). Le retraitement des déchets à La Hague (à ne pas confondre avec l’enfouissement) 19 Mds€.
Pour la maintenance, la CdC ne donne pas de chiffre global, elle donne la somme de 4,5 Mds€ sur la période 2008-2010 et on peut calculer qu’avant 2008 le total était d’environ 3 Mds€.
Puis elle prévoit une très forte augmentation jusqu’en 2025 (investissements post-Fukushima) avec un total de 62,5 Mds€ sur la période 2011-2025, et se risque même à une prévision de 30 Mds€ supplémentaires entre 2025 et 2033 en cas de prolongement de vie à 50 ans (que nous ne prendrons pas en compte ici). Soit une somme de 70 Mds€ pour la maintenance des réacteurs de 1975 environ à 2025 (50 ans).
Ensuite, la CdC prend en compte le démantèlement des réacteurs avec une valeur haute du coût à 43,7 Mds€ (et une valeur basse un peu trop optimiste à 18,4 Mds€ donnée par Areva et EDF que nous ne retiendrons pas).
C’est un chiffre cohérent avec les différentes études européennes, y compris allemandes, qui correspond tout de même à presque la moitié du coût initial des réacteurs. La gestion des déchets à vie longue (enfouissement sur le site de Bure et autres stockages) est estimée à 31,8 Mds€ (une valeur qui a été réévaluée par rapport à une valeur précédente plus basse). La gestion du combustible usé, majoritairement de l’Uranium 238 (U238) non fissile entreposé dans de grandes piscines, coûterait 14,8 Mds€.
Il faut préciser cependant que dans le cas du développement d’une filière nucléaire de 4e génération (réacteurs à neutrons rapides), l’U238 ne serait plus considéré comme un déchet mais comme une ressource inestimable, et ne serait donc plus un coût pour la société mais un gain.
La CdC inclut ensuite 4,2 Mds€ dans une catégorie « Autres » qui regroupe les frais financiers divers. Enfin, elle donne le coût d’exploitation des centrales (combustible, personnel, maintenance quotidienne, fonctionnement, taxes etc.) année après année avec une très bonne précision mais ne fait pas un calcul global, ce que nous allons faire maintenant histoire de ne pas être mauvais joueur et d’assumer les conséquences du choix de cette filière.
Entre 2008 et 2014, les charges d’exploitation ont augmenté de 8 Mds€/an à 10 Mds€/an (hausse du coût du combustible du fait de la rupture de contrats historiques et hausse des salaires). En faisant l’hypothèse qu’elles auraient été de 9 Mds€/an pendant 40 ans d’exploitation des centrales, cela nous donne une estimation à 360 Mds€. C’est évidemment une valeur haute, incluant aussi les taxes, mais cela ne nous gênera pas pour la conclusion.
Tout calcul fait, ce que la filière électronucléaire aura coûté aux français, entre 1945 et 2025 pour fournir 75% de l’électricité du pays, se montera à 712,5 Mds€, arrondi à 715 Mds€, c’est-à-dire entre deux et trois fois moins que le mix 100% EnR proposé par l’ADEME !
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INFOGRAPHIE 1 – Coûts respectifs du mix 100% EnR proposé par l’ADEME entre 2010 et 2050 et de la filière électronucléaire française entre 1945 et 2025.
Bien sûr, tous ces résultats sont à prendre avec des pincettes car les méthodes de calcul des uns et des autres ne sont pas toujours compatibles. Mais ils donnent un bon ordre de grandeur et permettent encore une fois de faire s’évaporer quelques illusions sur la « gratuité » des renouvelables.
Prenons un dernier angle de vue pour en avoir le cœur net. L’étude de l’ADEME donne sa propre estimation du coût LCOE du nucléaire (c’est d’ailleurs sa seule référence explicite) et le situe à 80 €/MWh.
La CdC en revanche le situe à 59,8 €/MWh (en hausse par rapport à 2010 où il était de 49,6 €/MWh) voire même à 62 €/MWh en cas de prolongement de la vie des centrales jusqu’à 50 ans. Mais il est très difficile de savoir ce que chacun inclut dedans. Dans le doute, nous prendrons bien évidemment la valeur de l’ADEME qui est plus directement comparable avec le mix EnR.
En ajoutant les autres composantes du mix électrique actuel (hydraulique, thermique et EnR) on estime le LCOE à 97 €/MWh, à comparer à 119 €/MWh pour le mix 100% EnR. Sur la consommation de l’année (421 TWh) cela entraîne donc un surcoût de 9,3 Mds€/an du mix EnR, soit 370 Mds€ sur 40 ans.
A titre de comparaison, le « Schéma National d’Infrastructures de Transport pour une mobilité durable » de 2013 du Ministère des Transports prévoit 245 Mds€ d’investissements sur 25 ans (TGV, autoroutes, TER, métros, Grand Paris Express etc.). Il faudrait donc choisir entre avoir de l’électricité ou se déplacer ?
Enfin, si l’on calcule le surcoût que les foyers français devront payer à la fin de l’année voilà ce qu’on obtient en fonction de la situation familiale et de l’équipement en chauffage : pour un couple avec enfant chauffé à l’électricité qui consomme annuellement en moyenne 11.000kWh contre 6.000kWh pour un chauffage thermique, le surcoût du passage au 100% EnR serait respectivement de 240€ et 132€ par an ; pour un célibataire les consommations passent en moyenne à 5000kWh et 2000kWh donc un surcoût respectivement de 110€ et 44€ par an ; pour une famille nombreuse ayant un grand logement les consommations tournent autour de 25.000kWh et 7.500kWh donc entraînent un surcoût respectivement de 550€ et 165€ par an.
Chacun fera ses comptes, sachant qu’il faut aussi payer le gaz, mais en moyenne cela représente entre 10 et 20% d’augmentation sur la facture d’électricité ! A payer pendant 40 ans. Et cela concerne seulement le cas de référence de l’étude à 119 €/MWh, d’autres hypothèses pouvant encore venir renchérir ce coût... (cf plus loin)
On voit que, quelque soit le bout par lequel on le prend, il est d’ores et déjà assuré que la note du mix 100% EnR sera très salée et qu’elle ne concernera que 1/4 de notre consommation énergétique.

Déposez vos atomes, vous êtes cernés

Allons maintenant remuer le couteau dans la plaie et parlons de l’implantation réelle de ce mix 100% EnR. Nous avons vu que, dans le monde futur calculé par l’ADEME, l’éolien et le solaire PV auront une place de choix. Qu’en sera-t-il de leur emprise au sol ? Quelle place auront-ils dans notre vie ? Quel effort faudra-t-il fournir pour s’équiper de tels appareils ?
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IMAGE 10 – Surfaces éligibles en France pour l’implantation des éoliennes (à gauche) et des panneaux solaires au sol (à droite).
Dans le cas de l’éolien terrestre, l’étude prévoit qu’il faudra construire 50.000 éoliennes (je rappelle que la France compte 36.000 communes) réparties sur 17.000 km² (1.700.000 ha) du fait de l’espacement entre chaque éolienne, avec des fondations recouvrant 170 km² de terres (17.000 ha), qui seront donc perdues pour d’autres usages.
A titre de comparaison, l’ADEME nous rappelle que l’ensemble des surfaces artificialisées pour construire le réseau routier et autoroutier en métropole est d’environ 10.000 km². Donc même si l’emprise réelle au sol des éoliennes semble minime (il s’agit en réalité d’une surface équivalente à une fois et demie la ville de Paris), leur répartition spatiale fera qu’on en verra partout le long des routes.
D’autant que l’étude prévoit la mise en place d’éoliennes Nouvelles Générations (NG) capables de fonctionner à faible vitesse de vent qui seront une fois et demi plus hautes que les actuelles Anciennes Générations (AG) et auront un diamètre de pales deux fois plus grand. Autant dire que tout sera fait pour que vous n’en loupiez pas une.
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IMAGE 11 – Schéma des éoliennes Nouvelles Générations (NG) comparé aux Anciennes Générations (AG).
Pour l’éolien en mer, les 5.000 éoliennes prévues occuperont un espace de 1.000 km² soit environ 0,3% du Domaine Public Maritime (DPM) localisé vraisemblablement assez proche des côtes. Cela paraît raisonnable mais le coût exorbitant de cette technologie fait que ce ne serait pas rentable de faire plus selon les algorithmes de l’ADEME.
Pour le PV au sol, 500 km² (50.000 ha) de terres seront occupées par les grandes centrales solaires, ce qui représente environ 30 fois la superficie prévue pour l’aéroport Notre-Dame des Landes (1650 ha selon la Déclaration d’Utilité Publique)... On rêve de voir des ZADistes occuper les terrains prévus pour ces projets solaires pharaoniques !
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INFOGRAPHIE 2 – La surface qu’occuperaient les 60GW de panneaux solaires au sol comparée à la surface occupée actuellement par les 58 réacteurs nucléaires français, et mesurée en nombre d’aéroports Notre-Dame-des-Landes.
Car même si l’ADEME prétend que les surfaces non-artificialisées autour des fondations des panneaux seraient compatibles avec certaines formes d’agriculture ou d’élevage « entre les panneaux », il faudra quand même trouver de l’espace, non ? Autre bizarrerie, parmi les zones ciblées pour accueillir le PV au sol, autres que les prairies, les landes etc., on trouve les friches industrielles (au revoir les usines) et les zones incendiées. Une véritable politique de la terre brûlée !
Si on s’amuse maintenant à calculer l’emprise au sol des centrales nucléaires françaises on se rend compte qu’elles occupent tout au plus 60 km² (6.000 ha), si l’on prend pour mesure la centrale de Cattenom qui possède 4 réacteurs sur une superficie de 4 km² (400 ha). C’est donc l’équivalent de seulement 4 aéroports Notre-Dame des Landes. Et c’est dix fois moins que l’ensemble des terres rendues inutilisables par l’implantation des éoliennes terrestres et du PV au sol. Un comble.
Comme vous vous doutez bien que les français ne vont pas se laisser faire, l’ADEME a prévu dans son étude deux cas dits « d’acceptabilité sociale modérée ou très contrainte ». En d’autres termes, « pas contents ». Qu’à cela ne tienne, la stratégie est alors très simple : si les gens ne veulent pas d’éoliennes dans leurs champs, on en mettra dans leurs mers ; s’ils ne veulent pas de panneaux solaires dans leurs champs non plus, on les mettra sur leurs toits.
Dans le pire des cas, le PV au sol serait divisé par deux et l’éolien terrestre divisé par trois. En plus des éoliennes en mer et du PV sur toiture, on ferait alors appel aux hydroliennes. Dans ce cas, pas si hypothétique, le coût n’est plus du tout optimisé et le LCOE passerait respectivement à 127 €/MWh et 133 €/MWh. A ce prix là c’est sûr personne n’en voudra et il sera nécessaire d’enfouir encore plus les éoliennes au fond de la mer.
C’est pourquoi la propagande est extrêmement importante pour faire accepter les EnR. Car toute opposition ferait s’effondrer la structure du mix. Le pire étant que l’opinion des gens change en cours de route car il faudrait revoir tout le réseau et l’adapter aux nouvelles contraintes sociales. Un vrai casse-tête...
Si on s’intéresse maintenant à la quantité de matériaux qu’il faudra produire pour construire les dispositifs EnR, on s’aperçoit aussitôt du chantier colossal que cela va représenter. Pour l’éolien par exemple, on sait qu’il faut entre autres 350 tonnes d’acier (mât et fondations), 19 t de fibres de carbone ou de verre (pâles) et 500 m³ de béton (fondations) pour fabriquer une éolienne de puissance 3MW. Dans notre cas, il en faudra 50.000, ce qui représentera une production d’acier d’environ 18 millions de tonnes.
Par comparaison, la production annuelle d’acier en France (qui est certes l’une des plus faibles parmi les pays industrialisés) est de 16 millions de tonnes (Mt). Dans le monde elle est de 1600 Mt et en Chine de 600 Mt.
Sachant qu’une éolienne ne dure que 20 ans, cela nécessitera une montée en puissance de l’industrie sidérurgique française pour répondre à la demande... et donc une augmentation de sa consommation électrique (les aciéries utilisent des fours à arc électrique). Avec les procédés actuels il faut 5.600kWh pour produire une tonne d’acier, donc il faudrait 100TWh pour produire l’acier des 50.000 éoliennes qui elles-mêmes ne produisent que 300TWh par an.
Pour le béton des fondations, cela représentera 25.000.000 m³ sachant que la production annuelle en France est de l’ordre de 150.000.000 m³ et qu’il faut dépenser environ 100kWh par m³, donc en tout 1,5TWh juste pour faire tenir debout ces moulins.
A cela s’ajoutent les composants du rotor et du stator dont les engrenages et les aimants permanents. Dans ces derniers on ajoute des oxydes de terres rares (néodyme, dysprosium et praséodyme) pour améliorer les performances magnétiques et donc la productivité de la conversion électrique.
Chaque éolienne incorpore en moyenne 2000 kg de terres rares. La demande du mix 100% EnR serait donc de 100.000 t. Comme par hasard, la production mondiale annuelle de terres rares est de 100.000 t, localisée majoritairement en Chine, dans des conditions très polluantes et irrespectueuses des ouvriers afin de maintenir un prix suffisamment bas. Si l’on obligeait les entreprises d’extraction à respecter l’environnement et les travailleurs, bizarrement, les terres rares deviendraient bien plus chères et les éoliennes bien moins rentables.
Vous allez sûrement me dire qu’une centrale nucléaire aussi a besoin de béton et d’acier, et qu’elle incorpore des matériaux encore plus nobles que les terres rares dans les parties sensibles du cœur par exemple. C’est parfaitement vrai.
Mais c’est là que le principe de densité énergétique va une fois de plus montrer tout son intérêt. Si l’on prend un chantier typique d’un réacteur nucléaire EPR comme à Flamanville (quand bien même à S&P nous ne soutenions pas le principe de la 3e génération), la construction de l’îlot nucléaire, du réacteur et de ses bâtiments de contrôle, incluant les travaux préparatoires du sol, nécessite environ 400.000 m³ de béton et 80.000 t d’acier (pour le béton armé et le précontraint, la cuve et la tuyauterie).
Avec 1650MW de puissance, il faudrait l’équivalent de 38 EPR pour remplacer la capacité nucléaire actuelle de 63GW produisant 415TWh par an. Ce qui ferait en tout et pour tout 15.200.000 m³ de béton et 3.000.000 t d’acier, soit presque deux fois moins de béton et six fois moins d’acier que pour les 50.000 éoliennes de 96GW produisant 300TWh par an. Il y a donc une grande économie d’effort à faire en se passant des EnR.
Si l’on prend maintenant l’exemple des panneaux solaires PV tels qu’ils sont produits aujourd’hui, on tombe encore de haut. Il faut extraire en moyenne 15 tonnes de Silice (quartz ou sable) par MW de panneaux PV. Pour atteindre l’objectif de l’étude de 60 GW il faudra donc 900.000 t de Silice, sachant que la production annuelle mondiale actuelle est de 5 Mt.
La Silice passe ensuite par deux étapes de purification : l’une pour extraire l’oxygène et obtenir du Silicium de grade Métallurgique (MG-Si), l’autre pour obtenir du Silicium de grade Solaire (SoG-Si) utilisable pour les panneaux.
La première étape est réalisée dans un four à arc électrique qui permet de chauffer un pain de Silice à 1700°C et de le faire réagir avec du carbone qui piège l’oxygène. Il faut dépenser 14kWh électrique pour fabriquer 1 kg de MG-Si. Cette simple étape nécessiterait déjà 13TWh pour les 60GW de panneaux PV.
La seconde étape se fait actuellement par le procédé Siemens et coûte 150kWh par kilogramme de MG-S [4]. Donc pour les 60GW, 135TWh d’énergie devront être dépensés.
Ensuite, le Silicium SoG-Si obtenu doit être fondu et ressolidifié sous forme de lingots qui seront ensuite découpés en tranches pour faire des cellules PV. Ce processus implique aussi une dépense d’énergie.
Au final, il faut compter 150TWh pour produire l’ensemble du SoG-Si capable de donner après d’autres procédés les cellules PV dont parle l’ADEME. Sauf que ces 60GW de solaire PV ne produiront eux que 82TWh par an... Vous commencez à comprendre ?
C’est pourquoi ceux qui étudient de près la question regardent non pas les retours sur investissement financiers, souvent parasités par les subventions, mais le Temps de Retour Energétique (TRE) au bout duquel le dispositif a produit l’énergie qui a été nécessaire à sa construction. Et là, encore une fois, la différence se fait sentir.
Une bonne éolienne de 5MW a aujourd’hui un TRE de 6 mois. Pas mal. Un panneau PV ancienne génération a un TRE de 2 à 3 ans, tandis que la nouvelle génération peut descendre à 1,5 ans. Sur une durée de vie de 20-30 ans on peut penser que c’est une bonne performance.
Mais devinez quel est le TRE d’un réacteur nucléaire ? 2 mois. Pour une durée de fonctionnement comprise entre 40 et 60 ans. Ceci montre a minima que les centrales nucléaires produisent énormément de surplus énergétique pendant leur vie alors que les renouvelables, même s’ils produisent plus que l’acte qui leur a donné naissance, sont peu productifs au final. C’est encore une preuve s’il en est que l’énergie ne saurait être gratuite.
Passons maintenant à un autre talon d’Achille des EnR.

Gestion de l’intermittence : pilotage, stockage ou flicage ?

Contrairement au vent ou au Soleil, les atomes ne font jamais la sieste. C’est pourquoi la production électrique nucléaire est permanente. Au contraire, les renouvelables dépendent de ressources intermittentes. C’est un fait scientifique majeur.
Cela a pour conséquence 1) de devoir, comme on l’a déjà vu, surdimensionner le système de captation de la ressource pour être sûr d’avoir un niveau minimal de rentrée d’énergie et 2) de gérer le flux électrique intermittent qui n’est souvent pas coordonné avec les phases de consommation.
Deux exemples très simples : le jour les panneaux solaires produisent la majorité de leur électricité qui est utilisée la nuit ; ou alors les éoliennes peuvent ne rien produire un jour sans vent et produire trop un jour venteux [5].
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IMAGES 12 et 13 – Profils-types de capacités utilisées pour le mix 100% EnR.
Dans ces deux cas, il faut pouvoir « déplacer » la production aux moments de consommation, ou alors « effacer » la consommation à certaines heures pour la replacer à d’autres où la production est plus élevée. Pour « déplacer » la production on fait appel au stockage et pour « effacer » la consommation on fait appel au pilotage. Le réseau de distribution national peut aussi servir à mieux répartir la production d’une région à l’autre (par exemple, il y a plus de production solaire au sud de la France et plus de production éolienne au nord).
L’ADEME considère trois types de stockage : les batteries et équivalents à air comprimé pour le court-terme et le journalier, les STEP (Stockage d’Énergie par Pompage Turbinage) pour l’infra-hebdomadaire et la méthanation pour le stockage inter-saisonnier. Les batteries et équivalents peuvent se charger pendant la journée grâce au solaire PV et se décharger en 6 heures la nuit.
Les STEP sont de grands réservoirs dans lesquels on va verser l’eau d’une rivière en la pompant grâce à l’électricité en surplus, puis lorsqu’il y a un creux dans la production électrique on décharge l’eau à travers une turbine et on récupère l’électricité de départ. C’est ingénieux et le rendement est de 80%, mais cela requiert (encore) de prévoir du terrain pour accueillir les réservoirs. L’étude ne donne pas d’estimation de la surface mobilisée mais cela doit représenter plusieurs dizaines de milliers d’hectares. Il faut aussi une dénivelée d’au moins 100m.
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IMAGE 14 – Schéma de principe du STEP et photo du STEP d’Okinawa au Japon.
Enfin, la méthanation consiste à utiliser l’électricité en trop pour produire du gaz (en général du méthane), à le renvoyer sur le réseau GDF et à en prélever ultérieurement, quand le besoin est de nouveau là, pour faire marcher une turbine à gaz et produire de l’électricité. On appelle cela en anglais « Power to Gas » et « Gas to Power ». Mais malgré ce nom clinquant, le procédé a un rendement déplorable de 30% et est responsable à lui seul de 40TWh de pertes, selon le scénario de référence, sur 480TWh produits.
Une chose est sûre : ces trois dispositifs de stockage seront indispensables au fonctionnement normal du mix 100% EnR si l’on envisage de respecter le principe quasi-constitutionnel de sécurité énergétique. Par rapport au mix actuel, la variabilité de production sera bien supérieure et je tire d’avance mon chapeau aux régulateurs-artistes qui vont devoir chaque jour répartir dans le temps ces productions intermittentes, mais aussi dans l’espace, entre les différentes régions.
En tout cas, l’ADEME reconnaît que son système pourrait difficilement résister à plusieurs jours de moindre production due à un faible ensoleillement et de faibles vents [6].
Les régulateurs disposeront d’un autre outil : le pilotage de la demande. Qu’est-ce donc que cela ? Il s’agit tout simplement de pouvoir décider à distance de qui pourra consommer quoi à quel moment, grâce aux fameux « compteurs intelligents » installés bientôt chez chacun de nous, qui pourront, sur l’ordre des régulateurs, couper le courant pour certaines tâches domestiques (chauffage, lave-linge, lave-vaisselle, sèche-linge, recharge de la voiture électrique etc.) jugées non prioritaires lorsque la production électrique est basse. Le courant sera coupé et reporté à un autre moment de la journée dès que la pression de la demande sera passée.
Cela suppose donc que tous les foyers soient connectés en permanence pour que leur consommation soit pilotée en direct. Ceux qui pensaient que les EnR permettraient une décentralisation de la production et une liberté nouvelle en seront pour leurs frais ! En fait, le pilotage de la demande exige un flicage quotidien. Alors que pourtant – paradoxe – l’effacement puis le report de consommation ne concernera sur l’année que 16TWh en cumulé... Est-il vraiment raisonnable de déployer un tel système « Big Brother » pour si peu ? Eh bien oui car sinon c’est le « black out », la coupure généralisée, ou pire, l’achat d’électricité aux allemands.
Et si on consommait plus ?
L’ADEME le reconnaît : le gros point faible de son mix 100% EnR est que sa rentabilité est absolument dépendante d’une maîtrise de la demande électrique. Il faut minimiser la consommation pour maximiser la rentabilité. Dans l’un de ses scénarios « cauchemar » dit de « moindre maîtrise de la consommation », l’étude prend le cas d’une consommation électrique annuelle de 510TWh (au lieu de 420TWh, +21%) obligeant à avoir recours à plus de dispositifs EnR, autres que l’éolien terrestre déjà saturé, donc plus coûteux (éolien en mer flottant, hydroliennes...).
L’estimation du LCOE est alors de 125 €/MWh au lieu de 119 €/MWh mais comme la consommation est plus grande le coût annuel explose à 63 Mds€/an au lieu de 50,1 Mds€/an, soit un surcoût de 500 Mds€ en 40 ans !
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INFOGRAPHIE 3 – Comparaison des coûts annuels du mix 100% EnR entre le cas de référence et le cas de moindre maîtrise de la consommation.
Et vous imaginez si cela recoupe la baisse de l’acceptation sociale des EnR discutée plus haut. On pourrait atteindre des sommets à 140€/MWh...
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INFOGRAPHIE 4 – Comparaison des coûts LCOE de l’électricité en fonction du cas considéré.
Cela paraît fou donc on en vient à se demander si ce scénario de 510TWh est bien réaliste. Avec tous les progrès possibles dans l’efficacité énergétique, avec nos fabuleux ingénieurs formés dans nos superbes écoles, comment se ferait-il que la consommation ose persister dans sa hausse ?
L’ADEME précise ses hypothèses : ce scénario suppose une croissance du secteur industriel et une croissance modérée de la population. Tout simplement ! Une croissance industrielle qui surpasserait même les progrès dans les process de production qui feraient faire des économies d’énergie de 20%. Ce n’est pas complètement absurde.
Si l’on imagine comment le numérique et les robots vont remplacer d’ici 10 ans la majorité des emplois répétitifs et comment les nouvelles activités qui vont émerger seront plus intenses en énergie (médecine de pointe, laboratoires de recherche équipés d’outils modernes, transports à très haute vitesse, industrie lourde de retour au pays) on n’a pas de mal à s’imaginer une hausse de la demande électrique.
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IMAGE 15 – Evolution de la consommation électrique en France entre 1973 et 2012.
D’autant que dans l’étude, les voitures entièrement électriques ne comptent que pour 7 millions (!) (les autres étant des hybrides ou des thermiques). Il serait plus raisonnable de tabler sur une flotte de plusieurs dizaines de millions de voitures électriques ou équivalent (hydrogène ou air comprimé par exemple). Bref, le scénario est loin d’être idiot et les EnR risquent d’être rapidement débordées par tant d’enthousiasme de la part d’êtres humains créateurs.
De plus, les auteurs de l’étude ont choisi de placer la population française à 74 millions d’habitants en 2050. C’est un chiffre qui peu paraître élevé mais songeons qu’un De Gaulle envisageait déjà à son époque une France à 100 millions d’âmes. Cela signifierait-il qu’un mix 100% EnR ne serait compatible qu’avec une stabilisation voire une baisse de la population ? Doublée d’une désindustrialisation ?
Et au fait, comment l’ADEME et les promoteurs zélés des renouvelables, qui ont déjà tant de mal à nous démontrer comment fournir de l’électricité à tout le monde, vont-ils nous expliquer comment ils comptent remplacer l’ensemble de la production d’origine thermique ou fossile (pétrole, gaz) qui représente 3/4 du total de la consommation d’énergie en France ? Le mystère reste entier. Autant vous dire que dans un monde « vert » il ne sera pas possible d’en faire trop.
Mais c’est pour ça que les écologistes en général insistent tant sur la sobriété. Car sans cela rien ne tient ! Ce sera l’objet d’un prochain article de ma part à propos du fameux scénario « Négawatt », qui se définit lui-même par ce triptyque : 1/3 renouvelables, 1/3 efficacité, 1/3 sobriété.

Le progrès peut-il sauver les renouvelables ?

Tout ce que je viens de dire et tout le travail de l’ADEME pourraient-ils être radicalement remis en question par des progrès sans précédent dans les performances des EnR ? A la fois oui et non. Oui car il est indéniable qu’il y aura des progrès dans ces technologies qui feront sensiblement baisser le coût du mix global (dans quelle proportion, là est la question). Et non pour plusieurs raisons.
D’abord, il faut bien comprendre que les progrès des EnR sont conditionnés par la limitation intrinsèque de la ressource (vent, rayons solaires, courants marins...). Car même si les éoliennes étaient géantes, elles ne pourraient capter que la quantité de vent qui passe entre leurs pales à une vitesse donnée et dont l’énergie est limitée selon la célèbre formule de Betz à 16/27 x 1/2 x ? x S x V3 où V est la vitesse du vent, S la surface balayée par les pâles et ? la masse volumique de l’air.
Pareil pour les courants marins. De même, les panneaux solaires auraient beau convertir 100% du flux de photons solaires, cela ne représenterait au maximum que 200 à 400 W/m² pendant un tiers voire la moitié de la journée. La géothermie, dont le rôle est déjà très marginal dans l’étude de l’ADEME, ne peut pas produire plus de chaleur que ce que la Terre produit grâce aux nombreuses réactions de désintégration nucléaire qui ont lieu en son sein.
Aujourd’hui, on entend parler d’éoliennes à axe vertical, de technologies Darrieus ou Savonius, qui pourraient se fondre plus facilement dans le paysage et en milieu urbain. Pourquoi pas, si cela peut éviter les parcs éoliens gigantesques mais le potentiel sera forcément limité.
On parle encore de fabriquer des panneaux solaires souples à coller partout sur les surfaces exposées au sud, de faire des portions d’autoroute solaires, ou bien de solaire à concentration. L’idée est séduisante et trouvera sûrement une application fonctionnelle mais son potentiel sera toujours limité.
Quel est le problème dans tous ces raisonnements sur le progrès ? C’est qu’on ne considère pas de l’autre côté que la physique nucléaire peut elle aussi faire des progrès ! Et sûrement bien plus importants que les EnR. Il y a un vrai problème à comparer le « vieux nucléaire à papa » (ou l’EPR qui est sa version relookée) avec le « jeune renouvelable du fiston ». D’un point de vue formel, le « vieux nucléaire » a de grosses limitations et notamment par rapport à son rendement de 30% assez catastrophique.
Mais du point de vue de son potentiel intrinsèque (c’est-à-dire l’énergie contenue dans la masse d’un noyau d’atome, E=mc²) le nucléaire surpasse tous les renouvelables imaginables. C’est comme si l’on comparait à un instant donné la vitesse d’une Lamborghini qui vient de passer la troisième avec celle d’une Twingo nouvelle génération qui pousse son moteur en cinquième. On sait bien que la Twingo va se faire distancer rapidement.
La physique nucléaire n’en est qu’à ses débuts. Pour l’instant il n’y a vraiment que les pays des BRICS qui l’ont bien compris. Eux se donnent déjà les moyens de développer des réacteurs de 4e génération à sécurité intrinsèque capables de fonctionner à haute température avec des rendements de 80% et de recycler les déchets à vie longue.
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IMAGE 16 – Construction d’un réacteur à lit de boulets en Chine.
Cela leur donnera la possibilité de pourvoir non seulement à la demande électrique mais aussi de remplacer progressivement les énergies fossiles par une production massive d’hydrogène. Chose que les EnR seront incapables de fournir en quantité suffisante à un coût abordable. Et encore moins avec des cultures d’algues vertes qui vont encore s’étaler sur des millions d’hectares.
Après une vraie transition énergétique par le nucléaire de 4e génération, le développement de la fusion thermonucléaire contrôlée, telle l’accélération d’une Formule 1, viendra parachever le progrès de l’humanité et nous pourrons rigoler bien fort de tous ces champs d’éoliennes rouillées en relisant le Don Quichotte de Cervantès.

Vous ne pourrez pas dire...

Durant cette COP21, François Hollande aura tenté de faire avaler aux africains quelques milliards pour développer les renouvelables alors qu’il a dû lire comme moi le rapport de l’ADEME qui prouve (malgré lui) que les EnR sont un gouffre financier, économique et... écologique. Si la France ne pourra pas supporter une telle transition verte, comment l’Afrique le pourra-t-elle ?
Ce que les africains demandent, et avec eux les pays émergents, ce sont de vrais transferts technologiques, pas des restrictions carbone ou des gadgets « verts ». Ils veulent une garantie que les pays occidentaux ne sont pas en train de fomenter une nouvelle escroquerie. Car dans l’état actuel de précarité énergétique de beaucoup de pays, le sous-développement est un facteur de risque bien plus grand à court et moyen terme que les soi-disant caprices du climat.
Évidemment, tant que M. Hollande n’aura pas identifié les ennemis du progrès dans son camp occidental il est peu probable qu’il réponde au vrai enjeu de notre époque. C’est pourquoi le président de la Banque Africaine de Développement, Donald Kaburela, a pu dire récemment :
Les gouvernements occidentaux sont hypocrites ; eux qui se sont enrichis avec les combustibles fossiles, disent maintenant aux pays africains : vous n’avez pas le droit de construire des barrages, ni des centrales à charbon, contentez-vous de ces renouvelables hors de prix. Les pays africains ne les écouteront pas.
Ceux qui promeuvent aujourd’hui les EnR au lieu de défendre le développement d’une véritable physique nucléaire responsable et citoyenne nous emmènent droit à la ruine. Qu’ils en soient conscients ou non n’est pas la question. Il faut surtout que ceux qui comprennent cette supercherie tirent la sonnette d’alarme et s’organisent. Avec cet article vous avez des munitions pour répondre à vos amis qui verdissent et mettre la pression sur vos élus qui fléchissent.
Quoique vous décidiez, vous ne pourrez pas dire à vos enfants que vous ne saviez pas qu’on tentait de vous imposer l’austérité et la dépopulation.

[1Consommations par secteur : tertiaire 122TWh, industrie 90TWh, résidentiel 110TWh, transport 60TWh, agriculture 11TWh, pertes réseau incluses.
[2Soit dit en passant, ceux-ci ont déjà été divisés par 50 grâce à l’arrêt de la filière d’enrichissement par diffusion gazeuse en 2012 et le passage à l’ultracentrifugation à Georges Besse II.
[3Le prix réglementé de l’électricité en France est de 147 €/MWh TTC, or les taxes représentent 34% du prix donc le coût réel de la production d’électricité est de 97€/MWh. Certaines sources donnent la valeur de 91 €/MWh.
[4Un nouveau procédé dit Elkem pourrait diminuer cette facture énergétique à 30kWh/kg.
[5Vous pouvez vous amuser à regarder la simulation jour par jour et heure par heure de la distribution de production EnR sur le site dédié de l’ADEME. On peut voir à quel point les variations sont grandes et chaque jour différentes. Il faudra des nerfs solides pour gérer ce système !
[6Pour une critique plus détaillée lire l’article de Sylvestre Huet dans Libération daté du 17 décembre 2015, « 2050 : Le mirage du tout-renouvelable ».

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