Commentaire : pourquoi ont-ils tué le nucléaire français?
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To breed or not to breed*
La surgénération est le phénomène qui permet à certains types
de réacteurs nucléaires de refabriquer plus d’atomes fissiles qu’ils
n’en consomment en produisant de l’énergie. C’est un peu comme si en
roulant votre voiture remplissait progressivement votre réservoir
d’essence.
Ce n’est pas de la magie : la fission produit de l’énergie et
des neutrons. Une partie de ceux-ci sert à entretenir la réaction en
chaîne, une autre est perdue en fuites et en capture stérile, le reste
est absorbé par l’uranium 238 et transformé en plutonium. Dans les
réacteurs surgénérateurs, ou breeders, on produit plus de plutonium
qu’on ne consomme d’uranium 235 ou de plutonium. Or dans l’uranium
naturel il y a 140 fois plus d’uranium 238 que d’uranium 235.
On voit donc qu’avec la surgénération on augmente la ressource
en uranium par un facteur voisin de 100 : l´avenir à long terme du
nucléaire de fission exige la surgénération.
Au passage, une petite anecdote. Dans les années 60 et 70, on
utilisait indifféremment les termes surgénération et surrégénération. Le
président Giscard d’Estaing s’en est agacé et a demandé à
l’administrateur général du CEA, Michel Pecqueur, de trancher. Celui-ci a
demandé à son conseiller technique de choisir et de diffuser à la
communauté nucléaire française, ce que j’ai fait par la note ci-jointe.
J’ai choisi l’euphonie. Quelques jours plus tard on m’a appris que
l’académie des sciences avait fait le choix inverse quelques années plus
tôt, mais comme avait dit Ponce Pilate : “ce que j’ai écrit, est
écrit”.
Les Américains ont été les premiers à développer les
surgénérateurs, suivis par les Anglais, les Français et les Soviétiques,
puis les Japonais, les Allemands et les Indiens, et maintenant les
Chinois. Les Américains ont abandonné sous le président Jimmy Carter,
les Anglais, après la découverte du pétrole de la mer du nord, les
Allemands, dans les années 80 et les Japonais, tout récemment.
En France, nous avons construit Rapsodie (1976), Phénix (1973),
le premier à avoir démontré une surgénération significative et enfin
Superphénix (1985) qui reste à ce jour le plus gros surgénérateur jamais
construit. Avec Phénix et Superphénix, la France était le leader
incontesté de cette technologie futuriste, entraînant dans son sillage
Européens, Japonais et Russes.
En 1997, la “majorité plurielle” a cassé cette dynamique en arrêtant
prématurément Superphénix. Les études de surgénérateurs ont continué
quelques temps dans un cadre européen tandis que Phénix poursuivait son
exploitation, permettant ainsi de préserver les compétences françaises.
Le président Sarkozy a relancé l’effort français en promouvant
l’étude d’un prototype Astrid. Malheureusement on parle de plus en plus
de son abandon... Sans un projet vivant, la France perdra très vite ses
compétences en la matière. Si cette décision désastreuse était vraiment
prise, nous n’aurions plus, le moment venu, qu’à acheter des
surgénérateurs russes ou chinois !
* Se reproduire ou ne pas se reproduire
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