Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode II

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Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode I

Claude-Jules Briffaut est né à Vicq, le 25 août 1830. Ordonné prêtre à Langres le 3 mars 1855, il fut nommé vicaire à Fayl-Billot le 16 mars de la même année et occupa cette fonction jusqu'au 1er septembre 1866, date à laquelle il devint curé de Pierrefaites-Montesson. Le 17 février il fut nommé curé de Bussières-les-Belmont. Sous une apparence sévère, il se dévoua toute sa vie pour les pauvres et les malheureux, allant même jusqu'à créer un hôpital. La paralysie qui le frappa deux ans avant sa mort, survenue le 7 avril 1897, à Bussières-les-Belmont, lui interdit ensuite toute activité, à son plus grand désarroi.




Lorsque la religion catholique eut pris un plus grand développement, on sentit le besoin de multiplier les églises pour faciliter aux fidèles l'exercice du culte. Néanmoins il semble qu'il n'y en eut point à Fayl avant le Xe siècle. D'après une tradition accréditée, les habitants allaient alors s'acquitter de leurs devoirs religieux et satisfaire leur dévotion au village de Charmoy [au dessus de Pierrefaites-Montesson, carte], qui était leur paroisse. Ils se trouvaient dans la condition de ceux des hameaux qui ne jouissent pas d'une maison de prière. Il faut en conclure que le chiffre de la population n'était pas considérable.
   Vers l'an 900, le seigneur de Fayl donna des bois et des terres à l' abbaye de Montiéramey ( 11) , diocèse de Troyes, pour fondé un prieuré dans son domaine.


"Cet établissement monastique, en même temps qu’un des plus anciens, fut un des plus considérables du diocèse de Troyes."@Troyes d'hier à aujourd'hui

Quelques moines vinrent s'y établir, et y vécurent sous le règne de saint Benoît. Leur maison occupait le terrain du presbytère actuel. Ils construisirent une église sur l'emplacement même de celle qui existe aujourd'hui [en 1860]. Elle fut dédiée à la très-sainte Vierge en sa Nativité, et le nouvel établissement, ainsi placé sous le patronage de la reine du ciel, prit le nom de Prieuré de Notre-Dame-du-Fayl.



© Collection particulière

   Dès le principe ; cette église fut à la fois conventuelle et paroissiale. Les religieux y priaient, y chantaient l'office divin et y offraient le très-saint sacrifice. Les habitants s'y réunissaient pour entendre la messe, participer aux sacrements, écouter la parole de Dieu, se reposer des fatigues de la semaine, et puiser au pied de l' autel les consolations de la foi.
   Le prieur, c'est-à-dire le supérieur des religieux, fit, pendant longtemps, les fonctions de curé. Il était nommé par l' abbé de Montiéramey, sous la direction duquel il administrait les biens du prieuré. Nous le voyons, en 1264, lui demander la permission d'échanger avec la commune un bois appelé Sainte-Marie, parce que cette propriété avait été donnée à nos Bénédictins en l'honneur de la Bienheureuse Vierge. L'échange eut lieu. La commune fut mise en possession de ce bois, désigné aujourd'hui sous la dénomination de Réserve-Marie. En retour les religieux en acceptèrent un autre plus rapproché de leur couvent. On l'appela dorénavant le Bois-Prieur, du nom de son nouveau propriétaire. Il fut probablement défriché par ces moines laborieux, donna l'exemple donna au peuple qui les admiraient, une heureuse impulsion vers les travaux agricoles.
   La vie conventuelle ne substitua pas toujours au prieuré de Notre-Dame. Les religieux l'abandonnèrent, soit à cause du malheur du temps, soit parce que les revenus de l' établissement ne suffisaient plus à leur entretien, soit pour d'autres motifs que nous ignorons. Alors la cure fut confiée à un prêtre séculier. Le premier dont le nom nous soit parvenu s'appelait Pierre, et vivait en 1347 ; nous le verrons, à cette époque, défendre les intérêts de ses paroissiens, contre les prétentions des officiers de la seigneurie. En 1391, le prieuré fut amodié au curé de Fayl ; ce qui montre qu'il n'y avait plus de conventualité. Cependant le titre de prieur fut maintenu et donné à un prêtre qui n'était pas obligé à la résidence, mais qui devait se rendre à Fayl pour y officier les jours de fête. Cet usage rappelait les fonctions curiales que ses prédécesseurs avaient autrefois exercées en cette église. L'abbé de Montiéramey conserva, jusqu'en 1789, le droit de nommer le prieur et le curé (12). L'institution canonique était conférée par l'évêque de Langres.
   Pendant les IXe et Xe siècles, nos contrées eurent beaucoup à souffrir des invasions des Normands et des Hongrois. La terreur que répandirent ces barbares et le besoin de se défendre contre les voisins puissants et ambitieux engagèrent les nobles à fortifier dans leurs domaines. C'est probablement à cette époque que le Seigneur de Fayl fit construire un château-fort sur une colline élevée qui domine le vallon de trois côtés, et où se trouvait peut-être déjà un châtelet romain : il l'environna d'épaisses murailles et le sépara de la plaine par un fossé large et profond sur lequel il jeta un pont-levis. Il accorda aux habitants de Fayl et à d'autres villages environnants le droit de se retirer dans ce château en temps de guerre, à condition qu'ils y feraient guet et garde.



Ancien site d'un châtelet romain et du château-fort La forêt communale de Fayl-Billot : ancienne section. @posp52500.free.fr

   L'histoire ne fournit aucun document sur les seigneurs qui possèdent Fayl avant le XIIe siècle. À cette époque, il appartenait aux sires de Fouvent [aujourd'hui en Haute-Saône]. Quelques temps après la fondation de l'abbaye de Belmont, qui eut lieu en 1127, Guy, fils de Humbert II, chevalier, seigneur de Fouvent, céda à cette maison les dîmes de son labourage au lieu de Louvières (13).



Abbaye de Belmont @ monumentum.fr

Guy eut deux fils, Girard et Thierry. Girard, quatrième du nom, devint seigneur de Fouvent en 1142. Il épousa Clémence, fille de Richard II, seigneur de Montfaucon, et de Sophie de Montbéliard. Il donna l'abbaye de Belmont tout ce qu'il possédait à Louvières (14), du consentement de sa femme et de ses deux enfants, Humbert et Thierry. En 1170, il se croisa, partit pour la terre sainte et ne revint pas de cette expédition.
   Humbert IV lui succéda, et laissa lui-même ses possession et ses titres à son fils Henri. Celui-ci eut d'Agnès, son épouse, de 1190 à 1201, quatre enfants, dont deux moururent avant leur père. Le troisième, nommé Anselme, fut chanoine de Langres, et Clémence, la plus jeune, devint la seule héritière de la seigneurie de Fouvent, de celle de Fayl, etc.
   Clémence épousa, vers 1203, Guillaume de Vergy, premier du nom, sénéchal de Bourgogne, seigneur de Mirebeau et d'Autrey, fils de Hugues de Vergy et de Gisle de Trainel. C'est par ce mariage que la seigneurie de Fouvent et des lieux qui en dépendaient, passa aux Vergy, dont les armes étaient : de gueules à trois quintefeuilles d'or.




Guillaume Ier mourut au mois de janvier 1240. Son fils, Henri Ier de Vergy, sénéchal de Bourgogne, seigneur de Mirebeau, d'Autrey, de Fontaine (15), de Champlitte, de Fouvent, de Fayl, de Lavoncourt, etc., épousa avant 1248, Elisabeth de Ray. Au mois de septembre 1250, il donna à l'abbaye de Belmont un cens de dix livres de cire qu'il percevait annuellement sur un habitant de Fayl, appelé Duramont. Il mourut le 27 octobre 1258.
   Guillaume III de Vergy succéda à son père Henri Ier dans tous ces titres et biens ; mais il ne laissa pas d'enfants. Il eut pour héritier son frère, Jean Ier de Vergy, marié à Marguerite des Noyers. Il reprit le fief du duc Robert II, en 1275, la sénéchaussée de Bourgogne, Mirebeau, Fayl, la garde de Saint-Léger, etc. Il mourut en 1310, laissant quatre enfants, savoir :
- Henri II, qui comme aîné, conserva la seigneurie de Fouvent ;
- Hugues, chanoine de Langres ;
- Guillaume, qui eut pour apanage les seigneuries de Mirebeau, Fontaine, Lavoncourt, etc ;
Enfin Hélissent ou Alixand, [ Hélisende de Vergy] mariée en premières noces à Henri II, comte de Vaudémont, d'où sont sortis les ducs de Vaudémont, de Lorraine, de Guise, de Mayenne, d'Aumale, de Mercoeur et d'Elbeuf.
   Cette dame avait reçu en dot la seigneurie de Fayl. Au mois d'août de l'an 1300, elle écrivit une lettre dans laquelle elle déclare que, se trouvant à Champlitte, elle a repris du duc de Bourgogne le château de Fayl, la châtellenie et ses dépendances, lequel château était jurable et rendable audit prince (16).
   Elle épousa en secondes noces Gauthier de Châtillon, comte de Porcien et connétable de France. Elle lui apporta en mariage les châteaux de Fayl et de Morey (17) avec leurs appartenances. Ils eurent un fils, nommé Guy de Châtillon, qui prit le titre de sire du Fay et de Morey. Leurs armes étaient : de gueules à trois pals de vair, au chef d'or chargé d'une merlette de sable sur le premier canton.




   On voit, dans une lettre écrite par Gauthier et Guy, qu'ils avaient la souveraineté de Bourguignon-les-Morey (18). Mais Hue, seigneur de ce village, qui leur devait une somme considérable, ne leur ayant pas rendu à temps l'hommage accoutumé, ils firent mainmise sur sa terre " tant pour défaut d'homme que pour grande somme de deniers". Leur cousin, Gauthier de Bayon, ayant épousé Catherine, fille dudit Hue, ils l'investirent, pour ses bons services, et le mirent en possession de Bourguignon et de ses dépendances. Toutefois ils se réservaient l'hommage et la souveraineté de cette seigneurie, qui devait continuer d'être tenue en fief-lige dudit Guy de Châtillon et de ses successeurs.

À suivre...

L'abbé Briffaut, Histoire de la ville de FAYL-BILLOT et notices sur les villages du canton, 1860, pp. 6-11, Monographies des villes et villages de France, Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris 2012.

11. Cette abbaye, fondée en 837 par un prêtre nommé Arremare, fut appelée de son nom Monastérium Arremarense, Monastère ou Montier d'Arremare ; et, par corruption, Montiéramey. C'est aujourd'hui un village du canton de Lusigny, arrondissement de Troyes. Il est situé sur la Barse, affluent droite de la Seine. Il y a une station, qui est la trentième du chemin de fer de Paris à Mulhouse. On y compte 728 habitants. 


12. Au XIIe siècle, Godefroy de Rochetaillée, évêque de Langres, donna à l'abbé de Montiéramey et à tous ses successeurs le droit de pouvoir à toutes les cures de son diocèse qui étaient dans les lieux dépendants de ladite abbaye.

13. Il s'agit ici de Louvières, ferme considérable du territoire de Fayl. Elle a appartenu à l'abbaye de Belmont depuis cette époque jusqu'en 1790. Le bois qui en dépendait conserve le nom de Bois-des-Nonnes.

14. Girardus de Fonte Venna, source du Vannon, dedit quicquid habebat apud Louerias.

15. Fontaine-Française [aujourd'hui Côte d'Or].

16. Au bas de cette lettre on voyait le sceau de ladite comtesse qui y était représentée tenant de sa main droite une espèce de boule ou de rose, et ayant l'autre main nue sur sa poitrine. Au côté droit était un sceau dont les armes étaient trois besants, et au côté gauche, un autre sceau dont les armes étaient trois fasces.

17. Morey (Haute-Saône), dont le château fut, dit-on, bâti vers l'an 1256, par Henri Ier de Vergy.

18. Ce village a dû recevoir son nom d'une peuplade Bourguignonne, qui s'y établit au Ve siècle. Dans tous les temps, jusqu'à la révolution, il a été un fief dépendant de la seigneurie de Fayl.



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