Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode I

Claude-Jules Briffaut est né à Vicq, le 25 août 1830. Ordonné prêtre à Langres  le 3 mars 1855, il fut nommé vicaire à Fayl-Billot le 16 mars de la même année et occupa cette fonction jusqu'au 1er septembre 1866, date à laquelle il devint curé de Pierrefaites-Montesson. Le 17 février il fut nommé curé de Bussières-les-Belmont. Sous une apparence sévère, il se dévoua toute sa vie pour les pauvres et les malheureux, allant même jusqu'à créer un hôpital. La paralysie qui le frappa deux ans avant sa mort, survenue le 7 avril 1897, à Bussières-les-Belmont, lui interdit ensuite toute activité, à son plus grand désarroi.





 

 Chapitre I

Depuis l'origine de Fayl-Billot jusqu’à l'affranchissement de la commune (450-1324)

   Dans l'ancienne gaule, le territoire de Fayl-Billot faisait partie du pays des Lingons. Sous la domination romaine, lors de la division en dix-sept provinces, il fut compris dans la première lyonnaise, et traversé par quelques-unes de ces nombreuses voies qui sillonnaient cette contrée. C'était d'abord la levée de Langres à Bâle. Sa direction, qui était à peu près celle de la route actuelle, est marquée par les dénominations de Haut-Chemin (1), Vieux-Chemin et Ferrières (2). Nous pensons que cette chaussée partait une branche qui, passant au bas du hameau de Bonnay, allait, par le vallon de 
Bussières, rejoindre, à Grenant, celle de Langres à Besançon. À gauche de ce vallon s'élève une petite colline, appelée Châtelet, maintenant couronnée de bois. Au commencement du XVe siècle, il y avait là une maison entourée de fossés formés par des terrassements ; on y voit encore des débris de tuiles anciennes. Au nord du territoire, il existait une autre voie romaine venant de Maizières. Dans les forêts communales et près de la fontaine de Miellet, on a découvert des restes de construction, des tuiles à rebord, plusieurs têtes en pierre assez bien sculptées, des fragments de statues, et une pierre de grès représentant en relief un homme et une femme de grandeur presque naturelle. Leur attitude semble dénoter qu'ils offrent des présents aux dieux. Il y a lieu de croire que le nom de Château-Grillot, donné à la maison n°70, rue de la Maladière, indique la place d'un retranchement romain. 



Histoire de la ville de FAYL-BILLOT et notices sur les villages du canton, page 3



Fayl-Billot, rue de la Maladière @Geoportail

C'est l'opinion d'un savant (3), qui a rencontré maintes fois la dénomination le long des voies romaines, surtout aux environs de Gray. Enfin il y a, en divers endroits du territoire, des mares ou marchais, d'où l'on a tiré de gros chênes sans écorce, qui furent sciés en planches (4). Tout cela montre évidemment que, dès le temps des Romains, il existait quelques établissements sur ce point que nous habitons. Mais la plus grande partie du territoire était encore couvertes de vieilles forêts où dominait le hêtre. De là vient le nom de la petite ville dont nous allons étudier l' histoire.
   Le mot Fayl dérive du latin Fagus, hêtre, en patois foyard, ou fagetum, lieu planté de hêtres et où le bois croit facilement. Au moyen-âge on le traduisait par l'expression Faillum, Faylum, et l'on écrivait en français le Fahy, le Fay, ou plus souvent, le Fayl. Depuis soixante ans, quelques-uns ont substitué un s à la lettre l et on écrit Fays ; c'est un usage particulier qui ne doit pas prévaloir contre la tradition.
   Comme il y a en France trente-six localités portant ce nom appellatif de forêts (5), on convint, pour distinguer celle-ci des autres, d'ajouter au mot Fayl le terme Billot, en latin Billotus, Billotum, parce qu'il y avait jadis à Fayl un billot, c'est-à-dire un poteau indicateur des droits de péage que le seigneur percevait sur les étrangers, et des franchises dont jouissaient les habitants (6). C'est en 1603 que nous trouvons pour la première fois Le Fayl-Billot. Depuis ce temps on a généralement supprimé l'article, qui pourtant se conserve dans le langage populaire (7).
   Il semble que l'origine de
Fayl-Billot, comme centre de population, ne remonte pas au-delà du Ve siècle. Il prit probablement naissance au milieu de la révolution sociale produite par l'invasion des tribus germaniques. Les Burgondes ou Bourguignons, poussés par les autres barbares qui émigraient derrière eux, passèrent le Rhin en 413, et s'établirent dans la partie orientale des Gaules. Au bout de trente ans, malgré les efforts d' Aétius, général romain, ils avaient agrandi leurs conquêtes et fondé le royaume de Bourgogne, qui s'étendait jusqu'au pays de Langres. Leur premier roi fut Gundiock ou Gundeuc, aïeul de Clotilde, laquelle épousa, en 493, Clovis Ier, roi des Francs.
   Devenus maîtres de cette portion du sol gallo-romain, les Bourguignons la partagèrent avec le peuple vaincu. Nous pensons que la terre de Fayl échut à un guerrier qui en devint seigneur et la fit défricher et cultiver. Il laissa aux colons qui s'y trouvaient déjà établis, ou qui vinrent s'y fixer, des propriétés et une grande liberté personnelle. Il n'en fit point des esclaves attachés à la glèbe, et ne les obligea pas à lui payer, sans aucune réserve, le fruit de leur travail. Cependant il les assujettit à des tributs, qu'il préleva sur eux deux fois l'an. Dans le principe, ces tributs ne furent pas excessifs ; car il lui importait d'attirer des habitants dans son domaine. Mais, plus tard, ses successeurs, avides et capricieux, exigèrent des sommes beaucoup plus considérables, et ruinèrent ainsi la population qu'ils étaient chargés de protéger et de défendre. Ces impôts arbitraires furent appelés Tailles, à cause, dit-on, de l'usage où étaient les collecteurs de marquer sur un petit morceau de bois, par un trait ou une taille, ce que les contribuables avaient payé (8).
   En 534, les francs s'emparèrent de la Bourgogne qui fut partagé entre les fils de Clovis. Fayl subit toutes les vicissitudes qu'éprouva dans la suite cette province, dont il ne cessa jamais de faire partie. Néanmoins son territoire, d'après la coutume bourguignonne, fut toujours considéré comme une propriété de franc-alleu (9), c'est-à-dire que celui qui la possédait, était un petit souverain ne devant rien à personne et ne relevant que de Dieu et de son épée. Il jouit de cette prérogative jusqu'au jour où il se plaça sous la protection d'un autre plus riche et plus puissant que lui, ce qui était un avantage considérable dans les temps d'anarchie. Aussi nous le verrons, à l'époque de la féodalité, rendre hommage de sa terre au duc de Bourgogne, dont il se constitua vassal.

  Au moment des invasions, le pays Langrois était déjà chrétien. Les Barbares eux-mêmes ne tardèrent pas à se convertir à la foi catholique. La religion devait faire peu à peu des vainqueurs et des vaincus un peuple de frères. Cependant on ne construisit pas tout d'abord une église dans chaque village. Lors de l'établissement du christianisme, on ne célébrait les saints mystères et l'on ne baptisait que dans la cathédrale ou l'église de l' évêque. Plus tard on fut obligé de fonder, dans les diverses parties du diocèse, des églises que l'on nomma Plèbes, parce qu'elles étaient destinées au peuple de la campagne. Il y en eut une à Pierrefaite pour toute la contrée environnante. Elle fut, en quelque sorte, la mère des autres églises du canton. Voilà pourquoi le village qui la possédait, resta jusqu'à la révolution de 1789 le siège de l'un des doyennés du Bassigny (10).


À suivre...

L'abbé Briffaut, Histoire de la ville de FAYL-BILLOT et notices sur les villages du canton, 1860, pp. 1-5,  Monographies des villes et villages de France, Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris 2012.

1. C'est le nom d'un ferme de Rougeux et l'ancien nom des terres qui confirent au territoire de Pierrefaite.


2. Ce mot signifie quelquefois un endroit où il y a de la mine de fer.

3.M.Edouard Clerc, conseiller à la cour impériale de Besançon, auteur de La Franche-Comté à l'époque romaine, représentée par ses ruines

4. L'opinion de ceux qui attribuent ces marchais au séjour des Suédois en 1636 nous parait tout-à-fait dénué de fondement. La preuve qu'ils remontent à un âge antérieur c'est qu'on y a trouvé, à Savigny, une tête romaine.

5. Une seule est plus considérable que Fayl-Billot, c'est Fays dans le département de la Loire-Inférieure, où l'on compte environ 3 400 habitants. Le Fay, canton de Beaurepaire, Saône et Loire, ainsi que Fay-aux-Loges, canton de Châteauneuf-sur-Loire, Loiret, sont des bourgs de douze à quinze cents habitants. Les autres ne sont que des villages ou des hameaux. Fays, canton de Wassy, Haute-Marne, n'a que 156 habitants.

6. Billot est le nom d'une famille de Fayl qui s'éteignit au XVIIIe siècle, et d'une ferme située, dit-on, au Mont-d'Olivotte. Le mot Billot a aussi pu venir de là. Il y a dans le département du Calvados deux hameaux appelés Billot.

7. M.Rieusset, secrétaire intime de M.le préfet Jerphanion, a donné dans ses Notices historiques sur la Haute-Marne, cette étymologie : Fayl-Billot est formé du celtique Fay, hêtre, et Byl, roc. Nous ne sommes pas tout-à-fait de son avis. La plupart des Fayl étant situés sur des voies romaines, dit un historien, il peut se faire que ce nom, au lieu de tenir de Fagus, ait une autre signification. 

8. D'après le dictionnaire de Napoléon-Landais, le mot Taille, pris en ce sens, vient du latin talea, branche d'arbre coupée par les deux bouts pour être plantée ; parce que, dit Caseneuve, comme cette branche est retranchée de l'arbre, de même la taille est retranchée des biens des citoyens.

9. Alleu signifie terre tirée au sort. Un franc-alleu était une terre indépendante et affranchie de toute redevance. 

10. Le doyenné de Pierrefaite, decanatus Petrae fictae, comprenait, d'après une carte de 1732, les églises paroissiales d' Anrosey, Arbigny, Champigny, Chaumondel ou Pisseloup, Chézeaux, Coiffy-le-Bas,  Fayl-Billot, Frettes, Hortes, Laferté, Maizières, Poinson, Pressigny, Rosoy, Savigny, Soyers, Tornay, Varennes, Vicq, Vitrey ; les églises succursales ou annexes de Bourguignon, Charmes, Charmoy, Chauvirey, Coiffy-le-Haut, Damrémont, Guyonvelle, Laneuvelle, La Quarte, Lavernoy, Ouge, Rougeux, Velles ; les abbayes de Beaulieu et de Vaux-la-Douce.

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