ÉNERGIE, GUERRE EN UKRAINE : LE GAZ EST-IL TOMBÉ SUR LE CHAMP DE BATAILLE?

  À cette question, un début de réponse
  "... Au deuxième trimestre 2022, les prix spot du gaz européens et asiatiques ont été en moyenne inférieurs aux niveaux du premier trimestre mais sont restés à des niveaux saisonniers records sur fond d’hyper-volatilité.
Après une envolée des prix exceptionnelle les jours suivant l’invasion de l’Ukraine début mars, les prix sont retombés à des niveaux de l’ordre de 20$/MBtu à 30$/MBtu jusqu’à la mi-juin. En Europe, la douceur des températures, la forte baisse de la consommation gazière, la croissance des importations de GNL et les taux de remplissage élevés des stocks ont exercé un effet modérateur sur les prix. Mais depuis la mi-juin, la réduction brutale des livraisons de gaz russe par le gazoduc Nord Stream et l’arrêt d’une usine d’exportation de GNL américaine ont provoqué une nouvelle flambée des prix.
L’Europe entame le troisième trimestre en état d’alerte rouge, les risques de ruptures prolongées d’approvisionnement de gaz russe incitant à des mesures d’urgence.

  ... Au deuxième trimestre de l’année 2022, les prix spot européens s’établissaient en moyenne à 30,9$/MBtu, en baisse de 5 % par rapport au trimestre précédent mais affichant des niveaux cinq fois plus élevés que la moyenne des cinq dernières années pour cette période.
... Au second trimestre 2022, le commerce mondial de GNL est estimé en hausse de 3 % par rapport à l'année précédente. L'offre mondiale de GNL a continué à augmenter sous l’impulsion des exportations américaines,
  ... Le marché européen du gaz entame ainsi le troisième trimestre 2022 en état d’alerte rouge, la réduction des approvisionnements russes incitant à des mesures d'urgence à venir, comme la remise en service des centrales à charbon et le rationnement. Une explosion des prix sur fond d’hyper-volatilité n’est pas à exclure et les prix prévus pour cet hiver flambent et s’élèvent déjà à près de 150 €/MWh...
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  Source
  Non! La guerre en Ukraine ne sera définitivement pas la sépulture du gaz!...

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La fin du Gaz a-t-elle sonné avec la guerre en Ukraine ?

Raux JF, diplômé de l’Institut d’ Études Politiques de Paris et titulaire d’un DESS de Droit Public Européen, ancien Directeur général de l' Union française de l'Électricité, UFE, ancien de EDF et GDF

   Depuis la guerre en Ukraine, une question se pose : le gaz est-il fini ? La réponse est clairement " non ", ne serait-ce que pour assurer la sécurité d'approvisionnement en Électricité.
  Depuis la guerre en Ukraine et de la guerre énergétique de la Russie à l’Europe, une question se pose : le gaz est-il fini ? Les gaziers doivent-ils se cacher ? À première vue, l’échec du « tout gaz russe » voulu par l’Allemagne, repris par l’Europe, condamnerait le gaz en général.

Deux réflexions me viennent néanmoins qui vont à l’encontre de cette “ première vue
  La première est que l’on aura besoin de centrales au gaz pour assurer la sécurité d’approvisionnement, équilibre en puissance à la pointe, pendant longtemps : tant que l’on n’aura pas de stockage de l’électricité longue durée. On ne peut compter sur les voisins et les imports d’électricité pour ce faire : contrairement à ce que propose RTE depuis les années 2010. Pourquoi ? Parce que la puissance importée n’est pas garantie : c'est-à-dire SÉCURISÉE ou, présente quand on en a besoin à la pointe. En effet, faute de marché de capacité, de la puissance, européen qui garantit la puissance importée, donc la disponibilité des centrales et des interconnexions au moment de la pointe, cette approche relève plus de la loterie que d’une saine gestion nationale de l’équilibre du système électrique à la pointe.
  C’est aussi pourquoi les ENR, intermittentes, non pilotables, marchent en fonction du vent ou du soleil, pas d’une décision humaine, ne peuvent assurer à la sécurité d’approvisionnement : elles n’ont pas de puissance garantie et peuvent faire défaut au pire moment. On ne peut raisonner, pour gérer la sécurité d’approvisionnement, avec « des espoirs » que le vent soufflera au bon moment.
  De la même manière, même si elle joue, la flexibilité de la puissance appelée en pointe, effacement, maîtrise de la puissance, n’est pas à l’échelle actuellement. On a estimé la perte de modulation de la puissance demandée à plus de 8GW depuis 2000, faute d’incitations tarifaires sérieuses par suite de la mise en place du marché. Il va donc falloir la reconstituer, la développer et la garantir : ne pas compter sur la seule bonne volonté des clients, donc introduire des contrats et des automates de gestion.
   Ne comptons pas non plus, dans l’immédiat, sur un stockage massif et long de l’électricité: les STEPs actuelles font déjà un bon job, mais leur potentiel de développement est limité, faute de site.   Les autres solutions, coûteuses, seront longues à développer.
   Donc, pour assurer la sécurité d’approvisionnement nationale, on doit avoir des centrales thermiques classiques situées en France et à puissance garantie. Cela revient à reconstruire la marge de pilotable, en construisant des centrales au Gaz, que l’on a fermé depuis 2010 : en gros 10 GW. Il s’agit aussi de pouvoir compenser la baisse de la production nucléaire liée aux problèmes de maintenance, décalage de planning, défaut générique…,.

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  Pour bien comprendre les ordres de grandeur, il faut se référer au record de pointe de 2012 et la disparition du pilotable fermé, charbon, fioul, ou en difficulté : nucléaire : l’ordre de grandeur du manque est de l’ordre de 20GW, s’il faisait très très froid… 


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   Ces centrales pilotables au gaz tourneraient peu, mais doivent être rentables. Les rémunérer sur la base de l’énergie produite ne suffit pas à assurer leur rentabilité. Cela nécessite, pour les rémunérer correctement, la mise en place d’un marché de capacité. Je l’ai dit et prouvé de nombreuses fois. Ou à défaut des CFD, acronyme anglais de Contrat pour différence, beaucoup moins intelligents et performants que le marché de capacité.
  La deuxième réflexion est que la France a, avec Engie et Total, des gaziers de premier plan. Ils ont été écrasés en Europe par le “ tout gaz russe ” au profit de Gazprom. Bien sûr, ils ont été des partenaires de ce dernier : ENGIE était dans le consortium Nord Stream ; Total avait investi en Russie dans les champs pétroliers et gaziers. La Russie, à travers Gazprom et son gaz abondant et pas cher, avait assommé la concurrence en Europe et donc la pertinence des autres sources d’approvisionnement en gaz. Pour les Russes, il s’agissait de rendre l’Europe dépendante de leur gaz, même au prix de quelques prévarications : Schröder, président de Nordstream, titulaire de quelques postes lucratifs dans des sociétés russes, est un proche de Poutine. La carte ci-dessous parle d’elle-même.
 
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  La situation s’est bien sûr inversée avec la crise ukrainienne. ENGIE et TOTAL ont retrouvé de la marge de manoeuvre, car, n’oublions pas que le gaz est abondant dans le monde, le problème étant de le transporter. Les flux entre la France et l’Allemagne s’inversent et le spread [progression] France / Allemagne est monté à plus de 80€ : on peut vendre du gaz en Allemagne en faisant de grosses marges ! Il ne s’agit moins de « solidarité européenne » que de Business !
  La France a des terminaux méthaniers, pas l’Allemagne, et un réseau mondial de fournisseurs, voire pour Total, de champs de production. En GNL, gaz naturel liquéfié, transporté par bateau, elle a donc l'expérience et la compétence. Les Allemands ont perdu NS1 & 2 [Nord Stream], clef de voûte de leur stratégie.
  Nos “ champions ” peuvent donc s’atteler à négocier des contrats de Long Terme, LT, compétitifs pour le compte de l’Europe ; y compris avec les USA, comme l’ont fait les Chinois.
  Il faut comprendre l’enjeu national que portent ces entreprises. La question n’est pas de savoir si elles font des superprofits, question profondément populiste  désignant un bouc émissaire de la crise à la vindicte populaire. Ces « champions » sont en fait au cœur d’un enjeu démocratique majeur : éviter des coupures d’électricité et de gaz qui plongeraient notre pays dans une révolte populiste. C’est aussi pour cela que le nucléaire d’EDF doit se remettre à niveau de toute urgence : il est un des fondements de la stabilité sociale et de la performance économique de la France. Il faut éviter l’effondrement de notre société par la crise énergétique. Le discours sur la sobriété semble souvent reporter la charge de la sortie de crise sur les citoyens pour dédouaner les « clercs » de leur lourde responsabilité dans cette crise, par défaut de vision prospective. Ni la crise énergétique ni l’urgence climatique ne doivent conduire à provoquer une crise sociale et économique majeure en France et en Europe : cela n’aurait tout simplement pas de pertinence.



  Il faut, pour que ces entreprises puissent jouer leur rôle, potentiellement puissant, que l’Europe modifie ses règles : après un tropisme « tout marché » et une condamnation des contrats de LT par la commission au nom de l’éternelle concurrence, il faudra sans doute plus s’inspirer des vieilles pratiques de GDF, oui, un monopole performant, en négociant un cocktail de contrats de LT qui assurent notre sécurité d’approvisionnement gaz et contribuent de manière essentielle à la sécurité d’approvisionnement électrique. GDF avait une doctrine simple : avoir au moins 4 sources d’approvisionnement en gaz et pouvoir se passer d’une d’entre elles.
  On comprend aussi pourquoi, la France rechigne à accepter un gazoduc entre l’Espagne et l’Allemagne qui diminuerait la valeur commerciale de ses actifs gaziers. Néanmoins, l’Espagne est suréquipée en terminaux gaziers, sous-employés, alors que les terminaux de la façade atlantique et manche sont saturés. La voie d’une coopération intelligente risque de s’imposer rapidement.

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  Alors on peut conclure sans trop de risque que, oui, le gaz est encore utile pour de nombreuses années, bien qu’il s’agisse d’une énergie fossile. En France, on va émettre un peu plus de CO2 pour sécuriser notre système électrique à la pointe ; à condition que l’usage du gaz soit limité à cela, et ne devienne pas systématique pour pallier aux manques de nucléaire. C’est mieux que de réouvrir des centrales au charbon ou au fioul. Notre sécurité d’approvisionnement ne doit plus être oubliée comme cela a été le cas depuis 10/20 ans. Elle doit être repensée de manière rationnelle ; et la rationalité passe par le gaz, encore pour quelques dizaines d’années, le temps que d’autres technologies prennent le  relais.
  C’est pour cela que l’on doit arrêter de penser qu’il ne faut plus investir dans les fossiles, extraction, production… : pour le gaz, c’est suicidaire, comme le montre l’analyse « à froid » de la crise actuelle, qui est une crise du gaz russe, pas du gaz en général. À ce titre, on doit s’interroger sur l’utilisation du gaz de schiste. On importe et importera du gaz de schiste US ; alors il serait hypocrite de ne pas se poser la question de l’exploitation de ce gaz en Europe, la donne géostratégique ayant changé.

  Et puis, il faut préparer l’avenir. L’avenir c’est le « gaz vert », appelé biométhane, produit par méthanisation, qui intéresse aussi nos agriculteurs. Mais c’est aussi sans doute le « power to gas » l’utilisation de l’électricité produite en excédent par les ENR, solaire, éolien, ou le nucléaire quand l’offre d’énergie électrique excède la demande pour produire de l’hydrogène qui elle se stocke et peut être réutilisée ensuite.
  Personnellement, je crois à la complémentarité nucléaire + gaz pour gérer la transition du système électricité et ce d’autant plus que l’on développera les Énergies renouvelables : cela me parait évident si l’on réintroduit le paramètre sécurité d’approvisionnement dans la stratégie, sécurité d’autant plus importante que l’électricité jouera un rôle majeur dans une économie et une société numérisée : sécurité, médecine, communication, régulation, y compris de l’énergie, mobilité, transports vont de plus en plus dépendre de l’électricité ET de sa continuité de fourniture, sécurisée en ultime par le gaz. Cela va en choquer plus d’un, mais c’est ma conviction actuelle, compte tenu de l’histoire récente et des fondamentaux technico-économiques de la France et de la transition qu’elle a gérée. D’autres solutions techniques : stockage massif de l’électricité, flexibilité de la demande de puissance à grande échelle et sécurisée, méthanisation, power to gaz etc…
  On ne fait pas pousser les salades en tirant dessus, disent les Normands. Laissons-les se développer en toute sécurité… d’approvisionnement !

Sur le Web

UNION EUROPÉENNE, ÉLECTRICITÉ : " JE TE TIENS, TU ME TIENS... "

  La guerre de l'électricité au sein de l' Union européenne aura-t-elle lieu?
  "... La vieille société fait semblant de vivre et n'en est pas moins à l'agonie. Quand elle sera expirée, elle se décomposera afin de se reproduire sous des formes nouvelles, mais il faut d'abord qu'elle succombe ; la première nécessité pour les peuples, comme pour les hommes, est de mourir... "
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, Livre dix-huitième, chapitre 4, Le Livre de poche, classiques, p. 281. 

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Le futur électrique se joue aussi à l’échelle européenne

Serge Vidal, ancien ingénieur-chercheur à EDF, est membre du comité de rédaction de Progressistes

  L’augmentation récente des tarifs de l’électricité, liés à ceux du gaz, a fait prendre conscience au plus grand nombre de l’influence de l’Europe dans ce domaine. Cette situation résulte de la mise en place du marché unique de l’électricité qui décorrèle les prix des coûts de revient. Le conflit en Ukraine montre aussi l’importance de garantir notre souveraineté énergétique nationale. La dimension transfrontalière de la fourniture électrique est appelée à fortement augmenter.

 

Des systèmes nationaux solidaires
  Les connexions électriques transfrontalières, ou interconnexions, ont initialement été développées pour assurer la sécurité d’alimentation des systèmes électriques nationaux. En cas de défaillance ou d’insuffisance de production dans un pays, elles permettent d’y suppléer avec la fourniture par un État voisin. Ces interconnexions ont ensuite rapidement servi aux échanges commerciaux, exportation des surplus des productions, hydraulique ou nucléaire pour la France.
  Un réseau international, synchronisé en courant alternatif à 50 Hz, a été mis en place. Il va de la Turquie à la Tunisie, en passant par l’Union européenne. Les réseaux nationaux qui y sont rattachés sont solidaires ; un exemple le met en évidence : le 8 janvier 2021, une défaillance à un poste électrique croate a affecté toute l’Europe et a nécessité des mesures de protection en urgence.
  Depuis la libéralisation des marchés, les échanges commerciaux ont atteint des dimensions sans précédent. Des Bourses multinationales interconnectées ont été créées dans le cadre de la mise en place du marché unique. La France est intégrée dans une Bourse de l’électricité en gros appelée Epex Spot, qui comprend aussi l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche. Une ingénierie financière s’est développée sur ces marchés qui pilotent les transferts physiques. Et les consommateurs français sont exposés à des prix de marché qui ne reflètent pas les caractéristiques du mix national, décarboné et compétitif.
  La montée en puissance de l’éolien et du photovoltaïque introduit, de plus, une intermittence qui affecte les productions nationales d’électricité et les besoins d’alimentation à court terme. Cela augmente encore les échanges transfrontaliers. Certains pays exportent la variabilité non maîtrisée de leur production. Les flux sur les interconnexions deviennent de plus en plus variables et peuvent changer de sens au cours d’une même journée.
  La France a des interconnexions avec l’Italie, la Suisse, l’Allemagne, la Belgique, la Grande-Bretagne et l’Espagne. Une connexion supplémentaire avec l’Irlande est en construction. RTE publie sur Internet, en temps réel, le niveau des échanges physi­ques de la France : application éCO2mix, ou aussi eCO2mix.

Des dépendances structurelles
  Au-delà de la gestion à court terme des échanges qui peuvent générer de la spéculation, certains pays sont structurellement dépendants des importations d’électricité. C’est particulièrement le cas, parmi nos voisins, de la Belgique et de l’Italie. Leurs mix de production ne sont pas suffisants, en moyenne, pour couvrir leurs besoins.
  Cette dépendance peut se constater au regard des bilans import/export annuels, mais il faut aussi tenir compte de ce que le pays considère comme temps moyen de coupure de courant acceptable. En France, cette valeur est fixée à 1,5 h/an, elle est de 3 h/an en Italie et en Belgique, de 5 h/an en Allemagne. Le choix de capacité des installations de production électrique est fait en considérant cette « espérance de durée de défaillance », et RTE prévoit qu’elle sera de 5 h/an pour la France en 2050 !
  Bien que la France soit aujourd’hui largement exportatrice d’électricité, depuis 2011 l’évaluation de la sécurité d’approvisionnement, définie dans le Code de l’énergie, intègre la contribution des pays voisins dans l’équilibre offre/demande. Il s’agit de limiter le dimensionnement du parc de production en France. Cela conduit à rogner sur les marges de sécurité. Cette dépendance est néanmoins limitée aujourd’hui à environ 1 % du temps. À long terme, il est prévu d’atteindre 5 % du temps.

 

 
 




 Une interdépendance de plus en plus grande
  Les perspectives pour le système électrique européen indiquent que l’interdépendance entre les pays va fortement augmenter. Les prévisions dans chaque pays sont marquées par une hausse de la part de l’électricité dans les usages énergétiques et un fort développement des énergies renouvelables, notamment éolienne et photovoltaïque. La part de l’électricité, aujourd’hui de l’ordre de 25 % de la consommation d’énergie dans l’Union européenne, devrait doubler au bout de trente ans.
  Le fonctionnement du système électrique français dépendra largement des évolutions de la consommation et de la production des pays voisins. La contribution des interconnexions à la sécurité d’approvisionnement en France devrait passer de 10 GW aujourd’hui à plus de 20 GW. De plus, les différences de mix de production et de profils de consommation entre les pays du nord et du sud de l’Europe auront des conséquences importantes sur les échanges d’électricité sur le réseau français, d’autant qu’il se situe à l’interface entre ces pays.
  Des situations de manque de vent conjugué à une température froide sur l’ensemble de l’Europe généreront de fortes tensions. Ces épisodes ont été rencontrés dans le passé : comme le 20 janvier 2016. Le risque serait accru pour l’approvisionnement, si une sécheresse longue est concomitante à ces périodes froides et sans vent.

Socle pilotable et incertitudes

  L’équilibre offre/demande de la France repose en partie sur les échanges aux interconnexions, et donc sur l’évolution à long terme des mix électriques et de la consommation des pays voisins. Or il existe pour ces pays, comme pour la France, une grande incertitude pour l’équilibre offre/demande, incertitudes sur la consommation d’électricité, sur les rythmes d’électrification et sur la production d’hydrogène et de gaz de synthèse, méthane…, en recourant à l’électricité ainsi que sur le rythme de développement des énergies renouvelables. L’Allemagne n’a pas tenu ses objectifs de consommation et d’émission de gaz à effet de serre, définis en 2011 dans sa politique de transition énergétique, son Energiewende.
  Du fait de la sortie du nucléaire en Allemagne, en Belgique et en Espagne, des fermetures de centrales à charbon un peu partout en Europe et des retards fréquents dans l’essor des renouvelables, la sécurité d’approvisionnement pourrait être mise en péril. Cette réduction des moyens de production pilotables amoindrit les possibilités de secours interfrontaliers lors des situations de pointe en cas de vagues de froid sans vent, remettant en cause la sécurité d’approvisionnement global. D’ici à 2030-2035, plus de 110 GW de puissance pilotable seront retirés du réseau européen, dont 23 GW de nucléaire, 70 GW de charbon lignite et 10 GW de gaz et fioul.
  Cette situation de dépendance de la France par rapport à ses voisins est par ailleurs réciproque. La Belgique, l’Allemagne, aujourd’hui exportatrice, et l’Italie comptent sur les importations d’électricité pour boucler leur système électrique dans le futur. La Grande-Bretagne, aujourd’hui importatrice, devrait devenir exportatrice.
  Maintenir un socle de production pilotable permet de gérer l’intermittence des énergies renouvelables ou de combler le déficit de potentiel photovoltaïque ou éolien que vont rencontrer certains pays densément peuplés.

Une coordination difficile
  La coordination entre les États est donc déterminante pour maintenir le niveau de sécurité d’approvisionnement actuel en Europe et, plus généralement, pour mettre à profit les complémentarités entre les systèmes électriques nationaux. La coordination par le marché n’est pas adaptée ou pas suffisante pour assurer une cohérence des stratégies entre elles avec la complémentarité des mix de production.
  Dans un contexte où les capacités flexibles contribuant à la sécurité d’approvisionnement sont mutualisées, la coordination des politiques nationales revêt une importance croissante pour éviter les risques de black-out et les insuffisances chroniques de fourniture électrique. Il est aussi nécessaire de prévoir un surdimensionnement des moyens de production pilotables pour faire face à la non-atteinte des objectifs par nos pays voisins et éviter l’envolée des prix.
  La coordination des politiques énergétiques dans les différents pays d’Europe est difficile. L’Allemagne a décidé seule, en 2011, la fermeture prématurée de ses centrales nucléaires, ce qui la rend plus dépendante des importations de gaz fossile et impacte ses échanges avec ses voisins : France, Autriche, Suisse vers Italie, Pologne, Tchéquie, Pays-Bas, Luxembourg, Danemark…,.
  Aujourd’hui encore, la labellisation des modes de production énergétiques, appelée « taxonomie verte », est très clivante. Les pays qui n’ont pas de centrale électronucléaire refusent de considérer que le nucléaire fait partie de la solution pour le climat : c’est la position de l’Autriche, du Luxembourg, du Danemark, de l’Italie, du Portugal, de l’Irlande et de l’Allemagne.
  Le désaccord n’est pas moins fort entre les pays les plus libéraux et les autres en ce qui concerne la réforme des marchés de l’électricité qui dictent les prix. Face à la hausse des prix, neuf États, Autriche, Allemagne, Danemark, Estonie, Finlande, Irlande, Luxembourg, Lettonie et Pays-Bas, bloquent une révision de la directive électricité et incitent les pays de l’Union à s’adapter individuellement. La France, l’Espagne, l’Italie, la Grèce et la Roumanie poussent pour que soit « mise en place une régulation établissant un lien fort et compréhensible entre le prix payé par les consommateurs et le coût de production de la composante bas carbone des bouquets électriques ».
  Toutefois, il n’est pas impossible que, du fait de la guerre imposée à l’Ukraine, l’Europe siffle la fin de la récréation concernant les politiques énergétiques compte tenu de sa très forte dépendance au gaz russe. L’Allemagne en particulier pourrait renoncer à fermer ses derniers réacteurs nucléaires, fermeture pourtant prévue pour 2022.

Sur le Web 


TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : CES INDISPENSABLES MÉTAUX POUR SA RÉUSSITE

  "... En nous émancipant des énergies fossiles, nous sombrons en réalité dans une nouvelle dépendance : celle des métaux rares. Ils sont devenus indispensables au développement de la nouvelle société écologique, éoliennes, panneaux solaires, etc., et numérique : ils se nichent dans nos smartphones, nos ordinateurs, tablettes et autre objets connectés de notre quotidien. Or, les coûts environnementaux, économiques, politiques de cette dépendance seront pires encore que ceux de notre société industrielle actuelle... "
  Guillaume Pitron, La guerre des métaux rares, Les liens qui libèrent, 2018
  Et soudain, l'horizon s'assombrit!...

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Les métaux dans la transition énergétique

Jean-Pierre Heloir, géologue

  À la veille de la COP 26, l’Agence internationale de l’énergie a réitéré son avertissement du mois de mai 2021 sur le retard des investissements des pays de l’OCDE nécessaires pour atteindre l’objectif d’une économie décarbonée en 2050. Un rapport paru également en mai 2021 concernant les besoins en matières premières était passé largement inaperçu1.

  L’augmentation de la production d’électricité, fondement de la transition énergétique, fait surgir des besoins nouveaux en substances minérales. Éoliennes, panneaux photovoltaïques, véhicules électriques sont gourmands en métaux. Barrages, nucléaire, biomasse sont moins concernés.
Le lithium, le cobalt, le nickel, indispensables aux batteries performantes, font la une des médias.
Les terres rares nécessaires aux éoliennes et aux véhicules électriques ont connu leur heure de gloire quand la Chine a diminué drastiquement ses exportations pour répondre à ses besoins intérieurs. L’intermittence des énergies renouvelables entraîne un développement des réseaux électriques, comme on le voit en Allemagne, et de ce fait la demande en aluminium et en cuivre est multipliée. Selon l’Agence internationale de l’énergie, AIE, les objectifs, insuffisants, que ce sont fixés les États impliquent une hausse de 90 % des besoins en lithium, de 40 % de ceux en cuivre ou en terres rares. Atteindre 0 émission de CO2 en 2050 exigerait de multiplier par 40 la production de lithium, par 20 celle de cobalt ou de nickel, par 2 celle de cuivre. Ces métaux, comme les terres rares, sont dits « critiques ».

Qu'est-ce qu'un métal critique?
  Un minerai ou un métal est jugé critique quand :

  • il est indispensable à court terme et ne peut être remplacé ;
  • ses réserves sont insuffisantes ;
  • son exploitation actuelle ne permet pas de faire face à la demande à venir.

  Ainsi, on estime que les mines existantes et les projets en cours couvriraient 50 % des besoins en lithium et en cobalt, et 80 % des besoins en cuivre.
  La notion de criticité se superpose à celle de stratégique, qui s’applique à des gisements rares, très localisés ou concentrés en quelques mains.
  Sortir de la criticité peut être obtenu grâce à différents moyens :

  • l’ouverture de nouveaux gisements, ce qui demande une forte anticipation. On évalue à une moyenne de seize ans le délai entre la mise en évidence d’un gisement métallifère et sa mise en exploitation.
  • l’innovation technologique qui va diminuer les besoins en un métal ou permettre l’utilisation de métaux de substitution plus abondants.
  • le recyclage des métaux usagers.

Quelques métaux critiques
Le cobalt
  La production de cobalt est dominée par la République démocratique du Congo (RDC). Selon l’US Geological Survey, USGS, agence scientifique du gouvernement états-unien, les réserves mondiales sont estimées à 7,1 millions de tonnes. La RDC en possède 3,6 millions, l’Australie 1,4, Cuba 0,5.
  Le cobalt est le plus souvent extrait comme sous-produit des exploitations de cuivre et de nickel. La production globale a été de 143 000 t en 2019, dont 95 000, 60 %, pour la seule RDC : à comparer avec le deuxième producteur, l’Australie et ses 5 700 t : 4 %. La Nouvelle-Calédonie, quant à elle, représente 3 % de la production mondiale grâce à ses mines de nickel.
  La concentration extrême des gisements et de la production rend ce métal critique pour la fabrication de batteries. La Chine, premier fabricant de batteries au monde et premier constructeur de véhicules électriques l’a bien compris : ses participations à l’exploitation et au développement des mines en RDC sont très nombreuses. La Chine compte aussi pour 50 % du tonnage de cobalt métal produit dans le monde, le reste étant produit pour une grande part par la société Umicore dans ses usines de Belgique, du Canada et de Finlande.
  La ressource en cobalt, 25 millions de tonnes, pourrait être largement consommée d’ici à 2050 dans le cadre de l’objectif de 0 % émission de CO2. Cependant, les innovations techniques permettant de diminuer, voire de supprimer, l’utilisation de ce métal dans les batteries pourraient empêcher une pénurie possible.

L’artiste Dillon Marsh photographie des mines et y ajoute par photomontage le volume de métal qui en a été extrait. Ici, la mine de Palabora en Afrique du Sud et la représentation des 4,1 millions de tonnes de cuivre qui en ont été extraites

Le cas du lithium
  Le lithium est un métal indispensable aux batteries rechargeables Li-ion.
  Les gisements de lithium sont de plusieurs types :

  • roches dures, c’est le cas des gisements australiens ;
  • salars sédimentaires : triangle Chili-Bolivie-Argentine ;
  • eaux géothermales : fossé rhénan, dont la plaine d’Alsace.

  Les réserves mondiales ont été réévaluées par l’ USGS en 2021 : elles sont de 21 millions de tonnes ; la ressource, elle, est estimée à 86 millions de tonnes. Trois pays, le Chili, la Bolivie et l’Argentine, détiennent plus de 60 % des réserves mondiales, l’Australie 7 %, la Chine 5 %.
  La production mondiale a été de 82 000 t en 2020. L’Australie est actuellement le premier producteur mondial, devant le Chili et l’Argentine. La Bolivie, bien que détenant les plus grosses réserves, n’est pas encore présente : le projet porté par le gouvernement d’ Evo Morales a subi d’importants retards du fait du coup d’État qui l’a destitué en 2019.
  En France, la production est réduite à un petit gisement du Massif central. De grands espoirs sont fondés sur la récupération de carbonate de lithium dans les eaux chaudes sous la plaine d’Alsace. La société Eramet, en partenariat avec Électricité de Strasbourg, a installé une usine pilote sur le forage géothermal de Ritterhoffen. Les tests publiés en mai 2021 sont positifs. Les réserves pourraient être de l’ordre de 10 à 40 millions de tonnes. La production pourrait atteindre 15 000 t/an, ce qui répondrait aux besoins nationaux en fabrication de batteries.
  Même si les besoins en lithium étaient multipliés par 40, un manque de réserves à l’échelle mondiale n’est pas à craindre. Les ressources sont importantes, et les travaux de recherche devraient permettre de les transformer en réserves exploitables. La Chine, premier consommateur mondial de lithium, est aussi le premier raffineur. Ainsi, l’Australie envoie en Chine l’essentiel de sa production de minerai.
  La Chine a intégré l’ensemble de la chaîne qui va de l’extraction, prise de participation dans des entreprises minières, à la fabrication, en passant par la production de lithium métal.

 

Une éolienne offshore a besoin de 9,6 t de cuivre par mégawatt installé, contre 5 t pour une éolienne terrestre.

Stratégiques plutôt que critiques : les terres rares

  Sous le nom de terres rares sont regroupés 17 métaux : les 15 lanthanides, numéro atomique [Z] de 57 à 71, plus le scandium, Z = 21 et l’yttrium : Z = 37.
  Les premières utilisations importantes de terres rares ont été liées à la fabrication des écrans couleurs, aux lasers, aux disques durs et aux ampoules LED. La remarquable capacité d’aimantation du néodyme, Z = 60, et du praséodyme, Z = 59, en fait des éléments incontournables pour les éoliennes et les véhicules électriques. Une éolienne type de 2 MW requiert entre 400 et 600 kg de ces métaux, un véhicule électrique entre 3 et 4 kg.
  Si les pays conservent la trajectoire actuelle mise en évidence par le recensement des engagements des États par l’AIE, la consommation de terres rares devrait être multipliée par 2,5. Atteindre une énergie décarbonée en 2050 exigerait une multiplication par 10.
  La production mondiale a été de 213 000 t en 2019. Les réserves mondiales sont évaluées à 120 millions de tonnes. Les principaux producteurs sont la Chine, 132 000 t ; les États-Unis, 26 000 t, le Myanmar, 22 000 t.
  D’un point de vue minier, les terres rares ne sont pas vraiment critiques. Ces métaux sont jugés stratégiques par les États-Unis, le Japon et l’Union européenne du fait de la prédominance de la production chinoise. La Chine a produit jusqu’à 97 % des terres rares, puis a décidé de baisser fortement ses exportations pour satisfaire ses besoins intérieurs, ce qui a entraîné un rééquilibrage, d’autant que les États-Unis ont rouvert leur mine historique de Mountain Pass.
  La prospection s’est développée et de nouveaux gisements sont en cours d’évaluation.
  Si elle ne représente plus que 60 % des minerais extraits, la Chine, en raison de son savoir-faire, pèse pour 90 % dans la production des métaux rares. La production des États-Unis est ainsi traitée en Chine… et l’usine de valorisation prévue à Mountain Pass se construit avec une participation chinoise. En Europe, les études ont repris pour les anciens gisements scandinaves. D’importantes réserves ont été découvertes au Groenland.
  Pour la France, les petits gisements de Bretagne ne semblent pas offrir d’intérêt économique. Le Bureau de recherches géologiques et minières développe des essais de récupération sur les aimants permanents des éoliennes et sur les disques durs. Solvay recycle déjà les ampoules LED. Les smartphones sont un autre gisement potentiel, chacun contient environ 3 g de terres rares. On évalue à 100 millions les anciens smartphones qui dorment dans les tiroirs français2. Reste à organiser la collecte…

Le cuivre
  Exploité depuis 10 000 ans, le cuivre joue un rôle considérable dans l’économie actuelle. Avec une extraction minière de 20,9 millions de tonnes métal en 2018, c’est le minerai le plus exploité après le fer et l’aluminium. Indispensable aux énergies renouvelables, sa demande va croître fortement. Une éolienne terrestre a besoin de 5 t de cuivre par mégawatt installé, contre 9,6 t pour une éolienne offshore.
  La consommation mondiale a été de 30 millions de tonnes en 2019. Le recyclage a complété l’extraction minière par 9 millions de tonnes. Les besoins sont évalués à 70 millions de tonnes par an d’ici à 2050 si l’on veut atteindre une neutralité carbone. Les réserves mondiales ont été réévaluées à 840 millions de tonnes en 2019 : chiffres USGS. Stimulée par un cours élevé, l’augmentation des réserves est considérable. Elles étaient évaluées à 90 millions de tonnes en 1950 et à 280 millions de tonnes en 1970. Malgré cette réévaluation, les réserves connues seront insuffisantes pour satisfaire la demande mondiale au cours des trente prochaines années. Le recyclage du cuivre fournit déjà de quoi couvrir le tiers des besoins. Sur les 590 millions de tonnes extraites depuis 1900, 450 millions sont encore utilisées.
  La durée moyenne de « fixation » du cuivre est environ trente ans : de quelques années en électronique à cent ans dans les bâtiments et les infrastructures. La ressource est donc importante, mais elle ne devrait pas suffire à répondre à la croissance de la demande.
  Au-delà des réserves, les ressources identifiées sont de 2,1 milliards de tonnes. L’ UGSC estime également qu’il y a encore 3,5 milliards de tonnes de ressources à découvrir.
  Ces éléments montrent qu’il y a ur­gence à investir dans l’exploration et l’ouverture de mines. Il faut entre douze et seize ans pour mettre en exploitation une mine après la première évaluation d’un gisement.
  La rançon de l’augmentation des réserves est la baisse de teneur en métal. Elle est passée de 1,34 % en 1990 à 0,67 % aujourd’hui. Cela n’est pas sans conséquence sur l’environnement. La taille des mines à ciel ouvert est gigantesque. La consommation d’énergie pour extraire 1 t de minerai puis 1 t de métal croît de façon exponentielle. N’oublions pas qu’une mine à ciel ouvert fonctionne avec un ratio maximal de 1 à 3, soit 1 t de minerai, à 0,67 %, pour 3 t de déblais stériles.

Le problème de l'eau
  Le lithium et le cuivre exigent beaucoup d’eau pour leur concentration. Nombre de gisements, comme ceux du Chili, se situent dans des régions désertiques. Dans la grande mine chilienne d’ Escondida, la consommation d’eau est de 60 m3 par tonne de cuivre. Pour faire face à ces besoins, les entreprises minières d’Atacama ont ouvert une première usine de désalinisation de l’eau de mer, eau qui est remontée ensuite sur 180 km pour atteindre son lieu d’utilisation. Par ailleurs, pour répondre à la de­mande des populations, le gou­vernement chilien prépare une loi limitant la consommation d’eau dans les exploitations minières.
  Ces contraintes environnementales ne sont pas sans conséquence sur le prix de revient du cuivre et pourraient peser sur la production mondiale : aujourd’hui, le Chili représente à lui seul 6 millions de tonnes de cuivre sur les 20 millions de tonnes extraites annuellement dans le monde.

Réserves, coupures et profits
    La teneur est la quantité de métal contenue dans un minerai.
    Les ressources en minerai correspondent à un gisement dont la délimitation géologique est cartographiée. Quelques sondages espacés permettent d’affecter une teneur moyenne à ce gisement. Les ressources présumées sont souvent dans la continuité de gisements connus. Certaines ressources peuvent ne jamais être exploitables.
    Les réserves sont des ressources techniquement et économiquement exploitables. Le prix des métaux est très spéculatif. L’évaluation des réserves pourra augmenter, ou diminuer, en fonction des variations de prix. Ainsi, les réserves de cuivre se sont considérablement accrues avec la hausse du cours de ce métal. La notion de réserve est donc une notion économique. La teneur de coupure définit la quantité optimale de métal récupérable en fonction des tonnages, de la typologie du gisement, du coût d’exploitation et du prix du marché. Plus le prix du marché est élevé, plus la teneur de coupure pourra être basse et plus les réserves seront élevées. Cela devrait encourager l’exploitation des gisements à faible teneur. C’est souvent le choix inverse qui est fait par les majors du secteur. En cas de prix du marché élevé, extraire les minerais les plus riches et les plus faciles à traiter permet de maximiser les profits immédiats. Dans de nombreux gisements mûrs, la teneur moyenne a baissé de façon importante du fait de ces pratiques d’écrémage.

Perspectives
  Le mix énergétique envisagé par les grandes institutions internationales ou Réseau de transport d’électricité, RTE, pour atteindre une neutralité carbone en 2050 exige une hausse considérable de l’utilisation de certains métaux. Plus la part des énergies renouvelables sera grande dans le mix énergétique, plus cette hausse sera importante. Parmi ces métaux, celui qui risque de poser le plus de problèmes de production est le plus abondant, le cuivre. Développer les énergies renouvelables — éoliennes, photovoltaïque… — exige des investissements industriels considérables. La production minière, souvent oubliée, exige elle aussi de forts investissements si l’on veut éviter les risques de pénurie. L’augmentation nécessaire de cette activité aura des conséquences sur l’environnement et… la consommation d’énergie.

1. " The role of critical minerals in clean energy transition ”, rapport AIE, mai 2021.
2. Marie-Christine Blandin, compte rendu de la mission d’évaluation, Sénat, 21 juillet 2016. 

Sur le Web


HAUTE-MARNE, TREIX : LE NON MUNICIPAL AU PROJET DE L' USINE ÉOLIENNE DE LA COMMUNE VOISINE DE CONDES

Précédemment
https://augustinmassin.blogspot.com/2021/10/haute-marne-condes-au-conseil-municipal.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2021/09/haute-marne-eoliennes-reunion-de-l.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2021/12/haute-marne-treix-le-comite-theodule-se.html

   C'est à l'unanimité que le conseil municipal a dit NON au projet d'usine de 3 éoliennes, dit " Les lavières ", situé sur la commune voisine de Condes.
  C'est, sans nul doute, le meilleur choix pour les Treixoises et les Treixois !... D'autant plus, que le promoteur éolien conscient, comme tous les autres, des nuisances engendrées par ses machines : impact visuel, bruit et infrasons, ces deux derniers pouvant entraîner des troubles physiques graves auprès de certains résidents, animaux compris, comme maux de tête, vertiges, fatigue, tachycardie, acouphène …, appelé " Syndrome éolien " par les experts et la Justice*, a éloigné le plus possible l'usine du centre-ville de Condes, commune associée au projet ** et, l'a implanté au Nord ; ainsi, les vents dominants de Haute-Marne, Ouest Sud Ouest, WSW, et Sud-Sud Sud Ouest, S-SSW, propulseront les nuisances engendrées au loin... vers les autres villages. Et, dans ces conditions, les Condoises et les Condois seront au maximum épargnés ! TANT PIS POUR LES AUTRES !...
   Pour savoir si vous êtes du bon côté du vent, une astuce :
   - quand vous voyez les pales tournées dans le sens des aiguilles d'une montre : le bruit et les infrasons ne vous importuneront pas ;
   - au contraire, si celles-ci tournent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, alors... mais vous l'entendez déjà... le bruit !? Pour les infrasons = ni bruit ni odeur ! Juste le silence tueur !...


  La commune de Treix est déjà située en plein cœur du " Nid éolien ", au nord de Chaumont, et ses habitants vivent au rythme et sous le joug de nombreuses éoliennes.
   " Le périmètre du projet, dans un rayon de 20 km autour de celui-ci, est d’ores-et-déjà structuré
par l’éolien. Le tableau suivant recense les parcs éoliens en fonctionnement :  il y en a 2 autres
qui sont autorisés mais non construits et 5 autres en instruction
:

  • Parc éolien de Biesles 6 éoliennes, 8,9 km au sud-est
  • Parc éolien du Haut Chemin I0 éoliennes, 11,8 km au sud-est
  • Parc éolien du Mont Gimont 24 éoliennes, 19,8 km au nord-ouest
  • Parc éolien de la vallée du Rognon 6 éoliennes, 4,1 km au nord-est
  • Parc éolien du Pays Chaumontais 6 éoliennes, 8,9 km à l’ouest
  • Parc éolien de Riaucourt-Darmannes 5 éoliennes, 2,8 km au nord-ouest "

Source 

Source


  Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur l'éolien et sur ses dangers, nous les invitons à nous lire; sans oublier les blogs amis et spécialistes, rubrique " Site internet utiles ". Quant à Monsieur le maire de Condes, dont les affirmations erronées dans les médias*** semblent exprimer quelques lacunes en la matière, il est bien volontiers invité...

  En attendant, lire :

  • LE PRIX DU VENT, recueil de 4 ans de témoignages poignants, photo ci-devant, exploitants agricoles, riverains, etc., qui ont vécu ou qui vivent encore l' Enfer éolien ; vous trouverez cet ouvrage dans toutes les bonnes librairies et sur le Net.😏


  • TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : LA BEAUTÉ DU DIABLE DU BAIL EMPHYTÉOTIQUE ÉOLIEN, ÉPISODES I et II 
   Cependant, toute à notre joie de ce refus, il nous faut, toutefois, tempérer notre enthousiasme en rappelant que cet avis n'est, malheureusement, que CONSULTATIF!...

Félicitations au conseil municipal 2020-2026
  - Charlotte Bertrand, commerçants et assimilés,
  - Nathalie Constant, personnels des services directs aux particuliers,
  - Virginie Fontaine, employés administratifs d'entreprise,
  - Jacqueline Mérat, anciens employés,
  - Philippe Bertrand, maire, techniciens,
  - Dominique Courtier, anciens ouvriers,
  - Olivier Didier, agriculteurs sur moyenne exploitation,
  - Gérard Gaucher, chauffeurs,
  - Vianney Guillaume, employés administratifs d'entreprise,
  - Jean Maigret, agriculteurs sur moyenne exploitation,
  - Yannick Vinot, techniciens.
  Source

    À suivre... 
 
  * La Cour administrative d' appel, CAA, de Toulouse, en 202I, a reconnu le " Syndrome éolien "
   " — le syndrome éolien est reconnu, et la démonstration des troubles anormaux de voisinage est établie : nuisance sonore et visuelle qui constituent une dégradation de leur conditions de vie sont constitutives de l’anormalité du trouble de nature à traduire un inconvénient excessif de voisinage,
  — les infrasons aériens ou qui se propagent dans le sol, particulièrement dans les sols rocheux, trop graves pour être perceptibles par l’oreille humaine, sont désormais reconnus médicalement comme ayant des impacts sur la santé comme les basses fréquences audibles et régressent lorsqu’on s’éloigne des éoliennes et le rapport de l’ANSES ou du Dr H I J ne démontent pas l’innocuité des parcs éoliens sur la santé humaine comme animale ; ce qui permet d’écarter la thèse de l’effet nocebo ainsi qu’il est dit au rapport du Dr A de septembre 2020,
"
Source 

  ** La commune de Condes détient 5% de la société exploitante
  *** "... En dernier point, « c’est une technologie sans danger. Si on place Monsieur Poutine devant trois éoliennes, on rigole. Placer le devant une centrale nucléaire ou un barrage hydroélectrique, beaucoup vont trembler. Dans une époque où l’on parle de risques terroristes, l’éolien est sans danger »... "
Source
 
jhmQuotidien 2022 I0 30
 
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TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : LA BEAUTÉ DU DIABLE DU BAIL EMPHYTÉOTIQUE ÉOLIEN, ÉPISODE II ET FIN

  " Les pauvres gens ne soupçonnent jamais le diable, quand même il les tiendrait à la gorge. "
   Johann Wolfgang von Goethe, 1749-1832, Faust

  À bon entendeur, salut!

 

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***

" Paroles d'un propriétaire "


Hervé Texier
Président de l' association Belle Normandie Environnement, BNE
Vice-président de la Fédération Environnement Durable, FED

 Suite à l’initiative d’un propriétaire foncier lui-même particulièrement concerné par des projets récents, que j'ai rencontré lors de la dernière Assemblée Générale de Belle Normandie Environnement, BNE, à St Laurent de Condel dans le Calvados, nous vous proposons un certain nombre de fiches au format pdf . Elles analysent pour tous propriétaires le contenu et les conséquences des baux proposés au regard des actualités règlementaires et techniques. Elles démontrent pourquoi les propriétaires ont tout intérêt à ne pas signer ces baux.
   Dans l'immédiat, vous trouverez les 5 premières fiches évolutives, fonction des informations les plus récentes, ainsi qu'une introduction plus générale mise à jour " Paroles d'un propriétaire "  


 



 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


DOCUMENTS CONCERNANT LES RELATIONS GERMANO-POLONAISES ET LE DÉBUT DES HOSTILITÉS ENTRE LA GRANDE-BRETAGNE ET L'ALLEMAGNE LE 3 SEPTEMBRE 1939, ÉPISODE IV

Précédemment
https://augustinmassin.blogspot.com/2022/10/documents-concernant-les-relations.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2022/10/documents-concernant-les-relations_14.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2022/10/documents-concernant-les-relations_23.html

N°1

Texte de l' Accord germano-polonais du 26 janvier 1934

  Le Gouvernement allemand et le Gouvernement polonais considèrent que le moment est venu d'ouvrir une nouvelle ère dans les relations politiques entre l'Allemagne et la Pologne par une entente directe d'État à État. Ils ont par conséquent décidé d'établir, dans la présente déclaration, les principes pour le développement futur de ces relations.
  Les deux Gouvernements basent leur action sur le fait que le maintien et la garantie d'une paix durable entre leurs deux pays est une condition préliminaire essentielle de la paix générale en Europe.
  Ils ont en conséquence décidé de baser leurs relations mutuelles sur les principes fixés dans le Pacte de Paris du 27 août 1928 [ou " Pacte Briand-Kellogg " ; c'est " un traité de paix signé par soixante-trois pays qui « condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles »... " ; source], et se proposent de définir plus exactement l'application de ces principes pour autant qu'il s'agit des relations entre l'Allemagne et la Pologne.

Traité Briand-Kellogg, avec les signatures de Gustav Stresemann, Paul Kellogg, Paul Hymans, Aristide Briand, Lord Cushendun, William Lyon Mackenzie King, John McLachlan, Sir Christopher James Parr, Jacobus Stephanus Smit, William Thomas Cosgrave, Count Gaetano Manzoni, Count Uchida, A. Zaleski, Eduard Benes. @ GaHetNa : Nationaal Archief NL

  Chacun des deux Gouvernements établit en conséquence que les obligations internationales contractées par lui envers une tierce partie ne font pas obstacle au développement pacifique de leurs relations mutuelles, ne sont pas en contradiction avec la présente déclaration et ne sont pas affectées par elle. Ils établissent en outre que cette déclaration ne s'étend pas aux questions qui, dans le sens de la loi internationale, doivent être considérées comme étant exclusivement du ressort intérieur de chacun des deux États.
  Les deux Gouvernements proclament leur intention de s'entendre directement pour le règlement de toutes les questions de n'importe quel ordre qui concernent leurs relations mutuelles.
  Si quelque divergence se produisait entre elles, à propos desquelles une entente ne pourrait être réalisée par voie de négociations directes, ils rechercheront, dans chaque cas particulier et sur la base d'un accord mutuel, une solution par d'autres moyens pacifiques, sans préjuger de la possibilité d'appliquer, si nécessaire, à d'autres accords en vigueur entre eux, ces méthodes de procédure où de telles éventualités sont prévues. En aucune circonstance, cependant, ils ne recourront à l'emploi de la force dans le but d'obtenir une décision en de telles divergences.
  La garantie de paix créée par ces principes facilitera la grande tâche des deux Gouvernements, de trouver une solution aux problèmes économiques, politiques et sociaux, solution basée sur un juste et équitable ajustement des intérêts des deux parties. Les deux Gouvernements sont convaincus que les relations entre leurs pays se développeront fructueusement de cette façon, et conduiront à l'établissement de rapports de voisinage qui contribueront non seulement au bien-être des deux pays, mais à celui également des autres peuples d' Europe.
  La présente déclaration sera ratifiée et les instruments de ratification seront échangés à Varsovie aussitôt que possible.
  Cette déclaration est valable pour une période de 10 ans, à compter du jour de l'échange des instruments de ratification.
  Si la déclaration n'est pas dénoncée par l'un des deux Gouvernements six mois avant l'expiration de cette période, elle demeurera en vigueur, mais pourra alors être dénoncée en tout par l'un ou l'autre des Gouvernements, sur préavis de six mois. Fait en double, en langues allemande et polonaise.
  Berlin, 26 janvier 1934.
  Pour le Gouvernement allemand : FREI HERR von NEURATH
  Pour le Gouvernement polonais : JOSEF LIPSKI.

Déclarations faites par Herr Hitler depuis la signature de l'Accord germano-polonais et rappelant sa satisfaction de l'amélioration dans les relations germano-polonaises

N°2

Discours au Reichstag, 21 mai 1935

  " Nous reconnaissons, avec la compréhension et l'amitié cordiale de vrais nationalistes, l'État polonais comme la patrie d'un grand peuple, conscient de sa nationalité. "
  " Le Reich allemand, et en particulier le Gouvernement allemand actuel, n'a pas d'autre désir que celui de vivre en termes amicaux et pacifiques avec tous les États voisins. "

N°3

Discours au Reichstag, 7 mars 1936

  " J'aimerais que le peuple Allemand apprît à voir en d'autres nations des réalités historiques dont un visionnaire pourrait bien souhaiter qu'elles disparussent, mais que l'on ne peut pas faire disparaître. "
  " J'aimerais qu'il comprît qu'il est déraisonnable d'essayer de mettre ces réalités historiques en opposition avec les exigences de ses intérêts vitaux et de sa compréhensible prétention à la vie. C'est pour cela que j'aimerais voir le peuple Allemand comprendre les motifs profonds de la politique étrangère Nationale-Socialiste, qui trouve douloureux que l'accès à la mer d'un peuple de 35 millions soit situé sur un territoire qui, auparavant, appartenait au Reich, mais qui reconnaît qu'il est déraisonnable et impossible de refuser tout accès à la mer à un État d'une importance pareille à celui-ci... Il est possible que les politiciens, surtout en recourant à la force, perpètrent de pareilles violations des intérêts nationaux ; mais plus fréquemment cela se produit et plus grand devient, du côté de ces puissances et de ces énergies à la fois excitées et comprimées, la pression pour s'assurer un exutoire. "


La Une du Populaire du Centre du 8 mars 1936, dénonçant la remilitarisation de la Rhénanie. Sur le Web

N°4

Discours au Reichstag, 30 janvier 1937

  " Par une série d'accords, nous avons fait disparaître des tensions existantes et nous avons ainsi contribué considérablement à rasséréner l'atmosphère européenne. Je vous rappelle simplement notre accord avec la Pologne, accord qui s'est montré avantageux pour les deux parties.... Et à mes propres concitoyens je voudrais dire que la Nation polonaise et l'État polonais sont également devenus une réalité... "
  " Les peuples de ces États, c'est à dire l'Italie, la Pologne et les États balkaniques, désirent vivre, et ils vivront. "

N°5

Discours au Reichstag, le 20 février 1938

  " En cette cinquième année qui suit le premier grand accord de politique étrangère du Reich, nous sommes remplis d'une sincère satisfaction de pouvoir affirmer que dans nos relations avec l'État dont nous séparaient peut-être les plus grandes divergences, il ne s'est point seulement produit une détente, mais encore, que pendant ces années, une constante amélioration de nos relations s'est poursuivie. Je sais parfaitement bien que cela doit avant tout être attribué au fait qu'à ce moment il n'y avait pas à Varsovie un parlementaire occidental, mais un Maréchal polonais, personnalité éminente, qui a compris la signification si considérable pour l'Europe d'une telle détente germano-polonaise. Ce bon travail, dont tant de gens avait douté à l'époque, a, depuis, fait ses preuves. Et je puis dire que depuis que la Société des Nations a enfin abandonné ses perpétuelles tentatives de troubler la situation à Dantzig et choisi, dans la personnalité de son nouveau Commissaire [Carl Jacob Burckhardt], un homme de très grand mérite personnel, ce coin, le plus dangereux au point de vue de la paix européenne, a intégralement perdu son caractère menaçant. L'État polonais respecte les conditions dans cet État, la Ville de Dantzig et l'Allemagne respectent toutes deux les droits polonais. Ainsi on a frayé avec succès la voie vers une entente amicale, une entente qui, partant de Dantzig, a réussi aujourd'hui, en dépit de tentatives de certains " trublions ", à désempoisonner les relations entre l'Allemagne et la Pologne et à transformer en une collaboration sincère. "

N°6

Discours à Nuremberg, 14 septembre 1938

  " En Pologne un grand patriote et un grand homme d' État était prêt à faire un accord avec l'Allemagne ; nous nous sommes immédiatement mis à l’œuvre et nous avons conclu une entente qui était plus importante pour la paix de l' Europe que tous les bavardages dans le temple de la Société des Nations à Genève. "

N°7 

Discours au Sportpalast  26 septembre 1938

  " Le problème le plus difficile qui se posait à moi était celui de nos relations avec la Pologne ; le danger existait que Polonais et Allemands se regardassent les uns les autres comme des ennemis héréditaires. J'ai voulu éviter cela. Je sais fort bien que je n'y aurais point réussi, si la Pologne avait eut une constitution démocratique. Car ces démocraties qui ressassent des phrases sur la paix, sont les plus sanguinaires des fauteurs de guerre. En Pologne il y avait, non pas une démocratie, mais un homme, et avec lui j'ai réussi, en l'espace de douze mois exactement, à conclure une entente qui, pour une période de dix années tout d'abord, écartait complètement le danger d'un conflit. Nous sommes tous persuadés que cette entente apportera une pacification durable. Nous comprenons qu'il y a là deux peuples qui doivent vivre côte à côte, et dont aucun ne peut faire disparaître l'autre. Un peuple de 33 millions s'efforcera toujours de s'assurer un accès à la mer. Il fallait donc, par conséquent, trouver une possibilité d'entente ; elle a été trouvée ; elle s'étendra davantage. Certaines choses, dans ce champ d'action, étaient sans doute pénibles. Des nationalités et de petits groupes nationaux se querellaient fréquemment entre eux. Mais le fait principal demeure : les deux Gouvernements et tous les gens raisonnables et clairvoyants des deux peuples, dans les deux pays, gardent la ferme volonté et la décision d'améliorer leurs relations. C'était là une vraie œuvre de paix, de plus de valeur que tous les bavardages du Palais de la Société des Nations à Genève. "


Situé à Berlin, quartier Schöneberg, le " palais des sports de Berlin ", accueillait des évènements de sports d'hiver et servait de salle de réunion ; construit en 1910, il fut détruit en 1973. Ici, en 1973. Photo : Willy Pragher @CC BY 3.0

N°8

Discours au Reichstag, le 30 janvier 1939

  " Nous venons justement de célébrer le cinquième anniversaire de la conclusion de notre pacte de non-agression avec la Pologne. Il ne peut sans doute exister aujourd'hui, parmi les vrais amis de la paix, aucune divergence d'opinion quand à la valeur de cet accord. Il suffit de se demander ce qui serait arrivé à l' Europe, si cette entente, qui apporta un tel soulagement, n'avait pas été conclue il y a cinq ans. En y opposant sa signature, ce grand Maréchal polonais et ce patriote a rendu à son peuple un service tout aussi grand que celui que les Chefs de l'État National-Socialiste ont rendu au peuple Allemand. Pendant les mois troublés de l'année dernière, l'amitié entre l'Allemagne et la Pologne a été l'un des facteurs rassurants de la vie politique de l'Europe. "

Aggravation de la situation en Europe à la suite de l'action allemande contre la Tchéco-Slovaquie, le 15 mars 1939

N°9

Discours du Premier ministre à Birmingham, le 17 mars 1939

  J'avais l'intention de vous parler ce soir d'un grand nombre de sujets, de commerce et du chômage, des services sociaux et de questions financières, mais les formidables évènements qui se sont déroulés cette semaine en Europe ont rejeté à l'arrière-plan toutes les autres questions et je comprends que vous et tous ceux qui ne sont pas dans cette salle, mais qui m'écoutent, vous désirez obtenir quelques indications sur les vues du Gouvernement de Sa Majesté quant à la nature et aux répercussions possibles de ces évènements.
  Il est une chose certaine : l'opinion publique mondiale a reçu un choc plus violent que ne lui en avait jamais infligé même le régime allemand actuel. On ne peut encore prévoir quels seront les effets lointains de ce choc, mais je suis sûr qu'ils seront profonds dans leur influence sur l'avenir. Mercredi dernier, nous avons eu à la Chambre des Communes un débat à ce sujet. C'était le jour où les troupes allemandes entraient en Tchéco-Slovaquie et nous tous, mais particulièrement le Gouvernement, nous nous trouvions désavantagés par le fait que nous ne possédions que des informations partielles, dont un grand nombre n'avaient pas de caractère officiel. Nous n'avions pas eu le temps de les examiner méthodiquement, encore moins le temps de nous former une opinion réfléchie. Aussi, forcément, parlant au nom du Gouvernement avec toute la responsabilité qui s'attache à cette fonction, me trouvai-je obligé à m'en tenir à un exposé restreint et prudent, à la suite duquel, au moment même, il me paraissait impossible de présenter autre chose qu'un bref commentaire. Et peut-être, tout naturellement, cette déclaration un peu froide et objective a-t-elle produit une impression fausse. Certaines personnes ont cru, parce que je parlais avec calme, parce que je laissais peu de place à l'expression des sentiments, mes collègues et moi n'étaient pas très émus par l'évènement. J'espère corriger cette erreur ce soir.
  Mais je voudrais d'abord dire un mot au sujet d'une controverse qui s'est instaurée à la suite de ces évènements et qui a été utilisée au cours de ce débat ainsi que dans différents organes de la presse. On a suggéré que cette occupation de la Tchéco-Slovaquie était la conséquence directe des visites que j'avais faites en Allemagne, l'automne dernier, et que, puisque le résultat des évènements d'aujourd'hui était de déchirer le règlement réalisé à Munich, cela prouvait que toutes les circonstances des visites que j'avais faites constituaient une erreur. On déclare que, étant donné que c'était là la politique personnelle du Premier ministre, lui seul portait la responsabilité du sort infligé à la Tchéco-Slovaquie. C'est une conclusion absolument injustifiable. Les faits, tels qui sont à ce jour, ne sauraient changer les faits tels qu'ils existaient au mois de septembre. Si j'avais raison à ce moment, j'ai encore raison maintenant. Et puis, il y a certaines personnes qui disent : " Nous pensions que vous aviez tort en septembre et maintenant l'évènement a prouvé que nous avions raison. "
  Permettez-moi d'examiner ce point. Lorsque je suis décidé à aller en Allemagne, je n'ai jamais cru que j’échapperais aux critiques. En vérité, je n'y allais pas pour me rendre populaire ; j'y allais, d'abord et surtout, parce que devant une situation qui paraissait presque désespérée, cela me semblait la seule chance d'éviter une guerre européenne. Et je pourrais vous rappeler que lorsqu'on annonça que je partais, pas une voix ne s'éleva pour me critiquer. Tout le monde applaudit à cet effort. Ce n'est que plus tard, lorsqu'il sembla que les résultats du règlement final ne répondaient pas à l'attente de certains — qui n'appréciaient pas entièrement les faits tels qu'ils étaient — c'est alors seulement que l'attaque commença, et même alors ce ne fut pas la visite, c'étaient les termes de l'accord qu'on désapprouvait.
 
 
Adolf Hitler, à droite, accueille le Premier ministre britannique Neville Chamberlain, à gauche, à Munich 1938. Autorisation Sur le Web

  Eh bien, je n'ai jamais nié que les conditions qu'il m'a été possible d'obtenir à Munich n'étaient pas celles que, personnellement, j'aurais désirées. Mais, comme je l'ai exposé à ce moment-là, je n'avais pas affaire à un problème nouveau. Il s’agissait d'un état de choses qui existait depuis le traité de Versailles [Traité de paix qui mit fin à la Première Guerre mondiale entre l'Allemagne et les puissances alliées et associées Il fut signé dans la galerie des Glaces du château, là où l'Empire allemand avait été proclamé, le 18 janvier 1871. Pour rétablir l'état de paix avec l'Allemagne, les 27 puissances victorieuses alliées ou associées, en fait, 32, le Royaume-Uni parlant au nom du Canada, de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Nouvelle-Zélande et de l'Inde, se réunirent en conférence de la paix à Paris : 18 janvier 1919-10 août 1920 ; lors de la conférence furent élaborés, en outre, les quatre traités secondaires de Saint-Germain-en-Laye, Trianon, Neuilly-sur-Seine et Sèvres. Les travaux furent en fait dominés par un directoire de quatre membres : Clemenceau pour la France, Lloyd George pour la Grande-Bretagne, Orlando pour l'Italie, Wilson pour les États-Unis. La Pologne était représentée par le pianiste Paderewski, alors président du Conseil... Alors qu'en France l'opinion publique considéra généralement comme insuffisantes les garanties obtenues contre un éventuel retour offensif de l'Allemagne, le traité fut jugé excessif en Grande-Bretagne et surtout aux États-Unis, où le Sénat refusa de le ratifier : 20 novembre 1919. Les Allemands, eux, lui témoignèrent une violente hostilité et n'acceptèrent de signer que sous la menace d'une reprise de la guerre.  ; Larousse], d'un problème dont on aurait dû trouver depuis longtemps la solution, si seulement les hommes d'État des vingt dernières années avaient eu une conception plus large et plus éclairée du devoir qui leur incombait. C'était comme dans une maladie longtemps négligée : une opération chirurgicale s'imposait pour sauver la vie du malade.
 
 
Le 28 juin 1919, le traité de Versailles est signé dans la galerie des Glaces du château, cinq ans jour pour jour après l’attentat de Sarajevo qui servit de prétexte à la guerre. © Bettmann / Contributeur / Getty Images

  Après tout, le premier objet, l'objet le plus important de ma visite a été atteint. La paix de l'Europe a été sauvée : et n'eussent été ces visites, des centaines de milliers de familles pleureraient aujourd'hui la fleur de la jeunesse européenne. Qu'il me soit permis d'exprimer une fois de plus ma sincère reconnaissance à tous les correspondants qui m'ont écrit de toutes les parties du monde, pour m'assurer de leur gratitude et me dire combien ils appréciaient ce que j'ai fait alors et ce que je me suis efforcé de faire depuis.
  Je n'ai vraiment pas besoin de défendre mes visites en Allemagne, l'automne dernier, car quel autre choix s'offrait-il? Rien de ce que nous aurions pu faire alors, rien de ce qu'auraient pu faire la France ou la Russie n'aurait eu la moindre chance de sauver la Tchéco-Slovaquie de l'invasion et de la destruction. À supposer même que nous ayons fait ensuite la guerre à l'Allemagne pour la châtier de ses actes et qu'après les pertes effroyables qu'auraient subies tous les participants à la guerre, nous ayons été victorieux, en fin de compte, nous n'aurions jamais été à même de reconstituer la Tchéco-Slovaquie, telle que l'avait faite le Traité de Versailles [1918-1938 : La défaite de l’Autriche-Hongrie et son éclatement après la Première Guerre mondiale conduisent à l’union des Tchèques et des Slovaques et à la naissance de la Tchécoslovaquie. L'Ukraine subcarpatique [région située à l'ouest du pays, près de la frontière avec l'Ukraine, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie ; elle est également appelée la Ruthénie] lui est rattachée ; les traités de Saint-Germain et de Trianon fixent les frontières de l'État tchécoslovaque, qui est présidé, de 1918 à 1935, par Tomás Garrigue Masaryk, puis à partir de 1938, par Edvard Beneš. ; Larousse].
  J'avais, d'ailleurs, un autre dessein encore quand je me suis rendu à Munich. C'était de promouvoir la politique que je poursuis depuis que j'occupe mes fonctions actuelles — politique qualifiée parfois de politique d'apaisement européen, bien qu'à mon avis ce ne soit pas là une manière très heureuse ni très exacte d'en désigner l'objet. Pour que cette politique réussit, il était essentiel qu'aucune puissance ne cherchât à établir une hégémonie sur toute l'Europe, mais que chacune se contentât d'obtenir des facilités raisonnables pour développer ses propres ressources, s'assurer la part du commerce international à laquelle elle a droit et améliorer les conditions d'existence de son propre peuple. Je pensais, malgré le fait que cela aurait très bien pu amener un conflit d'intérêts entre divers États, qu'en y mettant une bonne volonté réciproque, en se rendant compte de l'étendue des désirs des autres, il devait être possible de résoudre toutes les divergences par la discussion et sans en venir à un conflit armé. J'espérais, en allant à Munich, m'assurer par un contact personnel de ce que pensait Herr Hitler, et s'il y avait quelques chances pour qu'il consentit à coopérer à la réalisation d'un programme de ce genre. Eh bien, l'atmosphère dans laquelle se déroulèrent nos discussions ne s'avéra pas très propice, car nous nous trouvions au milieu d'une crise aiguë. Malgré tout, cependant, j'eus quelques occasions, dans les intervalles entre les conversations d'un caractère plus officiel, de m'entretenir avec le Führer et de l'entendre exposer ses vues, et il me semblait que les résultats n'étaient pas entièrement décourageants.
  À mon retour, après ma deuxième visite, je fis part à la Chambre des Communes d'une conversation que j'avais eue avec Herr Hitler et au sujet de laquelle je fis observer que, parlant avec une grande insistance, il avait répété ce qu'il avait déjà déclaré à Berchtesgaden, à savoir que c'était la dernière de ses ambitions territoriales en Europe et qu'il n'avait nul désir d’inclure dans le Reich d'autres gens d'une autre race que les Allemands. Herr Hitler confirma lui-même ce compte rendu de la conversation qu'il fit au Sportspalast à Berlin, en disant : " C'est la dernière revendication territoriale que j'ai à faire en Europe. " Et un peu plus tard, dans le même discours, il déclara : " J'ai assuré, M. Chamberlain, et j'y insiste aujourd'hui, que, quand ce problème sera résolu, l'Allemagne n'aura plus de problèmes territoriaux en Europe. " Et il ajouta : " Je ne m’intéresserai plus à l'État Tchèque et je peux le garantir. Nous ne voulons plus d'autres Tchèques. "
  De plus, dans l' Accord même de Munich, qui porte la signature de Herr Hitler, se trouve cette clause : " La détermination définitive des frontières, sera effectuée par les soins d'une commission internationale " — je répète : la détermination définitive. Enfin, dans la déclaration que nous avons signée ensemble à Munich, nous affirmions que toute autre question susceptible d'intéresser nos deux pays serait réglée par la méthode des consultations.

 

" La Ruthénie est une région d'Ukraine, dite Ukraine subcarpatique, près de la frontière avec l'Ukraine, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie, dont les avatars de l'histoire ont fait qu'elle a changé plusieurs fois de mains. Elle a été un territoire constamment conquis et reconquis: elle a appartenu à l'Autriche, à la Pologne, à la Hongrie, à la Tchécoslovaquie, 1919, puis de nouveau à la Hongrie, 1938, ensuite à l'URSS, 1945, et enfin à l'Ukraine. ". Sur le Web

  Bref, devant ces assurances répétées qui me furent données volontairement, je me suis cru fondé à espérer qu'une fois cette question tchéco-slovaque réglée, comme il semblait à Munich qu'elle le serait, il paraitrait possible de poursuivre cette politique d'apaisement que j'ai définie. Malgré cela, toutefois, je n'étais pas disposé à relâcher mes précautions tant que je n'aurais pas la certitude que cette politique était fermement établie et acceptée par les autres peuples. C'est pourquoi, après Munich, notre programme de défense fut réellement accéléré et même élargi, afin de remédier à certaines faiblesses qui s'étaient révélées pendant la crise. Je suis convaincu qu'après Munich la grande majorité du peuple britannique partageait mes espoirs et désirait ardemment que cette politique fut poursuivie. Mais aujourd'hui je partage son désappointement, son indignation, à voir que ces espoirs ont été brisés d'un cœur aussi léger.
  Comment les évènements de cette semaine peuvent-ils être conciliés avec les assurances dont je vous ai fait part? Assurément en ma qualité de co-signataire de l'Accord de Munich, j'avais droit, si Herr Hitler croyait qu'il y avait lieu de revenir là-dessus, à la consultation prévue dans la déclaration de Munich. Au lieu de cela, Herr Hitler a pris la loi entre ses mains. Avant même que le Président tchèque ne fût reçu et que lui fussent présentées des demandes auxquelles il n'avait pas les moyens de résister, les troupes allemandes étaient en marche, et en quelques heures elles pénétraient dans la capitale tchèque ["... Du point de vue géographique, la position de la jeune République ne pouvait être pire. Elle ressemblait à un saucisson d'une longueur de plus de 1 000 km, enfoncé profondément dans le Reich. La longueur de ses frontières était de plus de 4 000 km, bordés par cinq États, dont seule la Roumanie, 200 km, était un État ami. La frontière avec l'Allemagne comptait plus de 2000 km, y compris l'Autriche après l' Anschluss, avec la Pologne presque 1000 km, et avec la Hongrie 800 km. Le deuxième désavantage consistait dans le fait qu'en dépit d'un terrain montagneux, la plupart des régions frontalières entre la Tchécoslovaquie et l'Allemagne, et l'Autriche aussi, étaient habitées par les Allemands des Sudètes. Le troisième désavantage était la proximité des grandes villes industrielles et des centres de communication, d'où leur vulnérabilité aux attaques aériennes. Les villes principales comme Prague, Brno, Bratislava, Ostrava, Plzeň, où 90% de la production des armements et de l'aviation étaient concentrés, étaient ainsi extrêmement vulnérables : à moins de 30 minutes de vol au maximum pour les bombardiers allemands... Il s'ensuit que, pour mener une défense effective, la Tchécoslovaquie se trouvait 1) géographiquement mal située, 2) avec une population insuffisante de 15 millions, contre presque 70 millions d'habitants pour le Reich, 3) dont seulement un peu plus de la moitié était d'origine tchèque.... Théoriquement, la Tchécoslovaquie pouvait compter sur plusieurs alliances, mais dans le cas d'une invasion allemande, elle ne disposait d'aucune alliance militaire concrète... Le seul allié viable, dans la situation géopolitique dans laquelle se trouvait la Tchécoslovaquie pendant les années trente, ne pouvait être que la Pologne... Bien que, pour un État démocratique, il fût difficilement possible d'augmenter les dépenses militaires du temps de paix au delà d'un certain niveau, la Tchécoslovaquie fut probablement le seul pays démocratique qui prit sérieusement des précautions contre une possible agression allemande... ; source ; voir : entrée de la Wehrmacht et de Hitler à Prague].
  Selon la proclamation lue, hier, à Prague, la Bohème et la Moravie [" Le royaume de Bohême est un royaume d'Europe centrale ayant existé de la fin du XIIe siècle à 1918 et dont, la plupart des territoires se trouvent actuellement en Tchéquie. Constitué autour de la Bohême, plusieurs territoires y ont été associés au cours de l'Histoire, en particulier le margraviat de Moravie, le duché de Silésie et la Basse-Lusace ; l'ensemble formant alors les " Pays de la couronne de Bohême "... ; source] on été annexées au Reich allemand. Les habitants non-Allemands, dont les Tchèques, cela va sans dire, sont placés sous les ordres du Protecteur allemand, dans le Protectorat allemand. Leur sort dépendra des besoins politiques, militaires et économiques du Reich. On les appelle des États autonomes, mais c'est le Reich qui aura la direction de leur politique extérieure, de leurs douanes et de leur administration fiscale, de leurs réserves bancaires, et qui disposera de l'équipement des forces tchèques désarmées. Plus sinistre encore, peut-être, a été l'apparition de la Gestapo [abréviation de Geheime Staatspolizei, police secrète d'État ; police politique de l'Allemagne nazie, 1933-1945, chargée d'éliminer toute opposition au régime et étendant ses sévices dans les territoires occupés par la Wehrmacht. Le 26 avril 1933, Hermann Göring, ministre-président de Prusse, crée la Gestapo. Le 20 avril 1934, Himmler, Reichsführer-SS, chef des SS pour tout le Reich, prend les rênes de la Gestapo. Au printemps de la même année, Himmler dirige toutes les polices allemandes, à l'exception de la Prusse ; il les unifie et étend le champ d'action de la Gestapo à toute l'Allemagne. À la tête du service central de la Gestapo, il nomme Reinhardt Heydrich, déjà chef du SD, Sicherheitsdienst, service de sécurité interne du parti nazi, fondé en 1931. ; Larousse] ou police secrète, apparition qui a été suivie, comme d'habitude, par l'arrestation en masse de personnes en vue, avec les suites qui nous sont familières à tous.
 


Le royaume de Bohême, le duché de Silesie et les marquisats de Moravie et Lusace dressés d'après les cartes de Muller / par le Sr. Robert ; Robert de Vaugondy, Gilles : 1688-1766. Cartographe. Source


Carte administrative du protectorat de Bohême-Moravie. Crédit : Xrysd. @ CC BY-SA 3.0

  Tous ceux, hommes et femmes, qui, chez nous, se rappellent le sort des Juifs ["...Rétroactivement en avril, l'annexion à l'Allemagne, connue sous le nom d'Anschluss, fut officiellement plébiscitée par 99% du peuple autrichien, un chiffre qui cachait une manipulation: les Juifs et les Tsiganes ne furent pas autorisés à voter. Après l'Anschluss, les Allemands étendirent rapidement la législation anti-juive à l'Autriche. Le camp de concentration de Mauthausen, créé à l'été 1938, devint le principal camp nazi en Autriche. Il fut construit près d'une carrière de pierre abandonnée, le long du Danube, à environ 20 km au sud-est de Linz. Mauthausen, camp de catégorie III, était un camp pénal spécial avec un régime disciplinaire particulièrement dur. Les prisonniers punis étaient, par exemple, contraints de transporter de lourds blocs de pierre en haut des 186 marches de la carrière du camp. Ces marches reçurent le nom " d'Escalier de la mort ". Le pogrom de la Nuit de cristal, Kristallnacht, en novembre 1938 fut particulièrement violent en Autriche. La plupart des synagogues de Vienne furent détruites, brûlées sous les yeux des pompiers et des habitants. Les commerces juifs furent aussi vandalisés et saccagés. Des milliers de Juifs furent arrêtés et déportés vers les camps de concentration de Dachau ou de Buchenwald. L'émigration juive augmenta considérablement après l'Anschluss et la Nuit de cristal. Entre 1938 et 1940, 117 000 Juifs quittèrent l'Autriche... ; source] et des prisonniers politiques ["... Mauthausen et Gusen I, étaient les seuls camps du système concentrationnaire nazi en Europe classés " camps de niveau III ", ce qui signifiait qu'ils étaient destinés à être les camps les plus durs à l'intention des " ennemis politiques incorrigibles du Reich ", dont les prisonniers n'étaient pas censés revenir. Mauthausen-Gusen était plus particulièrement destiné à l'élimination par le travail de l'intelligentsia des pays occupés par l'Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale... " ; source] en Autriche, sont certainement remplis aujourd'hui de détresse et d'inquiétude. Qui pourrait s'empêcher d'être de cœur avec le peuple fier et brave, si soudainement soumis à cette invasion, dont les libertés sont mutilées, dont l'indépendance nationale a disparu? Qu'est-il advenu de cette déclaration : " Plus d'ambition territoriale "? Qu'est-il advenu de cette affirmation : " Nous ne voulons pas de Tchèques dans le Reich "? Quel respect a-t-on eu pour le principe de libre détermination nationale que Herr Hitler a revendiqué avec tant de véhémence, en ma présence, à Berchtesgaden, lorsqu'il réclamait la séparation du territoire des Sudètes de la Tchéco-Slovaquie et son incorporation au Reich?

Des citoyens juifs sont forcés de s'agenouiller et de nettoyer le sol sous le regard de nazis et d'habitants viennois. Avril 1938. Collection USHMM.

  On nous dit maintenant que cette saisie de territoire a été rendue nécessaire par des troubles en Tchéco-Slovaquie. On nous dit que cette proclamation de ce nouveau Protectorat allemand contre la volonté de ses habitants a été rendu inévitable par les désordres qui menaçaient la paix et la sécurité de son puissant voisin. S'il y a eu des désordres, n'ont-ils pas été fomentés du dehors? Et y a-t-il quelqu'un, hors d'Allemagne, qui soit susceptible d'admettre sérieusement l'idée qu'ils aient pu représenter un danger pour ce grand pays, qu'ils aient pu fournir une justification de ce qui s'est passé?
  N'en vient-on pas irrésistiblement à se demander, puisqu'il est si facile de trouver de bonnes raisons pour ignorer des assurances données si solennellement et si souvent, quelle confiance on peut faire à d'autres assurances provenant de la même source?
  Il y a une autre série de questions qui doivent presque inévitablement se présenter à notre esprit, et à celui des autres, peut-être même en Allemagne. L'Allemagne, sous son régime actuel, a procuré au monde une série de surprises désagréables. La Rhénanie [région de l'Ouest de l'Allemagne, qui doit son nom au Rhin qui la traverse... Aujourd'hui, deux Länder portent son nom : la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la Rhénanie-Palatinat], l'Anschluss, l'annexion du territoire des Sudètes [en 1938, c'est une région de la Tchéco-Slovaquie, située en Bohême-Moravie, qui était habitée majoritairement par des populations germanophones], tout cela a scandalisé et bravé l'opinion publique dans le monde entier. Pourtant, quelque objection que nous puissions avoir aux méthodes employées dans chaque cas, il y avait quelque chose à dire, tant en raison des affinités raciales que de justes revendications trop longtemps repoussées, il y avait, je le répète, quelque chose à dire en faveur de la nécessité d'un changement à apporter à la situation.
  Mais les évènements qui se sont produits cette semaine, en contradiction absolue avec les principes posés par le Gouvernement allemand lui-même, paraissent se ranger dans une catégorie différente. Et ils doivent nous obliger tous à nous demander : " Ceci est-il la fin d'une ancienne aventure? Ou est-ce le commencement d'une nouvelle? "
  " Est-ce la dernière attaque contre un petit État? Ou sera-t-elle suivie par d'autres? Cei est-il, en fait, un pas dans la direction d'une tentative pour dominer le monde par la force? "
  Ce sont des questions graves et sérieuses. Je ne vais pas y répondre ce soir. Mais je suis certain qu'elles provoqueront un grave et sérieux examen de la part non seulement des voisins de l'Allemagne, mais d'autres aussi, peut-être même au-delà des limites de l'Europe. Dès à présent, il y a des indications que le processus a commencé, et il est évident que, selon toute vraisemblance, il va maintenant s'accélérer.
  Nous-mêmes, naturellement, nous nous tournons d'abord vers ceux qui font partie avec nous du Commonwealth britannique [Afrique du Sud, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande ; "... Le Plan d’entraînement des aviateurs du Commonwealth britannique est ambitieux. L’accord de 1939 stipule que le programme d’entraînement sera similaire à celui de la RAF. Il y aura trois écoles préparatoires d’aviation, Initial Training School, treize écoles de pilotage élémentaire, Elementary Flying Training School, seize écoles de pilotage militaire, Service Flying Training School, dix écoles d’observation aérienne, Air Observer School, dix écoles de bombardiers et mitrailleurs, Bombing and Gunnery School, deux écoles de navigation aérienne, Air Navigation School, quatre écoles de radiotélégraphie : Wireless School. Pour chaque période de quatre semaines, l’accord prévoit la formation de 544 pilotes, 340 navigateurs et 580 radiotélégraphistes mitrailleurs. Le Canada fournira 80,64% des stagiaires, l’Australie, 11,28% et la Nouvelle-Zélande, 8,08%. Le Royaume-Uni contribuera pour sa part jusqu’à 10% des stagiaires aux écoles de pilotage élémentaire et aux écoles de navigation; sa contribution comprend les stagiaires en provenance de Terre-Neuve. Pour atteindre ces objectifs, le Canada doit recruter 1 536 hommes par période de quatre semaines, soit un total de 19 968 recrues par année..." ; source], et vers la France, à qui nous sommes si étroitement liés. Et je ne doute pas que d'autres aussi, sachant que nous ne nous désintéressons pas de qui se passe dans l'Europe du Sud-Est, souhaiteront recevoir nos conseils et avoir notre avis.
  Dans notre pays même, nous devons tous considérer la situation avec le sentiment des responsabilités qu'exige sa gravité. Rien ne doit être exclu de cet examen qui intéresse la sécurité nationale. Tous les aspects de notre vie nationale doivent être considérés de nouveau, et sous cet angle. Il appartient au Gouvernement, comme toujours, d'assumer la responsabilité principale. Mais je sais que chaque citoyen voudra aussi considérer sa propre position, et se demander à nouveau s'il a fait tout ce qu'il pouvait pour offrir sas services à l'État.

Lord Riverdale, à gauche, et W.L. Mackenzie King, à droite, signant l'accord du Plan d’entraînement aérien du Commonwealth Britannique, PEACB, le 17 décembre 1939. Source

  Je ne crois pas qu'il se trouve personne pour mettre en doute ma sincérité, quand je dis qu'il n'est à peu près rien que je ne sois prêt à sacrifier à la paix. Mais il est une chose que je dois excepter, et cette chose est la liberté dont nous avons joui depuis des siècles, et sur laquelle nous ne capitulerons jamais. Que moi, entre tous les hommes, je me sente appelé à faire une telle déclaration — ceci permet de mesurer à quel point ces évènements ont détruit la confiance qui commençait à peine à se montrer et qui, si on lui avait permis de croître, aurait rendu la présente année mémorable pour le retour de toute l'Europe à la raison et à la stabilité.
  Il y a seulement six semaines que, parlant dans cette même ville, je mentionnais des rumeurs et des suspicions dont je disais qu'il fallait énergiquement les écarter. Je montrais que toute prétention à dominer le monde par la force devait provoquer la résistance des démocraties, et j'ajoutais que je ne pouvais pas croire qu'un tel défi fût dans l'intention de personne, parce qu'aucun gouvernement, ayant à cœur les intérêts de son propre peuple, ne pourrait l'exposer, pour un tel objectif, aux horreurs de la guerre mondiale.
  Et, en vérité, avec les leçons de l'histoire présentes aux yeux de tous, il semble incroyable que nous assistions à un tel défi. Je me sens tenu de répéter ceci : bien que je ne sois pas disposé à lier notre pays par des obligations nouvelles et indéterminées, opérant sous des conditions qui ne peuvent pas maintenant être prévues, on ne pourrait cependant pas commettre de plus grande erreur que de supposer que cette nation, parce qu'elle pense que la guerre est une chose absurde et cruelle, a perdu ses vertus au point de ne pas contribuer, jusqu'à l'extrême limite de ses moyens, à résister à un tel défi, si jamais il était lancé. En faisant cette déclaration, je suis non seulement convaincu que j'ai pour moi l'appui, la sympathie et la confiance de mes compatriotes, hommes et femmes ; mais je crois, en outre, que j'aurai l'approbation de tout l'Empire britannique et de toutes les autres nations qui certes chérissent la paix, mais qui, plus encore, chérissent la liberté.

N° 10

Discours du Secrétaire d'État aux Affaires étrangères à la Chambre des Lords, le 20 mars 1939

  À suivre...

   Livre bleu anglais n° I, Documents concernant les relations germano-polonaises et le début des hostilités entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne le 3 septembre 1939, présenté au Parlement par Ordre de Sa Majesté par le Secrétaire d' État aux Affaires étrangères ; traduction Autorisée et Officielle du document publié par His Majesty's Stationery Office, Paris, 1939, pp. I-10 
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