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Le Gouvernement allemand et le Gouvernement polonais considèrent que le moment est venu d'ouvrir une nouvelle ère dans les relations politiques entre l'Allemagne et la Pologne par une entente directe d'État à État. Ils ont par conséquent décidé d'établir, dans la présente déclaration, les principes pour le développement futur de ces relations.
Les deux Gouvernements basent leur action sur le fait que le maintien et la garantie d'une paix durable entre leurs deux pays est une condition préliminaire essentielle de la paix générale en Europe.
Ils ont en conséquence décidé de baser leurs relations mutuelles sur les principes fixés dans le Pacte de Paris du 27 août 1928 [ou " Pacte Briand-Kellogg " ; c'est " un traité de paix signé par soixante-trois pays qui « condamnent le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles »... " ; source], et se proposent de définir plus exactement l'application de ces principes pour autant qu'il s'agit des relations entre l'Allemagne et la Pologne.Traité Briand-Kellogg, avec les signatures de Gustav Stresemann, Paul Kellogg, Paul Hymans, Aristide Briand, Lord Cushendun, William Lyon Mackenzie King, John McLachlan, Sir Christopher James Parr, Jacobus Stephanus Smit, William Thomas Cosgrave, Count Gaetano Manzoni, Count Uchida, A. Zaleski, Eduard Benes. @ GaHetNa : Nationaal Archief NL
Chacun des deux Gouvernements établit en conséquence que les obligations internationales contractées par lui envers une tierce partie ne font pas obstacle au développement pacifique de leurs relations mutuelles, ne sont pas en contradiction avec la présente déclaration et ne sont pas affectées par elle. Ils établissent en outre que cette déclaration ne s'étend pas aux questions qui, dans le sens de la loi internationale, doivent être considérées comme étant exclusivement du ressort intérieur de chacun des deux États.
Les deux Gouvernements proclament leur intention de s'entendre directement pour le règlement de toutes les questions de n'importe quel ordre qui concernent leurs relations mutuelles.
Si quelque divergence se produisait entre elles, à propos desquelles une entente ne pourrait être réalisée par voie de négociations directes, ils rechercheront, dans chaque cas particulier et sur la base d'un accord mutuel, une solution par d'autres moyens pacifiques, sans préjuger de la possibilité d'appliquer, si nécessaire, à d'autres accords en vigueur entre eux, ces méthodes de procédure où de telles éventualités sont prévues. En aucune circonstance, cependant, ils ne recourront à l'emploi de la force dans le but d'obtenir une décision en de telles divergences.
La garantie de paix créée par ces principes facilitera la grande tâche des deux Gouvernements, de trouver une solution aux problèmes économiques, politiques et sociaux, solution basée sur un juste et équitable ajustement des intérêts des deux parties. Les deux Gouvernements sont convaincus que les relations entre leurs pays se développeront fructueusement de cette façon, et conduiront à l'établissement de rapports de voisinage qui contribueront non seulement au bien-être des deux pays, mais à celui également des autres peuples d' Europe.
La présente déclaration sera ratifiée et les instruments de ratification seront échangés à Varsovie aussitôt que possible.
Cette déclaration est valable pour une période de 10 ans, à compter du jour de l'échange des instruments de ratification.
Si la déclaration n'est pas dénoncée par l'un des deux Gouvernements six mois avant l'expiration de cette période, elle demeurera en vigueur, mais pourra alors être dénoncée en tout par l'un ou l'autre des Gouvernements, sur préavis de six mois. Fait en double, en langues allemande et polonaise.
Berlin, 26 janvier 1934.
Pour le Gouvernement allemand : FREI HERR von NEURATH
Pour le Gouvernement polonais : JOSEF LIPSKI.
" Nous reconnaissons, avec la compréhension et l'amitié cordiale de vrais nationalistes, l'État polonais comme la patrie d'un grand peuple, conscient de sa nationalité. "
" Le Reich allemand, et en particulier le Gouvernement allemand actuel, n'a pas d'autre désir que celui de vivre en termes amicaux et pacifiques avec tous les États voisins. "
" J'aimerais que le peuple Allemand apprît à voir en d'autres nations des réalités historiques dont un visionnaire pourrait bien souhaiter qu'elles disparussent, mais que l'on ne peut pas faire disparaître. "
" J'aimerais qu'il comprît qu'il est déraisonnable d'essayer de mettre ces réalités historiques en opposition avec les exigences de ses intérêts vitaux et de sa compréhensible prétention à la vie. C'est pour cela que j'aimerais voir le peuple Allemand comprendre les motifs profonds de la politique étrangère Nationale-Socialiste, qui trouve douloureux que l'accès à la mer d'un peuple de 35 millions soit situé sur un territoire qui, auparavant, appartenait au Reich, mais qui reconnaît qu'il est déraisonnable et impossible de refuser tout accès à la mer à un État d'une importance pareille à celui-ci... Il est possible que les politiciens, surtout en recourant à la force, perpètrent de pareilles violations des intérêts nationaux ; mais plus fréquemment cela se produit et plus grand devient, du côté de ces puissances et de ces énergies à la fois excitées et comprimées, la pression pour s'assurer un exutoire. "
La Une du Populaire du Centre du 8 mars 1936, dénonçant la remilitarisation de la Rhénanie. Sur le Web
" Par une série d'accords, nous avons fait disparaître des tensions existantes et nous avons ainsi contribué considérablement à rasséréner l'atmosphère européenne. Je vous rappelle simplement notre accord avec la Pologne, accord qui s'est montré avantageux pour les deux parties.... Et à mes propres concitoyens je voudrais dire que la Nation polonaise et l'État polonais sont également devenus une réalité... "
" Les peuples de ces États, c'est à dire l'Italie, la Pologne et les États balkaniques, désirent vivre, et ils vivront. "
" En cette cinquième année qui suit le premier grand accord de politique étrangère du Reich, nous sommes remplis d'une sincère satisfaction de pouvoir affirmer que dans nos relations avec l'État dont nous séparaient peut-être les plus grandes divergences, il ne s'est point seulement produit une détente, mais encore, que pendant ces années, une constante amélioration de nos relations s'est poursuivie. Je sais parfaitement bien que cela doit avant tout être attribué au fait qu'à ce moment il n'y avait pas à Varsovie un parlementaire occidental, mais un Maréchal polonais, personnalité éminente, qui a compris la signification si considérable pour l'Europe d'une telle détente germano-polonaise. Ce bon travail, dont tant de gens avait douté à l'époque, a, depuis, fait ses preuves. Et je puis dire que depuis que la Société des Nations a enfin abandonné ses perpétuelles tentatives de troubler la situation à Dantzig et choisi, dans la personnalité de son nouveau Commissaire [Carl Jacob Burckhardt], un homme de très grand mérite personnel, ce coin, le plus dangereux au point de vue de la paix européenne, a intégralement perdu son caractère menaçant. L'État polonais respecte les conditions dans cet État, la Ville de Dantzig et l'Allemagne respectent toutes deux les droits polonais. Ainsi on a frayé avec succès la voie vers une entente amicale, une entente qui, partant de Dantzig, a réussi aujourd'hui, en dépit de tentatives de certains " trublions ", à désempoisonner les relations entre l'Allemagne et la Pologne et à transformer en une collaboration sincère. "
" En Pologne un grand patriote et un grand homme d' État était prêt à faire un accord avec l'Allemagne ; nous nous sommes immédiatement mis à l’œuvre et nous avons conclu une entente qui était plus importante pour la paix de l' Europe que tous les bavardages dans le temple de la Société des Nations à Genève. "
" Le problème le plus difficile qui se posait à moi était celui de nos relations avec la Pologne ; le danger existait que Polonais et Allemands se regardassent les uns les autres comme des ennemis héréditaires. J'ai voulu éviter cela. Je sais fort bien que je n'y aurais point réussi, si la Pologne avait eut une constitution démocratique. Car ces démocraties qui ressassent des phrases sur la paix, sont les plus sanguinaires des fauteurs de guerre. En Pologne il y avait, non pas une démocratie, mais un homme, et avec lui j'ai réussi, en l'espace de douze mois exactement, à conclure une entente qui, pour une période de dix années tout d'abord, écartait complètement le danger d'un conflit. Nous sommes tous persuadés que cette entente apportera une pacification durable. Nous comprenons qu'il y a là deux peuples qui doivent vivre côte à côte, et dont aucun ne peut faire disparaître l'autre. Un peuple de 33 millions s'efforcera toujours de s'assurer un accès à la mer. Il fallait donc, par conséquent, trouver une possibilité d'entente ; elle a été trouvée ; elle s'étendra davantage. Certaines choses, dans ce champ d'action, étaient sans doute pénibles. Des nationalités et de petits groupes nationaux se querellaient fréquemment entre eux. Mais le fait principal demeure : les deux Gouvernements et tous les gens raisonnables et clairvoyants des deux peuples, dans les deux pays, gardent la ferme volonté et la décision d'améliorer leurs relations. C'était là une vraie œuvre de paix, de plus de valeur que tous les bavardages du Palais de la Société des Nations à Genève. "
Situé à Berlin, quartier Schöneberg, le " palais des sports de Berlin ", accueillait des évènements de sports d'hiver et servait de salle de réunion ; construit en 1910, il fut détruit en 1973. Ici, en 1973. Photo : Willy Pragher @CC BY 3.0
J'avais l'intention de vous parler ce soir d'un grand nombre de sujets, de commerce et du chômage, des services sociaux et de questions financières, mais les formidables évènements qui se sont déroulés cette semaine en Europe ont rejeté à l'arrière-plan toutes les autres questions et je comprends que vous et tous ceux qui ne sont pas dans cette salle, mais qui m'écoutent, vous désirez obtenir quelques indications sur les vues du Gouvernement de Sa Majesté quant à la nature et aux répercussions possibles de ces évènements.
Il est une chose certaine : l'opinion publique mondiale a reçu un choc plus violent que ne lui en avait jamais infligé même le régime allemand actuel. On ne peut encore prévoir quels seront les effets lointains de ce choc, mais je suis sûr qu'ils seront profonds dans leur influence sur l'avenir. Mercredi dernier, nous avons eu à la Chambre des Communes un débat à ce sujet. C'était le jour où les troupes allemandes entraient en Tchéco-Slovaquie et nous tous, mais particulièrement le Gouvernement, nous nous trouvions désavantagés par le fait que nous ne possédions que des informations partielles, dont un grand nombre n'avaient pas de caractère officiel. Nous n'avions pas eu le temps de les examiner méthodiquement, encore moins le temps de nous former une opinion réfléchie. Aussi, forcément, parlant au nom du Gouvernement avec toute la responsabilité qui s'attache à cette fonction, me trouvai-je obligé à m'en tenir à un exposé restreint et prudent, à la suite duquel, au moment même, il me paraissait impossible de présenter autre chose qu'un bref commentaire. Et peut-être, tout naturellement, cette déclaration un peu froide et objective a-t-elle produit une impression fausse. Certaines personnes ont cru, parce que je parlais avec calme, parce que je laissais peu de place à l'expression des sentiments, mes collègues et moi n'étaient pas très émus par l'évènement. J'espère corriger cette erreur ce soir.
Mais je voudrais d'abord dire un mot au sujet d'une controverse qui s'est instaurée à la suite de ces évènements et qui a été utilisée au cours de ce débat ainsi que dans différents organes de la presse. On a suggéré que cette occupation de la Tchéco-Slovaquie était la conséquence directe des visites que j'avais faites en Allemagne, l'automne dernier, et que, puisque le résultat des évènements d'aujourd'hui était de déchirer le règlement réalisé à Munich, cela prouvait que toutes les circonstances des visites que j'avais faites constituaient une erreur. On déclare que, étant donné que c'était là la politique personnelle du Premier ministre, lui seul portait la responsabilité du sort infligé à la Tchéco-Slovaquie. C'est une conclusion absolument injustifiable. Les faits, tels qui sont à ce jour, ne sauraient changer les faits tels qu'ils existaient au mois de septembre. Si j'avais raison à ce moment, j'ai encore raison maintenant. Et puis, il y a certaines personnes qui disent : " Nous pensions que vous aviez tort en septembre et maintenant l'évènement a prouvé que nous avions raison. "
Permettez-moi d'examiner ce point. Lorsque je suis décidé à aller en Allemagne, je n'ai jamais cru que j’échapperais aux critiques. En vérité, je n'y allais pas pour me rendre populaire ; j'y allais, d'abord et surtout, parce que devant une situation qui paraissait presque désespérée, cela me semblait la seule chance d'éviter une guerre européenne. Et je pourrais vous rappeler que lorsqu'on annonça que je partais, pas une voix ne s'éleva pour me critiquer. Tout le monde applaudit à cet effort. Ce n'est que plus tard, lorsqu'il sembla que les résultats du règlement final ne répondaient pas à l'attente de certains — qui n'appréciaient pas entièrement les faits tels qu'ils étaient — c'est alors seulement que l'attaque commença, et même alors ce ne fut pas la visite, c'étaient les termes de l'accord qu'on désapprouvait.
Eh bien, je n'ai jamais nié que les conditions qu'il m'a été possible d'obtenir à Munich n'étaient pas celles que, personnellement, j'aurais désirées. Mais, comme je l'ai exposé à ce moment-là, je n'avais pas affaire à un problème nouveau. Il s’agissait d'un état de choses qui existait depuis le traité de Versailles [Traité de paix qui mit fin à la Première Guerre mondiale entre l'Allemagne et les puissances alliées et associées Il fut signé dans la galerie des Glaces du château, là où l'Empire allemand avait été proclamé, le 18 janvier 1871. Pour rétablir l'état de paix avec l'Allemagne, les 27 puissances victorieuses alliées ou associées, en fait, 32, le Royaume-Uni parlant au nom du Canada, de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Nouvelle-Zélande et de l'Inde, se réunirent en conférence de la paix à Paris : 18 janvier 1919-10 août 1920 ; lors de la conférence furent élaborés, en outre, les quatre traités secondaires de Saint-Germain-en-Laye, Trianon, Neuilly-sur-Seine et Sèvres. Les travaux furent en fait dominés par un directoire de quatre membres : Clemenceau pour la France, Lloyd George pour la Grande-Bretagne, Orlando pour l'Italie, Wilson pour les États-Unis. La Pologne était représentée par le pianiste Paderewski, alors président du Conseil... Alors qu'en France l'opinion publique considéra généralement comme insuffisantes les garanties obtenues contre un éventuel retour offensif de l'Allemagne, le traité fut jugé excessif en Grande-Bretagne et surtout aux États-Unis, où le Sénat refusa de le ratifier : 20 novembre 1919. Les Allemands, eux, lui témoignèrent une violente hostilité et n'acceptèrent de signer que sous la menace d'une reprise de la guerre. ; Larousse], d'un problème dont on aurait dû trouver depuis longtemps la solution, si seulement les hommes d'État des vingt dernières années avaient eu une conception plus large et plus éclairée du devoir qui leur incombait. C'était comme dans une maladie longtemps négligée : une opération chirurgicale s'imposait pour sauver la vie du malade.
Après tout, le premier objet, l'objet le plus important de ma visite a été atteint. La paix de l'Europe a été sauvée : et n'eussent été ces visites, des centaines de milliers de familles pleureraient aujourd'hui la fleur de la jeunesse européenne. Qu'il me soit permis d'exprimer une fois de plus ma sincère reconnaissance à tous les correspondants qui m'ont écrit de toutes les parties du monde, pour m'assurer de leur gratitude et me dire combien ils appréciaient ce que j'ai fait alors et ce que je me suis efforcé de faire depuis.
Je n'ai vraiment pas besoin de défendre mes visites en Allemagne, l'automne dernier, car quel autre choix s'offrait-il? Rien de ce que nous aurions pu faire alors, rien de ce qu'auraient pu faire la France ou la Russie n'aurait eu la moindre chance de sauver la Tchéco-Slovaquie de l'invasion et de la destruction. À supposer même que nous ayons fait ensuite la guerre à l'Allemagne pour la châtier de ses actes et qu'après les pertes effroyables qu'auraient subies tous les participants à la guerre, nous ayons été victorieux, en fin de compte, nous n'aurions jamais été à même de reconstituer la Tchéco-Slovaquie, telle que l'avait faite le Traité de Versailles [1918-1938 : La défaite de l’Autriche-Hongrie et son éclatement après la Première Guerre mondiale conduisent à l’union des Tchèques et des Slovaques et à la naissance de la Tchécoslovaquie. L'Ukraine subcarpatique [région située à l'ouest du pays, près de la frontière avec l'Ukraine, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie ; elle est également appelée la Ruthénie] lui est rattachée ; les traités de Saint-Germain et de Trianon fixent les frontières de l'État tchécoslovaque, qui est présidé, de 1918 à 1935, par Tomás Garrigue Masaryk, puis à partir de 1938, par Edvard Beneš. ; Larousse].
J'avais, d'ailleurs, un autre dessein encore quand je me suis rendu à Munich. C'était de promouvoir la politique que je poursuis depuis que j'occupe mes fonctions actuelles — politique qualifiée parfois de politique d'apaisement européen, bien qu'à mon avis ce ne soit pas là une manière très heureuse ni très exacte d'en désigner l'objet. Pour que cette politique réussit, il était essentiel qu'aucune puissance ne cherchât à établir une hégémonie sur toute l'Europe, mais que chacune se contentât d'obtenir des facilités raisonnables pour développer ses propres ressources, s'assurer la part du commerce international à laquelle elle a droit et améliorer les conditions d'existence de son propre peuple. Je pensais, malgré le fait que cela aurait très bien pu amener un conflit d'intérêts entre divers États, qu'en y mettant une bonne volonté réciproque, en se rendant compte de l'étendue des désirs des autres, il devait être possible de résoudre toutes les divergences par la discussion et sans en venir à un conflit armé. J'espérais, en allant à Munich, m'assurer par un contact personnel de ce que pensait Herr Hitler, et s'il y avait quelques chances pour qu'il consentit à coopérer à la réalisation d'un programme de ce genre. Eh bien, l'atmosphère dans laquelle se déroulèrent nos discussions ne s'avéra pas très propice, car nous nous trouvions au milieu d'une crise aiguë. Malgré tout, cependant, j'eus quelques occasions, dans les intervalles entre les conversations d'un caractère plus officiel, de m'entretenir avec le Führer et de l'entendre exposer ses vues, et il me semblait que les résultats n'étaient pas entièrement décourageants.
À mon retour, après ma deuxième visite, je fis part à la Chambre des Communes d'une conversation que j'avais eue avec Herr Hitler et au sujet de laquelle je fis observer que, parlant avec une grande insistance, il avait répété ce qu'il avait déjà déclaré à Berchtesgaden, à savoir que c'était la dernière de ses ambitions territoriales en Europe et qu'il n'avait nul désir d’inclure dans le Reich d'autres gens d'une autre race que les Allemands. Herr Hitler confirma lui-même ce compte rendu de la conversation qu'il fit au Sportspalast à Berlin, en disant : " C'est la dernière revendication territoriale que j'ai à faire en Europe. " Et un peu plus tard, dans le même discours, il déclara : " J'ai assuré, M. Chamberlain, et j'y insiste aujourd'hui, que, quand ce problème sera résolu, l'Allemagne n'aura plus de problèmes territoriaux en Europe. " Et il ajouta : " Je ne m’intéresserai plus à l'État Tchèque et je peux le garantir. Nous ne voulons plus d'autres Tchèques. "
De plus, dans l' Accord même de Munich, qui porte la signature de Herr Hitler, se trouve cette clause : " La détermination définitive des frontières, sera effectuée par les soins d'une commission internationale " — je répète : la détermination définitive. Enfin, dans la déclaration que nous avons signée ensemble à Munich, nous affirmions que toute autre question susceptible d'intéresser nos deux pays serait réglée par la méthode des consultations.
" La Ruthénie est une région d'Ukraine, dite Ukraine subcarpatique, près de la frontière avec l'Ukraine, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie, dont les avatars de l'histoire ont fait qu'elle a changé plusieurs fois de mains. Elle a été un territoire constamment conquis et reconquis: elle a appartenu à l'Autriche, à la Pologne, à la Hongrie, à la Tchécoslovaquie, 1919, puis de nouveau à la Hongrie, 1938, ensuite à l'URSS, 1945, et enfin à l'Ukraine. ". Sur le Web
Bref, devant ces assurances répétées qui me furent données volontairement, je me suis cru fondé à espérer qu'une fois cette question tchéco-slovaque réglée, comme il semblait à Munich qu'elle le serait, il paraitrait possible de poursuivre cette politique d'apaisement que j'ai définie. Malgré cela, toutefois, je n'étais pas disposé à relâcher mes précautions tant que je n'aurais pas la certitude que cette politique était fermement établie et acceptée par les autres peuples. C'est pourquoi, après Munich, notre programme de défense fut réellement accéléré et même élargi, afin de remédier à certaines faiblesses qui s'étaient révélées pendant la crise. Je suis convaincu qu'après Munich la grande majorité du peuple britannique partageait mes espoirs et désirait ardemment que cette politique fut poursuivie. Mais aujourd'hui je partage son désappointement, son indignation, à voir que ces espoirs ont été brisés d'un cœur aussi léger.
Comment les évènements de cette semaine peuvent-ils être conciliés avec les assurances dont je vous ai fait part? Assurément en ma qualité de co-signataire de l'Accord de Munich, j'avais droit, si Herr Hitler croyait qu'il y avait lieu de revenir là-dessus, à la consultation prévue dans la déclaration de Munich. Au lieu de cela, Herr Hitler a pris la loi entre ses mains. Avant même que le Président tchèque ne fût reçu et que lui fussent présentées des demandes auxquelles il n'avait pas les moyens de résister, les troupes allemandes étaient en marche, et en quelques heures elles pénétraient dans la capitale tchèque ["... Du point de vue géographique, la position de la jeune République ne pouvait être pire. Elle ressemblait à un saucisson d'une longueur de plus de 1 000 km, enfoncé profondément dans le Reich. La longueur de ses frontières était de plus de 4 000 km, bordés par cinq États, dont seule la Roumanie, 200 km, était un État ami. La frontière avec l'Allemagne comptait plus de 2000 km, y compris l'Autriche après l' Anschluss, avec la Pologne presque 1000 km, et avec la Hongrie 800 km. Le deuxième désavantage consistait dans le fait qu'en dépit d'un terrain montagneux, la plupart des régions frontalières entre la Tchécoslovaquie et l'Allemagne, et l'Autriche aussi, étaient habitées par les Allemands des Sudètes. Le troisième désavantage était la proximité des grandes villes industrielles et des centres de communication, d'où leur vulnérabilité aux attaques aériennes. Les villes principales comme Prague, Brno, Bratislava, Ostrava, Plzeň, où 90% de la production des armements et de l'aviation étaient concentrés, étaient ainsi extrêmement vulnérables : à moins de 30 minutes de vol au maximum pour les bombardiers allemands... Il s'ensuit que, pour mener une défense effective, la Tchécoslovaquie se trouvait 1) géographiquement mal située, 2) avec une population insuffisante de 15 millions, contre presque 70 millions d'habitants pour le Reich, 3) dont seulement un peu plus de la moitié était d'origine tchèque.... Théoriquement, la Tchécoslovaquie pouvait compter sur plusieurs alliances, mais dans le cas d'une invasion allemande, elle ne disposait d'aucune alliance militaire concrète... Le seul allié viable, dans la situation géopolitique dans laquelle se trouvait la Tchécoslovaquie pendant les années trente, ne pouvait être que la Pologne... Bien que, pour un État démocratique, il fût difficilement possible d'augmenter les dépenses militaires du temps de paix au delà d'un certain niveau, la Tchécoslovaquie fut probablement le seul pays démocratique qui prit sérieusement des précautions contre une possible agression allemande... ; source ; voir : entrée de la Wehrmacht et de Hitler à Prague].
Selon la proclamation lue, hier, à Prague, la Bohème et la Moravie [" Le royaume de Bohême est un royaume d'Europe centrale ayant existé de la fin du XIIe siècle à 1918 et dont, la plupart des territoires se trouvent actuellement en Tchéquie. Constitué autour de la Bohême, plusieurs territoires y ont été associés au cours de l'Histoire, en particulier le margraviat de Moravie, le duché de Silésie et la Basse-Lusace ; l'ensemble formant alors les " Pays de la couronne de Bohême "... ; source] on été annexées au Reich allemand. Les habitants non-Allemands, dont les Tchèques, cela va sans dire, sont placés sous les ordres du Protecteur allemand, dans le Protectorat allemand. Leur sort dépendra des besoins politiques, militaires et économiques du Reich. On les appelle des États autonomes, mais c'est le Reich qui aura la direction de leur politique extérieure, de leurs douanes et de leur administration fiscale, de leurs réserves bancaires, et qui disposera de l'équipement des forces tchèques désarmées. Plus sinistre encore, peut-être, a été l'apparition de la Gestapo [abréviation de Geheime Staatspolizei, police secrète d'État ; police politique de l'Allemagne nazie, 1933-1945, chargée d'éliminer toute opposition au régime et étendant ses sévices dans les territoires occupés par la Wehrmacht. Le 26 avril 1933, Hermann Göring, ministre-président de Prusse, crée la Gestapo. Le 20 avril 1934, Himmler, Reichsführer-SS, chef des SS pour tout le Reich, prend les rênes de la Gestapo. Au printemps de la même année, Himmler dirige toutes les polices allemandes, à l'exception de la Prusse ; il les unifie et étend le champ d'action de la Gestapo à toute l'Allemagne. À la tête du service central de la Gestapo, il nomme Reinhardt Heydrich, déjà chef du SD, Sicherheitsdienst, service de sécurité interne du parti nazi, fondé en 1931. ; Larousse] ou police secrète, apparition qui a été suivie, comme d'habitude, par l'arrestation en masse de personnes en vue, avec les suites qui nous sont familières à tous.
Le royaume de Bohême, le duché de Silesie et les marquisats de Moravie et Lusace dressés d'après les cartes de Muller / par le Sr. Robert ; Robert de Vaugondy, Gilles : 1688-1766. Cartographe. Source
Carte administrative du protectorat de Bohême-Moravie. Crédit : Xrysd. @ CC BY-SA 3.0
Tous ceux, hommes et femmes, qui, chez nous, se rappellent le sort des Juifs ["...Rétroactivement en avril, l'annexion à l'Allemagne, connue sous le nom d'Anschluss, fut officiellement plébiscitée par 99% du peuple autrichien, un chiffre qui cachait une manipulation: les Juifs et les Tsiganes ne furent pas autorisés à voter. Après l'Anschluss, les Allemands étendirent rapidement la législation anti-juive à l'Autriche. Le camp de concentration de Mauthausen, créé à l'été 1938, devint le principal camp nazi en Autriche. Il fut construit près d'une carrière de pierre abandonnée, le long du Danube, à environ 20 km au sud-est de Linz. Mauthausen, camp de catégorie III, était un camp pénal spécial avec un régime disciplinaire particulièrement dur. Les prisonniers punis étaient, par exemple, contraints de transporter de lourds blocs de pierre en haut des 186 marches de la carrière du camp. Ces marches reçurent le nom " d'Escalier de la mort ". Le pogrom de la Nuit de cristal, Kristallnacht, en novembre 1938 fut particulièrement violent en Autriche. La plupart des synagogues de Vienne furent détruites, brûlées sous les yeux des pompiers et des habitants. Les commerces juifs furent aussi vandalisés et saccagés. Des milliers de Juifs furent arrêtés et déportés vers les camps de concentration de Dachau ou de Buchenwald. L'émigration juive augmenta considérablement après l'Anschluss et la Nuit de cristal. Entre 1938 et 1940, 117 000 Juifs quittèrent l'Autriche... ; source] et des prisonniers politiques ["... Mauthausen et Gusen I, étaient les seuls camps du système concentrationnaire nazi en Europe classés " camps de niveau III ", ce qui signifiait qu'ils étaient destinés à être les camps les plus durs à l'intention des " ennemis politiques incorrigibles du Reich ", dont les prisonniers n'étaient pas censés revenir. Mauthausen-Gusen était plus particulièrement destiné à l'élimination par le travail de l'intelligentsia des pays occupés par l'Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale... " ; source] en Autriche, sont certainement remplis aujourd'hui de détresse et d'inquiétude. Qui pourrait s'empêcher d'être de cœur avec le peuple fier et brave, si soudainement soumis à cette invasion, dont les libertés sont mutilées, dont l'indépendance nationale a disparu? Qu'est-il advenu de cette déclaration : " Plus d'ambition territoriale "? Qu'est-il advenu de cette affirmation : " Nous ne voulons pas de Tchèques dans le Reich "? Quel respect a-t-on eu pour le principe de libre détermination nationale que Herr Hitler a revendiqué avec tant de véhémence, en ma présence, à Berchtesgaden, lorsqu'il réclamait la séparation du territoire des Sudètes de la Tchéco-Slovaquie et son incorporation au Reich?
Des citoyens juifs sont forcés de s'agenouiller et de nettoyer le sol sous le regard de nazis et d'habitants viennois. Avril 1938. Collection USHMM.
On nous dit maintenant que cette saisie de territoire a été rendue nécessaire par des troubles en Tchéco-Slovaquie. On nous dit que cette proclamation de ce nouveau Protectorat allemand contre la volonté de ses habitants a été rendu inévitable par les désordres qui menaçaient la paix et la sécurité de son puissant voisin. S'il y a eu des désordres, n'ont-ils pas été fomentés du dehors? Et y a-t-il quelqu'un, hors d'Allemagne, qui soit susceptible d'admettre sérieusement l'idée qu'ils aient pu représenter un danger pour ce grand pays, qu'ils aient pu fournir une justification de ce qui s'est passé?
N'en vient-on pas irrésistiblement à se demander, puisqu'il est si facile de trouver de bonnes raisons pour ignorer des assurances données si solennellement et si souvent, quelle confiance on peut faire à d'autres assurances provenant de la même source?
Il y a une autre série de questions qui doivent presque inévitablement se présenter à notre esprit, et à celui des autres, peut-être même en Allemagne. L'Allemagne, sous son régime actuel, a procuré au monde une série de surprises désagréables. La Rhénanie [région de l'Ouest de l'Allemagne, qui doit son nom au Rhin qui la traverse... Aujourd'hui, deux Länder portent son nom : la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la Rhénanie-Palatinat], l'Anschluss, l'annexion du territoire des Sudètes [en 1938, c'est une région de la Tchéco-Slovaquie, située en Bohême-Moravie, qui était habitée majoritairement par des populations germanophones], tout cela a scandalisé et bravé l'opinion publique dans le monde entier. Pourtant, quelque objection que nous puissions avoir aux méthodes employées dans chaque cas, il y avait quelque chose à dire, tant en raison des affinités raciales que de justes revendications trop longtemps repoussées, il y avait, je le répète, quelque chose à dire en faveur de la nécessité d'un changement à apporter à la situation.
Mais les évènements qui se sont produits cette semaine, en contradiction absolue avec les principes posés par le Gouvernement allemand lui-même, paraissent se ranger dans une catégorie différente. Et ils doivent nous obliger tous à nous demander : " Ceci est-il la fin d'une ancienne aventure? Ou est-ce le commencement d'une nouvelle? "
" Est-ce la dernière attaque contre un petit État? Ou sera-t-elle suivie par d'autres? Cei est-il, en fait, un pas dans la direction d'une tentative pour dominer le monde par la force? "
Ce sont des questions graves et sérieuses. Je ne vais pas y répondre ce soir. Mais je suis certain qu'elles provoqueront un grave et sérieux examen de la part non seulement des voisins de l'Allemagne, mais d'autres aussi, peut-être même au-delà des limites de l'Europe. Dès à présent, il y a des indications que le processus a commencé, et il est évident que, selon toute vraisemblance, il va maintenant s'accélérer.
Nous-mêmes, naturellement, nous nous tournons d'abord vers ceux qui font partie avec nous du Commonwealth britannique [Afrique du Sud, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande ; "... Le Plan d’entraînement des aviateurs du Commonwealth britannique est ambitieux. L’accord de 1939 stipule que le programme d’entraînement sera similaire à celui de la RAF. Il y aura trois écoles préparatoires d’aviation, Initial Training School, treize écoles de pilotage élémentaire, Elementary Flying Training School, seize écoles de pilotage militaire, Service Flying Training School, dix écoles d’observation aérienne, Air Observer School, dix écoles de bombardiers et mitrailleurs, Bombing and Gunnery School, deux écoles de navigation aérienne, Air Navigation School, quatre écoles de radiotélégraphie : Wireless School. Pour chaque période de quatre semaines, l’accord prévoit la formation de 544 pilotes, 340 navigateurs et 580 radiotélégraphistes mitrailleurs. Le Canada fournira 80,64% des stagiaires, l’Australie, 11,28% et la Nouvelle-Zélande, 8,08%. Le Royaume-Uni contribuera pour sa part jusqu’à 10% des stagiaires aux écoles de pilotage élémentaire et aux écoles de navigation; sa contribution comprend les stagiaires en provenance de Terre-Neuve. Pour atteindre ces objectifs, le Canada doit recruter 1 536 hommes par période de quatre semaines, soit un total de 19 968 recrues par année..." ; source], et vers la France, à qui nous sommes si étroitement liés. Et je ne doute pas que d'autres aussi, sachant que nous ne nous désintéressons pas de qui se passe dans l'Europe du Sud-Est, souhaiteront recevoir nos conseils et avoir notre avis.
Dans notre pays même, nous devons tous considérer la situation avec le sentiment des responsabilités qu'exige sa gravité. Rien ne doit être exclu de cet examen qui intéresse la sécurité nationale. Tous les aspects de notre vie nationale doivent être considérés de nouveau, et sous cet angle. Il appartient au Gouvernement, comme toujours, d'assumer la responsabilité principale. Mais je sais que chaque citoyen voudra aussi considérer sa propre position, et se demander à nouveau s'il a fait tout ce qu'il pouvait pour offrir sas services à l'État.
Je ne crois pas qu'il se trouve personne pour mettre en doute ma sincérité, quand je dis qu'il n'est à peu près rien que je ne sois prêt à sacrifier à la paix. Mais il est une chose que je dois excepter, et cette chose est la liberté dont nous avons joui depuis des siècles, et sur laquelle nous ne capitulerons jamais. Que moi, entre tous les hommes, je me sente appelé à faire une telle déclaration — ceci permet de mesurer à quel point ces évènements ont détruit la confiance qui commençait à peine à se montrer et qui, si on lui avait permis de croître, aurait rendu la présente année mémorable pour le retour de toute l'Europe à la raison et à la stabilité.
Il y a seulement six semaines que, parlant dans cette même ville, je mentionnais des rumeurs et des suspicions dont je disais qu'il fallait énergiquement les écarter. Je montrais que toute prétention à dominer le monde par la force devait provoquer la résistance des démocraties, et j'ajoutais que je ne pouvais pas croire qu'un tel défi fût dans l'intention de personne, parce qu'aucun gouvernement, ayant à cœur les intérêts de son propre peuple, ne pourrait l'exposer, pour un tel objectif, aux horreurs de la guerre mondiale.
Et, en vérité, avec les leçons de l'histoire présentes aux yeux de tous, il semble incroyable que nous assistions à un tel défi. Je me sens tenu de répéter ceci : bien que je ne sois pas disposé à lier notre pays par des obligations nouvelles et indéterminées, opérant sous des conditions qui ne peuvent pas maintenant être prévues, on ne pourrait cependant pas commettre de plus grande erreur que de supposer que cette nation, parce qu'elle pense que la guerre est une chose absurde et cruelle, a perdu ses vertus au point de ne pas contribuer, jusqu'à l'extrême limite de ses moyens, à résister à un tel défi, si jamais il était lancé. En faisant cette déclaration, je suis non seulement convaincu que j'ai pour moi l'appui, la sympathie et la confiance de mes compatriotes, hommes et femmes ; mais je crois, en outre, que j'aurai l'approbation de tout l'Empire britannique et de toutes les autres nations qui certes chérissent la paix, mais qui, plus encore, chérissent la liberté.
À suivre...
Livre bleu anglais n° I, Documents concernant les relations germano-polonaises et le début des hostilités entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne le 3 septembre 1939, présenté au Parlement par Ordre de Sa Majesté par le Secrétaire d' État aux Affaires étrangères ; traduction Autorisée et Officielle du document publié par His Majesty's Stationery Office, Paris, 1939, pp. I-10
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