TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, CHAUFFAGE AU BOIS : " FAIS DU FEU DANS LA CHEMINÉE, JE REVIENS CHEZ NOUS ", HEU, NON! C'EST INTERDIT!

  Dédicace aux députés européens :
  " BONHEUR : Agréable sensation qui naît de la contemplation de la misère d'autrui. "
  BIERCE Ambrose, Le Dictionnaire du Diable, Rivages, p. 33.

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Directives européennes vs la France d’en bas

Jean-Pierre Riou

  Après que le charbon allemand aura contribué à faire condamner l’État français pour dépassement du seuil de particules fines PMI0, le chauffage individuel au bois, première source d’énergies renouvelables en France, ne sera plus autorisé que sous certaines conditions dans I67 communes du Rhône de l’Isère et de l’Ain dès le premier avril prochain. La lutte contre les émissions polluantes de cette énergie renouvelable vient s’ajouter aux différentes mesures qui pénaliseront surtout les plus modestes.


Un seuil dépassé malgré des émissions réglementaires
   Le 4 août 202I, le Conseil d’État condamnait la France [I] à verser I0 millions d’€ à l’association « Les Amis de la Terre », qui l’avait initialement saisi, pour n’avoir pas respecté les seuils limites de qualité de l’air, notamment ceux des particules fines PMI0.
   Un an plus tard, la France était condamnée par la Cour de justice européenne, CJUE[2], pour n’avoir pas respecté les valeurs limites de concentration, VLC, de ces PMI0 fixées par la Directive 2008/50/CE, qui sont de 40 µg/m3 en moyenne annuelle, et 50 µg/m3 en moyenne journalière à ne pas dépasser plus de 35 fois par année civile.
   Dans son arrêt [3], la CJUE condamne la France pour « dépassement de manière systématique et persistante la VLC journalière pour les PMI0 depuis le Ier janvier 2005 dans l’agglomération et la zone de qualité Paris », ainsi que celle de Martinique/Fort de France.

Plafond d’émissions et seuil réglementaire : 2 notions bien distinctes
   Selon les données statistiques du Gouvernement [4], « La législation européenne impose, pour certains polluants atmosphériques, des plafonds d’émission par État membre, ainsi que des seuils réglementaires communs de concentration dans l’air ambiant pour la protection de la santé humaine. En 2020, treize pays dont la France respectent l’ensemble de leurs plafonds d’émission pour les cinq polluants concernés. En revanche, les seuils réglementaires de qualité de l’air pour la protection de la santé fixés pour les PMI0, les PM2,5, le NO2 et l’O3 ne sont totalement respectés que par sept pays de l’Union européenne. Quatre États membres, dont la France, sont concernés par des dépassements pour les PMI0, le NO2 et l’O3».
   Le Programme de l’Union Européenne « Copernicus» [5] permet le suivi de la concentration des principaux polluants ainsi que leur origine, en fonction des données sur les émissions et celles de la météo. C’est ainsi qu’elle permet notamment de visualiser le dépassement des seuils, ainsi que la contribution de chaque pays dans les concentrations locales.
   L’illustration ci-dessous représente la journée du 2 mars à Paris. Sur ce dépassement de seuil correspondant à 54,99 µg/m3, en rouge, 6,I5 µg/m3 provenaient de Paris même, 4,34 µg/m3 du reste de la France, soit un total de I0,49 µg/m3 pour toute la France … et I7,27 µg/m3 en provenance d’Allemagne.

Source Copernicus. Ces situations ne sont pas rares dès qu’un épisode de froid anticyclonique affecte l’Europe, dont le vent d’Est nous ramène les émissions des centrales charbon/lignite d’Outre Rhin. Le site Energy Charts tient à jour notamment les émissions annuelles de ces PMI0 des centrales au lignite allemandes, et les chiffre à III7,20 tonnes pour 202I[6].

Une amélioration constante dans un contexte d’allongement de l’espérance de vie
  Les données statistiques du Gouvernement [4] établissent cependant que la qualité de l’air ne cesse de s’améliorer en France depuis 20 ans, 2000-202I, tandis que l’espérance de vie ne fait que s’allonger, notamment en France, où elle est la plus élevée de l’Union Européenne [7] pour les femmes de plus de 65 ans. En dehors de l’année 2020, dont l’effet Covid a légèrement impacté l’espérance de vie, celle-ci continue en effet de progresser depuis 2008, et plus particulièrement l’espérance de vie sans incapacité, EVSI, en grande progression, qui a encore bondi en 202I.
  La qualité de l’air représente un réel enjeu de santé publique. Pour autant, le caractère anxiogène de certains chiffres fantaisistes entretient une certaine confusion qui a fait écrire à Philippe Stoop un spirituel article : « Pollution de l’air : 38 000 morts par an dans le monde, dont 48 000 en France…» [8].

Contexte climatique
  Le GIEC vient de publier, ce lundi 20 mars 2023, le rapport de synthèse [9] de 8 ans de travaux, dans lequel il exhorte les gouvernements à amplifier d’urgence leur action pour conserver un espoir ténu d’éviter l’emballement climatique qui menace.
  Lors des conférences des Parties sur le climat, COP, les différents États signataires, —Union Européenne plus I96 pays lors de la COP 26,— prennent des engagements en matière climatique dont la trajectoire s’avère souvent difficile à tenir.
  La jurisprudence Urgenda du 12 novembre 20I2 [I0], a ouvert la porte à pas moins de I.550 recours dans 38 États différents, visant à condamner une action insuffisante en regard de ces engagements.
  Et la France, qui a été condamnée, est bien loin d’être la seule devant les tribunaux pour l’excès de ses émissions de gaz à effet de serre : GES.
  Parallèlement à ces contentieux fondés sur le résultat, la France a également été menacée de condamnation [II] par la Commission européenne pour la contraindre à respecter l’objectif qu’elle s’était fixée en termes de moyens, c’est-à-dire en part d’énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie. Part qu’en 2009 elle avait négociée à 23% à horizon 2020 : Directive 2009/28/CE annexe I[I2].

Quand un clou chasse l’autre
  Le chauffage individuel au bois représente la première source d’énergie renouvelable [I3] en France, devant l’hydraulique, qui arrive en seconde position ; il représentait à lui seul, en 20I4, près de 60 % de la chaleur renouvelable sur le territoire, et environ deux tiers de la production d’énergie renouvelable à partir de biomasse solide ou gazeuse.
  Selon les chiffres du Gouvernement [I4], la consommation de bois des ménages s’élève en effet à 8I,I TWh en 2022, contre 38,3 TWh pour l’éolien.
  Or, dans l’objectif de réduire la pollution aux particules fines, les foyers ouverts seront interdits à partir du Ier avril prochain [I5] dans I67 communes du Rhône de l’Isère et de l’Ain, et les nouveaux appareils devront respecter la norme « flamme verte » durcie en 2020. Selon le Ministère [I6], il y avait 50000 foyers ouverts en 20I9. Selon l’ADEME [I7] ces foyers représentaient 13% du chauffage résidentiel au bois en 20I7.
  Quelle que soit la faible efficacité de ces foyers ouverts, ce conflit entre la cause climatique, celle de la qualité de l’air et celle de part d’ EnR rappelle, si besoin était, le caractère ambigu et trompeur du label « renouvelable » [I8]. Et interroge sur la cohérence des priorités qui préside à la multiplication des Directives européennes en regard du caractère d’urgence angoissante [I9]qui accompagne chaque communication sur le climat, tandis que la qualité de l’air s’améliore régulièrement.

Directives et France d’en bas
  Malgré les subventions prévues par l’État, l’interdiction de cette énergie renouvelable en foyer ouvert et hors label « flamme verte » stigmatise à nouveau la France d’en bas en imposant de nouvelles normes de calibrage d’arrivée d’air, de tubage de cheminée et de gamme d’appareil de chauffage.
  Cette France d’en bas, qui se voit aujourd’hui dans l’obligation de rénover [20] ses « passoires thermiques » dès lors qu’elle doit les vendre, ou supporter une lourde décote sur son maigre patrimoine.
  Cette France d’en bas qui s’est laissée convaincre par le diesel dont les émissions lui interdisent déjà l’accès à nombreux centres et est appelé à disparaître, tandis qu’on sait depuis des années que les pneus polluent plus de 1000 fois plus que les moteurs [21].
  Cette France d’en bas dont la contribution inégalitaire à la transition énergétique [22] des 20% les plus modestes représente en moyenne 4,5% du revenu total, contre I,3% pour les 20% des ménages les plus aisés.
  Les ruraux étant les plus pénalisés, avec une charge annuelle moyenne de II60€ en 20I9, contre 665€ pour un ménage parisien, selon le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État [23] destiné à éclairer le projet de loi de finance 202I.
  En tout état de cause, cette France d’en bas qui pâtit déjà de la dégradation de son cadre de vie par la multiplication d’éoliennes de 200m de haut à quelques 500m de ses habitations est désormais priée de se passer des soirées au coin du feu.

Sources
  Pour aller plus loin sur la qualité de l’air, mentionnons le dernier rapport suisse sur le sujet et son intéressante carte interactive à partir de 30 000 stations de surveillance dans le monde entier
https://www.iqair.com/fr/world-air-quality-report

I https://www.conseil-etat.fr/actualites/pollution-de-l-air-le-conseil-d-etat-condamne-l-etat-a-payer-10-millions-d-euros
2 https://www.citepa.org/fr/2022_05_a06/
3 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:62021CJ0286&from=EN
4 https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/bilan-de-la-qualite-de-lair-exterieur-en-france-en-2021
5 https://policy.atmosphere.copernicus.eu/daily_air_pollution_forecasts_country.php?date=2023-03-01&pollutant=PM10
6 https://www.energy-charts.info/charts/emissions/chart.htm?l=fr&c=DE&chartColumnSorting=default&poll=pm10&source=lignite
7 https://www.vie-publique.fr/en-bref/288403-esperance-de-vie-en-bonne-sante-67-ans-femmes-656-ans-hommes
8 https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/pollution-de-lair-38-000-morts-par-an/
9 https://www.ipcc.ch/report/ar6/syr/
I0 https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/le-contentieux-climatique-devant-le-juge-administratif/
II http://lemontchampot.blogspot.com/2022/11/lamende-de-trop.html
I2 https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:140:0016:0062:FR:PDF
I3 https://www.ecologie.gouv.fr/biomasse-energie
I4 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CGDD_A6_CHIFFRES_CLES_EnR_2022_v3_010922_GB_signets.pdf
I5 https://www.rhone.gouv.fr/Actualites/CHAUFFAGE-AU-BOIS-ce-qui-change-a-partir-du-1er-avril-2023
I6 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/file /Plan%20d%27action%20chauffage%20au%20bois.pdf
I7 https://solagro.org/images/imagesCK/files/publications/2021/2_chauffage_domestique_bois_appro_synthese.pdf
I8 https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/lincoherence-concept-energies-renouvelables-mene-au-chaos/
I9 https://www.bvoltaire.fr/satire-a-vue-meteo-climat-france-television-inaugure-ses-seances-de-grande-deprime-climatique/
20 https://www.legimetrie.fr/expertises-immobilieres-directive-europeenne-la-renovation-energetique-devient-une-obligation-a-la-vente-pour-les-proprietaires-occupants-a202.html
2I https://www.challenges.fr/automobile/actu-auto/particules-fines-les-pneus-polluent-mille-fois-plus-que-les-moteurs_702928
22 https://www.lemondedelenergie.com/eoliennes-france-tribune/2020/11/11/
23 https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/276480.pdf
  Image par Annabel_P de Pixabay

  Sur le Web

GRAND EST & HAUTE-MARNE, LOI D'ACCÉLÉRATION DES ÉNERGIES RENOUVELABLES : DEMAIN, VAIS-JE HABITER DANS UNE ZONE FAVORABLE AU DÉVELOPPEMENT DE L'ÉOLIEN, ZFDE?

La loi d'accélération des énergies renouvelables
  Cette loi qui " Conformément à l’instruction du gouvernement du 26 mai 2021, visant à encourager le développement de l’éolien tout en favorisant une meilleure acceptabilité de ce mode de production d’électricité," a été promulguée le I0 mars 2023 et publiée au Journal officiel, JO, en date du XI mars 2023.  C'est dans ce cadre que les I5 régions, dont le Grand Est, doivent établir " un projet de cartographie des zones favorables au développement de l’éolien, ZFDE, "
   Avant de rentrer dans le détail, force est de constater que cette loi est, avant tout, et paradoxalement, une grande victoire, pour tous les opposants au développement, anarchique ou non, de l'éolien dans les campagnes françaises. C'est en effet à cause de leur lutte, pied à pied et de tous les instants, sur terre comme en mer, avec les succès que l'on connaît, que l' État a été obligé de revoir sa copie*.  
  Malheureusement, c'est, pour nous autres, une victoire à la Pyrrhus, comme nous allons le découvrir ci-dessous!

   *À noter, pour l'anecdote, que cette loi n' est qu' un vulgaire copier-coller des dispositions prises en Allemagne en 2022, pour... une contestation populaire en hausse.

La zone favorable au développement de l’éolien, ZFDE
   À bien y regarder, la zone favorable au développement de l’éolien, ZFDE n'est qu'un resucée de l'ancienne zone de développement éolien, ZDE, article 90 de la loi Grenelle II, qui a été supprimée en avril 20I3.
  I. Comment ça marche? " L’État devra mettre à la disposition des collectivités locales les informations disponibles sur le potentiel d’implantation des énergies renouvelables. Les communes devront ensuite, après concertation du public, identifier des zones d’accélération favorables à l’accueil des installations et leur établissement public de coopération intercommunale débattre de ces zones avec le projet du territoire. ".
   Toutefois, si, une Collectivité avait l'impudence de ne pas vraiment jouer le jeu, l'État, via son représentant " napoléonien ", le préfet, a prévu la réplique :
   " Passé un délai de six mois, le référent préfectoral arrêtera la cartographie des zones d’accélération et la transmettra pour avis au comité régional de l’énergie. Si ce comité conclut que les zones identifiées sont suffisantes pour atteindre les objectifs de développement des énergies renouvelables, les référents préfectoraux de la région arrêteront la cartographie à l’échelle du département, après avis conforme de chaque commune concernée pour les zones situées sur son territoire. Dans le cas contraire, les référents préfectoraux devront demander aux communes d'identifier de nouvelles zones. Les communes pourront toujours délimiter des zones d’exclusion dès lors que les objectifs régionaux sont atteints. "
2. Les conséquences pour le Français de la ruralité? Dans un futur proche, soit :

  • Il habitera dans une ZFDE : vivre au milieu d'une zone industrielle, toujours en expansion, formée d' une ou de plusieurs usines éoliennes ; avec INÉVITABLEMENT le trouble anormal de voisinage qui l'accompagne : les nuisances sonores et leur répétitivité, la circulation d'infrasons, sous-sol et air, balisage lumineux, etc. ; avec pour conséquence chez quelque riverain, une altération de la santé : maux de tête persistants, fatigue, nausées, troubles du sommeil, tachycardie, oppression au niveau des oreilles, etc. ; cet ensemble est nommé « syndrome éolien » : il a été reconnu pour la première fois par la Cour d'Appel administrative de Toulouse, arrêté du 7 novembre 202I. À noter, que le Ministre de la transition écologique, en réponse à une question écrite de la députée Marie-France Lorho, janvier 2022, ne reconnait pas la notion de « syndrome éolien » et refuse d’encadrer l’émission des infrasons.
  •  Il n' habitera pas dans une ZFDE : il sera, à priori, protégé!? de tous ces maux et il pourra reprendre le cours normal de sa vie. Avec toutefois, une réserve : nous savons combien les nuisances peuvent faire des ravages sanitaires sur des km, or, sur certains secteurs, le nombre de ZFDE envisagées côtoyant les zones " libres " est tel, voir cartes ci-devant, qu' IL EST IMPOSSIBLE d’imaginer que toutes la population ne soit pas touchée.

Diviser pour régner, " Divide ut regnes "
   De notre point de vue, l'État et le lobby éolien ont toujours eu la conviction que la majorité des opposants à leurs aérogénérateurs étaient, avant tout, atteints du syndrome NIMBY, Not In My Backyard, en français « pas dans mon arrière-cour » : " Terminologie employée dès les années 1980 aux États-Unis, le syndrome NIMBY illustre l’affirmation croissante de droits individuels et des collectivités locales face à l’État : l’individu souhaite profiter des avancées technologies qui bénéficient à la collectivité mais refuse que l’intérêt général nuise à une partie de son bien être. "  La création de la ZFDE s'inscrit parfaitement dans cette stratégie visant à semer la discorde et à diviser l'opposition, dans l'unique but de l'affaiblir et, à terme, de favoriser leurs entreprises. L'avenir nous dira si ce pari machiavelien [Nicolas Machiavel, I469-I527, homme politique et écrivain italien] est réussi!..


Portrait de Nicolas Machiavel, homme politique et écrivain italien, par Stefano Ussi. Peinture à l'huile. Ph. Mario Gerardi © Archives Larbor

   Mais, comme on sait jamais avec ces diables de campagnards et, que, l'État, ne peut, de nouveau se permettre, vis-à-vis de ses partenaires européens, de rater ses objectifs de production d’énergie renouvelable, il a assorti la ZFDE de mesures complémentaires ; celles-ci se résument à des simplifications de procédure pour favoriser toujours plus les porteurs de projet éolien, tout en bâillonnant, encore un peu plus, les oppositions, jusqu'aux limites légales autorisées par l' État de droit. CQFD!
  • " Les procédures de planification et d’anticipation des raccordements, tant pour les projets d’énergies renouvelables que pour les raccordements des projets de décarbonation de l’industrie, sont facilitées. "
  • " Une présomption de reconnaissance de la raison impérative d'intérêt public majeur, RIIPM, l’un des trois critères qui permet de déroger à l'obligation de protection des espèces protégées, est instituée pour certains projets d’énergies renouvelables, leurs ouvrages de raccordement et de stockage. "
  • " De nouveaux référents préfectoraux à l'instruction des projets renouvelables, créés par amendement parlementaire, seront chargés de faciliter les démarches administratives des porteurs de projets et de coordonner les services chargés d’instruire les autorisations. "
  • " Toujours pour gagner du temps et sécuriser les projets, des mesures tendent à réduire les risques contentieux. Le juge administratif devra permettre la régularisation de l’autorisation environnementale lorsque c'est possible. Cela évitera l’annulation totale des autorisations environnementales, lorsque le vice affectant leur légalité est régularisable. De plus, un fonds de garantie permettra de compenser une partie des coûts subis par les porteurs de projet en cas d'annulation contentieuse d'une autorisation environnementale. Jusqu'à présent, les porteurs de projet attendaient de connaître l'issue des recours avant de lancer la mise en oeuvre de leurs installations."
  • etc...
   C'est ce qu'on appelle agir avec ceinture et bretelles!
   Bien sûr, l'État a prévu des garde-fous et, les opposants pourront continuer juridiquement... à s'opposer : pétition, recours, etc. ; l'État n'est pas un monstre!...
  • " Ce processus devra être renouvelé tous les cinq ans. "
  • " Un observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité est créé et sera mis en place d’ici 2024. "
  • " Un médiateur des énergies renouvelables devra aider à la recherche de solutions amiables aux difficultés ou aux désaccords rencontrés dans l’instruction ou la mise en œuvre des projets d’énergie renouvelable. "
  • " Avant l'implantation de nouvelles éoliennes terrestres, les autorisations d'exploiter devront prendre en compte de nouveaux facteurs dont " les effets de saturation visuelle " dans le paysage. "
   Sur le Web

   Apparemment, l' État, admirateur supposé de Machiavel, semble avoir fait fi d'une de ses maximes préférées : " Dans nos États modernes, c'est du peuple qu'il importe de mériter l'affection, car il est le plus fort et le plus puissant ".

Face à ce nouveau passage en force pour imposer l'éolien, que pouvons nous faire?
   Comme le disait BLANQUI [Louis Auguste, I805-I88I, théoricien socialiste et homme politique] : « L’engrenage des choses humaines n’est point fatal comme celui de l’univers, il est modifiable à toute minute » Aussi " il nous reste la force irréductible de l'indignation, qui est l'exacte contraire de l'habitude et de la résignation. Même lorsqu'on ignore encore ce que pourrait être la justice du juste, il reste la dignité de l'indignation et l'inconditionnel refus de l'injustice. L'indignation est un commencement. Une manière de se lever et de se mettre en route. On s'indigne, on s'insurge, et puis on voit. On s'indigne passionnément, avant même de trouver les raisons de cette passion. On pose les principes avant de connaître la règle à calculer les intérêts et les opportunités. "
  BENSAÏD Daniel, I946-20I0, Les irréductibles : Théorèmes de la résistance à l'air du temps, Éditions Textuel, 200I, II2 pages

EN AVANT TOUTES!

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Grand Est, le projet de cartographie ZFDE
  Le Grand Est, à la demande de l'État, a élaboré un projet de cartographie régionale des zones favorables au développement de l’éolien, ZFDE ; ce projet fait l'objet d'une consultation du 22 mars au 2I avril 2023 ; tout à chacun est invité à donner avis et commentaires par mail, à l'adresse dédiée : concertation-zf-eolien.steccla.dreal-grand-est@developpement-durable.gouv.fr
  La publication de la cartographie définitive des ZFDE nationale et Grand Est est prévu, au plus tôt, à partir de la fin du Ier trimestre.

I. Le Grand Est


2. La Haute-Marne

a) Saint Dizier



b) Chaumont et Langres



c) Fayl-Billot et le sud haut-marnais

 

  Pour retrouver son village, c'est ICI


2. Grand Est, les objectifs à l'horizon 2050
  À la suite du Schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire, SRADDET, la région a pour ambition de devenir une région à énergie positive et bas-carbone à l’horizon 2050. " Baisser de 55% la consommation d'énergie et multiplier par 3 la production d' EnR, entre 20I2 ET 2050 ". Pour y parvenir, elle entend multiplier la production éolienne par...5,I, passant de 3.5I7 GWh, 20I2 à I7.982 GWh, 2050.

Source

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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE, ÉTAT DU NEW JERSEY : LA MOBILISATION GRANDISSANTE CONTRE LES ÉOLIENNES OFFSHORES POUR SAUVER LES BALEINES

   Si tous les opposants aux éoliennes pouvaient se donner la main...

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 La pétition contre les éoliennes prend son envol et approche les 250 000 signatures

VITALE Maddy

Certains groupes de défense de l'environnement se demandent si les usines éoliennes ne sont pas responsables des échouages des baleines sur les plages du New Jersey. Photo avec l'aimable autorisation de Robin Shaffer

  Une pétition demandant l'arrêt des projets d'usines éoliennes, à la suite de la mort de baleines le long de la côte, a recueilli plus de 240 000 signatures à ce jour [début mars 2023]. Suzanne Hornick, opposante à l'usine éolienne d' Ocean Wind [au large du New Jersey] et l'une des fondatrices de Protect Our Coast NJ [" Protect Our Coast est un groupe uni avec un objectif commun : arrêter les éoliennes sur le littoral du New Jersey et empêcher l'industrialisation des océans], qui a vu le jour en 2019, a déclaré qu'il était temps de mettre fin aux essais acoustiques des éoliennes en mer.
  " Regardez tous les gens qui se sentent concernés. Nous ne croyons pas ce que notre gouvernement nous dit en tant que résidents du littoral et amoureux de l'océan ", a déclaré Mme Hornick vendredi. " Nous savons qu'il y a quelque chose de radicalement différent et d'anormal ici et nous devons arrêter toute activité offshore jusqu'à ce que nous en connaissions la raison. "
  L'entreprise énergétique danoise Orsted prévoit de construire le projet, qui serait la première usine éolienne sur la côte du New Jersey, à I5 miles au large [~24km], entre Atlantic City et Stone Harbor.  Dans le cadre des travaux préliminaires du projet, Orsted passe actuellement par le processus d'autorisation et d'examen par le gouvernement. Le projet de 1 100 mégawatts devrait entrer en service en 2024 et être pleinement opérationnel en 2025 pour fournir de l'électricité à 500 000 foyers, a déclaré Ørsted.

Sur le Web

   Le gouverneur Phil Murphy, fervent partisan de la technologie éolienne offshore, souhaite que le New Jersey devienne un leader en matière d'énergie verte. Jusqu'à présent, l'État a approuvé trois usines éoliennes offshore et cherche à en ajouter d'autres. L'objectif de M. Murphy est de faire en sorte que celles-ci produisent 11 000 mégawatts d'électricité dans le New Jersey d'ici à 2040. Mais il semble bien que de très nombreux habitants du New Jersey soient opposés aux usines éoliennes, du moins jusqu'à ce que l'on en sache plus sur leurs effets sur la vie marine et les oiseaux migrateurs, sans parler de leur impact sur le tourisme, ont déclaré les opposants.
   Au cours des six dernières semaines, la pétition a recueilli plus de 245 000 signatures, l'objectif étant d'atteindre les 300 000. David Stevenson, président de l'American Coalition for Ocean Protection, ACOP [" La coalition américaine pour la protection des océans, ACOP, est composée de communautés de plage et de groupes de réflexion non partisans. Nos membres se trouvent dans des États situés le long de la côte de l'océan Atlantique, de la Caroline du Nord au Massachusetts. "], se bat depuis des années pour la protection des océans. Lors d'une interview vendredi, il a déclaré qu'il fallait d'abord mettre en place un programme pilote avant de lancer un projet d'usine éolienne à part entière. Il estime que l'impact sur l'environnement doit faire l'objet de recherches plus approfondies. Il a déclaré à propos du nombre de signatures de la pétition : " Il est incroyable qu'il y ait eu autant de signatures en seulement six semaines. Un moratoire est nécessaire jusqu'à ce qu'un programme pilote soit mis en place. " La pétition a été adressée en particulier au président Joe Biden et au gouverneur Murphy.
   Elle indique notamment que " ces projets expérimentaux massifs et sans précédent ont fait l'objet d'une procédure accélérée sans que le public n'ait été véritablement consulté et sans que les villes et villages concernés aient été privés de leur droit à l'autonomie par une action exécutive du gouverneur du New Jersey ". Le texte poursuit : " Les usines éoliennes offshore proposées pourraient entraîner des dommages écologiques irréversibles au milieu marin, y compris la blessure ou la mort de milliers d'espèces marines, et, par conséquent, diminuer considérablement la qualité de vie de nos communautés côtières " ; " Ces projets devraient réduire la valeur des propriétés des résidents du littoral, freiner le tourisme, affecter gravement les secteurs de la pêche, de la navigation de plaisance et de l'hôtellerie, augmenter considérablement les coûts énergétiques pour les contribuables du New Jersey et n'apporter aucun avantage tangible aux habitants de l'État du New Jersey ", conclut la pétition.
   Suzanne Hornick espère que M. Biden pourra faire quelque chose dans le cadre de son pouvoir exécutif pour empêcher le projet d'aller de l'avant jusqu'à ce que l'on en sache plus sur les causes de la mort des baleines. " J'espère, à tout le moins, que la pétition entraînera un arrêt immédiat des activités offshore, car nous sommes convaincus qu'il existe un lien absolu entre les essais acoustiques des éoliennes offshore et le nombre anormalement élevé de décès de dauphins et de baleines ", a-t-elle déclaré. " Nous ne sommes pas opposés à l'énergie éolienne. Nous soutenons de nombreux types d'énergie verte et renouvelable, mais pas celle-ci. "

Lors d'une conférence de presse en janvier, des opposants aux usines éoliennes en mer affichent des pancartes demandant l'arrêt des activités de ces usines.

   Selon Protectourcoastnj.com, les décès de baleines les plus récents sont les suivants :

  • Baleine morte à Seaside Park 203/03/02
  • Baleine morte à Manasquan 2023/02/I3
  • Baleine morte à Brigantine Beach 2023/I2/0I
  • Baleine morte à Atlantic City Beach 2023/07/0I
  • Baleine morte à Atlantic City Beach 2022/I2/23
  • Baleine morte à Rockaway Beach 2022/I2/23 ; 6ème grande baleine à s'échouer à New York, depuis 2022/I0/I2 
  • Baleine morte à Strathmere Beach le 2022/I0/I2
  • Baleine morte à la plage d'Amagansett 2022/I2/09
  • Baleine morte à la plage de Keansburg 2022/I2/05

  Pour plus d'informations sur Protect Our Coast NJ, consultez le site protectourcoastnj.com.

Sur le Web

 

UNION EUROPÉENNE, PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ : LA " PRIORITÉ D'INJECTION " DU KWH/ENR COÛTE FORT CHÈRE AUX CONSOMMATEURS, AUX CONTRIBUABLES & À EDF

  Le prix du kWh flambe et nous regardons ailleurs!...
  " Le principal fléau de l'humanité n'est pas l'ignorance, mais le refus de savoir. "
 Simone de Beauvoir, I908-I986

 

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Comment les renouvelables font flamber les prix de l’électricité


Une tribune signée Jean-Luc Salanave, scientifique de l’énergie, professeur à l’école CentraleSupélec, expert de PNC-France : Patrimoine Nucléaire et Climat.

  Les prix de l’électricité n’ont pas attendu la guerre en Ukraine pour grimper. En dix ans, l’introduction à marche forcée du photovoltaïque et de l’éolien dans le mix électrique français avait déjà provoqué une hausse de 50% des factures : hausse qui aurait pu être pire sans l’effet stabilisateur du nucléaire, comme en témoignent les factures chez nos voisins moins nucléarisés.
  Certes, à la différence des « gilets jaunes », de nombreux citoyens ont accepté sans trop rechigner de subventionner solaire et éolien, déjà plus de 150 milliards d’euros, en France, 500 milliards d’euros en Allemagne, jusqu’à ce qu’ils deviennent compétitifs et autonomes. Mais étions nous conscients qu’un autre privilège plus discret allait dégrader profondément le marché de l’électricité, au point de provoquer pénurie, risques de coupures et hausse des prix ?
  Ce privilège, lié, en France, à l’obligation d’achat imposée à EDF, c’est la « priorité d’injection », ou encore priorité d’accès au réseau électrique. C’est le passe-droit, accordé aux producteurs renouvelables, de pouvoir injecter leur électricité sur le réseau sans aucune contrainte temporelle, commerciale ou technique : c’est-à-dire au gré de la météo, indépendamment de la demande, ou de la stabilité en tension/fréquence du réseau.
  Du coup, les injections devant, comme chacun sait, équilibrer à chaque instant la demande, ce sont les autres producteurs électriques, pilotables, qui sont tenus de s’ajuster aux caprices de la météo, à la baisse ou à la hausse. Produisant tantôt plus, ou tantôt moins qu’ils ne le souhaitent, leurs outils et leurs coûts de production se sont dés-optimisés.
  L’Europe sous la pression Allemande, en confondant l’objectif, émettre moins de CO2, et les moyens, renouvelables, a ainsi provoqué le remplacement de moyens de production électriques pilotables, non aidés et non prioritaires, par des non pilotables, solaires et éoliens, généreusement subventionnés, dissuadant le maintien et le renouvellement des premiers.
  En une décennie la France a abandonné 11 gigawatts de capacités électriques thermiques pilotables, pourtant précieuses et mobilisables lors des pointes hivernales, passant de 92,2 GWI en 20II à 8I,5 GW 2 en 202I. De nombreux électriciens européens, jadis florissants, ont été contraints de faire de même et de fermer des capacités pilotables, ou de les maintenir en secours au prix de coûts fixes que les renouvelables ne sont même pas tenus de leur compenser.
  Le parc renouvelable a pris une telle ampleur que chaque fois qu’un coup de vent ou de soleil inonde le marché européen de kilowattheures « prioritaires », l’obligation d’achat dont bénéficient ces derniers impose aux autres producteurs d’électricité une obligation d’effacement équivalente, voire de coûteuses mises à l’arrêt.
  À l’inverse, lorsque cette électricité intermittente est en panne ou faible, en moyenne environ les trois quarts de l’année, la pénurie de moyens pilotables oblige le marché à faire appel aux moins rentables, aux plus chers et aux plus polluants, dont le coût marginal, gonflé par le cours du gaz et la taxe carbone, tire immanquablement les prix du marché vers le haut.
  Il est temps de mettre fin à la priorité d’injection. Ce serait la mesure la plus efficace pour sortir le marché électrique européen de sa spirale infernale et revenir à un cercle vertueux au bénéfice des consommateurs et de l’économie.
  Pour cela il suffit que les producteurs éoliens et solaires deviennent des « gestionnaires d’équilibre » normaux sur le réseau, ayant à charge, comme tous les autres acteurs, ou groupes d’acteurs, d’équilibrer à chaque instant les injections/soutirages de leur « périmètre d’équilibre », constitué de leurs propres injections : kWh renouvelables, kWh gaz ou de déstockage, et des soutirages de leurs clients.
  Certes ils devront se doter des moyens de stockage ou de production de secours qui leur manquent, afin d’offrir aux consommateurs une électricité qui satisfasse enfin la demande en temps et en quantité, sans que les producteurs pilotables n’aient plus besoin de leur servir de « béquille » au détriment des prix et du service rendu.
  C’est à ce prix, l’abandon de la priorité d’injection, que les opérateurs renouvelables pourront à leur tour devenir durables, utiles et vertueux pour nos économies et pour le climat, et le marché sortir de la crise.

I. France, 20II, capacité de production électrique thermique pilotable 92,2 GW : nucléaire 63,I GW ; fuel I0,4 GW; gaz 9,5 GW; charbon 7,9 GW; thermique renouvelable 1,3 GW en dehors du thermique, l’hydraulique représentait 25 GW, éolien + PV 9 GW, – source RTE.
2. France, 202I, capacité de production électrique thermique pilotable 8I,5 GW : nucléaire 61,4 GW ; fuel 3,3 GW ; gaz 12,8 GW ; charbon 1,8 GW ; thermique renouvelable 2,2 GW, en dehors du thermique, l’hydraulique représentait 25 GW , éolien + PV 32 GW, – source RTE. 

  Sur le Web 

HAUTE-MARNE, BONNECOURT ET CHAUFFOURT : LE PROJET D'USINE ÉOLIENNE PLANTE SON MÂT DE MESURE

Précédemment
https://augustinmassin.blogspot.com/2022/09/haute-marne-bonnecourt-frecourt-la-lune.html

  Le nouveau " conquistador vert " du vent , a installé son mât de mesure, conformément à l'avis favorable voté par le conseil municipal en avril 2022 et " approuvé " majoritairement par les Bonnecourtoises et les Bonnecourtois, lors des élections municipales 2020, par la reconduction de la quasi totalité du conseil sortant, voir ci-dessus.

Le mât de mesure
  Il est installé au sud de la commune, au lieu Le Pelson, et, comme prévu, en pleine zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique : ZNIEFF !

Qu'est-ce qu'une ZNIEFF ?
   " Les ZNIEFF sont un inventaire scientifique qui localise et décrit les secteurs du territoire national particulièrement intéressants sur le plan écologique, faunistique et/ou floristique, en distinguant deux types de zones :
  • Les ZNIEFF de type I, secteurs de grand intérêt biologiques ou écologiques qui abritent des espèces animales ou végétales patrimoniales, dont certaines protégées, bien identifiées. Généralement de taille réduite, ces zones présentent un enjeu de préservation des biotopes, lieux de vie des espèces, concernés ;
  • Les ZNIEFF de type II, ensembles géographiques qui désignent un ensemble naturel étendu dont les équilibres généraux doivent être préservés. Ils sont généralement de taille importante et incluent souvent une, ou plusieurs, ZNIEFF de type I.
  Textes de référence :
   Les ZNIEFF faisant partie de l’inventaire du patrimoine naturel, les références suivantes sont celles de cet inventaire : articles L. 411-1 A et D. 4111-21-1 à D. 411-21-3 du code de l’environnement. "
Source


  Pourquoi l' implantation du mât sur ce secteur et, potentiellement, la construction de l'usine éolienne, posent un grave problème écologique ?
   Vue Blandine, deux fois lauréates de la Fondation Nicolas Hulot, nous explique :
   " Le tout nouveau mât de mesure sur la commune de Bonnecourt, potentiel emplacement de l'usine éolienne, est établi en pleine ZNIEFF, constituée entre autres, de nombreuses mares, qui abritent le Triturus cristatus, Laurenti, I768, ou le triton crêtéI, qui est placé sur la Liste rouge mondiale des espèces menacées et sur la Liste rouge des amphibiens de France métropolitaine : 20I5 ; voir photos ci-devant ; il se situe également :
  • Dans le couloir de migration du milan royal et d'autres oiseaux et non loin de plusieurs nids de milan royal ;
  • Dans un secteur où les grues tournent longuement avant de reprendre leur ascension ;
  • À ~600 m du point de partage entre les trois bassins, dit Point triple2
  • Avec une vue imprenable sur l'ancienne voie romaine de Langres à Bourbonne-les-Bains, dont il est tout proche, très fréquentée par les locaux et les touristes pour randonner ou se balader à vélo ; 
  • Dans un contexte gallo-romain très dense, en surplomb de la cuesta du domérien3, du site d'Andilly-en-Bassigny, près du mont Mercure et de la villa gallo-romaine d’Andilly-en-Bassigny. 
  • Entre deux couloirs aériens4. Malgré tout, à priori, l’Aviation Civile ainsi que l’Armée de l’Air ont validé la demande, lire ci-dessous"
    Toutefois et pour rappel, une ZNIEFF est un outil de connaissance et non une procédure de protection des espaces naturels ; aussi, elle n'a aucune portée juridique, même si ses données doivent être prises en compte notamment dans les documents d'urbanisme tels que le PLU, Plan local d’urbanisme, le POS, plan d'occupation des sol, ainsi que dans les études d'impact à partir desquelles sont déterminées les zonages des communes.
 
Le mât de mesure
   Son installation n'est pas un fait anodin! : elle indique aux futurs riverains que la procédure du projet de l'usine éolienne a été validée par plusieurs administrations et Collectivités, voir photo ci-devant. En effet, la demande d' installation d'un mât de mesure est soumise à au moins deux validations administratives obligatoires :
 " I - La société installatrice du mât de mesure doit avoir l’accord du propriétaire de la parcelle concernée et, de son éventuel exploitant agricole ou gestionnaire de forêt. Il est généralement conclu par écrit sous la forme d’une convention d’indemnisation, prévoyant notamment d’indemniser les dégâts aux cultures le cas échéant. Dans ce document, le propriétaire donne notamment le droit à la société installatrice de demander en son nom une autorisation auprès de l’administration.
  2 - L’installation d’un mât de mesure est soumise à Déclaration Préalable, DP, de travaux sans permis, à déposer en mairie de la commune d’implantation. Un formulaire Cerfa, n° 13404, précisant le type de travaux, la parcelle concernée, etc..., et un dossier complémentaire, comportant plans, photomontage, etc..., sont demandés. La mairie réceptionne la DP et c’est la collectivité compétente en matière d’urbanisme qui l’instruit*. Un mât de mesure de vent pouvant constituer un obstacle pour certaines activités aéronautiques, des demandes d’autorisations sont envoyées en parallèle à l’Aviation Civile ainsi qu’à l’Armée de l’Air. La collectivité compétente en matière d’urbanisme et les opérateurs de l’espace aérien ont un délai de 2 mois à compter de la réception de la demande pour s’opposer à la DP, sans quoi elle est tacitement autorisée. Une fois la DP autorisée, accord tacite ou explicite, les travaux liés à une DP doivent être entrepris dans les 3 ans sans quoi celle-ci n’est plus valable. La DP peut être prorogée deux fois pour une durée d’un an. "

Source 

* La Déclaration Préalable, DP, fait partie, comme le permis de construire ou d'aménagement, d'une autorisation du droit des sols, ADS ; celle-ci est une compétence communale, Aussi, au final, et quelque soit le cas de figure, c'est TOUJOURS le MAIRE, ET LUI SEUL, QUI SIGNE L' AUTORISATION !


 
Procédure pour construire et exploiter une usine éolienne. Source 


Chaque buisson entoure une mare, où vit le triton crêté et d'autres espèces. Crédit photos : BV
 

EN AVANT TOUTES !

  À suivre...

  I. " Les salamandres et les tritons sont font partie de l’ordre des urodèles. Ils se distinguent des anoures car ils conservent leur queue à l’état adulte. Comme tous les amphibiens, ce sont des vertébrés à la peau nue et à la température variable. Chez les tritons, les larves et les adultes ont des formes similaires et nagent de la même manière, en utilisant leur queue comme propulseur. En période de reproduction, les différences entre mâles et femelles s’accentuent et permettent chez certaines espèces de distinguer facilement les mâles aux couleurs plus marquées et l’apparition de crêtes. Chez les salamandres, les larves sont généralement aquatiques et les adultes terrestres. Au niveau mondial, ce groupe comprend 740 espèces. "
   Sur le Web
 

  2. "... Il a aussi la particularité d’avoir une ligne de crête, appelée couramment ligne de partage des eaux, qui se divise au nord du plateau. Celui-ci est ainsi divisé en trois versants : à l’ouest, la Manche vers laquelle s’écoulent la Marne, l’Aube et la Seine avec leurs affluents, avec une influence climatique plus humide de type atlantique ; au N-N-E et S-S-O la Méditerranée avec la Vingeanne et le Salon, tous deux affluents de la Saône avec un climat sec et chaud, voire continental ; le versant de la Mer du Nord avec la Meuse... "


Source


  3. "... On quitte ensuite cette cuesta bajocienne en descendant, précisément par la côte de l’Abondance qui va nous amener sur un ressaut à mi-hauteur « correspondant à une couche supérieure calcaire [4] du Lias moyen » [5]. Ce ressaut est appelé par les géologues la cuesta domérienne, du nom de cette couche du Lias moyen. Cette cuesta domérienne, jouxtant la cuesta bajocienne, forme ce que les géomorphologues nomment une « cuesta double »,... "

Coupe de la cuesta double, bordant l’ouest du Bassigny. Crédits : Jean Gallier. Sur le Web 
 

Sur le Web

4.

La carte aéronautique OACI / Organisation de l'aviation civile internationale, avec ses légendes ICI
Source

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TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ : INVESTIR DANS LE STOCKAGE, VRAIMENT UN BON BUSINESS?

  " Deux périls pour l'esprit : mésestimer les complexités de la nature, ou s'en laisser décourager au point qu'on se rabatte sur le surnaturel. "
  ROSTAND Jean, I894-I977 

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Pourquoi le problème de l'intermittence ne peut être résolu

Andrew Montford

  Je demande souvent aux enthousiastes des énergies renouvelables d'expliquer ce que nous sommes censés faire lorsque le vent ne souffle pas, si nous ne pouvons pas nous rabattre sur les combustibles fossiles. L'autre jour, j'ai demandé à James Murray, rédacteur en chef du magazine Business Green, quelles formes de stockage il pensait que nous pourrions utiliser, et voici ce qu'il a répondu :
 " ... un portefeuille de technologies : nucléaires pour répondre à la demande, les batteries à l'échelle du réseau, et d'autres formes émergentes de technologies de stockage de l'énergie, d'hydrogène et de gaz, finalement combiné avec le captage et le stockage du carbone : CSC. "
  Il est clair que nous étions un peu hors sujet ; ma question portait spécifiquement sur le stockage, même si nous élargissons le champ d'application pour couvrir la question générale de " que faisons-nous lorsque le vent ne souffle pas " ; mais, sa réponse indiquait clairement qu'il n'avait pas pris conscience de l' INCONTOURNABLE problème économique.
  En effet, avec la domination de l'éolien sur le réseau, les perspectives économiques sont sombres pour quiconque cherche à gagner de l'argent pendant les périodes sans vent. Il y a deux grands types d'accalmie à combler :

  • La première est une " dunkelflaute " [période sombre, en Allemand] qui se produit chaque hiver ; elle correspond à pas ou peu de production pour l'énergie solaire. Cette " période sombre " hivernale est quasi systématique d'année en année, et parfois, elle peut même déborder sur le printemps ; chaque période peut durer entre I à 3 semaines. 
  • Le second " pot au noir " se passe lors de la saison estivale, avec pas de production éolienne tout au long des mois d'été, qui peut, parfois, être interrompue par un coup de vent salutaire. Cela se produit bien sûr chaque année, 
  Et, dans ces conditions, une grande quantité d'énergie doit être stockée pour couvrir le déficit de production : peut-être jusqu'à 50 jours de demande.
   Si nous parlons de stockage, la plus grande partie de celui-ci sera à peine utilisée ; il n'est vraiment nécessaire qu'une fois l'an, pour faire face à la " période sombre " estivale. La plupart des batteries seront remplis à l'automne où elles attendront l'été, avant d'être vidées pour répondre à la demande, avant de rester vides à nouveau jusqu'à ce que les vents se lèvent à nouveau et que les nuits s'allongent.
   Il est impossible de gagner de l'argent sur cette base. Un kilowattheure de stockage dans une batterie lithium-ion peut coûter 350 livres sterling [~400€]. Si, de manière optimiste, une batterie effectue deux cycles de charge-décharge par an, elle n'en effectuera que 20 au cours de sa durée de vie. Cela signifie qu'il faut facturer 17,50 livres sterling/kilowattheure [~20€], juste pour couvrir les coûts d'investissement ; l'électricité est en sus ! C'est environ trente fois le niveau observé au plus fort de la crise l'année dernière, et 300 fois les prix dont nous bénéficiions avant l'avènement des " énergies renouvelables bon marché ".
   Bien sûr, des systèmes de stockage moins coûteux peuvent se profiler à l'horizon, il vaut donc la peine de s'y intéresser. Le meilleur pari à l'horizon semble être le stockage d'air liquide, qui a une durée de vie de 25 ans, ce qui permet d'envisager 50 cycles de recharge. Ses coûts d'investissement sont également beaucoup plus faibles, mais il lui faudra tout de même 1,68 livre sterling [~2.5€] pour couvrir ses coûts d'investissement. C'est trois fois le prix le plus élevé de l'année dernière, et trente fois ce qu'il était au bon vieux temps.
   Le fait d'avoir besoin d'une grande quantité d'électricité seulement deux fois par an rend l'économie impossible. Les technologies de stockage ne sont pas les seules concernées : l'idée de James selon laquelle nous pourrions utiliser le nucléaire pour combler le déficit ne tient pas la route. Qui va construire une centrale nucléaire qui ne fonctionnera que... 50 jours par an ? L'idée est absurde. En fait, le problème de l'intermittence ne peut être résolu. Les coûts d'une telle solution la rendent impossible, quelle que soit la technologie, même dans les hypothèses les plus optimistes concernant les trajectoires de coûts.
   En guise de conclusion, il est intéressant de noter que le modèle de la Commission sur le changement climatique pour un système énergétique net zéro comporte un vaste parc de... turbines à gaz, I22 GW !, brûlant de l'hydrogène pour faire face à l'intermittence de ses vastes usines éoliennes et d'énergie solaire. Mais ces centrales électriques ne fonctionnent que très rarement, — elles ne fournissent que 2 % de leur capacité chaque année. D'après mes calculs, cela signifie qu'elles fourniront de l'électricité à environ 1 £/kWh [~I.I5€], soit 40 fois les prix du bon vieux temps. À noter, toutefois, que la Commission sur le changement climatique, CCC, s'est bien gardée d'inclure la facture de ces unités dans le calcul final du coût de l'énergie nette zéro : erreur? Oubli volontaire?

  Sur le Web

LE DERNIER DES GRANDS MOGOLS, VIE D'AURENG ZEB, ÉPISODE IV

Précédemment
https://augustinmassin.blogspot.com/2023/03/les-dernier-des-grands-mogols-vie.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2023/03/le-dernier-des-grands-mogols-vie.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2023/03/le-dernier-des-grands-mogols-vie_19.html

  Si nous avons essayé de mettre quelque clarté dans une géographie fort confuse, il faut interroger à présent les voyageurs européens du XVIIe siècle, pour voir quelle idée ils se sont faite de l'échiquier sur lequel s'exerçait la politique d' Aureng Zeb.
  Tout d'abord, ils ont fort bien compris, en général, le danger que constituait pour les Mogols, la présence, sur leurs frontières perméables, de voisins remuants et ambitieux, tel que la Perse, les Uzbeks et l'Afghanistan. Mais ils ont vu aussi et noté l'avantage que présentaient, pour un peuple sans cesse en proie aux rivalités intérieures et aux révolutions de palais, ces ennemis accueillants aux transfuges, aux exilés ou aux traîtres, ne demandant qu'à s’immiscer, pour en faire leur profit, dans les affaires de leurs puissants voisins. Bernier nous a montré Aureng Zeb, en échec devant Kandahar, en Afghanistan, que les Persans ont repris aux Mogols. Mais il rappelle que jadis, c'est un Persan, Ali Mardan Khan [x-I657; "...au cours de l'été 1657, Ali-Mardān Khan est atteint d'une grave maladie à la suite d'une pandémie dans le sous-continent et décède la même année. Son corps est ramené à Lahore par son fils Ebrāhim Khan et enterré dans la tombe de la mère d' Ali-Mardān Khan : Enāyat Khan , p. 541... " ; source] gouverneur de Kandahar, qui avait livré la place à Shah-Jahan, pour se venger des duretés de son maître, Shah Safi [I6II-I642 ; sixième chah de la dynastie iranienne des Séfévides ; règne de I629 jusqu'à sa mort]. Bien accueilli à Delhi, Ali Mardan Khan devint un des meilleurs serviteurs des Mogols, successivement gouverneur de Kaboul et du Cachemire ; grand administrateur et bon bâtisseur de monuments, il fit creuser le canal de Delhi qui porte encore son nom.

 


Durant le règne de Shah Safi, une pièce courante d'une valeur de 20 dinars, année : I629, I038 dans le calendrier islamique. Sur le Web

  Manucci, retraçant l'histoire de la lutte sanglante qui mit aux prises Aureng Zeb et son frère Dara dans la guerre de succession, nous a montré celui-ci vaincu, traqué, voyant se fermer devant lui les portes de toutes les villes et de toutes les forteresses, " donnant de la terreur aux gouverneurs les mieux intentionnés pour lui ". Dans sa détresse, Dara n'a plus d'autre ressource que de se confier aux ennemis séculaires de sa race, en cherchant en Perse un asile contre la haine implacable de son frère. Seule, la trahison d'un gouverneur de province qu'il avait jadis obligé, l'empêcha d'atteindre la frontière persane, et le perdit.
  Bernier a bien mis en lumière l'importance du Bengale dans l'ensemble de l'empire mogol. En vantant la fertilité et les richesses du pays, le bon marché des vivres, il rappelle le dicton qui avait cours parmi les Européens : " Il y a cent portes ouvertes pour entrer dans le royaume du Bengale, et pas une pour en sortir. " Il s'indigne contre les excès des pirates portugais dans cette riche contrée, lesquels se vantaient de faire plus de conversions que les missionnaires, et, par leurs cruautés et leurs pillages, nuisaient gravement à la cause des chrétiens dans l'Inde. Shah-Jahan avait dû, à plusieurs reprises, entreprendre des expéditions punitives contre ces pirates, qui enlevaient des sujets du Mogol pour les réduire en esclavage. Comme Dara en Perse, Sultan Shujah cherchera au Bengale, dont il avait été autrefois gouverneur, un précaire asile contre les armes victorieuses de son frère.
  Tavernier n'a pas moins été frappé que Bernier par l'extraordinaire richesse de cette province ; il en évalue le revenu à cinq millions et demi de roupies, " toutes charges payées et la bourse du gouverneur bien remplie " ; et il décrit l'imposante caravane qui transporte à Delhi cette contribution annuelle : cent dix charrettes attelées de six bœufs. Mais Tavernier n'ignore pas non plus les difficultés que rencontrent les Mogols pour retenir sous leurs lois un pays dont la possession était pour eux d'un intérêt vital. Il a été témoin de la guerre que Shaista Khan [Mirza Abu Talib, dit, I600-I694 ; "... il s'est surtout distingué en tant que gouverneur du Bengale de I664 à I688. Sous l'autorité de Shaista Khan, la ville de Dhaka et le pouvoir moghol dans la province ont atteint leur apogée. Parmi ses réalisations, on peut citer la construction de mosquées remarquables telles que la mosquée Sat Gambuj et la conquête de Chittagong. Shaista Khan est également à l'origine du déclenchement de la guerre anglo-moghole contre la Compagnie anglaise des Indes orientales (...) À la fin de sa vie, Shaista Khan a quitté Dhaka et est retourné à Delhi. Il a laissé en héritage l'expansion de Dhaka en un centre régional de commerce, de politique et de culture ; une ville florissante et prospère à partir d'un petit township. (...) La mosquée de Shaista Khan est un monument massif érigé à la mémoire de Shaista Khan, construit sur les terres de son palais... " ; source] gouverneur du Bengale, oncle d' Aureng Zeb, " et la meilleure tête qui fût dans tous ses États, " soutenait contre le roi d'Arracan, après avoir débauché plusieurs chefs valeureux de l'armée ennemie et s'être assuré le concours des navires portugais.
  C'est surtout au récit de Manucci que nous devons les plus dramatiques détails sur la lutte d' Aureng Zeb et de son frère Sultan Shujah au Bengale. Il nous montre le malheureux prince vaincu, réduit à fuir à travers les montagnes et les forêts de l' Arracan, infestés de tigres, " jusqu'alors impénétrables aux armes des Mogols..., le pays le plus inculte qui soit aux Indes. " Quand il réussit, grâce à l'aide des Portugais, à atteindre une terre où il se croyait en sûreté, ce fut pour trouver en la personne du raja, un ennemi encore plus implacable et plus perfide que son frère.
  Dans l'Histoire de la dernière révolution des États du Grand Mogol, il n'y a pas de plus jolies pages, ni de plus colorées, que celles où Bernier a raconté son voyage au Cachemire, " paradis terrestre des Indes. " C'était en I665, après la guerre d' Aureng Zeb contre ses frères. L'empereur, qui relevait d'une grave maladie, voulut à la fois accomplir un vœu en faisant pèlerinage à Lahore et aux lieux saints du Cachemire, et chercher sous un ciel plus doux un climat meilleur que celui de Delhi pendant les pénibles chaleurs de l'été. Le philosophe français fut attaché à la suite du Grand Mogol, comme médecin du vizir Danishmand Khan [grand bakshi ou le grand maître de la cavalerie mogole, ce personnage était le maître de BERNIER François : " Lorsque vous mettez le pied dans l’étrier, Seigneur, et que vous marchez à cheval avec votre cavalerie, la Terre tremble sous vos pas, les huit éléphants qui la supportent sur leurs têtes ne pouvant soutenir ce grand effort. Je ne pus me tenir de rire là-dessus et je tâchai de dire sérieusement à mon agha, qui ne pouvait aussi s’en tenir, qu’il serait donc fort à propos qu’il ne montât à cheval que fort rarement pour empêcher les tremblements de terre qui causent souvent de si grands malheurs. Aussi est-ce pour cela même, me répondit-il sans hésiter, que je me fais ordinairement porter en paleky : BERNIER, Histoire de la dernière révolution des états du grand Mogol, p.261 (...) Notre voyageur est engagé par le grand maître de la cavalerie moghol non seulement en tant que médecin, mais aussi pour lui exposer les « dernières découvertes d’Harvey et de Pecquet sur l’anatomie » et « raisonner avec lui sur la philosophie de Gassendi et de Descartes »... " ; source] . Cette suite, d'ailleurs, était une véritable armée en marche ; et encore Aureng Zeb n'avait-il emmené avec lui qu'une partie de sa cour, pour ne pas affamer les pays qu'il devait traverser. Bernier nous montre cette pittoresque colonne s'avançant pesamment à travers la plaine du Pendjab, " le royaume des cinq eaux " et sur la route de Lahore à Srinagar, où la chaleur est écrasante. Il nous décrit l'ancienne capitale des Mogols, l'antique Bucéphale d' Alexandre [Bucéphalie ou Boukêphalia ; elle fut fondée au bord de la rivière Jhelum à l'endroit de la mort du cheval d'Alexandre le Grand, Bucéphale, après la bataille de l' Hydaspe en 326 av. J.-C. ; mais, s'inscrivant en contradiction avec les affirmations au XVIIe siècle, aujourd'hui, l'emplacement exacte de la ville est incertain ; on la situe plutôt à Phalia ou à Jalalpur Jattan, au Pendjab pakistanais] abandonnée pour Delhi, Lahore, somnolente sous les vestiges de sa splendeur éteinte. Puis ce sont les étapes harassantes à travers les premiers défilés rocheux des pentes de l'Himalaya ; beaucoup d'hommes tombent en route : on va chercher la fraîcheur sur les hauts plateaux, constate le narrateur, et tout le monde n'en jouira pas! Mais au terme de ce long et pénible voyage, ce sont les délices du paradis retrouvé : Bernier célèbre avec un sobre lyrisme la profusion et la fraîcheur de l'eau dans ce pays enchanteur, la fertilité des campagnes regorgeant de fruits et de céréales, l'abondance du gibier ; aucun fauve dangereux ne vient troubler la paix du " jardin du roi ".

Construction de Bucéphalie. Paris, BnF, Français 24364 f.47

  Mais tandis que le Français admire sans arrière-pensée la beauté des femmes drapées dans les somptueux châles du pays, et que les poètes locaux chantent leur douce patrie dans des vers ingénieux qu'ils offrent à l'empereur, Aureng Zeb, à qui Allah a rendu la santé, et qui déjà s'impatiente de son oisiveté, songe à entreprendre une expédition contre le Tibet voisin. C'était un projet et même une tentative manquée de son père, qu'il reprenait. Prudemment, le roi du Thibet a senti la menace ; il envoie une ambassade et des présents au Mogol, qui consent à traiter.
  Telle est, vue par les yeux d'un contemporain et d'un étranger, cette province frontière, dans laquelle le maître de l'empire, par une singulière confusion de sentiments contradictoires, a porté à la fois ses scrupules religieux, sa nostalgie de malade et ses ambitions politiques. Le voyage, dont la date était fixée par les astrologues, a duré un an et demi ; c'est que l'on marche " à la mongole ", l'on s'arrête en route pour chasser les nilgaus [antilopes de grande taille], les gazelles, et même les lions, avec des léopards apprivoisés ; il y a des réserves de gibier, toutes semblables à celles que nous a décrites Quinte Curce pour les chasses d'Alexandre. On passe les rivières sur des ponts de bateaux, et le soir, à l'étape, on dresse pour une nuit ou deux la ville de toile avec son phare qui domine la tente royale. Le Mogol n'est pas pressé : il met deux mois pour faire cent vingt lieues [~580kms]. La lenteur de cette caravane n'étonne pas moins le voyageur français que sa sobriété. C'est une véritable armée en campagne qui traîne avec elle son artillerie, et dont Bernier évalue les effectifs à I00.000 cavaliers, et I50.000 bêtes, chevaux, mulets, éléphants. Sans compter la foule innombrable des femmes, des eunuques, des serviteurs..., et des marchands ; car il y a aussi un bazar dans le camp!
   Bernier est beaucoup plus sobre de détails sur le Dekkan, dont l'histoire complexe le déconcerte. D'autres voyageurs, notamment les commerçants européens de son temps, attirés par les mines de Golconde, se sont intéressés plus que lui à ce pays difficile d'accès et où la guerre était en permanence. Il conte pourtant une partie des expéditions d' Aureng Zeb contre les rois rebelles de Visapour et de Golconde ; il nous montre la désolation de ce riche territoire, dévasté par quarante ans de massacres et de razzias ; et dans son récit, l'on aperçoit quelques curieuses figures, telles que celle du roi Abdullah Kutb Shah, et surtout de Mir Jumla [Mir Jumla II, I59I-I663 ; lors de son accession au trône, Aureng Zeb lui confia la tâche de négocier avec son frère Shah Shujah qu'il poursuit de Khajwa à Tandah et de Tanda à Dhaka, capitale de l'actuel Bangladesh, mai I660 ; L'empereur, en reconnaissance de ses services, l'honora de titres, de récompenses ; au-delà de sa politique de construction, routes, ponts, monuments religieux, etc., la chose la plus importante de son règne au Bengale est sa politique frontalière du nord-est, qui lui permis de conquérir les royaumes frontaliers du Kamrup, Kamarupa, et de l'Assam] ce gouverneur concussionnaire [coupable de concussion : Infraction commise par un représentant de l'autorité publique ou une personne chargée d'une mission de service public qui, sciemment, reçoit, exige ou ordonne de percevoir une somme qui n'est pas due ; Larousse], qui, grâce à la protection des Portugais, dépouillait la province soumise à son autorité, et qui rappelle Verrès [Caius Licinius Verres, v. I20 av. J.-C. – 43 av. J.-C., homme d'État romain ; de 73 à 71 av. J.-C., il est gouverneur de la Sicile ; pendant son mandat, il écrase les villes d'impôts illégaux et s'approprie toutes les œuvres d'art de la province romaine. Mais les Siciliens ne se laissent pas faire et déposent une plainte contre lui en 70. Ils refusent l'avocat officiel et font appel à Cicéron. Celui-ci saisit l'affaire, y voyant une bonne occasion de se faire un nom ; lors du procès, Cicéron fait une brève introduction puis passe tout de suite à l'audition des témoins. Les témoignages sont si accablants que Verrès s'enfuit en exil à Marseille et est condamné par contumace à verser aux Siciliens quarante millions de sesterces] par ses déprédations sacrilèges.

 

Le général préféré d' Aureng Zeb, Mir Jumla, montré dans son harem ; Abbé PRÉVOST Antoine François, " Histoire générale des Voyages ". Source

  À cause de ses richesses naturelles, le Dekkan était une proie livrée sans défense à la cupidité de ses maîtres changeants. Un historien l'a nommé : " le pain est subsistance des soldats de l' Hindoustan " ; pendant plus d'un siècle, en effet, la noblesse mogole exploita sans merci cette terre opulente, sur laquelle les omrahs vivaient paresseusement, en l'abandonnant à leur soldatesque indisciplinée. Même le Visapour, ou Bijapour, le grand État musulman fondé au XVe siècle par l'empereur ottoman Murad II [Mourad II, I404-I45I ; sixième Sultan ottoman : I421-I446] , n'était pas à l'abri de leurs entreprises.
  Carreri, en voyageur consciencieux, prétend voir de ses yeux tous les États du Mogol, malgré les avis qui lui ont été donnés pour le détourner de régions difficiles d'accès ou dangereuses, éprouvera particulièrement les désagréments d'un voyage au Visapour, " toujours exposé aux guerres ". Tavernier lui-même, généralement moins curieux d'histoire que d'observations pratiques sur les ressources du pays, a essayé de débrouiller l'écheveau des intrigues qui faisaient du Dekkan un véritable guêpier pour la politique mogole. Après avoir rappelé la longue résistance du royaume de Golconde aux successeurs de Tamerlan dans l'Inde, noté la puissance du raja de Narsingue et de son armée, montré la division de l' État primitif, après la mort du raja, en quatre provinces : Golconde, Visapour, Doltabad, Brampour, il ne se croira quitte envers l'histoire, et ne satisfera avec sérénité ses curiosités de joailler et ses convoitises de trafiquant, que s'il mentionne les campagnes de l'empereur mogol contre les provinces révoltées, dont les gouverneurs refusaient de lui payer tribut. Alors, il s'en donne à cœur joie, non seulement de soupeser les pierres précieuses, de visiter les exploitations minières, d'interroger les naturels du pays sur la taille des diamants, mais encore de raconter la chasse aux paons et de décrire la pagode des courtisanes. S'il fait peu de cas des fruits exotiques, — " certainement une belle pomme de reinette vaut mieux que tous ces fruits-là, mangues, ananas, cocos, " — il se montre fort intéressé par les femmes publiques de Golconde. Il y en a plus de vingt mille patentées et inscrites sur les livres du magistrat chargé de leur surveillance. Tavernier a-t-il assisté à l'une de ces étonnantes parades où une délégation de ces femmes vient, chaque vendredi, accompagnée d'une de leurs intendantes et de leurs musiciens particuliers, se présenter devant le balcon du roi et le régaler de leurs danses? A-t-il vu cette étrange figure de l'éléphant, véritable trône vivant, où quatre courtisanes formant les pattes, quatre autres le corps, et une seule la trompe de l'animal, portèrent le souverain lors de son entrée à Masulipatan? [ou Machilipatnam ; ville située sur la côte de Coromandel, à l'embouchure du fleuve Krishna ; au XVIIe siècle, le port, connu sous le nom de « Masulipatam », avait une activité florissante grâce au commerce des Français, des Britanniques et des Néerlandais. Après 1669, les chofelins, Arméniens de Marseille, importent la technique des « indiennes de Masulipatnam », et vont contribuer à l'Histoire des indiennes de coton en Europe, en l'enseignant aux maîtres cartiers de la ville... ; " ; source ; « On reconnaît les mouchoirs du Mazulipatnam ou Masulipatan à la teinture du coton, à la qualité de leur fil, à la préparation qu’on leur donne et à l’odeur de cette marchandise », qui est l’odeur de l’huile dans laquelle on fait imbiber les fils. Le rouge...tire sur la couleur pourpre ; le coton est rond et le fil très tordu. » Les pièces de coton appelées Masulipatnam… sont de 32 mouchoirs à la pièce, chaque mouchoir a demi aune en carré. (...) Les couleurs sont, dans quelques cas, évoquées : « fonds de Masulipatam à cornière rouge ; ou fonds à carreaux bleus et blancs, bordure de sacergatis ; ou fonds à carreaux rouge et blanc, ou à carreaux rouges et blancs, rayés de bleu, ou de blanc ; les carreaux sont grands ou petits ; ou fonds à carreaux rouges et bleus, bordures à carreaux rouges et blancs à raies blanches ; ou fonds de Paliacate, bordures à carreaux bleus, cornières rouges ; ou enfin rouge foncé... " ; source] En tout cas, errant de la fraîcheur du soir à travers les rues de Golconde, il a aperçu dans le quartier réservé ces filles assises à la porte de leurs maisons, sous une lampe allumée, et il n'est pas resté insensible à leurs charmes. Il écrira plus tard : " Tous les Orientaux sont fort de notre goût en matière de blancheur, et j'ai toujours remarqué qu'ils aiment les perles les plus blanches, les diamants les plus blancs..., et les femmes les plus blanches. "

Machilipatnam, aujourd'hui :  vue du centre-ville. Crédit photo : Ganeshk

  C'est enfin Tavernier qui a observé, plus exactement que les autres voyageurs européens, les mœurs et la politique tortueuse de ces énigmatiques rajas, tour à tour ennemis et alliés des Mogols, et sur lesquels ceux-ci ont souvent fondé leurs espérances de conquêtes. L'histoire de Jesseingue, Raja Jai Singh [I6II-I667 ; plus connu sous son titre impérial de Mirza Râja Jai Singh I ; général de haut rang et Raja d'Amber ; après avoir été vaincu par le futur empereur, à la tête de l'armée du frère cadet de celui-ci, Dara, il jure fidélité à Aureng Zeb pour sauver sa famille ; dès lors, il prend part à ses côtés à toutes les guerres du Deccan], et de Jessimseingue, Raja Jaswant Sing [I626-I678, il succède à son père comme Raja du Marwar, I638, et le restera jusqu'à sa mort ; allié à Dara Shikoh, il fut battu à la bataille de Dharmat par Aureng Zeb, I658-I659, lors de la guerre de succession mogole], à qui Aureng Zeb a dû une grande partie de sa puissance, est tout à fait caractéristique à ce sujet. Mais tous les rajas, même réduits nominativement à l'état de vassaux, ne faisaient pas leur cour à l’empereur avec le même empressement ou la même docilité : Tavernier rapporte comme un cas notable, sinon exceptionnel, celui d'un de ces princes qui envoyait tous les ans à Aureng Zeb un éléphant comme tribut

***


  Malgré la profonde transformation que deux siècles de domination étrangère ont imprimée sur l'Inde des Mogols, le souvenir de cette glorieuse époque survit encore dans les lieux et dans les monuments témoins de leur grandeur et de leur décadence.
  À Lahore, Allahabad, les palais d' Akbar, de Shah-Jahan, d' Aureng Zeb, qui avaient fait au XVIIe siècle l'admiration d'un Pierre Malherbe [I569-I6I6 ou I637, négociant en toiles ; il entreprit le tour du monde entre I493 et 1508 ; à ce jour, il est toujours considéré comme le premier voyageur à avoir effectué le tour du monde par voie terrestre ; En Inde, il devient l'ami du Grand Mogol Akbar et reste dans le pays jusqu'à sa mort, en I605 ; " Pierre Malherbe est le premier à avoir révélé que la langue chinoise comportait 43 000 signes, au lieu de 9 000, comme on le pensait auparavant. Il a aussi dit avoir vu des canards dressés pour arracher les mauvaises herbes et sarcler les récoltes, et on ne le croit pas à l’époque", raconte Roger Faligot. "Cette pratique a pourtant été avérée et existe toujours au Japon. (...) " Je ne pense pas qu’il soit mort en I6I6, car j’ai retrouvé des preuves qu’il aurait acheté des maisons en Espagne après cette date, et surtout un certificat de décès datant de I637, où il est inscrit qu’il aurait été ensépulturé dans la chapelle Saint-Pierre, à Argentré-du-Plessis. " ; source], d'un Bernier ou d'un Manucci, ne subsistent pas tous intacts. Les puissantes forteresses de Gwalior ou de Daulatabad, à la fois maisons de plaisirs et prisons, ne sont plus aujourd'hui qu'un décor hanté d'ombres. Mais beaucoup de mosquées, de pagodes, de tombeaux disent encore la splendeur du temps écoulé.
  À Fatchpour [Fatehpur-Sikri, capitale de l'empire mogol de I57I à I584], aux portes d' Agra [une quarantaine de kilomètres à l'ouest], le voyageur moderne s'arrête au milieu de cette Pompéi hindoue, construite, puis abandonnée par Akbar, qui avait voulu demeurer près d'un saint homme, Shaik-Salim [Shaikh Salim Chishti, I480-I572, saint soufi ; la nouvelle capitale fut édifiée sur le lieu de son ermitage ; "... âgé de plus de 80 ans, il revient s'installer en Inde dans une région aride et rocailleuse (...) Il y vit en ascète, circulant nus pied et simplement vêtu d'un pagne de coton, ce qui contribue à son prestige et attire des foules de visiteurs, aussi bien modestes qu'aristocratiques... " ; source]. À Ellora, après avoir admiré les fameux temples, il rêve longuement devant les mausolées, " disposés devant le paysage avec cet art particulier qu'on les musulmans de comprendre la poésie des tombeaux..., les princes Mogols, en barbares raffinés et voluptueux qu'ils étaient, ont voulu reposer devant le panorama qu'ils aimaient à contempler, entourés de leurs favorites. " Mais sur la route d' Ellora à Daulatabad, au crépuscule, quand les paons et les oies sauvages planent au-dessus des étangs, l'étranger s'arrête soudain au petit village de Roza [Rauzaa ; "... Après la mort d’ Aureng Zeb, cette ville est rebaptisée « Khuldabad ». Khulad signifie le ciel et Abad signifie communauté ou société. C’est le point central de la vallée des saints parce qu’au XIVe siècle plusieurs saints soufis ont élu Khultabad comme résidence. devant une sépulture isolée... " ; source] : c'est là que repose Aureng Zeb, loin du tumulte du monde qu'il avait longtemps troublé et qu'il méprisait ; seules quelques femmes hindoues, vêtues d'or et de pourpre, foulent d'un pas nonchalant la poussière de son tombeau. Non loin de là, le fier empereur a laissé de lui une image plus puissante et plus vraie que cette tombe oubliée : la citadelle de Daulatabad, taillée à même le roc, avec son enceinte de vingt mètres de haut et ses canons de bronze noir et poli sur les tourelles.

Le mausolée de Shaikh Salim Chishti. Crédit photo : SK Desai

La tombe d' Aureng Zeb à Khuldabad. Crédit photo : PP Yoonus

" Construite au XIe siècle, la citadelle de Daulatabad fut la capitale d’un petit royaume hindou fondé au IXe siècle. Elle fut prise au XIIIe siècle par le sultan de Delhi. Son successeur transféra le siège de son gouvernement de Delhi à Daulatabad, avant d’abandonner Daulatabad. Aujourd’hui, il reste une citadelle endormie, beaucoup d’escaliers, un petit temple avec des centaines de chauves-souris. Du sommet de la citadelle de Daulatabad, on peut balayer d’un regard l’étendue des remparts. " ; crédit photo : XU Fabien. Source

  D'ailleurs Aureng Zeb, à peu près seul des grands Mogols, n'était pas un grand bâtisseur. Il n'a guère construit que pour sa foi et pour sa puissance militaire, des mosquées et des forteresses. Sur cette même route d' Ellora à Daulatabad, le touriste rencontre avec étonnement une chaussée formée de dalles sculptées, où malgré l'usure on reconnaît d'étranges figures de dieux et de monstres ; s'il s'informe, il apprend que c'est l'ouvrage d'un omrah du XVIIe siècle, qui, pour faire sa cour à l’empereur, et flatter son zèle fanatique de bon musulman, a fait construire la chaussée avec des matériaux provenant des temples hindous détruits.
  Dans Agra, au contraire, et dans Delhi, abondent les vestiges de la splendeur mogole, monuments dus au goût raffiné des grands empereurs constructeurs, Akbar, Djahanguir, Shah-Jahan : la citadelle, vaste comme une ville, comprenait un palais, des mosquées, des jardins. Le palais dresse toujours ses nombreux pavillons aux dômes dorés, reliés par des galeries et par des terrasses ; le marbre blanc du Radjpoutana se mire dans l'eau des canaux ; à l'intérieur, à travers un labyrinthe de corridors et de passages souterrains, on parcourt les salles ornées de mosaïques, de panneaux de lapis-lazuli [roche métamorphique ; pierre ornementale, opaque, de couleur bleue, entre l’azur et l’outremer, elle est utilisée quasi exclusivement en bijouterie, décoration et peinture] incrusté d'or, de miroirs d'argent, et l'on contemple par les fenêtres de marbre découpé comme une dentelle la fraîche vallée de la Jumna. Sans parler du fameux Tadj, qui perpétue le souvenir de l'impératrice Moumtaz-Mahal, nombre de mausolées et de mosquées subsistent encore, dispersés dans la ville moderne.
  C'est à Agra qu'il faut venir pour sentir, pour comprendre la grandeur des Mogols : le fort raconte l'histoire de cette dynastie issue de Tamerlan. Il ne parle pas uniquement de guerre et de justice sommaire. Dans cette citadelle, qui était un palais, une ville, un marché, et qui faisait déjà l'admiration de Bernier et de Tavernier, on ne montre pas seulement le pavillon muré comme une cellule, où Aureng Zeb laissa mourir son père en captivité. L'imagination du voyageur moderne évoque les épouses musulmanes, prolongeant leur sieste ennuyée dans la crypte des bains toute revêtue de glaces ; du haut de la terrasse elles assistaient au bain des éléphants de guerre dans les gigantesques réservoirs, ou pêchaient à la ligne, dans un minuscule vivier, les poissons apportés pour elles du fleuve voisin ; le soir, sous la surveillance des eunuques, elles parcouraient les rues du bazar construit à leur intention dans l'enceinte du palais, et s'arrêtaient en bavardant devant les boutiques d'étoffes, de parfums et de bijoux.

" C’est en I565 que l’empereur Akbar entrepris la construction de cette magnifique citadelle en grès rouge. Ses remparts font 2,5 km de circonférence et 20 m de haut ". Sur le Web

" De sa cellule, Shah Jahan pouvait d’ailleurs apercevoir le Taj, son chef d’œuvre absolu. " Sur le Web

  Après la mort de l'impératrice Moumtaz-Mahal, Shah-Jahan abandonna quelque temps Agra pour Delhi. L'emplacement même de cette antique capitale fut changé plusieurs fois au gré des guerres et des révolutions, ou de simple caprice des princes ; la ville du XIVe siècle, déjà très belle, fondée par un prince afghan, fut anéantie par Tamerlan ; il n'en reste guère que des ruines indistinctes dans la plaine. Mais après chaque destruction, une nouvelle Delhi renaissait plus belle, si belle que ses palais, ses mosquées, ses jardins ont maintes fois inspiré les poètes mogols. Shah-Jahan qui y avait établi sa capitale en I63I, y éleva, comme à Agra, une citadelle-palais aux murs de grès rose [I640] si considérable qu'elle occupait toute la partie orientale de la ville. Bernier et Tavernier nous ont laissé des descriptions qui semblent fabuleuses, mais dont la réalité ne dément pas la somptuosité. Dans le harem désert, l'eau ne ruisselle plus à travers les innombrables rigoles de marbre incrusté de poissons d'argent ; les bains mogols, avec leur crypte aux étroites fenêtres, ne retentissent plus des appels gutturaux des baigneurs ; mais on peut visiter l'immense salle des audiences, avec sa voûte décorée de mosaïques, dans laquelle Tavernier vit Aureng Zeb assis sur le célèbre trône du Paon, et dans les appartements privés de ce Versailles mogol, on lit encore cette inscription : " S'il est un paradis sur terre, c'est ici, c'est ici... "

***

  L'époque que nous essayons d'évoquer n'est pas si reculée ni si obscure que notre imagination soit réduite à travailler à vide sur le décor, les mœurs, la vie privée de ce monde disparu. Entre autres documents, nous possédons des peintures du temps sur la cour des Mogols ; on y voit, par exemple, clairement et artistiquement représentés, quelques-uns de ces grands vases de Chine ou de ces tentures japonaises, tels qu'une ambassade hollandaise, au témoignage de notre Bernier, en offrit à Aureng Zeb.
  Les vases sont brisés, les tentures consumées ; les monuments eux-mêmes s’effritent peu à peu sous la brutale poussée d'une civilisation nouvelle. L'empreinte mogole a-t-elle fortement marqué cet Hindoustan mystérieux et rebelle pour lequel les guerriers, fils de Tamerlan, ont tant de fois versé leur sang? Les Européens, témoins au XVIIe siècle de l'histoire que nous avons entrepris de raconter, se sont à plusieurs reprises étonnés de voir les Mogols employer à leur service les rajas hindous, malgré le mépris des Musulmans pour les infidèles. Mais jamais la pénétration des deux races l'une par l'autre ne put se faire. La vie d' Aureng Zeb, au déclin de la puissance mogole, est un chapitre essentiel de cette histoire. Nous ne croyons pas, comme l'on prétendu certains historiens, que si la conquête touranienne [qui appartient à un groupe de peuples de la Russie méridionale et du Turkestan, de couleur blanche, mais ayant subi l'empreinte des Mongols ; Larousse] n'a jamais été ni complète ni définitive, c'est parce que les vagues de cette conquête étaient trop rares et trop espacées, ni surtout parce qu'elles ne déposaient sur le sol de l'Inde que des aventuriers, des soldats, des savants, plutôt que des artisans et des cultivateurs. Il y a d'autres causes à cet échec. Sans doute les Musulmans dépendaient-ils des Hindous pour beaucoup de choses, de l'agriculture à l'architecture ; sans doute eurent-ils à apprendre d'eux la construction des maisons, le tissage des étoffes appropriées au climat, l'irrigation et la culture des plantes indigènes, la médecine et la frappe des monnaies, sans parler de l'élevage et du dressage des éléphants. Beaucoup moins nombreux que les autochtones, ils ne purent se passer des services de ceux qu'ils voulaient conquérir : mais ils ne leur demandaient guère que des artisans et leurs nombreux domestiques. Malheureusement, ils furent obligés, pour tenir dans l'obéissance un pays trop vaste et trop peuplé, de leur demander des soldats. Là est le drame de l'histoire mogole, et en particulier, de la vie d' Aureng Zeb.

CHAPITRE III

 

LE CONQUÉRANT DU MONDE APPREND SON MÉTIER DE ROI


  À suivre...

   BOUVIER René et MAYNIAL Édouard, " Le dernier des grands Mogols, vie d'Aureng Zeb ", Paris, Éditions Albin Michel, I947, 309 pages, pp. 43-55
 
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