ALLEMAGNE, ENERGIEWENDE : PLUS ÇA VA, MOINS ÇA VA, POUR L' AVENIR DU CLIMAT ET LA SANTÉ DES POPULATIONS

  Un grand merci encore une fois à Hartmut Lauer qui, par son travail imposant de récupération de données et par sa faculté à nous en faciliter la lecture et la compréhension, permet, à nous, béotiens en la matière, de mieux appréhender le " comment ça marche " de la transition énergétique et, de la production d'électricité en particulier.
  Ainsi, en parallèle avec la fermeture de réacteurs nucléaires et, grâce à des conditions météorologiques très favorables*, la production d' électricité des EnR, éolien et photovoltaïque, a battu des records, avec 44,4% de la production brute d'électricité ; sauf que ce succès est tout relatif, puisqu'il a généré, en même temps, l'augmentation nette du charbon, lignite et autre houille qui représentent, encore, aujourd’hui, environ 90% de la production d'électricité ; cette situation a fait que les émissions de gaz à effet de serre ont... stagnées!
  Oui, vraiment, plus ça va, moins ça va!... Le climat et la santé des populations peuvent attendre.

*  "... Les énergies renouvelables intermittentes, éolien et photovoltaïque, représentent presque deux tiers de la puissance nette totale installée. Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à un tiers seulement. Cela correspond à un facteur de charge moyen[1] d´environ 16%,... "  On ose imaginer le facteur de charge moyen dans les années à venir, si les conditions météorologiques redevenaient " normales ", ou, devaient " mauvaises "!...

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Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022

  Hartmut Lauer   

 Résumé
  La nouvelle coalition gouvernementale en Allemagne en fonction depuis décembre 2021, composée par les Sociaux-démocrates, SPD, les Verts, Bündnis 90/Die Grünen, et les Libéraux, FDP, voulait apporter un nouveau rythme à la transition énergétique.
  L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat a été considérée comme la priorité absolue. Une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité est visée d´ici 2030 contre 65% par le gouvernement sortant et un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre d´ici 2035. Le gouvernement a aussi souhaité accélérer la sortie de la production d´électricité à partir du charbon, actuellement prévue pour 2038, et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ».
  La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a changé la donne car l´Allemagne a été sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante. Les prix de l´énergie ont atteint des niveaux records et favorisé considérablement l´inflation qui a dépassé les 10%. Des mesures de presque 300 Mds€ ont été adoptées pour soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile. Face à la menace d´une pénurie d´énergie, le gouvernement a appelé à la mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La consommation d´énergie primaire a ainsi baissé de presque 5% par rapport à 2021. La consommation de gaz a chuté de presque 15%, en revanche celle des autres énergies fossiles a augmenté, soit 3% pour le pétrole, 4,8% la houille et 5,1% le lignite : environ 90% de la consommation ont contribué à la production d´électricité.
  La gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables ne décolle pas.

  Selon les données statistiques provisoires, les résultats énergétiques 2022 se résument comme suit : 

  • Les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de l´année dernière et se situeraient à 758 ± 3 Mt CO2éq :  2021 : 759 Mt CO2éq. L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, risque d´être manqué. L´Allemagne prend du retard sur ses ambitions d´une réduction de 65% d´émissions de gaz à effet de serre d´ici 2030 par rapport à 1990 ; 
  • La consommation d´énergie primaire recule de 4,7%, 3,9% corrigée des variations climatiques, par rapport à 2021 et s´élève à 3 286 TWh : 283 Mtep. Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée. Au total, les énergies fossiles, pétrole, gaz naturel, houille et lignite, comptent pour près de 79% de la consommation d’énergie primaire : contre environ 77% en 2021 ; 
  • La consommation d´électricité recule de 3% par rapport à 2021 suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement et les effets de la hausse des prix. Elle atteint à nouveau le niveau de l´année 2020 marquée par la Covid ; 
  • La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique : la part de la production brute d´électricité à partir du gaz baisse à 13,4%, 2021 : 15,8%, en revanche la part du couple lignite/houille augmente à 31,7% contre 28,2% en 2021. Cela s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à charbon en réserve. La part du nucléaire baisse à 6,5% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacités nucléaires fin 2021 ; 
  • Grâce aux bonnes conditions météorologiques, les filières renouvelables marquent une augmentation record. Leur part à la production brute d´électricité atteint 44,4% , 2021 : 40,1%, et, en conséquence, leur part dans la consommation brute augmente à 46,5% contre 41,4% en 2021. L´éolien, terrestre et maritime, est en 2022 à nouveau la première source de production électrique juste devant le lignite. Malgré ce record la crise du développement de l´éolien terrestre persiste, l´ajout net atteint 2,1 GW en 2022. Le double aurait été nécessaire pour se  rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024. Au total, neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits en 2022. L´attribution du volume mis aux enchères étant loin d´être atteinte, leur développement risque de rester en deçà des besoins dans les années à venir. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030 ; 
  • Le solde exportateur d´électricité augmente à presque 27 TWh, 2021 : ~19 TWh, en hausse pour la première fois depuis 2017. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe. À titre d´exemple : le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021 selon l´Agence Fédérale des Réseaux ; 
  • Sur le marché de gros de l´électricité le prix journalier double en 2022 par rapport à 2021 pour atteindre 235 €/MWh. Il a été fortement influencé par le prix du gaz.

  Les projets phares de la transition énergétique allemande en 2022 : 

  • Adoption courant 2022 d´un ensemble de mesures économiques urgentes, temporaires et exceptionnelles de presque 300 Mds€ pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation. L´objectif : soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile et préserver les emplois. La principale mesure, le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité, a reçu le feu vert en décembre 2022 ;
  • Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique : EEG 2023. Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant, soit 115 GW pour l´éolien terrestre, au moins 30 GW pour l´éolien marin et 215 GW pour le photovoltaïque. Les 360 GW visés nécessitent au cours des huit prochaines années presque un triplement de leur puissance installée fin 2022 ;
  • Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 derniers centrales nucléaires jusqu´au mi-avril 2023 et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030.

(...)


Consommation énergétique
  Selon AG Energiebilanzen, AGEB 2022a, la consommation d´énergie primaire atteint 3286 TWh, 283 Mtep, en 2022, cela correspond à une baisse de 4,7 %, ~ 162 TWh, par rapport à l´année précédente : 2021 : 3448 TWh ou 296 Mtep. Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée.
  Les principales raisons sont des températures plus chaudes par rapport à 2021 et la forte hausse des prix de l´énergie, en particulier pour le gaz naturel, qui a déclenché une mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine et les efforts de l´Allemagne pour s´émanciper de sa forte dépendance au gaz russe. La baisse de la production dans certains secteurs économiques a également contribué à la réduction de la consommation énergétique.
  Une raison de la hausse de la consommation énergétique est la reprise économique après la suppression des restrictions liées à la pandémie de la Covid.
  Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse seulement de 3,9% selon AG Energiebilanzen : AGEB 2022a.
  Les énergies fossiles continuent de représenter 79% de la consommation énergétique. Le pétrole reste l´énergie fossile la plus importante en 2022 suivi par le gaz naturel.
  La consommation des produits pétroliers a connu une hausse de 3% par rapport à 2021. La substitution du gaz naturel par le pétrole explique en partie l´augmentation de la part du pétrole dans la consommation d´énergie primaire à 35,2% : 2021 : 32,5%.
  La consommation de gaz naturel baisse de presque 15% en 2022. Cause principale : les températures temporairement plus chaudes et une vente réduite dans tous les secteurs de consommation due à la hausse du prix du gaz. La part du gaz naturel dans la consommation d´énergie primaire s´est réduite à 23,8% contre 26,6% en 2021.
  Les conséquences de la guerre en Ukraine se sont traduites par une nette modification de la structure des importations du gaz naturel. En 2021, environ 52% du gaz naturel provenait de Russie, alors qu´en 2022 ce chiffre est tombé à 22% : BNetzA 2023e. Depuis septembre 2022, plus aucun transport par gazoduc en provenance de Russie vers l´Allemagne n´a eu lieu. La cessation de ces livraisons a été partiellement compensée par une augmentation des importations entre autres via des gazoducs en provenance des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Les plus grandes importations provenaient de la Norvège : environ 33%.
  Le charbon, couple lignite/houille, atteint une part totale de 19,8% de la consommation d´énergie primaire contre 18,0% en 2021.
  La consommation du lignite augmente de 5,1% en 2022. Le lignite atteint une part de 10%, 2021 : 9,1%, de la consommation d´énergie primaire. Environ 90% ont contribué à la production d´électricité. L´augmentation de la part du lignite a compensé la réduction d´autres sources d´énergie et notamment du gaz naturel pour la production de l´électricité et de la chaleur.
  La consommation de la houille augmente de 4,8% en 2022. Son utilisation dans les centrales électriques augmente même de plus de 16%, favorisée par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve pour assurer la sécurité de l´approvisionnement d´électricité. En revanche, dans l´industrie sidérurgique l´utilisation de la houille a diminué de 6% en raison de l´évolution conjoncturelle. La houille atteint une part de 9,8%, 2021 : 8,9%, de la consommation d´énergie primaire.
  La part du nucléaire a baissé de près de la moitié en 2022 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. La production du nucléaire atteint une part de 3,2%, 2021 : 6,1%, de la consommation d´énergie primaire.

 

Figure 1 : Consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen : AGEB 2022a

  La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire a augmenté de 4,4% et atteint 17,2% : 2021 : 15,7%. Cause principale : une météo favorable pour l´éolien et le photovoltaïque. De plus, la biomasse, dont la part dans les énergies renouvelables est supérieure à 50%, a enregistré une légère augmentation de la consommation comme énergie de substitution notamment dans le secteur du chauffage.

Consommation et production d´électricité

  La consommation intérieure brute d´électricité, y compris pertes de réseau et autoconsommation, recule de 3% en 2022 par rapport à 2021 suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une météo plus clémente et une hausse drastique des prix de l´énergie notamment avec la guerre en Ukraine. Elle atteint avec environ 550 TWh à nouveau le niveau de l´année 2020 marquée par la Covid-19.
  Grâce aux conditions météorologiques favorables, les filières renouvelables et notamment l´éolien et le photovoltaïque marquent une production record : AGEB 2022b ; Agora Energiewende 2023.
  Sous l´hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute augmente à 46,5%% contre 41,4 en 2021. Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables. La baisse générale de la consommation d´électricité amplifie statistiquement l´effet de l´augmentation de la part des énergies renouvelables.
  La production brute d´électricité a également enregistré un net recul par rapport à 2021, cf. figure 2. En revanche le solde d´ exportation d´électricité de l´Allemagne a marqué une hausse : voir plus loin.
  La production brute d´électricité baisse d´environ 1,2% à 577 TWh : 2021 : 584 TWh. La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique en faveur du charbon.
  La part de production brute d´électricité à partir du gaz naturel diminue à 13,4%, 77 TWh, en 2022 contre 15,8% en 2021 : 92 TWh. La flambée des prix du gaz suite au manque de livraisons de gaz depuis la Russie a entraîné l´utilisation accrue du charbon en substituant la production à partir du gaz naturel.
  La part de production d´électricité du couple lignite/houille a augmenté à 31,7% contre 28,2% en 2021. Les centrales au lignite ont produit 117 TWh, cela correspond à une augmentation de la production de plus de 6% par rapport à 2021 : 110 TWh. Les centrales à houille ont fourni 66 TWh, soit une augmentation d´environ 20% par rapport à 2021 : 55 TWh. La hausse de production s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve : voir plus loin.
  La part de production brute à partir du nucléaire baisse à 6,5% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. Les centrales nucléaires allemandes ont produit 38 TWh bruts, soit environ 45% de moins qu´en 2021 : 69 TWh.
  Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de plus de 9%. Leur part dans la production brute passe à 44,4%, soit à 256 TWh, contre 40,1% en 2021 : 234 TWh. Le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année et la forte production des éoliennes en janvier et février 2022 ont largement contribué à cette hausse : voir plus loin.

Figure 2 : Production brute d´électricité en 2022, données entre parenthèses pour 2021, selon AGEB 2022b

  Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2022 par rapport à 2021 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective.
  Bien que l´éolien, terrestre et maritime, redevienne la première source de production électrique en 2022 et que la part des énergies conventionnelles baisse de plus de 8%, celles-ci continuent à contribuer pour 55% à la production brute. Seulement 51% de la production brute totale sont assurés par des sources décarbonées : renouvelables et nucléaire.
  Le photovoltaïque contribue pour presque un quart à la production renouvelable totale. Cette quantité d´électricité comprend non seulement les injections dans le réseau public mais aussi l´autoconsommation.
  La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse est en légère baisse par rapport à 2021. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué pour environ un cinquième à la production renouvelable en 2022.
  La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, baisse d´environ 13% par rapport à 2021 suite à l´extrême faiblesse des précipitations en 2022.

 

Tableau 1 : production, hors transfert d´énergie par pompage, et consommation d´électricité 2021 et 2022 selon AGEB 2022b ; Agora Energiewende 2023

   Depuis 2011 la production renouvelable a plus que doublé, tandis que la production du couple houille/lignite a reculé d´environ 30%. En revanche, l´année 2021, marque une inversion de la tendance : le charbon, couple houille/lignite, est à nouveau en hausse, cf. figure 3.

 

Figure 3 : évolution de la production brute des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2022b)

  La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne cache pas le fait que la production nette totale bas-carbone, énergies renouvelables et nucléaire, est en baisse depuis 2020 : AGEB 2022b.


Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)

  Après l´arrêt de la centrale nucléaire de Philippsburg unité 2 fin 2019, les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de pallier la perte de production du nucléaire. Le bilan de la production bas-carbone s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois centrales nucléaires fin 2021 et retombe au niveau de 2017.

Parc de production


  L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.
  Le pays disposait fin 2022 d´un parc de production d´environ 235 GW nets hors systèmes de stockage, STEP, batteries etc., dont ~ 87 GW de moyens pilotables conventionnels et ~148 GW d´installations renouvelables, BDEW 2022 ; BNetzA 2022a ; Agora Energiewende 2023 ; UBA 2022.
  Pour réduire la consommation de gaz dans le secteur de l´électricité en cas de menace de pénurie de gaz, une « Loi de mise à disposition de centrales électriques de remplacement », Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand, est entrée en vigueur mi-2022. Cette loi prévoit la réactivation, limitée dans le temps jusqu´au 31 mars 2024, des centrales thermiques à flamme, houille, lignite et fioul, situées dans la réserve stratégique, afin qu´elles puissent prendre le relais si l´approvisionnement en gaz est menacé par l´arrêt des livraisons de gaz russe : Allemagne Énergies 2022a.
  Face aux baisses de livraison de Gazprom, une capacité d´environ 7 GW, 5,1 GW de centrales à houille et 1,9 GW de centrales à lignite, a été réactivée courant 2022. Au total environ 79 GW de centrales conventionnelles, y compris les centrales diverses mais hors systèmes de stockage, ont été activement sur le marché électrique fin 2022. La réserve stratégique restante s´élève à 5,6 GW, BNetzA 2022a, et environ 2 GW, gaz, fioul, sont provisoirement arrêtés.
  Le tableau 2 détaille l´évolution de la puissance totale nette installée du secteur électrique en 2021 et 2022, hors installation de stockage de l´énergie, stations de transfert d´énergie par pompage, STEP, batteries, etc., .

 
Tableau 2 : Puissance installée en 2021 et 2022 y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation

Centrales conventionnelles et stockage d´énergie
  Centrales nucléaires
  En 2022 la puissance installée a baissé à 4,055 GW par suite de l´arrêt de trois centrales nucléaires, 4,058 GW, le 31.12.2021 : Allemagne Énergies 2022b. Le fonctionnement des trois centrales nucléaires restantes a été prolongé jusqu’au 15 avril 2023 : Allemagne Énergies 2022c.

Centrales à houille
  Fin 2022 environ 18 GW ont été activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022 une capacité de 5,1 GW a été réactivée et 1,4 GW sont maintenus en réserve stratégique.

Centrales à lignite

  Fin 2022 environ 17 GW sont activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022, une capacité de 1,9 GW a été réactivée ce qui correspond à la totalité de la réserve stratégique existante et ~ 0,3 GW ont été arrêtés définitivement.

Centrales à gaz

  Fin 2022 environ 30 GW sont activement sur le marché de l´électricité. Une capacité de presque 2 GW a été mise en service.
  Environ 1,7 GW ont été fermés ou retirés du marché et environ 2,6 GW sont en réserve stratégique ou font partie du mécanisme de capacité.

Centrales au fioul et divers

  Début 2022 environ 8 GW de centrales au fioul et divers, déchets etc.,  sont activement sur le marché de l´électricité. Centrales au fioul : sur les 4,8 GW installés environ 1,6 GW sont actuellement en réserve stratégique et 0,2 GW fermés ou retirés du marché.

Stockage d´énergie
  L´Allemagne dispose fin 2022 d´une capacité de stockage totale d´environ 13 GW, Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2022a ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2022.
  Les STEP, Stations de Transfert d´Énergie par Pompage, y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,8 GW. La capacité totale des batteries, domestiques et industrielles, s´élève à environ 3,4 GW.
  Outre la capacité de stockage, GW, la quantité d´électricité stockée, GWh, est un paramètre important, car la capacité de puissance seule ne fournit pas d´informations sur la durée pendant laquelle cette capacité peut être mobilisée. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée à 6 GWh maximal par cycle de charge : Agora Energiewende 2023.
  La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est également limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.

Énergies renouvelables
   La puissance installée des énergies renouvelables a augmenté de 9,6 GW, soit 7% par rapport à 2021, pour passer à 148 GW : cf. tableau 2. Ce résultat est décevant compte tenu de l´annonce en décembre 2021 par la nouvelle coalition gouvernementale, composée des Sociaux-démocrates, SPD, les Verts, Bündnis 90/Die Grünen, et les Libéraux, FDP, de vouloir apporter un nouveau rythme à la transition énergétique et au développement des énergies renouvelables : Allemagne Énergies 2021.
   Comme ces dernières années, l´ajout de la capacité photovoltaïque a été nettement plus élevé que celle de l´éolien terrestre : sur les 9,6 GW installés en 2022, environ 75 %, ~7,2 GW, sont dus au photovoltaïque. Les 2,4 GW restants se répartissent entre éolien terrestre, 2,1 GW, et éolien en mer : 0,34 GW.
   Notamment le développement de l´éolien terrestre reste avec 2,1 GW nets en 2022 loin des attentes : Windguard 2023. Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024.
   Les résultats des enchères en 2022 n´incitent pas non plus à l´optimisme pour l´avenir : neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits.

Éolien
   Depuis 2019 sur 20 appels d´offres concernant l´éolien terrestre, 16 fois les volumes appelés n´ont pas été atteints. En 2022 un volume de 3,2 GW, 70% du volume appelé de 4,5 GW, a été attribué, cf. figure 5. Trois sur quatre appels d´offres ont été sous-souscrits.
   Partant du présupposé erroné que la production d´électricité renouvelable devient toujours moins chère en raison des développements technologiques et des effets d´échelle, la politique avait fait intégrer des plafonds pour la rémunération de référence qui ne devaient pas être dépassés.
La guerre en Ukraine, l´inflation, la hausse de prix pour les matières premières, i.e. le cuivre, le ciment, ont rendu la construction des éoliennes tellement plus coûteuse que le plafond de la rémunération de référence de 58 €/MWh, jusqu´à maintenant en vigueur, ne suffit plus. Les derniers appels d´offres montrent les résultats : l´intérêt des investisseurs s´est considérablement réduit.

 

Figure 5 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres d´éolien terrestre 2019 à 2022 : Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b

  Avec un délai moyen de réalisation de 30 mois entre l´adjudication et la mise en service, les objectifs manqués dans le passé se font maintenant sentir sur leur développement : Allemagne Énergies 2022d. Deutsche Windguard estime l´ajout à 2,7 – 3,2 GW en 2023, Windguard 2023, bien au-dessous des 5,5 GW au moins nécessaires pour atteindre l´objectif de 2024 : 69 GW.
  Le développement de l´éolien en mer ne progresse pas non plus de manière optimale. La puissance installée atteint 8,1 GW en 2022. Seul le parc éolien « Kaskasi » en Mer du Nord a été connecté au réseau : 342 MW nets. Pour atteindre l´objectif de 2030 il faudrait installer 22 GW en mer en moins de huit ans.

Photovoltaïque

  Aucun des six appel d´offres du photovoltaïque n´a permis d´atteindre le volume appelé en 2022, cf. figure 6. L´Agence Fédérale des Réseaux avait appelé un volume de 4,8 GWc : 3,1 GWc au sol et 1,7 GWc sur toiture. Le volume attribué pour les installations au sol s´élève à 2,4 GWc et pour celles sur toiture à 0,5 GWc : 30% du volume appelé. Pour atteindre l´objectif de la Loi EEG 2023, 88 GW en 2024, il faudrait ajouter au moins 11 GW en 2023.

Figure 6 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres du photovoltaïque 2019 à 2022, Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b

  Les objectifs manqués des enchères laissent présager un développement en deçà des besoins dans les années à venir. L´écart entre les objectifs ambitieux et le développement réel se creuse toujours plus. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022, Allemagne Énergies, 2022f, ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030.

L´électricité verte devient plus chère
  Dans le but de rendre plus attractive la participation aux enchères pour l´éolien terrestre et le photovoltaïque, le Parlement a donné mi-décembre 2022 le feu vert pour une augmentation de la rémunération de référence. À partir de 2023 elle sera augmentée de 25% pour chaque filière, soit 73,50 €/MWh pour l´éolien terrestre, 112,50 €/MWh pour le photovoltaïque sur toiture, BNetzA 2022b, et 73,70 €/MWh pour le photovoltaïque au sol : BNetzA 2023f.
  C´est un revirement dans l´histoire de la transition énergétique : après plus de vingt ans de baisse constante du prix de l´électricité verte, elle augmente pour la première fois à partir de 2023. Après la suppression du soutien aux énergies renouvelables, EEG-Umlage, mi-2022, il n´est plus prélevé directement par le consommateur mais c´est l´État qui assure entièrement le financement.
   L´avenir nous dira si suffisamment d´investisseurs s´intéresseront maintenant aux enchères.

Relation entre puissance installée et production réalisée

  La figure 7 montre pour chaque filière la relation entre la puissance installée et la production réalisée en 2022 : BDEW 2022 ; AGEB 2022b. Les énergies renouvelables intermittentes, éolien et photovoltaïque, représentent presque deux tiers de la puissance nette totale installée. Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à un tiers seulement. Cela correspond à un facteur de charge moyen[1] d´environ 16%, sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très fluctuante au cours de l´année.

  1) Le facteur de charge est le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite par une unité de production sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance maximale durant la même période


Figure 7 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2022 : hors installations de stockage d´énergie

 À titre de comparaison, le nucléaire allemand, représentant environ 1,7% de la puissance installée, a produit 6% nets de l´électricité. Cela correspond à un facteur de charge moyen de plus de 92%.

Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022
  Grâce aux conditions météorologiques très favorables la production éolienne et photovoltaïque a augmenté en 2022 : voir tableau 1. La forte production éolienne en janvier et février 2022, voir figure 8, et le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année, voir figure 9, ont largement contribué à cette hausse : DWD 2022.

 

Figure 8 : fluctuation mensuelle de la production éolienne en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 : BDEW 2022

  Avec 2025 heures d´ensoleillement en 2022 en moyenne sur l´ensemble du pays, l´Allemagne a connu une année record. C´est près de 30 % de plus que la moyenne historique 1961 – 1990 : 1544 heures par an. Dans le sud-ouest du pays, l´ensoleillement a même dépassé les 2300 heures.
  En revanche la production hydroélectrique a reculé de plus de 13% par rapport à 2021 en raison de la sécheresse exceptionnelle. L´été 2022, le déficit de pluie atteint près de 40% par rapport à la moyenne historique : DWD 2022.

 

Figure 9 : fluctuation mensuelle de la production photovoltaïque et hydroélectrique en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 : BDEW 2022

  Outre de nombreux épisodes de faible production éolienne et photovoltaïque au cours de l´année, une forte variabilité inter-saisonnière et interannuelle des sources renouvelables intermittentes a été à nouveau mise en évidence en 2022.

Échanges transfrontaliers d´électricité
  Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.
  Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché day-ahead de chaque pays sont le résultat de cette interaction.
  Le solde exportateur d´électricité de l´Allemagne augmente à presque 27 TWh, 2021 : ~19 TWh, en hausse pour la première fois depuis 2017 : AGEB 2022b. Les importations marquent une légère baisse à 49 TWh tandis que les exportations augmentent d´environ 7% à 75 TWh. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe.
  C´est vers l´Autriche que le solde exportateur a été le plus important, mais c´est surtout vers la Suisse et la France que les exportations ont augmenté, tandis que les importations ont augmenté en provenance du Danemark, de la Norvège et de la Suède.

Figure 10 : solde des échanges transfrontaliers d´électricité en TWh

   Le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021. Principalement en raison de la faible disponibilité des centrales nucléaires françaises en 2022 selon l´Agence Fédérale des Réseaux : BNetzA 2023a.

(...)

Émissions de gaz à effet de serre
  Sevrée du gaz russe dont l´Allemagne était fortement dépendante, le recours accru au charbon et au pétrole pour remplacer le gaz naturel a contrecarré les objectifs climatiques en 2022. Les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation d´énergie primaire de presque 5% : voir plus haut.
  Les émissions de gaz à effet de serre se situent selon les estimations provisoires à 758 ± 3 Mt CO2éq, 2021 : 759 Mt CO2éq, selon (AGEB 2022a ; Agora Energiewende 2023. L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, risque d´être manqué.   L´Allemagne prend du retard sur ses ambitions d´une réduction de 65% d´émissions de gaz à effet de serre d´ici 2030 par rapport à 1990.
  Le secteur de l´énergie enregistre une hausse des émissions d´environ 5% pour atteindre 260 Mt CO2éq : 2021 : 245 Mt CO2éq. Il manque de peu sa cible sectorielle de 2022, fixée à 257 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.
  Les émissions CO2 liées à la production d´électricité sont avec ~ 224 Mt CO2éq : 2021 : 213 Mt CO2éq, la raison principale pour l´augmentation des émissions du secteur de l´énergie. L´intensité carbone est estimée à 0,41 kg CO2éq /kWh, 2021 : 0,38 kg CO2éq /kWh, selon BDEW 2022. En cause le recours accru aux centrales à charbon qui a partiellement compensé le recul de la production nucléaire, arrêt de 4 GW fin 2021, et de la production à partir du gaz. En revanche la hausse des émissions a été atténuée par l´augmentation de la production renouvelable.
  Pour les objectifs climatiques conformément à la loi sur la protection du climat, c´est le secteur de l´énergie et non pas le secteur électrique qui est déterminant. Outre les émissions de la production d´électricité, le secteur de l´énergie comprend les émissions du chauffage urbain, des raffineries et les émissions diffuses, par exemple des gazoducs.
  Dans le secteur de l´industrie, les émissions ont baissé d´environ 11 Mt CO2éq, soit environ 6% par rapport à l´année précédente : 2021 : 184 Mt CO2éq. Les prix élevés du gaz naturel dans plusieurs secteurs industriels ont été déterminants pour le bilan des émissions. Avec environ 173 Mt CO2éq, le secteur se situe en dessous de la limite fixée par la Loi sur la Protection du Climat : 177 Mt CO2éq.
  En revanche, les objectifs sectoriels fixés pour 2022 n´ont pas été atteints dans les secteurs du bâtiment et des transports.
   Pour le secteur du bâtiment c´est la troisième fois consécutive. Bien que les émissions dans ce secteur aient reculé à 113 Mt CO2éq, 2021 : 118 Mt CO2éq, l´objectif sectoriel de 108 Mt CO2éq pour 2022 a été légèrement dépassé. La baisse des émissions est essentiellement due à des effets météorologiques et à la réduction temporaire de la consommation du gaz naturel et n´est donc pas durable.
  L´objectif fixé pour le secteur des transports de 139 Mt n´a pas été atteint en 2022. Le secteur a émis 150 Mt CO2éq soit 3 Mt de plus qu´en 2021 : 147 Mt CO2éq. Encore influencée en 2020 et 2021 par des activités économiques réduites en raison de la Covid-19, l´augmentation des émissions en 2022 s´explique principalement par une normalisation du trafic routier et ferroviaire.
  La figure 12 montre l´évolution entre 2010 et 2022 des émissions allemandes de gaz à effet de serre contenues dans le « panier de Kyoto » en millions de tonnes de CO2éq par an et les objectifs de 2030 selon la Loi sur la Protection du Climat. Source des valeurs : AGEB 2022a ; Agora Energiewende 2023 ; BDEW 2022 ; UBA 2023.

 Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an, hors secteur des terres et forêts – UTCATF, et objectif 2030

  Pour atteindre les objectifs de 2030, il faudra désormais réduire les émissions de 58% dans les huit prochaines années. Entre 2010 et 2022 la réduction des émissions de gaz à effet de serre était inférieure à 20% malgré des investissements importants dans les énergies renouvelables.
  Suite à la réactivation des centrales à houille et lignite au moins jusqu´à fin mars 2024, conjuguée à l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires, une production d´environ 30 TWh bas carbone, mi avril 2023, l´espérance d´une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2023 s´amenuise.

Évolution des prix sur le marché de gros de l´électricité

  En 2022, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne a plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020 : BNetzA 2023a ; FFE 2023.
  Dès septembre 2021, le prix sur le marché de gros de l´électricité avait augmenté. Cette tendance s´est poursuivie et s´est renforcée suite à la guerre en Ukraine.
  La hausse du prix est liée à plusieurs facteurs : la flambée du coût des quotas de CO2, le prix moyen a augmenté d´environ 50% en 2022 par rapport à 2021, mais aussi la forte montée du prix de gros du gaz naturel.
  L´évolution du prix du gaz en 2022 a été largement tributaire de la politique russe de livraison de gaz vers l´Allemagne et l´Europe. Les réactions du marché n´ont pas toujours été rationnelles.
  Ainsi, début mars, le prix de gros du gaz a connu un premier pic à 220 €/MWh. Par rapport au prix moyen d´un peu plus de 24 €/MWh entre 2019 et 2021, cela représente presque un décuplement du prix. Au cours des mois suivants, les livraisons de gaz russe ont été réduites à de nombreuses reprises, pour finalement être totalement interrompues début septembre 2022. Le prix de gros du gaz atteint son plus haut niveau fin août avec 316 €/MWh, BNetzA 2023e, ce qui a également entraîné le prix de l´électricité le plus élevé de l´année, cf. figure 13 et tableau 3.
  En conséquence, l´avantage en termes de coûts des centrales à gaz, résultant de leur besoin moindre en certificats de CO2, a été masqué par l´envolée des prix du gaz et a augmenté leurs coûts marginaux de production selon le bureau d´études FfE : Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH. La hausse du prix du gaz s´est donc répercutée sur celui de l´électricité, figure 13, car, selon la logique du « merit order », le prix de gros de l´électricité est déterminé par les coûts marginaux de la dernière centrale appelée pour assurer l´équilibre entre l´offre et la demande : FFE 2023.
  En revanche, les coûts marginaux des centrales à gaz ne fixent pas à tout moment le prix journalier de gros de l´électricité. D´autres filières de production peuvent aussi influencer la logique du « merit order. » En particulier, l´influence des énergies renouvelables intermittentes, éolienne et photovoltaïque, n´est pas négligeable avec des prix très faibles, voire négatifs, sur le marché. Par exemple, fin décembre 2022, lors d´une forte production éolienne et d´une faible demande d´électricité, le prix journalier de l´électricité sur le marché de gros a été nettement inférieur aux coûts marginaux des centrales à gaz, cf. figure 13.

 Figure 13 : évolution des coûts marginaux des centrales à gaz, rendement de 40 à 60%, et des centrales à houille, rendement de 35 à 45%, résultant des prix des combustibles et du prix du CO2, par rapport au prix journalier sur le marché de gros de l´électricité en 2022

  Le prix de gros moyen a dépassé les 300 €/MWh en juillet et en septembre et a même atteint 465,18 euros/MWh en août : BNetzA 2023a. À partir d´octobre 2022, le prix de gros moyen a de nouveau baissé en raison d´une consommation d´électricité en baisse. De plus, les énergies renouvelables ont contribué pour une part plus importante à la production totale et, au dernier trimestre 2022, plusieurs centrales au charbon ont été réactivées sur le marché, augmentant ainsi l´offre sur le marché de gros.
  La figure 14 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers, dit « day-ahead », sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg : BNetzA 2023a.

 

Figure 14 : moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

  Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2022, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg selon BNetzA 2023a.
  En 2022, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 29 août entre 19h et 20h avec 871,00 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables intermittente, rendant nécessaires une production conventionnelle accrue et une importation nette de l´ordre de 5 GW.
  Le prix de gros le plus bas a été enregistré avec – 19,04 €/MWh le dimanche 20 mars 2022 entre 13h et 14h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a couvert presque entièrement la consommation. De plus, l´Allemagne a exporté 15 GW nets.

 

Tableau 3 : moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg

  Bien que le volume négocié sur les bourses ne représente qu´une fraction du volume total des échanges commerciaux, les marchés journalier, day-ahead, de l´EPEX SPOT pour une livraison d´électricité le jour suivant sont considérés comme un indicateur des prix. Une fourchette de prix de -500 €/MWh à 4 000 €/MWh est définie pour le négoce « day-ahead » : EPEX SPOT 2022.

Épisodes de prix négatifs au marché journalier
  Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.
  En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatifs a battu un record avec 298.
  Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatifs a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité.
  En 2022, il n´y eu que 69 heures de prix négatifs, cf. figure 15. Durant ces heures, le prix négatif moyen de -2 €/MWh était nettement plus faible que les années précédentes, où il se situait autour de -15 €/MWh : FFE 2023.

Figure 15 : pas horaires à prix négatifs par trimestre sur le marché journalier entre 2019 et 2022 : BNetzA 2023a

  Alors que les exploitants d´une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations.
  La réglementation en vigueur depuis 2017 prévoit la suspension de la rémunération si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins six heures sans interruption pour les éoliennes > 3 MW et les autres installations d´énergies renouvelables > 500 kW mises en service à partir de 2016.  Dans ce cas les exploitants ne recevront plus le complément de rémunération rétroactivement à partir de la première heure de prix négatif.
  Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021, EEG 2021, la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW, exception faite des éoliennes pilotes, intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.
  Selon le bureau d´études FfE la valeur du marché des prix négatifs est estimée à environ 580 M€ pour la période de 2017 à 2021, FFE 2022, soit environ 116 M€ par an en moyenne. Ce montant est dérisoire par rapport au montant annuel global d´électricité négocié à la bourse.

(...)

  Pour consulter l'article en entier, c'est ICI

DOCUMENTS CONCERNANT LES RELATIONS GERMANO-POLONAISES ET LE DÉBUT DES HOSTILITÉS ENTRE LA GRANDE-BRETAGNE ET L'ALLEMAGNE LE 3 SEPTEMBRE 1939, ÉPISODE XVII

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  Mon télégramme à Berlin donne le texte de la réponse du Gouvernement de Sa Majesté à la communication allemande qui vous a été également transmise.
  2. Prière de la communiquer à M. Beck. Ce faisant vous voudrez bien indiquer que si la première partie de la réponse du Gouvernement allemand constitue une présentation indéfendable et fallacieuse de la cause allemande, la partie réellement importante de la réponse consiste en l'acceptation par l'Allemagne de la proposition visant une discussion directe, et de la garantie internationale suggérée, aussi bien que dans l'affirmation que l'Allemagne entend respecter les intérêts vitaux de la Pologne.
  3. Il est peut-être inutile, en ce moment, de relever bien des choses qui se trouvent dans la réponse allemande et que le Gouvernement de Sa Majesté critiquerait tout autant que, sans aucun doute, le Gouvernement polonais, mais le Gouvernement de Sa Majesté a fait une réserve expresse en ce qui concerne la présentation des demandes particulières contenues dans la note allemande. Le point qui semblait exiger un commentaire immédiat, est soulevé par la demande allemande qu'un représentant polonais arrivât à Berlin aujourd'hui même. M. Beck constatera l'attitude que nous avons prise sur ce point : mon télégramme à Berlin ; une autre allusion a été faite à ce sujet dans notre réponse à la dernière communication du Gouvernement allemand. Le Gouvernement allemand rédige en ce moment des propositions en vue d'une solution, et les décisions sur la procédure à suivre, sur l'endroit et les conditions de la discussion, devront être prises à la lumière de ces propositions et d'autres circonstances.
  4. M. Beck verra par la réponse du Gouvernement de Sa Majesté que la proposition a été faite de suspendre les préparatifs militaires pendant les pourparlers, et le Gouvernement de Sa Majesté espère sincèrement que le Gouvernement polonais n'y verra point d'objection.
  5. Le Gouvernement de Sa Majesté serait heureux d'apprendre d'urgence les vues du Gouvernement polonais. Étant donné le fait que le Gouvernement polonais a autorisé le Gouvernement de Sa Majesté à dire qu'il était prêt à entrer en pourparlers directs avec le Gouvernement allemand, le Gouvernement de Sa Majesté espère que, pourvu qu'une méthode et des dispositions générales pour ces discussions puissent être déterminées de façon satisfaisante, le Gouvernement polonais sera prêt à s'y conformer sans délai. Nous considérons comme de la plus haute importance, du point de vue de la situation intérieure en Allemagne et de l'opinion mondiale, qu'aussi longtemps que le Gouvernement allemand professera qu'il est prêt à négocier, nulle occasion ne lui soit fournie pour faire incomber à la Pologne la responsabilité morale d'un conflit.
  6. Vous aurez, naturellement, à insister sur le point que le Gouvernement de Sa Majesté a déclaré de la façon la plus nette à Herr Hitler qu'il était irrévocablement résolu à remplir sans réserve ses obligations. À cet égard, il n'y a pas de malentendu à Berlin. La situation du Gouvernement polonais est très différente de celle qui était la sienne au mois de mars dernier, puisqu'il est soutenu aujourd'hui à la fois par une garantie britannique directe, et par la promesse d'une participation britannique à la garantie de tout accord qui pourrait être réalisé sur les bases que nous avons indiquées ; les pourparlers se poursuivraient donc en présence de ces réalités.

N° 9I

Sir N. Henderson au Vicomte Halifax, reçu à 2 h. 45 du matin, le 3I août ; Berlin, 30 août I939


Télégramme

  J'ai informé cette nuit, Herr von Ribbentrop du conseil transmis au Gouvernement polonais par votre télégramme à Varsovie du 30 août.
  2. Pratiquement, son seul commentaire fut que toutes les provocations venaient du côté de la Pologne. J'ai fait observer que le Gouvernement de Sa Majesté avait constamment averti le Gouvernement polonais de s'opposer vigoureusement à tout acte de provocation, et que j'avais des raisons de croire que les articles de la presse allemande à ce sujet étaient grandement exagérés. Herr von Ribbentrop répondit que les conseils du Gouvernement de Sa Majesté avaient eu, sacredieu, " verflucht ", peu d'effet. J'ai doucement répliqué que j'étais surpris d'entendre un pareil langage dans la bouche d'un ministre des Affaire étrangères.

N° 92

Sir N. Henderson au Vicomte Halifax, reçu à 9 h. 30 du matin, le 3I août 1939 ; Berlin, le 30 août I939


Télégramme

  J'ai dit ce soir à Herr von Ribbentrop que le Gouvernement de Sa Majesté estimait difficile de conseiller au Gouvernement polonais d'accepter la procédure esquissée dans la réponse allemande, et j'ai suggéré qu'il prit un contact normal, c'est-à-dire qu'il invitât, dès que les propositions allemandes seraient prêtes, l'Ambassadeur polonais à lui rendre visite et qu'il lui remit ces propositions pour transmission à son Gouvernement, en vue d'une ouverture immédiate de négociations. J'ai ajouté que si leur base ouvrait des perspectives d'arrangement, l'on pouvait compter que le Gouvernement de Sa Majesté ferait de son mieux à Varsovie pour que l'on acceptât de négocier.
  2. En réponse, Herr von Ribbentrop produisit un document d'une certaine longueur, qu'il me lut à haute voix, en Allemand, et à toute vitesse. Croyant qu'il me le remettrait à un moment donné, je n'essayai pas de suivre avec trop d'attention les I6 articles au moins qui en formaient la substance. Bien que je ne puisse donc pas en garantir l'exactitude absolue, les points principaux en étaient : restitution de Dantzig à l'Allemagne ; établissement de la frontière sud du Corridor sur la ligne Marienwerder, Graudenz, Bromberg, Schönlanke ; plébiscite organisé dans le Corridor sur la base de la population au Ier janvier I9I9, la décision appartenant à la majorité absolue ; formation d'une Commission internationale comprenant des membres britanniques, français, italiens et russes, pour organiser la police dans le Corridor et garantir les communications réciproques entre Dantzig et Gdynia, en attendant le résultat du plébiscite ; Gdynia réservé à la Pologne, Dantzig devant être une ville purement commerciale et démilitarisée.

Graudenz, Bromberg, Schönlanke ; "...Avec la création du corridor polonais en 1919, la ligne de l'Ostbahn [Chemin de fer de l'Est] devint une importante liaison de transit entre la Prusse orientale, devenue une enclave, et le reste de l'Allemagne... " Source

  3. Quand j'ai demandé à Herr von Ribbentrop de me remettre le texte de ces propositions, en conformité avec l'engagement contenu dans la réponse allemande d'hier, il affirma qu'il était maintenant trop tard, étant donné que le représentant polonais n'était pas arrivé à Berlin à minuit.
  4. J'ai fait observer que cette façon de procéder signifiait que l'exigence visant l'arrivée à Berlin, le 30 août, d'un représentant polonais, avait en fait constitué un ultimatum, en dépit des assurances que lui et Herr Hitler m'avaient donné hier. Il le nia, disant que l'idée d'un ultimatum était une fiction de mon imagination. Pourquoi, demandai-je alors, ne pouvait-il pas adopter une procédure normale, me remettre copie des propositions et demander à l'Ambassadeur de Pologne de lui rendre visite, tout comme Herr Hitler m'avait convoqué il y a quelques jours, et lui remettre alors ces propositions pour communication au Gouvernement polonais? Dans les termes les plus violents, Herr von Ribbentrop répondit qu'il ne demanderait jamais à l'Ambassadeur de lui rendre visite. Il indiqua que si l'Ambassadeur de Pologne sollicitait de lui une entrevue, les choses pourraient changer d'aspect. Je répondis que, naturellement, j'informerais immédiatement mon Gouvernement dans ce sens. Sur ce, il dit que c'était là son opinion personnelle, mais qu'il porterait tout ce que j'avais dit à la connaissance de Herr Hitler. C'était au Chancelier qu'appartenait la décision.
  5. Nous nous sommes séparés sur cette note, mais je dois vous dire qu'au cours de cet entretien déplaisant, toute la conduite de Herr von Ribbentrop singeait celle de Herr Hitler dans ses pires moments. Incidemment, il tempêta contre la mobilisation polonaise, mais je répliquai qu'elle n'était guère surprenante, puisque l'Allemagne avait elle aussi mobilisé, ainsi que Herr Hitler lui-même l'avait admis hier devant moi.

Sir N. Henderson, coiffé d'un chapeau et Herr von Ribbentrop

N° 93

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax, reçu à 8 h. du matin, Varsovie, 3I août I939


Télégramme

  J'ai communiqué à M. Beck la réponse du Gouvernement de Sa Majesté à Herr Hitler, en la commentant dans le sens de votre télégramme du 30 août.M. Beck déclara qu'avant de me donner une réponse définitive, il lui faudrait consulter son Gouvernement, mais qu'il pouvait me dire immédiatement qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour faciliter les efforts du Gouvernement de Sa Majesté, efforts qu'il appréciait hautement. Je pense qu'il était grandement soulagé d'apprendre que le Gouvernement de Sa Majesté n'avait en aucune façon pris ses engagements en ce qui concerne les demandes formulées par le Gouvernement allemand, et il comprenait pleinement l'importance essentielle que le Gouvernement de Sa Majesté attache à la nécessité de ne fournir au Gouvernement allemand aucune occasion de rejeter sur la Pologne la responsabilité morale d'un refus quelconque à entrer en négociations directes.
  2. Il m'a promis de me transmettre demain à midi, c'est à dire le 3I août, la réponse formelle de son Gouvernement.
  3. J'ai saisi l'occasion pour insister de nouveau auprès de lui sur la nécessité d'éviter entre temps des incidents, et je lui ai demandé s'il s'en était produit récemment. Il me répondit qu'il venait d'apprendre qu'il y avait eu une rencontre entre des forces allemandes et polonaises, mais que pour autant qu'il fût informé présentement, il ne croyait pas qu'il s'agit d'autre chose qu'un échange de coups de feu, sans pertes sérieuses.

N° 94

Le Vicomte Halifax à Sir H. Kennard, à Varsovie ; Foreign Office, 3I août I939, midi


Télégramme

  Veuillez vous concerter avec votre collègue français pour suggérer au Gouvernement polonais qu'il devrait dès maintenant faire savoir au Gouvernement allemand, par préférence de façon directe et sinon par nous, qu'il a eu connaissance de notre dernière réponse au Gouvernement allemand, et qu'il confirme son acceptation du principe de négociations directes.
  Le Gouvernement français craint que le Gouvernement allemand ne fasse son profit d'un silence de la part du Gouvernement polonais.

N° 95

Le Vicomte Halifax à Sir H. Kennard, à Varsovie ; Foreign Office, 3I août I939, I h. 45 de l'après-midi


Télégramme

  Télégramme de Berlin du 30 août, N° 92
  Prière d'informer immédiatement Gouvernement polonais et lui conseiller, compte tenu du fait qu'il accepté principe de discussions directes, d'informer immédiatement Ambassadeur de Pologne à Berlin de dire au Gouvernement allemand que si ce dernier avait quelques propositions à faire, il était prêt à les transmettre à son Gouvernement, de façon à ce qu'il puisse les étudier
immédiatement et faire des suggestions pour ouverture rapide des pourparlers.

N° 96

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax, reçu à 7 H. I5 de l'après-midi, Varsovie, 3I août I939


Télégramme

  Mon télégramme du 3I août
  M. Beck vient de me remettre par écrit la réponse polonaise à ma démarche de la nuit dernière, c'est-à-dire de la nuit du 30 au 3I août. Il a demandé de façon particulière de la considérer comme des plus confidentielles.
  2. J'ai demandé à M. Beck quelles mesures il comptait prendre pour établir le contact avec le Gouvernement allemand. Il me dit qu'il donnerait maintenant des instructions à M. Lipski de demander un entretien, soit au Ministre des Affaires étrangères, soit au Secrétaire d'État, pour lui dire que la Pologne avait accepté les propositions britanniques. J'ai insisté pour qu'il le fît sans aucun délai.
  3. Je lui demandai ensuite quelle attitude l'Ambassadeur de Pologne adopterait si Herr von Ribbentrop, ou le personnage qu'il verrait, lui remettait les propositions allemandes. Il me répondit que M. Lipski ne serait pas autorisé à accepter un document de cette nature, étant donné qu'à la lumière des expériences du passé, il se pourrait qu'il fût accompagné de quelque sorte d'ultimatum. À mon avis, il était essentiel, avant tout, d'établir le contact pour discuter en détail où, avec qui, et sur quelles bases les négociations devraient commencer.
  4. En ce qui concerne Dantzig, il indiqua que la situation y devenait extrêmement sérieuse [ " À 21 h. 55, le 31 août 1939, l’ambassadeur de France à Varsovie, Léon Noël écrit à Georges Bonnet, le ministre français des Affaires étrangères : « À la suite des événements de ces derniers jours à Dantzig, les Polonais se voient dépouillés provisoirement de toutes leurs prérogatives, à l’exception de leur participation à l’administration du port qui jusqu’ici n’a pas été directement atteinte. Les chemins de fer leur échappent, la gare de Dantzig a été occupée par les hitlériens, les trains ont été réquisitionnés. La sécurité des citoyens polonais n’est plus assurée. La Gestapo a arrêté deux fonctionnaires, venus négocier avec les représentants du Sénat à propos de l’approvisionnement de Dantzig et de la circulation des trains de voyageurs. Tous ces faits sont relatés par la presse polonaise qui a la prudence de ne pas insister. La presse a visiblement reçu des instructions en vue d’éviter de fixer l’attention publique sur cette question. Tous ces faits figurent en général, au même titre que les incidents de frontière et les actes de terrorisme, dans la rubrique des provocations allemandes ». De son côté, l’ambassadeur de France à Berlin, Roger Coulondre adresse par téléphone ce message qui est réceptionné au Quai d’Orsay le 31 août à 23 h. 15 : « J’ai été convoqué à 21 h. 25 chez le secrétaire d’État qui m’a fait la communication suivante : « Je suis chargé par mon Gouvernement de vous remettre pour l’orientation du Gouvernement français, les deux documents que voici : Il s’agit des propositions lues dans la soirée du 30 août par M. de Ribbentrop à Sir Neville Henderson et que la radio allemande diffusait le 31, à 21 heures, en indiquant que le Gouvernement du Reich les considérait comme refusées. Le premier est un communiqué à la presse. Le second est un projet allemand pour le règlement de la question de Dantzig et du Corridor et du problème germano-polonais des minorités. En recevant ces documents, j’ai pris acte qu’ils m’étaient communiqués pour information et indiqué que c’était à ce titre que je le transmettrais à mon Gouvernement. Mon collègue britannique a reçu la même communication à 21 h. 15″. À 23 h. 30, Roger Coulondre téléphone un nouveau message : » Nous nous trouvons en présence d’une nouvelle manœuvre pour faire apparaître la Pologne comme se dérobant à toute tentative de solution pacifique. Pour déjouer cette manœuvre et mettre en lumière le procédé, il suffit de faire ressortir que, malgré le ton de la note allemande, les conditions qui y étaient inscrites et la forme d’ultimatum qu’elle revêtait, le Gouvernement polonais n’a pas cherché à éluder la conversation, mais y a au contraire donné son accord de principe dans la communication qu’il a fait faire par M. Lipski à M. de Ribbentrop » ; source] Les fonctionnaires polonais étaient arrêtés, le trafic ferroviaire suspendu, et il pensait qu'il était essentiel de prendre des mesures immédiates, de façon à réaliser un modus vivendi dont le résultat serait la mise en liberté des personnes arrêtées et la reprise du trafic ferroviaire. Je lui ai suggéré que M. Burckhardt pourrait être à même de le réaliser.
  5. Il me confirma qu'aucun autre incident sérieux n'était survenu, mais déclara qu'il craignait en ce qui concerne n'importe quelle négociation, il lui faudrait en appeler à l'intervention du Gouvernement de Sa Majesté.
  6. Il ajouta que s'il était invité à se rendre à Berlin, il n'irait certainement pas, étant donné qu'il n'avait pas la moindre intention de se laisser traiter comme le président Hacha [voir l'Accord de Munich, septembre I938].

N° 97

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax, reçu à 6 h. 30 de l'après-midi, Varsovie, 3I août I939


Télégramme

  Ci-dessous texte de la réponse de la Pologne, datée du 3I août I939
  " I. Le Gouvernement polonais confirme qu'il est prêt, ainsi qu'il l'a déjà indiqué auparavant, à un échange de vues direct avec le Gouvernement allemand sur la base proposée par le Gouvernement britannique, et communiquée à moi par le télégramme de Lord Halifax du 28 août, adressé à l'Ambassadeur de Grande-Bretagne à Varsovie : télégramme communiquant l'essentiel du N° 74.
  2. Le Gouvernement polonais est également prêt à donner, sur une base de réciprocité, les garanties formelles que dans le cas de l'ouverture des négociations, les troupes polonaises ne violeront pas la frontière du Reich allemand, pourvu qu'une garantie correspondante soit donnée pour la non-violation des frontières de la Pologne par des troupes du Reich allemand.
  3. Dans la situation actuelle, il est également essentiel de créer un modus vivendi simple et provisoire dans la Ville Libre de Dantzig.
  4. En ce qui concerne les suggestions communiquées au Gouvernement polonais le 28 août, par le truchement de l'Ambassadeur de la Grande-Bretagne à Varsovie, il serait nécessaire de donner une explication de ce que le Gouvernement britannique entend par " garantie internationale nécessaire " en ce qui concerne les relations entre la Pologne et le Reich allemand. Faute d'une réponse sur cette question essentielle, le Gouvernement polonais est obligé de pleinement réserver son attitude en cette question jusqu'au moment où des explications complètes auront été reçues.
  5. Le Gouvernement polonais exprime l'espoir que, dans le cas où des pourparlers s'ouvriraient avec le Reich allemand, il pourrait continuer à en appeler aux bons offices du Gouvernement de Sa Majesté.
"

N° 98

Message communiqué à l'Ambassadeur de Sa Majesté à Berlin, par le Secrétaire d'État, le 3I août I939, à 9 h. I5 du soir


   Le Gouvernement de Sa Majesté s'est déclaré prêt, dans sa note du 28 août I939 au Gouvernement allemand, à offrir sa médiation en vue de négociations directes entre l'Allemagne et la Pologne sur les problèmes litigieux. Le Gouvernement britannique a montré clairement qu'il se rendait compte, de son côté, en présence des incidents continuels et de la tension générale en Europe, de l'urgence de cette manière de procéder. Dans sa réponse du 29 août I939, le Gouvernement allemand, malgré son scepticisme quand à la volonté du Gouvernement polonais au sujet d'une entente en général, s'est déclaré prêt, dans l'intérêt de la paix, à accepter la médiation ou la suggestion britannique. Le Gouvernement allemand, tenant compte de toutes les circonstances actuelles, à jugé nécessaire de faire remarquer dans sa note, que pour éviter une catastrophe, il fallait, en tout état de cause, agir vite et sans retard. Dans ce sens, il s'est déclaré prêt à recevoir jusqu’au 30 août I939 au soir un émissaire du Gouvernement polonais, à condition que cet émissaire fût vraiment muni de pouvoirs non pas seulement pour discuter, mais aussi pour mener des négociations et conclure.
  En outre, le Gouvernement allemand a laissé entendre qu'il croyait pouvoir, en attendant l'arrivée de ce négociateur à Berlin, communiquer également au Gouvernement britannique les bases de cette offre d'accord.
  Au lieu d'une déclaration sur l'arrivée d'une personnalité polonaise autorisée, le Gouvernement du Reich, comme réponse aux dispositions qu'il avait manifestées en vue d'un accord, a reçu tout d'abord la nouvelle de la mobilisation polonaise et, seulement le 30 août I939 vers minuit, une assurance rédigée en termes plutôt généraux, que le Gouvernement britannique était, de son côté, prêt à favoriser l'ouverture de négociations.
  Bien que, par l'absence du négociateur polonais attendu par le Gouvernement du Reich, la condition posée pour faire connaître aussi au Gouvernement de Sa Majesté la conception du Gouvernement allemand sur des bases possibles de négociation ne se trouvât pas remplie, mais considérant d'autre part que le Gouvernement de Sa Majesté avait lui-même plaidé en faveur de négociations directes entre l'Allemagne et la Pologne, le Ministre des Affaires étrangères du Reich von Ribbentrop, a donné à l'Ambassadeur de Grande-Bretagne, à l'occasion de la remise de la dernière note britannique, connaissance exacte du texte des propositions allemandes comme prévues comme base de négociations pour le cas de l'arrivée du plénipotentiaire polonais.
  Le Gouvernement du Reich allemand croyait que, dans ces conditions, il était en droit de s'attendre à la désignation immédiate d'une personnalité polonaise, tout au moins rétroactivement.
  On ne peut pas, en effet, exiger du Gouvernement allemand de confirmer toujours son accord en vue de l'ouverture de tels pourparlers et de se tenir prêt dans l'attente, tandis que du côté polonais, on ne procède que par subterfuges et des échappatoires vides de sens.
  Il ressort à nouveau d'une démarche faite entre temps par l'Ambassadeur de Pologne que celui-ci non plus n'est pas autorisé à discuter, ni même à négocier.
  Ainsi, le Führer et le Gouvernement allemand ont attendu vainement pendant deux jours l'arrivée d'un plénipotentiaire polonais.
  Dans ces conditions, le Gouvernement allemand estime que, cette fois encore, ses propositions sont pratiquement repoussées, bien qu'il soit d'avis que ses propositions, dans la forme où elles sont portées à la connaissance du Gouvernement britannique, aient été plus que loyales, honnêtes et exécutables.
  Le Gouvernement du Reich estime opportun de faire connaître à l'opinion publique ces bases de négociations qui ont été communiquées par le Ministre des Affaires étrangères von Ribbentrop, à l'Ambassadeur de Grande-Bretagne.
  La situation entre le Reich allemand et la Pologne est aujourd'hui telle que tout nouvel incident peut conduire à une explosion des forces militaires respectives en position. ["... Le 31 août, en constatant que Lipski n'a reçu aucun pouvoir de négocier la cession de Dantzig, Hitler adresse un ultimatum à la Pologne et ordonne en secret le déclenchement de « l’opération Himmler ». Car, même un dictateur a besoin d'un prétexte pour déclencher une guerre ! Le plan a été conçu au début de l'été, par Heinrich Himmler et Heinrich Müller, chef de la Gestapo. Il est simple : le 31 août, à 20 h. 00 après avoir reçu l'ordre codé : Großmutter ist gestorben, " Grand-mère est morte ", Alfred Naujocks [alias Hans Mueller, alias Alfred Bonsen, ou Rudolf Möbert, 1911-1966 ; SS-Sturmbannfuhrer, major, en octobre 1944, il est fait prisonnier ou il se rend? par les Américains dans les Ardennes ; en 1946, il réussit à s'évader du camp. Jusqu'à sa mort à Hambourg, il vivra tranquillement dans cette ville] et un commando de SS déguisés en soldats polonais attaquent la station radio de Gleiwtiz/Gliwice, ville frontalière, située du côté allemand, connue pour sa tour émettrice en mélèze de 111 m. de haut. Après avoir ligoté les techniciens et tiré en l'air, ils diffusent un court message, interrompu par une mauvaise manipulation : « Attention ! Ici Gliwice. Le poste de radio est en mains polonaises. » Puis, ils se retirent en laissant derrière eux les cadavres de 12 déportés de Mathausen vêtus en Polonais, préalablement tués par injection de poison, et de Franciszek Honiok [1896-1939, fermier et vendeur de matériel agricole] un Silésien connu pour ses activités anti-allemandes, arrêté la veille par la Gestapo ; drogué et traîné sur les lieux du forfait, il fut exécuté par balle, lors de l'opération. Ce furent les premières victimes de la guerre... " ; source]

Alfred Naujocks : photo d'identité prise par l'armée américaine après la désertion? de Naujocks au profit des forces américaines le 19 octobre 1944. Crédit photo : U.S. National Archives and Records Administration

  Toute solution pacifique doit être de telle nature, qu'à la prochaine occasion les évènements qui ont causé cet état de chose ne puissent pas se renouveler et que la même tension ne puisse pas s'étendre, non seulement à l' Est de l'Europe, mais à d'autres territoires.
  Les causes initiales de cette évolution résident :
  I° Dans l'impossible délimitation de frontières, telle qu'elle a été faite par le diktat de Versailles ;
  2° Dans le traitement impossible de la minorité dans les territoires cédés.
  Dans ses propositions, le Gouvernement du Reich allemand part de l'idée de trouver une solution définitive qui mette fin à cette situation impossible du tracé de la frontière, qui assure aux deux parties leurs voies de communication d'importance vitale, qui supprime autant que cela est possible le problème des minorités et qui, pour autant que cela n'est pas possible, puise donner aux minorités l'assurance d'un avenir tolérable par une sûre garantie de leurs droits.
  Le Gouvernement du Reich est convaincu qu'il est nécessaire pour cela d'établir les dommages économiques et physiques occasionnés depuis I9I8 et de les réparer complètement. Il considère naturellement que cette obligation doit s'appliquer aux deux parties.
  Partant de ces considérations, il fait les propositions pratiques suivantes :
  I° En vertu de son caractère purement allemand, ainsi que la volonté unanime de sa population, la Ville Libre de Dantzig revient au Reich allemand ;
  2° Le territoire du soi-disant " Corridor " qui va de la mer Baltique jusqu'à la ligne Marienwerder-Graudenz-Kulm-Bromberg, ces villes y compris, et ensuite jusqu'à environ à l'ouest de Schœnlanke, décidera lui-même de son appartenance à l'Allemagne ou à la Pologne ;
  3° Dans ce but, un plébiscite aura lieu sur le territoire. Participeront à ce plébiscite tous les Allemands qui habitaient ce territoire le Ier janvier I9I8 ou qui y étaient nés jusqu'à ce jour, de même que tous les Polonais habitant ce territoire ce même jour, ou qui y étaient nés jusqu'à ce jour. Il en est de même pour les Kachoubes [Slaves poméraniens établis à l'ouest de Gdańsk. ; Larousse], etc.
  Les Allemands expulsés de ce territoire y rentreront pour exercer leur droit de vote ; en vue de garantir un plébiscite objectif et d'assurer les préparatifs nécessaires, le territoire sus-indiqué sera placé, comme cela a eu lieu dans le territoire de la Sarre, sous la surveillance d'une Commission internationale à former immédiatement et où seront représentées les quatre grandes puissances : Italie, Union soviétique, France, Angleterre.
  Cette Commission exercera sur ce territoire tous les droits de la souveraineté. Dans ce but, ce territoire sera, dans un délai le plus bref possible, à fixer, évacué par l'armée polonaise, par la police polonaise et par les autorités polonaises ;
  4° Est exclu de ce territoire, le port polonais de Gdynia, qui est, en principe, territoire souverain polonais, pour autant qu'il se limite territorialement à l'établissement polonais. Les frontières exactes de ce port polonais seront à fixer par un accord entre l'Allemagne et la Pologne et, s'il le faut, par une Commission arbitrale internationale ;
  5° Afin de donner le temps nécessaire en vue de réaliser les vastes préparatifs d'un plébiscite équitable, ce plébiscite n'aura pas lieu avant un délai de douze mois ;
  6° Afin de garantir, pendant ce temps, à l'Allemagne, d'une façon illimitée, sa liaison avec la Prusse orientale, et à la Pologne sa communication avec la mer, des routes et des chemins de fer seront établis qui rendront possible un libre trafic de transit ;
  7° L'appartenance de ce territoire sera décidée à la simple majorité des voix émises ;
  8° Afin de garantir après le plébiscite — quel que soit le résultat — la sécurité des libres communications entre l'Allemagne et sa province de Dantzig-Prusse-orientale d'une part, et d'assurer à la Pologne sa communication avec la mer d'autre part, l'Allemagne recevra, au cas où le territoire plébiscitaire reviendrait à la Pologne, une zone de communication extraterritoriale, à peu près en direction de Bütow-Dantzig ou Dirschau, pour y établir une autostrade [de l'italien autostrada : autoroute] ainsi qu'une ligne de chemin ferroviaire à quatre voies.
  La construction de la route et du chemin de fer serait faite de manière que les voies de communications polonaises ne soient pas coupées par eux, c'est-à-dire que les croisements se feront soit par viaducs, soit par tunnels. La largeur de cette zone est fixée à un kilomètre et elle sera territoire allemand.
  Si le plébiscite se prononce en faveur de l'Allemagne, la Pologne recevra, pour la communication libre et sans restriction vers son port de Gdynia, les mêmes droits pour une communication extraterritoriale par route et par fer, comme les aurait reçus l'Allemagne ;
  9° En cas de retour du Corridor au Reich allemand, celui-ci se déclare disposé à faire avec la Pologne un échange d'habitants dans la mesure où le Corridor convient à cette fin ;
  I0° Les droits spéciaux demandés éventuellement par la Pologne dans le port de Dantzig seront négociés à parité avec les mêmes droits de l'Allemagne dans le port de Gdynia ;
  II° Pour supprimer dans ce territoire tout sentiment de menace de part et d'autre, les villes de Dantzig et de Gdynia recevraient le caractère de villes commerciales proprement dites, c'est-à-dire sans installations ou fortifications militaires ;
  I2° La presqu' île de Héla [Hel, en polonais], qui reviendrait à la Pologne ou à l'Allemagne, selon les résultats du plébiscite, serait également démilitarisée dans tous les cas ;

Fermant la baie de Gdansk, la presqu'île de Hel est en forme de croissant, 34 km de long pour, à peine, 500m de large ; elle est le point le plus au nord de la Pologne ; prise par l'armée allemande le 2 octobre 1939, elle devint un centre de formation majeur des équipages des sous-marins U-Boot de la Marine allemande : Kriegsmarine. Aujourd'hui, elle est un site très fréquenté par les touristes.

Crédit photo : © iStock/mariusz_prusaczyk

  I3° Du fait que le Gouvernement du Reich a à faire valoir les doléances les plus vives en ce qui concerne le traitement de la minorité allemande en Pologne et que le Gouvernement de la Pologne croit, de son côté, devoir faire des remontrances à l'Allemagne, les deux parties se déclarent d'accord pour soumettre ces plaintes à une Commission d'enquête de composition internationale qui aura pour tâche d'examiner toutes les plaintes relatives aux dommages économiques et physiques, ainsi qu'aux actions terroristes.
  L'Allemagne et la Pologne s'engagent à réparer tous les dommages économiques et autres éprouvés par les minorités respectives depuis I9I8, ainsi qu'à rapporter les expropriations suivant le cas, et à dédommager intégralement les victimes de toutes ingérences dans la vie économique de ce fait et d'autres faits ;
  I4° Afin de supprimer chez les Allemands établis en Pologne et chez les Polonais établis en Allemagne le sentiment d'être privés de droits internationaux, et pour leur donner l'assurance qu'ils ne pourront pas être forcés d'accomplir des actes ou des services incompatibles avec leur sentiment national, l'Allemagne et la Pologne conviennent de garantir les droits des minorités respectives par des accords les plus généraux et obligatoires pour assurer le maintien, le développement libre et l'activité de leur caractère ethnique : Volkstum. En particulier, les minorités seront autorisées à entretenir des organisations nécessaires à cet effet.
  Les deux parties s'engagent à ne pas soumettre les membres des minorités respectives au service militaire ;
  I5° En cas d'arrangement sur la base de ces propositions, l'Allemagne et la Pologne se déclarent disposées à ordonner et à exécuter la démobilisation immédiate de leurs forces armées ;
  I6° Les autres mesures requises en vue d'accélérer les accords ci-dessus seront prises d'un commun accord par l'Allemagne et la Pologne.

N° 99

Le Vicomte Halifax à Sir N. Henderson, Berlin ; Foreign Office, 3I août I939, II h. du soir


Télégramme

  Veuillez informer le Gouvernement allemand que nous croyons savoir que le Gouvernement polonais prend des mesures pour entrer en contact avec lui par l'Ambassadeur de Pologne à Berlin.
  Veuillez aussi lui demander s'il est d'accord sur la nécessité d'assurer immédiatement un modus vivendi provisoire en ce qui concerne Dantzig : nous avons déjà soumis ce point au Gouvernement allemand. Accepterait-il que Mr. Burckhardt pût être employé à cette fin, s'il était possible d'obtenir ses services?

N° I00

Le Vicomte Halifax à Sir H. Kennard, Varsovie ; Foreign Office, Ier septembre I939, minuit 50


Télégramme

  Vos télégrammes du 3I août :
  I. Je suis heureux d'apprendre que l'Ambassadeur de Pologne à Berlin a reçu des instructions d'établir le contact avec le Gouvernement allemand.
  2. Je suis pleinement d'accord sur la nécessité de discuter en détail les arrangements pour les négociations, ainsi que sur l'inopportunité d'une visite de M. Beck à Berlin.
  3. D'autre part, je ne vois pas les difficultés que découvre le Gouvernement polonais à autoriser l'Ambassadeur de Pologne à accepter un document du Gouvernement allemand, et j'espère sérieusement qu'il sera à même de modifier, sous ce rapport, les instructions qu'il lui a fait tenir. Aucun ultimatum n'était mentionné dans le rapport qui nous a été fourni au sujet des propositions allemandes, et la suggestion que la demande qu'un plénipotentiaire polonais fût présent à Berlin, le 30 août, équivalait à un ultimatum, a été, vigoureusement repoussé par Herr von Ribbentrop dans sa conversation avec l'Ambassadeur de Sa Majesté. Si le document contenait un ultimatum, le Gouvernement polonais refuserait évidemment de le discuter, jusqu'à ce que l'ultimatum fût retiré. D'un autre côté, tout refus de sa part de prendre connaissance des propositions, serait fort mal interprété par l'opinion étrangère.
  4. J'aurais pensé que l'Ambassadeur de Pologne aurait pu certainement recevoir des instructions pour accepter et transmettre un document, et pour dire
  a) que s'il contenait quoi que ce soit de la nature d'un ultimatum, il s'attendait à ce que le Gouvernement polonais fût sûrement hors d'état de discuter sur une telle base, et
  b) qu'en tout cas, dans l'opinion du Gouvernement polonais, les questions se rapportant au lieu où se tiendraient les négociations, à la base sur laquelle il faudrait les conduire, et aux personnes qui auraient à y prendre part, devraient être discutées et résolues d'un commun accord entre les deux gouvernements.
  5. Si des négociations venaient à s'ouvrir, le Gouvernement de Sa Majesté sera prêt, en tout temps, si le désir en était exprimé, à accorder toute l'assistance en son pouvoir en vue d'arriver à un arrangement équitable.
  6. En ce qui concerne la garantie internationale, il est hors de doute qu'elle devra être l'objet d'une discussion approfondie. Il s'agissait, dans l'esprit du Gouvernement de Sa Majesté, d'une garantie de l'observation intégrale et loyale de tout arrangement conclu.
  7. En ce qui concerne Dantzig, nous partageons pleinement l'opinion de M. Beck quant à l'importance qu'il y a d'y établir un modus vivendi quelconque. Nous avons déjà fait des suggestions dans ce sens au Gouvernement allemand et nous les réitérons en tenant compte du paragraphe 4 de votre télégramme du 3I août. Si le Gouvernement allemand est d'accord, je m'adresserai aussitôt à Mr. Burckhardt.
  8. Je vous prie de parler immédiatement à M. Beck dans le sens ci-dessus.

N° I0I

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax, daté du Ier septembre, 7 h. 45 du soir et reçu le 2 septembre à 2 heures du matin ; Varsovie, Ier septembre I939


Télégramme

  Votre télégramme du Ier septembre a été déchiffré aujourd'hui à 4 heures du matin.
  2. M. Lipski avait déjà rendu visite au Ministre des Affaires étrangères allemand, hier, à 6 h. 30 du soir. Étant donné ce fait qui, à l'aube de ce jour, a été suivi de l'invasion allemande en Pologne ["...L’Allemagne lança l’attaque-surprise à l’aube du 1er septembre 1939, avec une force avancée composée de plus de 2 000 tanks, soutenue par près de 900 bombardiers et plus de 400 avions de combat. En tout, elle déploya 60 divisions et un peu moins de 1,5 million d’hommes pour l’invasion. Depuis la Prusse orientale et l’Allemagne au nord, et depuis la Silésie et la Slovaquie au sud, les unités allemandes brisèrent rapidement les défenses polonaises le long de la frontière et avancèrent sur Varsovie pour une attaque d’encerclement à grande échelle. (...) Un nouveau terme fut employé pour décrire la tactique victorieuse de l’Allemagne : Blitzkrieg, la « guerre éclair », qui consistait à organiser une attaque-surprise avec une force massive et concentrée d’unités blindées rapides doublée d’un soutien aérien écrasant... " ; source ; "... 4 h. 45 : la Luftwaffe bombarde Wielun rasant la ville et provoquant la mort de plus de 1.200 civils. Les pilotes Allemands sont les anciens pilotes de la légion condor, responsables du bombardement de Guernica ; 4 h. 45 : le croiseur cuirassé et navire école Schleswig-Holstein ouvre le feu sur la Westerplatte à Dantzig où ce trouve l'arsenal de la marine polonaise ; 5 h. 00 : la I0e armée du groupe sud traverse la frontière et débute la bataille de Mokra ; 5 h. 11 : Hitler fait une proclamation à l'armée accusant la Pologne de refuser ses offres de paix, de persécuter les Allemands en Pologne et de violer régulièrement la frontière Germano-Polonaise ; 5 h. 20 : la Luftwaffe attaque les villes de Puck, Gdynia, Cracovie et Katowice ; 6 h. 00 : la Luftwaffe bombarde Varsovie ; entre 6 h. 00 et 8 h. 00 : Albert Forster, Chef de l'État de Dantzig, proclame le rattachement de la ville libre au Reich ; 8 h. 00 : sur le flanc nord, la 4em armée débute la bataille de Krojanty ; 8 h. I0 : l'Ambassadeur de France à Varsovie avertit le Gouvernement français que les Allemands ont traversé la frontière ; 9 h. 00 : la Luftwaffe bombarde les villes de Varsovie, Vilnius, Grodno, Brest-Litovsk, Lodz, Katowice et Cracovie ; I0 h. I5 : Hitler s'adresse au Reichstag et à la radio pour annoncer le début des hostilités entre l'Allemagne et la Pologne. Il annonce aussi ses successeurs : Hermann Goering et Rudolf Hess... " ;  source] il était nettement inutile pour moi de faire la démarche suggérée.

Le Figaro, le 2 septembre I939. Crédit : Bibliothèque nationale de France : BNF

N° I02

Sir N. Henderson au Vicomte Halifax, reçu le Ier septembre, à minuit I0, Berlin le 3I août I939

Télégramme

  Ci-dessous, traduction du texte de la communication remise ce soir de la main à la main par l'Ambassadeur de Pologne au Ministre allemand des Affaires étrangères,
  " Au cours de la nuit, le Gouvernement polonais a été informé par le Gouvernement britannique de l'échange d'informations avec le Gouvernement allemand, en ce qui concerne la possibilité de pourparlers directs entre le Gouvernement du Reich et le Gouvernement polonais.
  Le Gouvernement polonais examine favorablement la suggestion du Gouvernement britannique ; une réponse formelle en la matière sera communiquée à ce dernier dans un avenir immédiat.
"
  Je crois savoir qu'il n'y a eu aucune discussion.

N° I03

Sir N. Henderson au Vicomte Halifax, reçu aux premières heures du Ier septembre I939, Berlin, le Ier septembre I939

Télégramme

  Communication écrite a été faite, tôt ce matin, au Ministre des Affaires étrangères, dans le sens du paragraphe 2 de votre télégramme du 3I août.

N° I04

Note explicative sur le cours réel des évènements

  La réponse du 28 août au Gouvernement du Reich a été communiquée, avant sa remise, aux Gouvernements français et polonais. Le Gouvernement polonais a autorisé le Gouvernement de Sa Majesté à informer le Gouvernement du Reich que la Pologne était prête à engager immédiatement des discussions directes avec l'Allemagne. On verra que le paragraphe 4 de la réponse britannique du 23 août exposait nettement l'attitude du Gouvernement polonais sur ce point.
  La réponse britannique fut remise à Herr Hitler, le 28 août, à I0 h. 30 du soir et il promit d'y répondre le lendemain, par écrit.
  La réponse par écrit de l'Allemagne fut remise à l'Ambassadeur de Sa Majesté, le 29 août, à 7 h. I5 du soir. Sans compter la déformation complète des évènements qui conduisent à la crise, la réponse du Gouvernement du Reich exigeait l'arrivée à Berlin, dans le courant du lendemain, d'un émissaire polonais muni de pleins pouvoirs.
  La réponse du Gouvernement de Sa Majesté s'explique d'elle-même. Elle fut communiquée par l'Ambassadeur de Sa Majesté au Ministre allemand des Affaires étrangères, le 30 août, à minuit. La réponse de M. von Ribbentrop fut d'exhiber un long document qu'il lut rapidement en Allemand. C'était, apparemment, le plan en seize points que le Gouvernement du Reich a publié depuis.  Lorsque Sir N. Henderson demanda qu'il lui fût remis le texte de ces propositions conformément à l'engagement contenu dans la réponse allemande du 29 août, M. von Ribbentrop affirma qu'il était alors trop tard, puisque le plénipotentiaire polonais n'était pas arrivé à Berlin à minuit, comme le stipulait le Gouvernement du Reich dans sa communication de la veille au soir.
  Le Gouvernement polonais, en apprenant les faits, informa le Gouvernement de Sa Majesté, dans le courant de l'après-midi du 3I août, qu'il autoriserait son ambassadeur à informer le Gouvernement du Reich que la Pologne avait accepté les propositions britanniques en vue de négociations.
  L'Ambassadeur de la Pologne à Berlin, M. Lipski, ne fut reçu par M. von Ribbentrop que le soir du 3I août. Après cette entrevue, le Gouvernement du Reich radiodiffusa immédiatement ses propositions. M. Lipski tenta aussitôt de se mettre en contact avec Varsovie, mais ne put le faire, tout moyen de communication entre la Pologne et l'Allemagne ayant été supprimé par le Gouvernement du Reich.

N° I05

Discours du Premier ministre à la Chambre des Communes, Ier septembre I939

  Le Premier ministre : M. Chamberlain. —


  À suivre...

Livre bleu anglais n° I, Documents concernant les relations germano-polonaises et le début des hostilités entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne le 3 septembre I939, présenté au Parlement par Ordre de Sa Majesté par le Secrétaire d' État aux Affaires étrangères ; traduction Autorisée et Officielle du document publié par His Majesty's Stationery Office, Paris, I939, pp.135-146. 
 
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ALLEMAGNE, ENERGIEWENDE : HANSEL ET GRETEL* NE SE PERDRONT PLUS DANS LA FORÊT, DÉTRUITE... POUR LES ÉOLIENNES

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