HAUTE-MARNE, POINSON-LÈS-NOGENT : LE CONSEIL MUNICIPAL SOUHAITE TOUS LES MALHEURS DE L' ÉOLIEN À SES VOISINES ET À LEURS HABITANTS

  Comme la procédure l'exige, dans le cadre d'une enquête publique concernant un projet d'une usine éolienne, les communes situées dans un rayon de six kilomètres autour de la zone d’implantation potentielle, doivent réglementairement être soumises aux obligations d'affichage de l'avis d'enquête publique et peuvent, si elles le souhaitent, donner leur avis.
  Poinson-lès-Nogent est dans ce cas pour le projet de l'usine de 6 éoliennes, situé sur les communes de Bonnecourt et Chauffourt, dont l'enquête publique est close depuis le 23 juin; voir carte ci-devant.

 



En rouge, le projet en cours d'instruction. Crédit carte : GRAND EST / DREAL

   Et, c'est ainsi que, débordant de " générosité " et de " bienveillance ", comme les participants d'une " fête des voisins ", le conseil municipal, à l'unanimité, à dit oui pour le projet éolien !... Bon, d'un autre côté, la commune, et ses habitants, a de l'expérience en la matière, puisqu'elle vit, depuis 20I0, déjà sous les pales des I4 éoliennes de sa propre usine, dit " Haut de Conge I, II et III ", qu'elle partage avec Dampierre et Vitry-lès-Nogent; et, visiblement, tout se passe remarquablement, d'où le vote !? Pour la petite histoire, sachez que l'exploitant de cette usine est le même qui porte le projet de Bonnecourt/Chauffourt. Mais, promis, juré, craché, cela n'a rien à voir...

Mais qui sont ces fidèles soutiens à l'éolien ?
  Conseil municipal 2020-2026
  - 6 réélus, 4eme mandat pour tous, 200I !..., la ville est à eux et, 5 nouveaux
  - Jean-Michel Konarski, maire, techniciens,
  - Stéphane Besson, ouvriers qualifiés de type industriel,
  - Francis Charles, anciens agriculteurs exploitants,
  - David Descharmes, ouvriers agricoles,
  - Jean-Guy Hanche, anciennes professions intermédiaires,
   - Daniel Leloup, anciens employés,
  - Valérie Gossé, techniciens,
  - Cristelle Guyot, professions intermédiaires de la santé et du travail social,
  - Grégoire Blondel, commerçants et assimilés,
  - Geoffrey Jeangeorge, ouvriers non qualifiés de type industriel,
  - David Monsus, agriculteurs sur moyenne exploitation
  En gras, les réélus en 2020

  - inscrits : I30 / I34 en 20I4
  - abstentions : 37 / 30
  - votants : 93 / I04
  - blancs ou nuls : 2 / 0
  - exprimés : 9I / I04
  Source

  On notera toutefois, que de nombreux projets sur le même secteur, voir carte ci-dessus, ONT ÉTÉ REFUSÉS ces dernières années ! Normal, puisque le secteur est " une zone incompatible à l’éolien selon l’étude sur la « capacité des paysages à accueillir le développement de l’éolien en Haute-Marne2 ", nous confirme, la Mission Régionale d' Autorité environnementale, MRAe, dans son expertise, à destination de la préfecture; et, elle va même plus loin : " L’ Ae recommande au Préfet de ne pas autoriser le projet tant que le pétitionnaire n’aura pas reconsidéré sa localisation. "
  PAS MIEUX !...

EXTRAITS


A – SYNTHÈSE CONCLUSIVE
   L’ Ae a principalement identifié les enjeux relatifs à la biodiversité, au paysage et aux nuisances sonores. Elle rend un avis court et ciblé particulièrement sur ces trois enjeux majeurs du projet.
   En premier lieul’ Ae regrette que le choix d’implantation du projet se soit fait au sein d’une zone incompatible à l’éolien selon l’étude sur la « capacité des paysages à accueillir le développement de l’éolien en Haute-Marne2 ». En particulier, le projet étant situé à seulement 3 km du belvédère de Ségrey et les pales étant plus hautes que les observateurs, elles vont créer un point d’appel particulièrement prégnant dans le paysage et concurrencer très fortement la lecture du paysage ouvert actuel.
  En deuxième lieu, l’analyse de l’état initial est insuffisante alors que les incidences potentielles sur les oiseaux, avifaune, en particulier le Milan royal et les chauves-souris sont importantes.
   En effet, plusieurs espèces patrimoniales d’oiseaux et de chauves-souris sont présentes sur le site
pendant leurs différents cycles de vie. Certaines éoliennes s’implantent à moins de 200 m des lisières boisées qui constituent pour ces espèces des zones de chasse privilégiées. La garde au sol des machines est par ailleurs inférieure à 30 m sans qu’une étude spécifique ne montre que celle-ci ne génère pas de risque supplémentaire pour les oiseaux et les chauves-souris.
   En troisième lieu, les résultats de l’étude font apparaître un risque de dépassement des seuils réglementaires pour les phases nocturnes.
   2 Étude pilotée par la DDT de la Haute-Marne en collaboration avec la DREAL Grand Est et la préfecture de la Haute-Marne en 20I8 spécifiquement pour aider au choix de site pour les projets éoliens.

L’ Ae recommande principalement au pétitionnaire de :

  • dans son obligation de présenter les solutions de substitution raisonnables3 et la justification environnementale de son projet, reconsidérer l’implantation de son projet dans un secteur compatible à l’éolien au regard des résultats de l’étude sur la « capacité des paysages à accueillir le développement de l’éolien en Haute-Marne » ;
  • déposer une demande de dérogation au titre des espèces protégées, en application de l’article L.411-2 du code de l’environnement, avec des mesures complémentaires, car la séquence Éviter -Réduire-Compenser, ERC, n’est actuellement pas satisfaisante pour qu’une telle dérogation soit accordée ;
  • réaliser une étude acoustique qui démontre dès la mise en service le respect des valeurs réglementaires relatives aux nuisances sonores en présentant les meures prises.

  3 Extrait de l’article R.I22-5 du code de l’environnement : « II. – En application du 2° du II de l’article L.I22-3, l’étude d’impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d’incidences sur l’environnement qu’il est susceptible de produire : […] 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l’environnement et la santé humaine »

État des lieux
   "...sollicite l’autorisation d’implanter le parc éolien de Bonnecourt-Chauffourt sur les territoires des communes de Bonnecourt et Chauffourt, 52, à l’extrême nord des collines et lacs de Langres. Le projet est situé à une altitude comprise entre environ 360 à 450 m. Le projet est constitué de 6 éoliennes de I50 mètres de hauteur maximum avec une garde au sol4 inférieure à 30 m, et de 2 postes de livraison... 

Hauteur minimale entre le sol et le bout de pale d’une éolienne "
Crédit carte : MRAe

   Lire le document en entier, c'est ICI.

  La dénonciation au lance-flammes du projet de la part de la MRAe, auxquels viennent s'ajouter les récents refus préfectoraux concernant les projets de Bourg et d' Heuilley-Cotton, nous laissent un peu d'espoir de voir ce projet ne pas aboutir; mais prenons garde tout de même car, avec la nouvelle Loi relative à l'accélération de la production des énergies, qui a pour mission première d'imposer à chaque commune rurale une usine éolienne, avec les Zones favorables au développement éolien, ZFDE, associée, au revirement de monsieur le Président de la République au sujet de l'éolien terrestre*, le peu d'espoir pourrait très rapidement se transformer en cauchemar !...

   * Beaucoup d'éoliennes en mer et, ainsi, moins d'éoliennes terrestres : tel était le propos d' Emmanuel Macron, discours de l'usine General Electric à Belfort, février 2022 :
  " « Personne ne souhaite voir nos paysages remarquables, nos sites classés, abîmés par des grandes toiles blanches ». Depuis, l’élection est passée et ce qui a changé est que :

  I. les besoins en électricité sont plus élevés que prévu, par exemple les voitures électriques progressent plus vite;
  2.  les éoliennes en mer, c’est bien et c’est loin, mais c’est long à installer;
  3.  on ne parle même pas du temps qu’il faudra pour disposer de nouveaux réacteurs nucléaires dont on ne sait pas quand ils tourneront : 2035 si tout va bien, et le présent ne milite pas en faveur d’une confiance absolue. "
   Sur le Web

   Bref, c'est, pour l' État, l'en avant toutes et PARTOUT, pour les EnR et ce, quoi qu'il en coûte, pour les futurs riverains ! Aujourd'hui, la France installe, déjà, en moyenne 500 machines/an. LE PIRE EST AVENIR !...


   jhmQuotidien 2023 06 30

 

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TERRE DE FRANCE, TERRE DE BÉTON, OU L' ARTIFICIALISATION DES SOLS

  "...Le vent souffle, vif et rude à la peau, sous une ciel criblé d'étoiles, il fait bon s'attarder encore, debout sur la porte des Godoux, près du tas de fumier énorme que je contemple chaque matin, de ma fenêtre. Les poules dorment depuis longtemps, les poules bêtes et blanches, au matin, comme sur un tableau de Greuze*. Le fumier dépeuplé respire à l'aise, sous le vent vif. Je vais rentrer... Encore un peu... Le fumier des Godoux sent bon... "
  GENEVOIX Maurice, I890-I980, Ceux de I4, Les Éparges, Flammarion, I933.

GREUZE Jean-Baptiste, I725-I805, peintre et dessinateur français.

Les Œufs cassés, I756,GREUZE Jean-Baptiste, New York, Metropolitan Museum of Art.

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Le foncier agricole, au croisement des rapports de force

Nicolas Bonnefond*

  La question foncière pose la question agraire et réciproquement, en étant diversement appréhendée à travers les époques et les civilisations. Les différentes forces économiques utilisent et se défont de la propriété de la terre au gré des évolutions historiques. Les mutations en cours interrogent sur le devenir de l’agriculture.

*BONNEFOND Nicolas, est doctorant en économie au sein du laboratoire REGARDS, université de Reims Champagne-Ardenne.

UNE POLITIQUE FRANÇAISE
  La politique foncière française se veut être un socle pour le maintien de l’agriculture familiale. Elle comprend le statut du fermage, renforcé en I946 par le contrôle des structures et l’action des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural : SAFER. Ces dispositifs ont été mis en place après la Seconde Guerre mondiale avec pour objectif de moderniser l’agriculture tout en consolidant l’exploitation familiale moyenne. Le modèle économique s’articula autour du régime de productivité fordiste fondé sur une logique d’économie d’échelle et une demande où la croissance du pouvoir d’achat favorisait l’essor d’une consommation de masse.
  Confrontée à la mutation économique et institutionnelle du capitalisme financiarisé et mondialisé, cette politique foncière est désormais en difficulté. On assiste au basculement des exploitations agricoles de type familial vers des formes sociétaires ou de firmes, ouvertes à des capitaux extérieurs à la sphère agricole, non sans conséquence sur le contrôle présent et futur du foncier. Selon les recensements français, cette mutation s’accompagne d’une concentration importante du foncier au sein d’exploitations toujours moins nombreuses et de plus grande taille.
  Depuis I992, la politique agricole commune, PAC, de l’Union européenne s’inscrit dans une libéralisation progressive des marchés, avec des aides conditionnées à l’hectare. Ces aides ne sont pas en lien avec l’activité de production, sous prétexte d’un respect des signaux de marché. La politique de la France se combine avec l’évolution de la PAC, avec une double fonction : favoriser l’intégration de son agriculture et de l’agro-industrie dans les chaînes de valeurs mondiales et veiller à ce que cette dynamique économique ne perturbe pas les équilibres sociaux nationaux, afin que des contradictions ne surgissent au point d’entraver l’accumulation du capital[I].
  Par ailleurs, un phénomène est particulièrement préoccupant : d’année en année, l’artificialisation des sols réduit la superficie des terres cultivables ou dédiées à l’élevage. Elle est le point d’intersection entre la ville, son capital urbanisé, ses entreprises et la ruralité composée historiquement d’exploitations agricoles familiales et de l’activité économique associée.

BRÈVE HISTOIRE DU FONCIER AGRICOLE
  Dans une société à dominance rurale, avec une population en majorité paysanne et agraire, les contemporains de la fin de l’Ancien Régime ont mené une réflexion philosophique et économique sur la place de l’homme dans son environnement et sur le poids relatif de l’agriculture dans l’économie. « Tous les auteurs de l’époque, les utopistes, les huguenots de l’exil, les économistes […] ont valorisé la culture des terres[2]. » Pour Vauban et Boisguilbert [Pierre Le Pesant de Boisguilbert, I646-I7I4, économiste et écrivain] en particulier, « l’activité agricole possède une primauté historique, dans le développement de l’humanité et logique dans l’explication causale du processus productif[3] ». À la fin du XVIIe siècle, la valeur symbolique de la terre est hautement honorifique et sociale : elle ouvrait à la bourgeoisie l’accès à un titre de noblesse[4].

Vue satellitaire de l’agglomération de Toulouse et de ses alentours. En France, l’habitat représente environ 42 % des surfaces artificialisées estimées.

  Au XIXe siècle, durant la révolution industrielle, des économistes cherchent à expliciter l’origine et les mécanismes de la rente foncière. On peut citer les physiocrates [Doctrine présentant une théorie générale de la société et reposant sur deux conceptions essentielles, l'une de caractère philosophique, celle de l'« ordre naturel », l'autre de caractère économique, celle du « produit net »; Larousse] avec la notion de capital foncier de François Quesnay,[I694-I7I4, sujet français; médecin de Louis XV, protégé par Mme de Pompadour, chirurgien-chef de l'hôtel-Dieu de Mantes, il fréquenta les physiocrates et écrivit des articles pour l'Encyclopédie. Il publia en I758 son œuvre maîtresse, le Tableau économique, où il compare la circulation des biens et services à la circulation du sang dans le corps humain. Pour Quesnay, la terre est la source première de la richesse. Son apport essentiel est l'invention, avant la lettre, de la macroéconomie : découverte du « circuit ». Quesnay défend en économie le libre jeu des lois naturelles; Larousse] David Ricardo [I772-I823; sujet britannique,qui proclamait la prééminence du marché sur l’État, David Ricardo devint le chef de file de l’école classique anglaise. Sa réflexion le conduisit à formuler les lois qui régissent la répartition des revenus entre les classes sociales; Larousse] avec celle de rente foncière, ainsi que le néoclassique Alfred Marshall,[I842-I924; sujet britannique; Considéré comme le principal théoricien de l'école néoclassique et le premier représentant de l'école de Cambridge, il a tenté de concilier les différentes théories de la valeur, notamment celles de l'utilité marginale et des coûts de production : Principes d'économie politique, I890-I907; Larousse] en passant par le libéral Léon Walras [Léon Marie Esprit, I834-I9I0, sujet français; il obtint en I870 la chaire d'économie politique à l'université de Lausanne. Il créa l'économie mathématique, contribua à introduire le calcul à la marge, et est considéré, avec son successeur Pareto, comme le chef de l'école de Lausanne. On lui doit notamment : Éléments d'économie pure, I874-I877, Études d'économie sociale, I896, Études d'économie politique appliquée : I898. L'apport de Walras à la science économique de son temps fut considérable; Larousse]  qui prône pourtant le rachat des terres par l’État. Ce rapport à la terre sera également analysé par les marxistes. « Tout progrès de l’agriculture capitaliste est non seulement un progrès dans l’art de piller le travailleur, mais aussi dans l’art de piller le sol. […] si bien que la production capitaliste ne développe la technique et la combinaison au processus social de production qu’en ruinant dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur.[5] »
  Marx s’est intéressé au mouvement des enclosures qui s’est développé entre I750 et I805 dans la société anglaise, où l’aristocratie et les grands propriétaires fonciers font de la terre une marchandise lucrative. L’agriculture anglaise est alors la possession de grands propriétaires fonciers qui louent leur terre à des exploitants capitalistes qui emploient des ouvriers agricoles. Le développement du capital et le rapport des forces à l’œuvre tout du long de cette période placeront la bourgeoisie comme puissance politique majeure pendant que les grands propriétaires tirent des revenus de la rente foncière pour investir dans l’industrie. En France, après la guerre de I9I4-I9I8, une part importante de grands propriétaires qui louaient leurs terres à des exploitants les leur vendent pour investir dans le développement de l’industrie. Cette particularité française orientera les politiques agricoles en faveur de l’agriculture familiale.

GÉOPOLITIQUE DU FONCIER
  Aujourd’hui, la Chine et les États- Unis se livrent à un conflit commercial, en rétablissant des barrières douanières. L’interférence des crises sanitaires dans les échanges de marchandises et la guerre en Ukraine renforcent l’importance de l’agriculture comme levier géostratégique central. Les crises d’instabilité des marchés, disponibilités aléatoires et prix fluctuants, et les conflictualités de nature protectionniste placent le foncier agricole au cœur des préoccupations nationales. Sa disponibilité et sa maîtrise sont des éléments essentiels de stabilité pour les nations, gage de sécurité alimentaire pour leurs habitants malgré la volatilité des échanges mondiaux.
  Dans ce contexte ressurgit le terme de « souveraineté alimentaire », concept développé par la Via Campesina ["...En I996, lors de la IIe Conférence internationale de La Vía Campesina, LVC, le mouvement paysan questionne les violations systématiques à l’égard de la paysannerie familiale à travers le monde, en exprimant sa préoccupation quant à l’absence de mécanismes et normes juridiques les protégeant et leur permettant d’accéder à la justice. C’est à partir de ce constat qu’est née l’idée de se saisir du droit international pour codifier leurs droits... "; sur le Web] lors du sommet de l’alimentation organisé par l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, FAO, à Rome en I996. On retrouve cette terminologie jusqu’au sein de l’appellation ministérielle française : depuis 2022, nous avons un ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. En fait, par-delà les postures politiques de circonstance, l’Europe s’inscrit sur la même ligne que l’Organisation mondiale du commerce, cette dernière semblant cependant à bout de souffle du fait de son échec à promouvoir le multilatéralisme commercial depuis le lancement du cycle de Doha, en novembre 200I. Aussi l’Europe cherche-t-elle à contourner l’impasse dans laquelle se trouve le multilatéralisme, et ce en signant des accords bilatéraux.
  La souveraineté alimentaire est plus ou moins galvaudée, à l’avantage des grandes puissances économiques. C’est d’autant plus net pour l’accaparement des terres, on utilise souvent le terme anglais land grabbing, notamment avec l’acquisition légale de grandes étendues de terrains agricoles par des entreprises transnationales ou gouvernementales, par location, achat de terres ou prise de parts de sociétés[6]. L’accaparement des terres peut revêtir d’autres formes, dont l’occupation forcée, comme c’est le cas encore dans de nombreuses régions de l’hémisphère sud et comme ce fut le cas lors de la conquête coloniale par l’appropriation privée du foncier au détriment des populations locales. La société états-unienne Unit Fruit Company possédait au XXe siècle près du quart des terres cultivables du Honduras.
  Tenons-nous-en à la première définition du caractère plus ou moins légal d’accaparement du foncier. Le phénomène touche pour moitié l’Afrique, pour 30 % la zone Europe- Asie centrale et l’Amérique latine, pour 20 % la région Pacifique-Asie de l’Est. Les finalités des « accapareurs » sont diverses : certains États qui se trouvent dans un contexte de raréfaction, réelle ou supposée, des terres arables, cherchent ainsi à garantir la couverture des besoins alimentaires de leur population; pour leur part, les grandes entreprises s’internationalisent et investissent dans une agriculture destinée aux exportations. En quelque sorte, les stratégies des États-nations et des compagnies privées se conjuguent. Par exemple, l’Arabie saoudite dispose de ressources en eau insuffisantes à une agriculture capable de nourrir sa population, avec seulement 2 % du territoire cultivable. La quasi-totalité des denrées nécessaires à l’alimentation de ses 3I millions d’habitants est importée, et le pays projette d’arrêter définitivement de produire des céréales. Aussi une compagnie publique, New Saudi for Agricultural Investment, a été créée pour faciliter l’acquisition de terres à l’étranger, et un consortium d’entreprises privées se charge d’investir dans la production alimentaire en Afrique.  
  Avec la crise alimentaire mondiale de 2007-2008, la croissance des investissements de capitaux étrangers dans l’achat de terres cultivables s’est intensifiée. Selon Jacques Diouf, l’ancien directeur général de la FAO, un nouveau « néocolonialisme agraire » risque d’advenir[7].

L’ARTIFICIALISATION DES SOLS
  La dimension économique et géopolitique de l’exploitation agricole du foncier s’articule avec une autre, d’ordre plus territorial et environnemental, à savoir la progression de l’artificialisation des sols. Concept relativement neuf, l’artificialisation consiste en la transformation des sols naturels, agricoles ou forestiers, afin de les allouer notamment à des fonctions urbaines, industrielles ou de transport : habitat, activités, commerces... L’artificialisation des sols réduit la superficie globale des terres agricoles du pays et contribue à la perte de biodiversité. En 2011, la Commission européenne officialise l’objectif d’arrêter d’ici à 2050 toute augmentation nette de la surface de terre occupée. Le gouvernement français fixe un objectif de « zéro artificialisation nette à terme » dans son plan Biodiversité, daté de 20I8.

Image satellitaire de terrains agricoles dans le bassin de Wadi As-Sirhan, en Arabie saoudite. La quasi-totalité des denrées nécessaires à l’alimentation des 3I millions d’habitants de ce pays est importée. Aussi, une compagnie publique, New Saudi for Agricultural Investment, a été créée pour faciliter l’acquisition de terres à l’étranger.

  Quand on rapporte la surface artificialisée à la densité de population, la France apparaît plus artificialisée que les principaux États membres de l’Union européenne. Les données de l’enquête Teruti-Lucas permettent une analyse de l’artificialisation sur longue période. En effet, cette enquête rend compte de l’occupation et de l’usage des sols depuis I982. Depuis, l’augmentation des terres artificialisées est en moyenne de l’ordre de 60 000 ha/an, — soit un peu plus d’un millième du territoire,— sans tendance identifiée. Les terres artificialisées seraient ainsi passées de 3 millions d’hectares à 5,I millions, ce qui représente une croissance de 70 %, nettement supérieure à celle de la population, +I9 %, sur la période.

ÉVOLUTION DES SUPERFICIES SELON LE TYPE D’OCCUPATION DU SOL : FRANCE MÉTROPOLITAINE. Les sols artificialisés augmentent de 72 % depuis I982.

  En termes d’utilisation, l’habitat, volumes construits et sols artificialisés associés, représente environ 42 % des surfaces artificialisées estimées, devant les infrastructures de transport, 28 %, et le foncier de services, I6 %, qui inclut notamment les surfaces commerciales, économiques et industrielles : I4 %. L’artificialisation des terres et les dynamiques de construction sont favorisées par les différentiels de prix des terres. Les propriétaires d’espaces agricoles et forestiers jouent un rôle prédominant, puisqu’ils peuvent ou non vendre leurs parcelles pour des usages non agricoles. La différence de prix entre les terres agricoles et les terres urbanisables ainsi que la difficulté de transmission des terres au sein du secteur agricole constituent des facteurs déterminants de cette artificialisation. Ce différentiel attire des investisseurs qui réalisent une plus-value importante du fait de leur gestion sectorielle et spéculative.
 Le prix de l’hectare agricole en France est parmi les plus bas d’Europe occidentale, ce qui s’explique notamment par l’encadrement réglementaire du fermage. Il est d’environ 6 000 € aujourd’hui, fluctuant en fonction des régions, alors qu’il se situe entre I0 000 et 20 000 € en Italie, en Angleterre, au Danemark et en Allemagne, et qu’il atteint plus de 60 000 € aux Pays-Bas. L’accès peu coûteux au foncier a été le fer de lance des logiques d’accaparement des terres dans les pays du Sud, le développement des résidences secondaires constituant un élément aggravant. En Suisse, depuis le Ier janvier 20I6, il est interdit de construire des résidences secondaires dans les communes où elles représentent plus de 20 % des logements : disposition de rang constitutionnel. En France, aucune législation en la matière n’existe. Au sud-ouest de la Nouvelle Atlantique, le taux de résidences secondaires sur la côte est de 4I % à Biarritz, de 47 % à Saint-Jean-de-Luz et de 48 % à Guéthary. L’artificialisation peut causer une perte irréversible de matière,— par érosion ou par excavation, — et également une perte des propriétés des sols, notamment une perte de la fertilité indispensable au support de la végétation et à l’agriculture. La tendance actuelle conduirait à artificialiser d’ici à 2030 environ 288 000 ha de plus qu’en 20I6, au titre du seul bâti[8].

[I] . Thierry Pouch, Essai sur l’histoire des rapports entre l’agriculture et le capitalisme, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque de l’économiste », Paris, 2023.

[2] Jean-Pierre Perrot, cité par Yves Charbit in « L’échec politique d’une théorie économique : la physiocratie », in Institut national d’études démographiques Population, vol. 57, p. 849-878, 2002.

[3] Jean-Pierre Perrot cité par Yves Charbit, ibid.

[4] Yves Charbit, « L’échec politique d’une théorie économique : la physiocratie », in Institut national d’études démographiques Population, vol. 57, p. 849-878, 2002.

[5] Karl Marx, le Capital, Livre I, chap. XV, « La machinerie et la grande industrie », I867, Éditions sociales, coll. « Les essentielles », Paris, 20I6.

[6] Charles Gendron et Yves Granger, « Foncier agricole : accaparement ou investissement ? La nécessaire évolution des outils de régulation », rapport public, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, 20I7.

[7] Thierry Pouch, « L’appropriation des terres agricoles, nouvelle étape de la mondialisation », in l’Économie politique, n° 78, p. I9-29,, avr.-juin 20I8.

[8] Julien Fosse, « Objectif “ zéro artificialisation nette ” : quels leviers pour protéger les sols ? », rapport au ministre de la Transition écologique et solidaire, au ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales et au ministre chargé de la ville et du logement, France Stratégie, juillet 20I9.

Sur le Web

LE DERNIER DES GRANDS MOGOLS, VIE D'AURENG ZEB, ÉPISODE XVII

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  Le roi d' Arrakan savait très bien ce qu'il faisait en ouvrant ses portes à ces hôtes indésirables. Comme il vivait dans une terreur perpétuelle de son puissant voisin mogol, surtout depuis l'avènement d' Aureng Zeb, il pensait avoir ainsi à bon compte, pour la garde de ses frontières, une sorte de milice dans ces aventuriers prêts à tout. Aussi leur accordait-il volontiers des concessions de terres, pour les fixer dans le pays; il leur permit même d'occuper Chittagong, position importante à l'embouchure de la Megna,[ou Meghna; de nos jours, fleuve du Bangladesh], sur le golfe du Bengale. Naturellement ces bandes sauvages ne s'apprivoisèrent pas pour si peu; mais elles continuèrent leurs rapines et leurs violences habituelles aux dépens du gouvernement. Montés sur des rapides galéasses, [italien galeazza, de galea, galère; navire à rames et à voiles des XVIe et XVIIe s., plus fort et plus lourd que la galère : les galéasses contribuèrent à la victoire des chrétiens à Lépante et figurèrent dans l'« Invincible Armada ». Larousse] les pirates partaient de leur base de Chittagong, écumaient la mer voisine, remontaient les nombreux bras du Gange, ravageaient les îles du bas Bengale, violant sans cesse le territoire placé sous l'autorité du Mogol. Les jours de marché, on les voyait surgir sur la place des villages, raflant les marchandises, et emmenant des populations entières; ils s'invitaient sans cérémonie aux mariages et aux fêtes de famille, prélevant plus que la dime sur des victuailles du festin ou sur les bijoux des femmes, brûlant tout ce qu'ils ne pouvaient pas emporter.


Carte montrant les principaux fleuves du Bangladesh, y compris la Meghna

   Certaines cartes du Bengale, encore au XVIIIe siècle, portent cette sinistre indication sur la plus grande partie du pays arrosé par les bouches du Gange : Région dévastée par les Muggs, — c'était le nom donné aux pirates de l' Arrakan, et qui semble emprunté à celui du souverain : on observa même que la déportation massive des populations ou leur exode volontaire devant une menace perpétuelle, avaient eu pour conséquence, avec l'abandon de certaines cultures, de modifier en quelques points le cours du fleuve. En fait, toutes les petites îles du delta, autrefois très peuplées, étaient peu à peu retournées à la jungle, dont les terribles fauves, tigres et panthères, avaient élu domicile dans les ruines des villages déserts.
  Bernier s'étend longuement sur les souffrances de ce peuple d'esclaves, laissé longtemps sans défense contre la cruauté des pirates. En somme, ce tableau de l' Arrakan avant la pacification entreprise par Shaista Khan, ressemble beaucoup à celui que nous avons fait de l' Assam. Mais ici la situation se complique des bienfaits, si l'on peut dire, de la civilisation occidentale, et c'est ce qui chagrine nos voyageurs européens. Bernier, en particulier, ne se console pas de voir des chrétiens, établis en terre d' Islam par la magnanimité d'un prince musulman, abuser si étrangement de cette hospitalité et donner aux fidèles de Mahomet un si détestable échantillon de leur religion et de leurs mœurs !
  C'est en effet, Djahanguir, le grand-père d' Aureng Zeb, moins fanatique défenseur des Croyants que son fils, et surtout que son petit-fils, qui avait favorisé l'établissement des Portugais dans l' Inde. Plus rigide observateur de la Loi que son père, Shah Jahan, par une sévérité mal inspirée, provoqua ces étrangers orgueilleux et les poussa ainsi à soutenir d'abord en sous-main, puis ouvertement, les pirates d' Arrakan. Cette résistance n'avait fait qu' exaspérer la brutale intolérance de l'empereur : il riposta en frappant les trafiquants européens de contributions énormes, et quand ils refusaient de les acquitter, il s'emparait de leurs villes, fermait leurs comptoirs, démolissait les églises, et déportait à Agra des familles entières. La persécution n’épargnait personne : femmes, vieillards et enfants, prêtres, moines et religieuses, tous subissaient également le joug du plus fort, et Bernier compare à la captivité de Babylone, [" déportation à Babylone de l'élite juive de Jérusalem et du royaume de Juda sous le règne de Nabuchodonosor II. Selon la Bible, cette déportation s'est faite en trois fois : après la défaite du royaume de Juda en 597 av. J.-C., après le siège de Jérusalem en 587/586 av. J.-C. et enfin en 582 av. J.-C. Elle s'est poursuivie jusqu'à la prise de Babylone par les Perses en 538 av. J.-C... "; sur le Web] non sans exagération, cette brutale transhumance d'une foule misérable arrachée de ses foyers et à son Dieu.
  Une telle situation et les réactions qui s'ensuivirent devaient aisément fournir à Aureng Zeb le prétexte d'une intervention énergique autant qu'efficace.

Captivité des Juifs à Babylone, I837; Cazes Romain, I808-I88I. Montauban, musée Ingres Bourdelle

  Les pirates de l' Arrakan s'étaient établis dans l'île Sandwip, au large de la côte de Chittagong, poste de choix pour commander les bouches du Gange. Là régnait en maître le fameux Fra Joan, moine Augustin, [religieux qui suit les directives spirituelles de saint Augustin, 354-430; Docteur de l'Église latine (...) la conversion d'Augustin va naturellement s'épanouir et porter fruit dans le renoncement total aux biens terrestres, dans la pratique des conseils évangéliques, bref dans ce qu'on est convenu d'appeler la vie religieuse; Augustin vend tout ce qu'il possède et en donne le prix aux pauvres ; ensuite, il se retire dans sa propriété de Tagaste, déjà aliénée, pour y vivre en commun dans la pauvreté, la prière et la méditation. (...) Les religieux augustins comprennent deux catégories : – Ordre de Saint-Augustin. Ce sont les Ermites de Saint-Augustin, I256, ordre mendiant exempt, à vœux solennels, dit encore ordre des Grands Augustins ; les Ermites récollets : I588 ; les Augustins déchaussés, XVIe s., dont la branche française, XVIIe s., était familièrement appelée « Petits Pères »; – Instituts s'inspirant de la règle dite de saint Augustin. Ils forment une quarantaine d'ordres ou de congrégations très divers comme les rédemptoristes et les assomptionnistes, ou Augustins de l'Assomption; une quarantaine de congrégations de chanoines réguliers; une quinzaine d'ordres militaires. Larousse] qui avait réussi, Dieu ou le Diable sait comment, à se débarrasser du gouverneur de l'île. Il tranchait du grand seigneur, menait un train de raja, et vivait comme un coq en pâte dans un pays pourvu de tout. En particulier, les matériaux nécessaires à la construction des navires y étaient en si grande abondance que, dès le XVIe siècle, le Sultan de Constantinople trouvait plus avantageux de faire équiper sa flotte à l'île de Sandwip que sur n'importe quel chantier d' Europe ou d' Asie.
  Ce sont les hommes de Fra Joan, ou des flibustiers de même origine et de même espèce, qui s'étaient rendus sur leurs galéasses à Dakka, pour y recueillir Shuja et le transporter en Arrakan, à l'époque où ce prince en déroute fuyait devant les troupes victorieuses d' Aureng Zeb. Ils trouvèrent moyen de lui subtiliser une partie des pierres précieuses qu'il avait dans ses coffres, et s'en débarrassèrent à bas prix. En raison de ces alertes perpétuelles, le Grand Mogol, depuis son arrivée au pouvoir, s'était vu dans la nécessité de garder les voies d'accès du Bengale, en tenant sur pied des troupes et une flotte importantes. Mais toutes ces précautions ne suffisaient pas à mettre le territoire à l'abri d'un coup de main : les pirates étaient si audacieux et si bien entraînés, qu'avaient quatre ou cinq galéasses, ils ne craignaient pas de s'attaquer à quarante ou cinquante navires et qu'ils réussissaient souvent à les capturer ou à les couler.
  Le but constant de Shaista Khan, depuis son arrivée au Bengale, fut la destruction de ces nids de pirates; tant que les mers ne seraient pas purgées de leur redoutable brigandage, les côtes et même l' hinterland [arrière-pays] de la province ne connaîtraient pas de repos. En même temps, il avait un autre dessein : s'il attaquait le roi d' Arrakan, c'était pour le punir de la cruauté avec laquelle il avait traité le prince Shuja, qui s'était mis sous sa protection, en le faisant massacrer avec touts sa famille. On n'a pas oublié ce sanglant épisode de la guerre des quatre frères; mais l'on s'étonnera justement de voir Aureng Zeb si empressé de venger un frère que lui-même avait impitoyablement traqué. " Il voulait ainsi, affirme Bernier, faire un exemple éclatant pour instruire les souverains et les peuples voisins de son empire que les personnages de sang royal, dans toutes les situations et dans toutes les circonstances, devaient être traités avec respect et humanité... "
  Shaista Khan se montra aussi avisé diplomate qu'énergique tacticien dans la conduite des opérations. Comme il se rendait compte des difficultés insurmontables qu'il y aurait à faire passer une armée du Bengale en Arrakan, à cause de la multitude des rivières, des arroyos et des marécages qui défendent l'accès du pays, comme la supériorité navale des pirates rendait impossible toute surprise par mer, il résolut de s'assurer l'appui des Hollandais pour cette expédition. Il envoya un de ses officiers à Batavia, [ c'était le siège de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales en Insulinde de I6I9 à I799, puis de la capitale des Indes néerlandaises, de I799 à I942: aujourd'hui, c'est Jakarta, capitale de la république d'Indonésie] chargé de négocier en son nom avec le gouverneur général de la colonie, en vue d'une occupation concertée du royaume d' Arrakan. Shaista Khan renouvelait ainsi, remarque Bernier, la tactique qui avait si bien réussi à Chah Abbas avec les Anglais, pour l'occupation d' Ormuz en I622. ["... expédition anglo-persane combinée qui a capturé avec succès la garnison de l'Empire portugais sur l'Île d'Ormuz après un siège de dix semaines, ouvrant ainsi le commerce de la Perse avec le Royaume d'Angleterre dans le Golfe Persique. (...) La flotte anglaise s'est d'abord rendue sur Qeshm, à quelques 24 km, pour y bombarder une position portugaise. Les Portugais présents se sont rapidement rendus, et les pertes anglaises étaient peu nombreuses, mais incluaient le célèbre explorateur William Baffin. La flotte anglo-persane a ensuite navigué vers Ormuz et les Perses ont débarqué pour capturer la ville. Les Anglais bombardèrent le château et coulèrent la flotte portugaise présente. Après une certaine résistance, les Portugais rendirent Ormuz le 4 mai I622. Les Portugais furent forcés de se retirer vers une autre base à Mascate... "; sur le Web]

La Nouvelle Porte, Nieuwepoort, l'entrée sud de Batavia, vue du centre-ville. La structure au centre est le bastion Hollandia : I682. Weduwe van Jacob van Meurs, Atlas du patrimoine mutuel.

Les ruines du château portugais sur l'Île d'Ormuz : 2007. Crédit photo : Fariborz

Mais de notre côté, nous pouvons constater que ces appels successifs des souverains locaux à la collaboration des Européens, constituaient un dangereux précédent pour l' indépendance de l' Inde.
  On comprend sans peine que le gouverneur de Batavia accueillit avec empressement la proposition du général mogol. Il y voyait une occasion inespérée de contrecarrer l'influence portugaise dans la péninsule et dans les îles de la Sonde, et la perspective d'obtenir pour la Hollande de substantiels avantages dans un pays qui, jusqu'à présent, ne lui était pas suffisamment ouvert. Il envoya aussitôt deux navires de guerre dans les eaux du Bengale pour faciliter le transport à Chittagong des troupes de Shaista Khan. Celui-ci, de son côté, avait rassemblé un grand nombre de galéasses et de vaisseaux d'assez grand tonnage avant d'adresser aux chefs des pirates un véritable ultimatum : qu'ils fassent leur soumission immédiate à l'empereur mogol; Aureng Zeb se disposait à infliger au roi d' Arrakan un châtiment exemplaire et l'invincible flotte hollandaise était à sa disposition; s'ils se montrent dociles, eux-mêmes et leurs familles ne courront aucun risque; qu'ils abandonnent le service du roi d' Arrakan pour entrer au service d' Aureng Zeb; ils trouveront au Bengale autant de terres fertiles qu'ils le jugeront nécessaire pour assurer leur subsistance et qui leur seront concédées gratuitement; en outre, ils recevront un salaire double de celui qu'ils touchent de leur maître actuel.
  Ce marchandage est assez curieux et ne manque pas d'un certain cynisme; en termes clairs, Shaista Khan proposait aux pirates, de la part d' Aureng Zeb, de payer grassement les rapines et les excès de toute sorte, pour lesquels ils affectaient l'un et l'autre une vertueuse horreur, s'ils consentaient à les commettre désormais au profit des Mogols.
  La manœuvre réussit au-delà de toute espérance. Les pirates se trouvaient précisément en difficulté avec le roi d' Arrakan, dont ils avaient assassiné l'un des principaux officiers. Poussés par la terreur des représailles, non moins qu'alléchés par les offres séduisantes qui leur étaient faites, ils s'embarquèrent dans une cinquantaine de galéasses pour rallier les ports du Bengale, en proie à une telle panique que, dans leur précipitation, ils prient à peine le temps d'emmener leurs familles et d'emporter leurs biens.
  Mais le prudent Shaista Khan n'accueillit ces extraordinaires visiteurs qu'avec les plus grandes précautions. Pour bien les convaincre de sa force, il déploya devant eux tout l'appareil de sa puissance militaire. Après cette imposante parade, quand il fut bien persuadé de leur bonne volonté, puisant à pleines mains dans son trésor de guerre, il leur donna force roupies, puis installa confortablement leurs femmes et leurs enfants dans une petite ville située à douze milles [~20 km] de Dacca, Feringhee Bazar, [de nos jours, situé dans le district de Chittagong et dans le quartier municipal de Jamal Khan, à Chittagong] où quelques descendants de ces aventuriers subsistent encore aujourd'hui.
  Le général mogol gagna par ces procédés la confiance des pirates qui montrèrent un grand empressement à joindre leurs efforts aux siens. En peu de temps, grâce à leur connaissance des lieux, l'île Sandwip, qui était retombée au povoir du roi d' Arrakan, fur reprise et la flotte indienne, grossie des effectifs portugais, put gagner Chittagong. Au même moment, deux navires de guerre hollandais faisaient leur apparition dans le golfe du Bengale. Mais Shaista Khan, qui n'avait plus besoin de leurs services, se borna à les remercier courtoisement de leur excellente intention.
  Bernier, à qui nous empruntons la plupart des éléments de cette histoire, a vu les vaisseaux hollandais au Bengale, où il voyageait à cette époque en compagnie de Tavernier. Il a recueilli le témoignage des officiers qui ne cachaient pas leur mécontentement; les remerciements de Shaista Khan, tout enrubannés qu'ils fussent de l'onctueuse politesse orientale, ne leur paraissaient pas une compensation suffisante à la violation de ses engagements.
  Tavernier, qui partage l'estime de son compatriote pour Shaista Khan, nous a laissé aussi dans ses Voyages quelques détails intéressants sur cette expédition. Tavernier a rendu visite au gouverneur du Bengale à Dacca, au moment où celui-ci était tout occupé de sa grande expédition. Il donne des chiffres exacts sur les forces engagées de part et d'autre. Il admire la souplesse des galéasses portugaises qui, profitant de la marée, remontent le Gange avec une surprenante rapidité; quelques-unes de ces embarcations sont si longues qu'elles ont jusqu'à cinquante rames de chaque côté, mais il n'y a que deux hommes à chaque rame; malgré la rude épreuve à laquelle elles sont mises et le funeste emploi qu'en font les pirates, elles sont souvent luxueusement parées, leur bois incrusté d'or, d'argent et lapis lazuli. [luxueuse pierre bleue aux inclusions dorées; elle est considérée comme la pierre des dieux] On se demande si notre voyageur n'a pas confondu ces galères de combat avec les canots de parade des rajas de la contrée. En tout cas, il nous rapporte un trait qui nous laisse perplexes quant à la prétention des Hollandais de faire la police et de rétablir l'ordre dans les mers du Sud; ces farouches redresseurs de torts ne dédaignaient pas de recourir pour leur compte aux services des pirates, dont ils louaient les bateaux pour le transport de leurs marchandises.



Galéasse " la Royale ", Louis XIV; restaurée dans les ateliers du Musee de Marine. Crédit photo : : Georges Clerc-Rampal : I870–I958; ouvrage : Mer : la Mer Dans la Nature, la Mer et l'Homme, I9I3, Paris : Librairie Larousse, p. I46.

  Tavernier, pendant son séjour à Dacca, entretint personnellement les meilleurs rapports avec Shaista Khan, auquel il décerne le titre de nabab. Il échange avec lui des présents, une couverture en broderie d'or, une écharpe lamée d'or et d'argent, une bague d'émeraude, contre " des grenades, des oranges de la Chine, deux melons de Perse et trois sortes de pommes ". Il offre aussi au fils du prince une montre à boîte d'or émaillée, une paire de petits pistolets et une longue-vue. Le tout, bakchich du père et bakchich du fils, n'allait pas à moins de cinq mille livres. Mis en goût par les cadeaux, le " nabab " voulut voir les marchandises; il fit son choix et régla ses achats par une lettre de change... que le Français aura bien du mal à se faire payer. Mais Shaista Khan avait bien autre chose à faire, à cette époque, que d'acheter des bijoux, ou du moins de les payer !
  Après sa victoire, plutôt diplomatique que militaire, il lui restait à liquider les compromettants alliés qu'il avait été obligé de subir. Selon le mot de Bernier, il les traita " non comme il aurait dû, mais certainement comme ils le méritaient ". Il les avait fait sortir de Chittagong; eux et leurs familles étaient à sa merci et il n'avait plus besoin de leurs services. Aussi jugea-t-il tout à fait inopportun de tenir les promesse qu'il leur avait faites pour les rallier à sa cause. Il laissait s'écouler les mois sans leur donner la solde convenue et faisait la sourde oreille à leurs réclamations, déclarant hautement que les pirates étaient des traîtres en qui on ne pouvait sans folie mettre sa confiance, puisque ces misérables n'avaient pas hésité à trahir honteusement le prince qui les avait nourris pendant de nombreuses années. Mais au fait, qui donc avait provoqué leur trahison ?
  Ce réglement de comptes, passablement cyniques, ne dément pas le jugement de Tavernier qui admire dans Shaista Khan " la meilleure tête qui fût dans les États du Grand Mogol ".
  La conquête de Chittagong n'eut pas pour seul conséquence de mettre les frontières et les côtes de l'empire à l'abri des incursions des pirates; elle marque le succès complet de l'expédition d' Arrakan, et ce royaume fut définitivement annexé à la province du Bengale.
  En I663, à la mort de Mir Jumla, quelques bons esprits avaient formulé ce jugement prophétique :" C'est maintenant seulement qu' Aureng Zeb peut se dire roi du Bengale. " Mais en I666, après la victoire de Shaista Khan en Arrakan, le Mogol n'allait-il pas se trouver dessaisi d'une part au moins de cette souveraineté au profit du prestigieux vainqueur dont la personnalité était assez forte pour se passer d'un maître ? En fait, pendant plus de vingt ans, de I667 à I688, l'oncle de l'empereur exerça au Bengale une véritable vice-royauté avec tout ce que ce titre et ces fonctions comportaient de privilèges et de responsabilités. Les étrangers qui se sont trouvés en rapport avec lui pendant cette période en ont bien eu le sentiment et en ont rendu témoignage. C'est avec lui qu'ils traitaient; c'est de lui qu'ils tenaient leurs concessions et leurs monopoles.
  Voici François Martin,[I634-I706, "... il embarque dans la première expédition avec François Caron en I665. Il passe par Fort Dauphin, l'Île Bourbon, Surate puis est envoyé à Golconde et à Masulipatnam. Ce premier comptoir français sur la Côte de Coromandel avait été cédé à la Compagnie par le sultan de Golconde par l'entremise de l'agent arménien Marcara. À Masulipatnam, François Martin supplante Marcara, non sans difficultés ; ce dernier est mis aux arrêts et évacué pour rendre compte de sa gestion en France... "; sur le Web] ce Parisien, garçon épicier dans le quartier des Halles, d'abord simple collaborateur de Caron, puis directeur de la factorerie [autrefois, comptoir ou agence d'un établissement commercial ou industriel à l'étranger, et plus spécialement dans les anciennes colonies africaines. Larousse] de Mazulipatam [ou Machilipatnam, Bandar, Masulipatnam, Masulipatam, Masulipatan et Masula, situé sur la côte de Coromandel, l'embouchure du fleuve Krishna], qui fonda Pondichéry [ville du sud-est de l'Inde; elle fut la capitale de l'Inde française; " Martin et la plupart de ses hommes quittent le comptoir de Masulipatnam en I674, avant qu'il ne soit détruit et pillé ; l'agent français Malfosse est massacré par les troupes du roi de Golconde en représailles à la prise de St Thomé par la flotte française. Martin assiste ensuite au siège de St Thomé qu'il quitte sur ordre de l'amiral Blanquet de la Haye, peu avant la reddition d'août I674. Arrivé en janvier I674 à Pudducherry dans ce qui n'était encore qu'un simple village de pêcheurs, François Martin succède à Louis-Auguste Bellanger de l' Espinay. Il prend en charge le comptoir du futur Pondichéry, et s'emploie d'abord à envoyer des vivres et des fonds aux Français assiégés dans St Thomé. Après la chute de St Thomé, il fortifie Pondichéry en I68I. (...) Le site est médiocre pour la navigation, car la côte est basse, sableuse, avec des lagunes et une barre de vagues brisantes. Les navires doivent stationner au large en utilisant des embarcations locales, les chelingues,[bateau à fond plat, de 8 à I2 mètres de long et propulsé par une douzaine d'avirons] pour le transbordement des marchandises, mais la zone est favorable pour le commerce car la proche embouchure d'une rivière permet de pénétrer aisément à l'intérieur du pays et les tisserands sont nombreux dans la région "; sur le Web] en I764. Dans les importants Mémoires qu'il nous a laissés, et qui ont la forme d'un véritable journal, il rapporte que c'est Shaista Khan, et non Aureng Zeb, qui avait accordé à un gentilhomme, Duplessis, " les firmans nécessaires pour la fondation des comptoirs de la Compagnie française à Dacca, Cassimbazar, Ougly et Balassor ", point de départ de nos établissements dans l' Inde orientale.


Carte de l'Inde avec tous les comptoirs européens vers 1740, permettant de situer Pondichéry par rapport aux comptoirs rivaux.

  En mars I677, François Martin est lui-même à Dacca : il se fait présenter au vice-roi du Bengale, " homme de poids et d'un mérite singulier ", que, depuis longtemps il avait le plus grand désir de connaître. L'entrevue fut des plus cordiales. Shaista Khan, qui n'avait pas pour les Franguis l'ombrageuse défiance de son neveu, et qui comprenait mieux que lui ce que l'on pouvait attendre de ces entreprenants étrangers, se montra très curieux de tout ce qui concernait le Français et ses compagnons. Non seulement il se fit informer " d'où ils étaient et des aventures qu'ils avaient eues ", mais il leur demanda s'ils voulaient entrer à son service. " Ils s'en excusèrent et ils furent congédiés avec la liberté de se retirer où ils trouveraient à propos. "
  Le même informateur ne tarit pas sur la magnificence du vice-roi, sur les marques de sa puissance et de sa richesse. En I678, il note que Shaista Khan fait à Aureng Zeb un présent de trente millions de roupies, somme qui paraît fabuleuse au regard des modestes budgets dont devaient se contenter à cette époque nos établissements de l' Inde.
  Cependant, il est un point du moins sur lequel l'oncle et le neveu, le vice-roi et l'empereur, paraissent avoir suivi exactement la même politique, le premier appliquant docilement les principes et les directives du second. En I687, alors que les persécutions religieuses d' Aureng Zeb semblaient se ralentir dans les provinces les plus anciennes de l'empire, elles reprirent avec une intensité nouvelle dans les régions plus récemment réunies à la couronne. Sous prétexte de régler un différend avec les Anglais, Shaista Khan avait délégué à Hughli un de ses officiers, Abdul Samet, " un endiablé, au jugement de François Martin, un homme féroce et d'une cruauté de tigre. " Ce missionnaire d'un nouveau genre commença par faire pendre par les pieds une bonne douzaine de chrétiens portugais et les laissa dans cette dangereuse position pendant deux jours, jusqu'à ce qu'ils eussent reniés leur foi. Puis, par manière de jeu, ou d'exemple, il arrêta un Espagnol au service du raja de la contrée; " sans aucune forme de procès ni procédure, il le fit mettre à la bouche d'un canon et envoyer au vent... " Abdul Samet agissait-il de son propre mouvement, ou bien, comme l'insinuaient les étrangers, témoins et victimes de ces violences, obéissait-il à des ordres secrets pour intimider les chrétiens ? Cette dernière hypothèse n'a rien d'invraisemblable. En tout cas, ces actes de fanatisme obtinrent, dans les territoires administrés par Shaista Khan, les mêmes résultats que les persécutions d' Aureng Zeb contre les Satnamis et les Sikhs. Le raja dont dépendait l'Espagnol si cruellement traité arma, pour le venger, quinze mille homme, avec lesquels il battit la campagne, entretenant le désordre pendant plusieurs mois dans tout un district.
  Peut-être, après plus de vingt-cinq ans passés au Bengale, Shaista Khan commençait-il à se lasser de sa vice-royauté. En tout cas, il était temps pour sa gloire qu'il fît une retraite honorable. Quelques mois après les évènements que nous venons de relater, en avril I668, Badour Khan était nommé gouverneur du Bengale, et Shaista Khan rentrait à Agra, accompagné d'un train magnifique.

***

  Par une heureuse coïncidence, peu de temps après avoir assuré à l'Est la sécurité de son empire par la décisive conquête de Shaista Khan, Aureng Zeb apprenait la disparition de son vieil ennemi, le roi de Perse, Chah Abbas II, mort le 22 août I666, qui le libérait d'un danger perpétuel sur sa frontière occidentale. L'empereur en reçut la nouvelle à Agra le I2 décembre. Quatre mois auparavant, il avait dû envoyé une armée au Pandjab, pour arrêter la menace d'une invasion persane. À la fin de cette année faste, et malgré tant d'incertitude qui subsistait encore sur la situation au Dekkan, la monarchie de Delhi, ayant atteint l'apogée de sa puissance, semblait assurée d'une longue période de prospérité. C'est pourtant le moment où la fortune va prendre pour elle une face nouvelle et où l'équilibre de la balance va se renverser à son détriment.

CHAPITRE III

 

SIVAJI, LE " RAT DE MONTAGNE "

 

  " Au tournant d'un faubourg d' Haiderabad, on lit cette inscription sur un vieux mur : Chemin de Golconde. Et autant il eût valu écrire : Chemin des ruines et du silence. " Sur la route poudreuse, le voyageur s'avance à travers les petites mosquées abandonnées, les minarets croulants au milieu d'une steppe brûlée, couleur de cendre, et parsemée de blocs de granitiques; et soudain, il découvre, au bord d'un lac desséché, un grand fantôme de ville, du même gris sinistre que le sol de la plaine, " et c'est là Golconde, qui fut pendant trois siècles une des merveilles de l' Asie ".
   Le lendemain du jour où il avait relevé cette inscription dérisoire, Loti [Louis-Marie-Julien Viaud dit Pierre Loti, I850-I923; écrivain français; Loti fut d'abord le nom du personnage chargé de le représenter avant de devenir son nom d'écrivain, Larousse] visitait dans la cité fantôme la citadelle cyclopéenne des sultans de Golconde et s'étonnait qu'avant l'invention des canons modernes, ils aient pu être chassés d'un tel repaire.


Pierre Loti, écrivain français. Ph. Dornac Coll. Archives Larbor

   À suivre...

   BOUVIER René et MAYNIAL Édouard, " Le dernier des grands Mogols, vie d'Aureng Zeb ", Paris, Éditions Albin Michel, I947, 309 pages, pp. 206-2I7.
 
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HAUTE-MARNE, SONCOURT-SUR-MARNE : LE CONSEIL MUNICIPAL ÉMET UN AVIS DÉFAVORABLE À L' AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE POUR LE PROJET DE L' USINE ÉOLIENNE

Précédemment
https://augustinmassin.blogspot.com/2022/03/haute-marne-soncourt-sur-marne-leolien.html

   Le proverbe dit : " il n' y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ". Manifestement, cela ne s'applique pas au conseil municipal. En effet, le 22 mars 2022, on pouvait lire, dans l' article de l'excellent jhmQuotidien, que, le projet d'installation d'une usine photovoltaïque sur le territoire avait été refusé par les élus. Or, en ce mois de juin 2023, ces mêmes élus donnent un avis favorable, à l'unanimité, au projet de l'usine photovoltaïque sur la commune de... Vignory !; lire ci-dessus. Les voies des élus sont impénétrables...
  Reste, qu'une FORMIDABLE décision a été prise, lors de ce même conseil municipal et, elle s'avère, pour la Haute-Marne et sa population, DÉCISIVE ET POSITIVE : l'Autorisation environnementale* pour le projet de l'usine de 12 éoliennes, dit " L étoile ", Marbéville, Mirbel, La Genevroye Vignory et Soncourt-sur-Marne, a reçu un AVIS DÉFAVORABLE
   Un grand merci aux élus pour ce moment de lucidité ! En attendant, les avis des autres communes.

Pour rappel :
  Conseil municipal 2020 -2026
  - Christelle de Castro, professions intermédiaires de la santé et du travail social
  - Sophie Rémy, professions intermédiaires administratives de la fonction publique
  - Didier Jolly, maire, techniciens
  - Christophe Bossu, artisans
  - Fabien Cornu, Chauffeurs
  - Manon Gardien, employés administratifs d'entreprise
  - Emmanuel Da Silva, employés civils et agents de service de la fonction publique
  - Philippe Gabet, ingénieurs et cadres techniques d'entreprise
  - André Godart, anciens ouvriers
  - Christian Schmidt, techniciens
  - Émilien Tonner, élèves, étudiants
   En gras, les réélus en 2020

EN AVANT TOUTES !

* L' Autorité environnementale
   Le porteur d'un projet d'usine éolienne, depuis 20I7, se doit d'obtenir des Autorités publiques et, faisant suite à l'enquête publique, une AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE d'exploiter son usine; cette autorisation dispense du permis de construire !** Conformément aux dispositions de l'article R.I8I-38, les conseils communaux des communes concernées sont amenés à faire connaître leur avis, au plus tard dans les I5 jours, suivant la clôture du registre d'enquête.


Définition
  " Dans le cadre de la modernisation du droit de l'environnement, le ministère simplifie les démarches administratives des porteurs de projet tout en facilitant l’instruction des dossiers par les services de l’État. Le Ministère a créé pour cela l’autorisation environnementale, applicable depuis le Ier mars 20I7. Les différentes procédures et décisions environnementales requises pour les installations classées pour la protection de l'environnement, ICPE, et les installations, ouvrages, travaux et activités relevant de la loi sur l’eau, IOTA, soumises à autorisation sont fusionnées au sein d'une unique autorisation environnementale. Celle-ci met l’accent sur la phase amont de la demande d'autorisation, pour offrir au pétitionnaire une meilleure visibilité des règles dont relève son projet. "
  Source


  ** " Par arrêt du 20 avril 202I, n°20NT01015, la Cour administrative d'appel de Nantes a jugé que lorsqu'une installation d'éoliennes terrestres est soumise à autorisation environnementale, cette autorisation dispense du permis de construire de sorte que le permis de construire accordé pour la construction de ce parc éolien présente un caractère superfétatoire et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours. "
  Sur le Web


   Pour prendre connaissance du parfait manuel de l'opposant à un projet d'usine éolienne, c'est ICI

  jhmQuotidien 2023 06 2I

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HAUTE-MARNE, PERRANCEY-LES-VIEUX-MOULINS : LE CONSEIL MUNICIPAL AVANCE SEREINEMENT SUR SON PROJET D' USINE ÉOLIENNE

Précédemment
https://augustinmassin.blogspot.com/2021/05/haute-marne-perrancey-les-vieux-moulins.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2022/03/haute-marne-perrancey-les-vieux-moulins.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2022/11/haute-marne-perrancey-les-vieux-moulins.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2023/02/haute-marne-perrancey-les-vieux-moulins.html
https://augustinmassin.blogspot.com/2023/02/haute-marne-perrancey-les-vieux-moulins_3.html


   En préambule, une question à Madame la préfète :
  Comment, Madame, pourriez-vous donner l'autorisation de construction et d'exploitation d'une usine éolienne sur la commune de Perrancey-les-Vieux-Moulins, voisine de Langres, alors que, récemment, vous avez opposé un refus catégorique aux projets concernant les communes de Bourg et d' Heuilley Cotton, communes situées également à la périphérie de la cité historique, POUR CAUSE D'UNE TROP GRANDE PROXIMITÉ ? :
Distances à vol d'oiseau

  • Perrancey-les-Vieux-Moulins : ~ 5km;
  • Bourg : ~ 6 km; étoiles noires
  • Heuilley-Cotton : ~ I0 km, étoiles noires.

Source : Grand Est DREAL, mise à jour le 0I/06/2023

  Dans l'excellent papier du jhmQuotidien, nous apprenons que la commune, par l'intermédiaire de son maire, continue de suivre à la lettre les recommandations du " Petit livre vert éolien pour les élus "; nouveau commandement : tu présenteras ton projet d'usine, avec ton associé éolien, à ta Communauté de communes, afin qu'il soit bien en conformité avec le Plan local d’urbanisme intercommunal, PLUi.

Lexique
  - Orientation d'aménagement et de programmation, OAP,
  - Projet d'aménagement et de développement durable, PADD,
  - Plan local d'urbanisme, PLU,
  - Plan climat-air-énergie territorial, PCAET,
  - Schéma de cohérence territoriale, SCoT,
  - Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, STRADDET,
  - Schéma régional éolien, SRE.

Qu'est que le Plan local d’urbanisme intercommunal, PLUi
  Le plan local d’urbanisme intercommunal, PLUi, couvre l’intégralité du territoire communautaire; il a été instauré par la loi portant Engagement National pour l’Environnement, ENE, du I2 juillet 20I0.
  " L’intercommunalité, territoire large, cohérent et équilibré, permet une mutualisation des moyens et des compétences et exprime la solidarité entre les territoires. "
  Pour en savoir plus : Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec
les Collectivités territoriales, MCTRCT, et Ministère de la Transition écologique et solidaire : MTES


Le PLUi et l'éolien
  "... Le PLU(i) est le document qui permettra à la collectivité d’afficher clairement ses attentes en matière d’éoliennes en prévoyant des dispositions et règles à même d’assurer l’insertion des projets dans leur environnement. C’est à l’échelle intercommunale que l’intégration éolienne est la plus pertinente En effet, le PLUi est à une échelle qui permet de produire un projet de paysage issu de la concertation locale, de la traduire sur le plan réglementaire et de déterminer les éléments paysagers à prendre en compte par les opérateurs notamment dans leur étude d’impact. "
  "... le projet de territoire du PLU(i) s’inscrit dans une logique de hiérarchie des normes, SRADDET, SRE, SCOT, PCAET…, II, il doit aussi tenir compte des projets existants ou programmés pour constituer son volet opposable : Le PLU(i) doit être compatible avec les SCoT qui eux-mêmes, ainsi que les SRADDET, doivent être cohérents avec les objectifs nationaux de développement de l’éolien. "
  " En effet, quelle que soit leur taille, les éoliennes devront respecter les dispositions des OAP et du règlement du PLUi ainsi que les règles régissant la vocation des zones. La concertation avec le public est un facteur clef de la réussite de l’implantation des projets Pour les SCoT comme pour les PLU, les associations d’usagers et associations environnementales peuvent être consultées à leur demande lors de l’élaboration. "
  " La concertation est organisée pendant toute la durée de l’élaboration du projet, et associe les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées. Les objectifs et les modalités de la concertation sont fixés par le conseil municipal ou le conseil communautaire. "
  " Le PADD est la pièce du PLU permettant d’afficher le projet de territoire de la collectivité. Le PADD est invité à traiter des éoliennes en application de l’article L 151-5 du code de l’urbanisme. "
  " En raison des objectifs prévus par le code en matière de développement des énergies renouvelables et des obligations de compatibilités avec les documents de rang supérieur traitant de cette question, le PLU(i) est incité à prévoir les modalités d’insertion des projets éoliens au regard de son projet de territoire. Le PADD permettra à la collectivité d'afficher ses attentes en matière de développement de l'éolien : typologie des projets, nombre d'éoliennes réalisées... Il pourra également afficher plus globalement ses attentes en matière de production d’ ENR. Cette pièce n’engage pas juridiquement la collectivité vis-à-vis des tiers mais permet d’afficher le projet « politique » de territoire. "
  " Si le PLU(i) est couvert par un document supérieur qui prévoit des localisations d'éoliennes, SRADDET ou SCoT, le rapport de présentation pourra comporter des éléments d'analyse au regard de la compatibilité avec les dispositions prévues par ce document. Il pourra aussi capitaliser sur les éléments de diagnostic déjà établis. "
  " Le code de l’urbanisme n’impose pas au PLU de développer un projet de territoire en matière d’éolien mais vise spécifiquement le développement des énergies renouvelables dans lesquelles elles s’inscrivent. "
  " Le rapport de présentation sera également l’occasion pour les auteurs du PLU de justifier les choix de sectorisation opérés au regard des enjeux paysagers, environnementaux, patrimoniaux et des obligations de compatibilité et prise en compte des documents de rang supérieur : SCoT, PCAET notamment. En cas, d’exclusion de certains secteurs, le rapport de présentation devra comporter des justifications objectives notamment au titre d’une législation d’urbanisme, environnementale ou patrimoniale. "
  " En résumé : les éoliennes et la stratégie intercommunale
   Le PLUi est le document d’urbanisme à la bonne échelle pour promouvoir et encadrer les projets éoliens : les projets d’éoliens ont un impact dépassant fréquemment les limites communales : paysage. Dans le projet d’aménagement et de développement durables, PADD : la collectivité expose sa stratégie urbaine, environnementale, patrimoniale et paysagère. Elle peut également y présenter les ambitions énergétiques afin de satisfaire les besoins locaux de la population mais également la contribution aux objectifs nationaux.
"
  " Les OAP peuvent constituer un outil intéressant pour faire valoir les objectifs de la collectivité aux porteurs de projet dans un rapport souple de compatibilité.  "
  •   " les éoliennes sont des installations et peuvent donc être explicitement visées par le plan local d’urbanisme ;
  • les règles de hauteur, lorsqu’elles sont nécessaires et justifiées, en privilégiant une approche qualitative permettant de fixer un cadre de référence suffisamment souple pour la réalisation de l’étude d’impact par le porteur de projet ;
  • les localisations préférentielles pour les éoliennes et les voies desservant les projets ; l’identification des secteurs, éléments paysagers, environnementaux et patrimoniaux, Art. L151-19 et 23, afin de d’orienter les porteurs de projet dans le cadre de leur étude d’impact. "

Source

Le PLUi de la Communauté de communes du Grand Langres, CCGL
  Le document est en cours d'élaboration et devrait entrer en vigueur d'ici 2024. Il faut avoir à l'esprit que le délai moyen pour établir un PLUi est de... 3,5 ans ! Pour prendre connaissance de la présentation générale, c'est ICI : Plan Local d’Urbanisme intercommunal valant Programme Local de l’Habitat.
  Mais, pour celles et ceux qui aiment aller dans les détails, surtout quand ces détails concernent l'impact éolien sur notre vie d'aujourd'hui et de demain, c'est ci-dessous :
  "... Énergie éolienne
   Il existe un Schéma Régional Éolien à l’échelle de l’ancienne Champagne-Ardenne, qui concerne en partie le territoire de la CCGL. Sachant qu’aujourd’hui, les éoliennes sont conçues pour démarrer à partir d’un vent de 3m/s, le potentiel éolien est relativement intéressant autour de Langres. Effectivement, la carte du gisement éolien dans cette région de la Haute-Marne identifie une surface importante du territoire concernée par des vents allant de 5 à 5,5m/s, d’autres espaces pour lesquels les vents vont jusqu’à 6m/s et enfin 4 zones où les vents dépassent les 6m/s
" :
Source : PCAET Champagne-Ardenne – Annexe Schéma Régional Éolien.

  "... Cependant, bien que l’installation d’éoliennes reste tout de même envisageable sur le territoire communautaire, un projet éolien est à l’étude à Bonnecourt et Chauffourt notamment, les aérogénérateurs induisent divers impacts. Ces impacts concernent notamment le paysage. La carte ci-contre met en exergue les zones autour du territoire communautaire relatives au schéma directeur éolien de Chaumont et au référentiel éolien de Langres "
Source : PCAET Champagne-Ardenne – Annexe Schéma Régional Éolien.


Source : Élaboration du PLUi-H de la Communauté de Communes du Grand Langres ANALYSES PRÉLIMINAIRES

  À ce millefeuille administratif, STRADDET, SCoT, PADD, PLUi, etc., qui, en partie, a pour mission d' imposer l'éolien à toutes les populations campagnardes, l 'État, contrarié toutefois par la résistance locale, pourtant bien pacifique et inoffensive, comparer avec ce qui se passe, par exemple, en Israël, vient d'y ajouter une nouvelle couche, via la Loi de l'accélération de la production d'énergies renouvelables :  les Zones favorables au développement de l'éolien, ZFDE*, qui visent un développement maîtrisé et responsable de l’éolien tenant compte des enjeux des territoires, dixit le gouvernement !
  De fait, CHAQUE COMMUNE RURALE devra compter une ZFDE sur son territoire. Avec pour conséquence, si on pousse le raisonnement jusqu'au bout, que :

  • Chaque village pourra être sollicité par des spéculateurs financiers " vert " éoliens, avec l'obligation de valider n'importe quel projet, à partir du moment qu'il se situe en ZFDE et qu'il respecte les contraintes élaborées; il en irait de même, pour les Autorités publiques, à de rares exceptions;
  • Les recours juridiques pour les opposants, toujours possibles, État de droit oblige, auront quelle véritable utilité ?  
  • Un projets retoqué ne pourrait-il pas refaire surface, si d'aventure, il s' avérait qu'il se situait sur un secteur devenu, par la magie de la loi, une ZFDE ?

  DEMAIN, CHAQUE VILLAGE POURRAIT, EN TOUTE LÉGALITÉ, ACCUEILLIR, UNE OU PLUSIEURS USINES ÉOLIENNES !

* La région du Grand Est a organisé une consultation publique, close le 2I/04/2023, où elle présentait un " Projet de cartographie régionale des ZFDE ". Or, dès que l'on grossit la carte, on découvre que :

  • Nombre de ZFDE accueillent déjà des usines éoliennes;
  • Nombre de ZFDE sont de si " petites tailles ", qu’elles ne pourraient même pas... accueillir plusieurs éoliennes;
  • Ces mêmes ont leur " impact de l’éolienne ", caractérisé par un cercle jaune de 500m de diamètre, qui déborde sur des zones blanches qui, dans la hiérarchisation régionale est synonyme : " niveau de sensibilité incompatible, projet impossible ! ";
  • Le découpage, à la " serpette ", débouche sur des formes géométriques, types carrés, triangles, rectangles… mais aucune courbe !;
  • Le découpage ne respecte ni les routes, ni les niveaux de courbes…
    Il se confirme donc que cette élaboration de ZFDE a été fait, plus ou moins au doigt mouillé et dans une certaine urgent.
  Remercions le Collectif Environnement Champenois En Péril, Ecep 5I, pour son analyse et son partage avec tous.

  LE PIRE EST AVENIR !

jhmQuotidien 2023 06 2I

 

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LE DERNIER DES GRANDS MOGOLS, VIE D'AURENG ZEB, ÉPISODE XVI

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  Dacca,[ou Dhaka, située sur la rive gauche de la rivière Buriganga; en 1971, avec le soutien de l’Inde, une guerre de libération a lieu, le Pakistan oriental se déclare indépendant, et devient le Bangladesh. Dhaka est la capitale et la plus grande métropole du Bangladesh avec 2I millions d'habitants; elle la I3eme ville la plus peuplée au monde] au Sud du Bengale, sur un affluent du Brahmapoutre, était à la fin du XVIIe siècle une ville intéressante, par sa situation, son étendue et sa population, mais qui avait l'aspect d'un grand village. Ses maisons de bambou et de terre battue, très écartées les unes des autres, s'étendaient sur deux lieues [8 km] de chaque côté de la rivière; les seuls bâtiments convenables étaient l'église des Pères Augustins, et les factoreries des Hollandais et des Anglais, qui se disputaient les marchés de la région; un grand nombre d'habitants, et même le gouverneur, vivaient sous la tente. Mais la ville était très animée par foule des ouvriers qui travaillaient à la construction des bateaux, la principale industrie du pays. En outre, Dacca commandait une importante vallée vers le Nord, et surveillait au Sud les voies d’accès vers les bouches du Gange et du Brahmapoutre, et vers les îles de la côte. Comprenant l'importance stratégique de la position, Mir Jumla avait fait établir en amont des faubourgs deux beaux ponts de brique, pour faciliter les communications; et il installa son quartier général dans cette place, qui lui servit de base pour l'expédition qu'il méditait vers le Nord de l' Assam.

  



"... Et j’ai failli oublier d’en parler. Dacca est une ville sale. Très sale. Des déchets partout. J’ai trouvé que c’était pire que New Delhi. Soyez préparés. Ça n’a pas aidé, mais il a plu quelques jours pendant mon séjour. Du coup il y avait de la boue partout. Comme à Pokhara, tout le monde crache par terre en faisant un bruit de dingue avec leur gorge avant d’expulser leurs gros mollards. Dès l’aéroport de Dacca, j’avais flairé le truc. Je cherchais une poubelle pour jeter un papier et ce sont carrément les employés du bureau de change, qui me voyaient tourner en rond, qui m’ont dit “Jette par terre t’inquiète“. Ils l’ont répété et insisté quand ils ont vu que je n’allais pas jeter mon papier au sol… " Sur le Web

  Cette campagne, qui devait avoir une issue si funeste semble avoir été pour le grand capitaine l'instrument de son ambition particulière. Jusqu'ici, il s'était vu le maître tout puissant d'une immense armée, qui lui était personnellement attachée. Son prestige, son influence dans l'empire non moins que sa fortune dépendaient uniquement de ses succès militaires. Dépouillé d'un grand commandement, que les évènements ne justifiaient plus, il n'était qu'un seigneur comme les autres omrahs, guetté par la jalousie de ses rivaux ou de ses ennemis, à la merci des caprice du maître, et d'un maître à qui tout mérite éclatant était suspect. En outre, il redoutait les excès de cette foule de soldats, habitués depuis quatre ans à la vie des camps, aux profits de la victoire, aux brutales satisfactions du combat et du pillage. En les détournant vers une nouvelle guerre, il agissait un peu comme Duguesclin,[Bertrand Du Guesclin, I3I5 ou I320-1380; Petit hobereau breton devenu une immense figure de la guerre de Cent Ans, le connétable Bertrand Du Guesclin incarne le chevalier par excellence. Pendant vingt-cinq ans, il mit sa bravoure au service de la couronne de France. Larousse] après Cocherel,[première victoire, depuis longtemps, des armées de Charles V sur les Navarrais, I634, sous le commandement de Du Guesclin] emmenant les routiers des grandes compagnies se faire pendre ailleurs, sur les routes de Castille.[à la bataille d'Auray, 29 septembre I364, Du Guesclin est fait prisonnier. Charles V ayant payé la rançon, il prend en I365 le commandement des Grandes Compagnies, afin d'en débarrasser le royaume. Il les emmène alors en Castille, dont Henri II de Trastamare et son frère Pierre Ier le Cruel, allié du Prince Noir, se disputent la couronne] Pour lui-même, il rêvait peut-être le destin d'un César, cherchant dans une glorieuse conquête l'argument décisif qui ferait d'un simple proconsul un empereur.
   Il faut reconnaître que les apparences semblaient lui donner raison. En dépit des difficultés naturelles, dont nous avons dressé plus haut l'impressionnant bilan, l' Assam paraissait une proie offerte à l'appétit d'un conquérant. Depuis plusieurs siècles, le pays n'avait plus connu la guerre; il n'avait pas d'armée; les habitants avaient perdu l'esprit militaire, et se fiant aux obstacles infranchissables que leurs marais, leurs fleuves et leurs montagnes dressaient devant l'invasion d'un agresseur problématique, ils s'endormaient dans une trompeuse sécurité.
  Mais il fallait agir vite. Appliquant les principes de la guerre-éclair, sans les ressources d'une armée motorisée, Mir Jumla partit de Dacca le Ier novembre I66I, et sept semaines plus tard, le I9 décembre, la ville de Kuch Bihar,[ou Koch Behar ou Cooch Behar, ancien État princier des Indes, dans l'actuel Bengale-Occidental, au confluent du Brahmapoutre et de la Teesta] dans l'extrême Nord de l' Assam, à quatre vingt lieux [320 km] de Dacca, tombait entre ses mains. Victoire foudroyante, exploit presque incroyable, si l'on songe à la difficulté de mouvoir ces lourdes masses de cavalerie, d'éléphants, d'artillerie rudimentaire, et de bagages encombrants, à travers cent cours d'eau, des montagnes sans routes et des plaines marécageuses. Mais victoire trompeuse, dont l'ivresse fit perdre la tête au vainqueur. Semblable à l'une de ses idoles monstrueuses aux cents bras, au sourire cruel, tapies dans l'ombre des pagodes, l' Assam préparait sa revanche, par les seuls maléfices d'une nature faite à l'image de ses dieux.
  En apparence, tout semblait réussir à Mir Jumla. Pour flatter ce précieux artisan de sa gloire, dont il connaissait par expérience la vanité susceptible, Aureng Zeb lui avait décerné la plus haute distinction de l'empire : il le nomma Amir-ul-Umara,[ou Amir al-umara] " Émir des Émirs ". [traduction approximative anglaise] En même temps, il éleva son fils, Mahomet Émir Khan, à la dignité de Mir-backhi, littéralement : " trésorier payeur en chef ", chargé de percevoir les revenus dans les pays conquis, pour payer la solde des troupes. Le raja [Pran Narayan, I626-I665] vaincu s'était enfui dans les montagnes et tous ses subordonnés avaient fait leur soumission. Le vainqueur pouvait se croire seul maître d'un pays, dont il comptait bien tirer des ressources extraordinaires, même du point de vue militaire. N'attribuait-on pas à l' Assam l'invention de la poudre et des premières pièces d'artifice et d'artillerie, que les Chinois n'auraient fait qu'exploiter et perfectionner par la suite ? Le fait est que Mir Jumla recueillit, comme premier fruit de sa victoire, de nombreux canons et d'importants stocks d'excellente poudre.
  Mais l'hiver était venu, et le froid éprouvait cruellement l'armée hindoue, qui n'était pas habituée au climat, en sorte que le général ne jugea pas prudent de poursuivre sa pointe vers le Nord. Il se dirigea vers le Sud-Ouest, à la poursuite du raja. Sur leur passage, ses soldats ne se firent pas scrupule de ravager un pays assez bien cultivé, et principalement, en bons musulmans qu'ils étaient, d'incendier ou d'abattre les nombreuses pagodes qui dressaient dans la campagne leurs toitures tarabiscotées.
  Cependant, les éclaireurs de l'émir étaient entrés en contact avec les troupes en retraite du raja. Les renseignements qu'ils rapportaient n'étaient pas tout à fait rassurants : l'armée ennemie, dont on avait sous-estimé la valeur, était mieux équipée que l'état général du royaume pouvait le donner à penser. En particulier, les soldats possédaient un engin très meurtrier, une sorte de grenade qui portait à cinq cents pas, plus efficace que les fusées auxquelles les Mogols étaient habituées et dont ils se servaient pour jeter la panique parmi les chevaux et les éléphants. Aussi Mir Jumla résolut-il d'abandonner pour le moment la poursuite en montagne, et de marcher sur les autres villes de l' Assam, tant pour éviter de rencontrer son adversaire sur un terrain défavorable, que pour donner satisfaction aux instincts de pillage de ses troupes. Au sac de Kuch Bihar, celles-ci s'en étaient données à cœur joie. La cité où se trouvaient les tombeaux des rois et de la famille royale, était riche en pagodes luxueusement décorées et entretenues. Tavernier explique que ce peuple, croyant à la survie des morts dans un autre monde, au lieu de les brûler, les enterre avec tout ce dont ils pourraient avoir besoin au cours de cette nouvelle existence : force roupies d'or et bijoux, tapis, couvertures, meubles de prix; quant aux princes, pour leur tenir compagnie dans la nuit du tombeau, on enferme auprès d'eux quelque idole de métal précieux, qu'ils ont eue en particulière vénération durant leur vie terrestre. Nous laissons à penser si ces trésors funéraires et les dépouilles des innombrables pagodes furent de bonne prise pour les Mogols. Mis en goût par le butin de Kuch Bihar, ils étaient tout prêts à recommencer ailleurs leurs profitables exploits.
  Mir Jumla marcha sur Chamdara, que Bernier nomme " la clef des possessions du raja " mais il ne put atteindre cette ville qu'après une marche épuisante de vingt-huit jours. Bien que fortement éprouvée par le climat et par la fatigue de la route, l'armée conquérante infligea aux défenseurs de la place une défaite écrasante. Devant la menace grandissante, le roi d' Assam abandonna son repaire des monts Garo,[Les Garo Hills sont des montagnes de l'État de Meghalaya en Inde. Elles font partie de la chaîne Garo-Khasi-Jaintia, dans le massif Patkai] pour se replier en hâte sur sa capitale, Ganghaon, [ou Garhaon; "... Mir Jumla était accompagné d'un écrivain nommé Shihabuddin qui rédigea un compte rendu détaillé de l'expédition et donna une description très complète du peuple et du pays. À propos de la capitale, il écrit : " La ville de Gargaon possède quatre portes de pierre enfoncées dans la boue. De chacune d'elles jusqu'au palais du Raja, sur une distance de trois kos, une digue extrêmement solide, haute et large, al, a été construite pour le passage des hommes. Autour de la ville, à la place des murs, il y a une plantation de bambous qui s'étend continuellement sur une largeur de deux kos ou plus " ... " En résumé, la ville de Gargaon nous est apparue comme circulaire, large et comme une agrégation de villages. Autour de la maison du Raja, un talus a été construit et de solides bambous y ont été plantés à proximité les uns des autres pour servir de mur. Autour de la maison, un fossé a été creusé, dont la profondeur est supérieure à la hauteur d'un homme dans la plupart des endroits et qui est toujours rempli d'eau. L'enceinte a une circonférence d'un kos et quatorze chaînes ; à l'intérieur, on a construit de hautes et spacieuses maisons au toit de chaume... "; sur le Web] à quarante lieues [I60km] de Chamdara. Mais serré de près par l'ennemi, il n'eut pas le temps de s'enfermer dans la ville et fut forcé de poursuivre sa désastreuse retraite vers les montagnes du Tibet. Naturellement, Chamdara et Ganghaon, où Mir Jumla fit son entrée le I7 mars I662 furent pillées méthodiquement. Plus riche encore que Kuch Bihar, la ville était une ville très commerçante, et célèbre par la beauté de ses femmes. Mais l'armée conquérante allait bientôt éprouver la vanité de tant de richesses, et que l'on peut mourir de faim et de misère à côté d'un trésor.

Garhgaon : le palais royal, également connu sous le nom de palais de Garhgaon, à I5 kilomètres de la ville de Sivasagar, siège du district du même nom, en Assam. Crédit photo : Kaushik s

   Les grandes pluies des moussons commencèrent cette année plus tôt que de coutume, vers la fin de mars; elles devaient durer jusqu'en novembre. Elles tombèrent avec la violence habituelle, implacable, noyant tout le pays, à l'exception des villages construits sur les hauteurs.
  L'armée mogole était confinée dans son camp submergé. À la détresse physique s'ajoutait l'inquiétude causée par les nouvelles qui venaient de l' Inde : l'empereur était gravement malade; la peste et la famine désolaient certains districts; Aureng Zeb, abandonnant sa capitale, se retirait au Cachemir. Profitant de la situation, le roi d' Assam enferma son ennemi paralysé et démoralisé dans un vaste désert, en détruisant tout autour de lui les cultures et le bétail. Quand les pluies cessèrent, et que les soldats de Mir Jumla purent sortir de leur camp, ils se trouvèrent devant un pays mort et dénué de toutes ressources, réduits à la plus stricte disette, malgré l'or et les pierres précieuses dont ils étaient gorgés.
  Jamais au cours de sa longue carrière militaire, l' Émir des Émirs ne s'était vu dans une situation aussi désespérée. Pour lui, une offensive nouvelle était aussi impraticable qu'une retraite régulière. Devant lui, la barrière des hautes montagnes couvertes de neige; derrière, une terre inondée, qui n'était plus qu'une succession de marécages, sans issue possible, le raja ayant pris la précaution de rompre la digue qui formait la route de Chamdara. Enfin, il comprenait bien qu'il n'avait plus à compter sur une armée dont la résistance était à bout, et dans laquelle de graves signes d'insubordination commençaient à se manifester. La mort dans l'âme, il dut se résoudre à renoncer pour le moment à sa conquête, sans même tirer un légitime avantage de ses premières victoires. Il ne lui restait qu'à conclure une paix avantageuse, qui réservât l'avenir, et à ramener dans l' Inde les débris de ses troupes. Son intelligence et sa fermeté lui permirent d'obtenir au meilleur compte possible ces deux résultats.
  Le Ier janvier I663, le roi d' Assam signait à Chamdara un traité avec Mir Jumla, [dit traité de Ghilajharighat, signé le 23 janvier I663, à Tipam; celui mettait fin à l'occupation de la capitale des Ahoms, Garhgaon et, contenait les conditions suivantes : Jayadhwaj Singha, I648-I663, 20ème roi du royaume Ahoms, devait envoyer une fille au harem impérial; vingt mille tolas d'or, six fois plus d'argent et quarante éléphants doivent être cédés immédiatement; trois cent mille tolas d'argent et quatre-vingt-dix éléphants à fournir dans les douze mois; six fils des principaux nobles seront livrés en otage en attendant que la dernière condition soit remplie; vingt éléphants seront fournis chaque année; Le pays situé à l'ouest de la rivière Bhareli sur la rive nord du Brahmapoutre et de la rivière Kalang au sud sera cédé à l'empereur de Delhi et, tous les prisonniers et la famille du Baduli Phukan doivent être abandonnés] et le I0 janvier, l'armée mogole commençait son repli. Il n'y a guère dans l'histoire que la retraite des Dix mille en Asie mineure, [retraite effectuée à travers la haute Asie par les mercenaires grecs enrôlés par Cyrus le Jeune : 40I-400 avant J.-C.. Après la bataille de Counaxa, où avait péri Cyrus, ils tentèrent de regagner leur pays. À travers les montagnes d'Arménie, ils réussirent à gagner le Pont-Euxin, et s'embarquèrent à Sinope. Cette retraite héroïque est rapportée par Xénophon dans l' Anabase. Larousse] et celle de Bohême en I742,[le siège de Prague, de juin à décembre 1742, oppose pendant la guerre de Succession d'Autriche un corps expéditionnaire français aux forces de Marie-Thérèse d'Autriche, défendant les possessions héréditaires des Habsbourg, notamment le royaume de Bohême. (...) Malgré cela, l'armée autrichienne sous le commandement du maréchal Johann von Lobkowitz parvient à contrôler une bonne partie de la Bohême. En juin I742, cette armée établit le siège autour de Prague avec 28 000 hommes. (...) Le I6 décembre, Belle-Isle s'échappe à son tour avec I4 000 hommes. Le commandement autrichien n'apprend le départ des Français que le I8 décembre, mais estime que de toute façon toutes les voies de retraite sont coupées. Repoussant les groupes d'éclaireurs de l'armée autrichienne, Belle-Isle atteint quatre jours plus tard la forêt de Bohême et par une marche forcée de dix jours à travers les montagnes, dans des conditions climatiques difficiles, gagne la ville d' Egra. Les 6 000 hommes, pour la plupart blessés ou malades, que Belle-Isle a laissés à Prague négocient les conditions de leurs reddition et obtiennent un retrait avec les honneurs de la guerre...; sur le Web] qui puissent être comparées à celle de l' Assam. Dans les trois cas, c'est l'énergie seule du chef, Xénophon, [vers 430 avant J.-C.-vers 355, philosophe et historien grec; Au printemps de 40I avant J.-C., il s'enrôle dans l'armée de mercenaires que Cyrus le Jeune lève en Asie Mineure contre son frère Artaxerxès II. D'abord il n'est « ni général, ni officier, ni soldat », l' Anabase, puis l'amateur devient l'un des chefs de la retraite des Dix Mille. Larousse] Belle-Isle, [Charles-Louis-Auguste Fouquet de Belle-Isle, I684-I76I; comte, puis duc de Belle-Isle; maître de camp général des dragons, I709, maréchal de France, I74I; duc et pair, I748, secrétaire d'État à la Guerre de I758 à I76I et, Académie française, I749. il poussa Louis XV à intervenir dans la guerre de la Succession d'Autriche. En juin I742, l'armée autrichienne sous le commandement du maréchal Johann von Lobkowitz établit le siège autour de Prague avec 28 000 hommes. (...) Le I6 décembre, Belle-Isle s'échappe à son tour avec I4 000 hommes. Le commandement autrichien n'apprend le départ des Français que le I8 décembre, mais estime que de toute façon toutes les voies de retraite sont coupées. Repoussant les groupes d'éclaireurs de l'armée autrichienne, Belle-Isle atteint quatre jours plus tard la forêt de Bohême et par une marche forcée de dix jours à travers les montagnes, dans des conditions climatiques difficiles, gagne la ville d' Egra. Les 6 000 hommes, pour la plupart blessés ou malades, que Belle-Isle a laissés à Prague négocient les conditions de leurs reddition et obtiennent un retrait avec les honneurs de la guerre...; sur le Web] Mir Jumla, qui sauva des milliers d'hommes d'un complet désastre. Sans la résistance surhumaine de l' Émir, jamais la perfide terre d' Assam, toute molle de son déluge annuel, n'aurait rendu à Aureng Zeb un seul de ses cavaliers : la boue, la faim, les partisans du raja harcelant l'armée, trois ennemis également implacables. Tous les historiens sont d'accord pour reconnaître que l'épisode le plus douloureux de sa carrière ajouta encore à la gloire du capitaine.


Pièce en argent de Jayadhwaj Singha en écriture Ahom. Conservée à la galerie numismatique du musée de l'État d' Assam. Crédit : ComparingQuantities

  Au reste, sa retraite n'était pas celle d'un vaincu. Il revenait chargé d'un butin considérable, qu'il était parvenu à sauver des griffes du raja. Il avait pris des mesures pour sauvegarder l'avenir, n'ayant pas perdu l'espoir de reprendre un jour l'offensive dans des conditions plus avantageuses : il avait fait des travaux, à Kuch Bihar, pour renforcer les fortifications de la ville, où il laissait une importante garnison.
  Mais pour lui, il n' y avait plus d'avenir... La peste s'était ajoutée aux autres maux qui accablaient l'armée mogole. Elle faisait de grands ravages parmi les hommes sans résistance. L'Émir fut une des premières victimes. Avant d'atteindre Dacca, il mourut à Khirzarpur [ou Khizrpur; ville de l'époque, située à quelques kilomètre au nord de l'actuelle ville de Narayanganj, Bangladesh, au confluent de la Dulai, Old Buriganga, et de la Sitalakshya; Mir Jumla mourra sur un bateau au large de la ville], le 3I mars I663. La nouvelle de cette mort produisit dans l' Inde entière une grande sensation. Plus d'un esprit avisé, nous dit Bernier, fit cette réflexion : " C'est vraiment maintenant qu' Aureng Zeb est roi du Bengale. "
  Quels purent être, en effet, les sentiments du Grand Mogol, quand il apprit au Cachemir la disparition d'un de ses plus anciens serviteurs ? Il n' oubliait pas ce qu'il lui avait dû. Il n'était pas fâché d' être délivré d'un vice-roi, dont la puissance et le vaste génie lui avaient attiré tant de difficultés et d'inquiétudes. Bernier rapporta aussi l'étrange oraison funèbre qu'il adressa publiquement au fils de l' Émir, Mahmet Émir Khan : " Vous pleurez la mort d'un père bien-aimé, et moi la perte du plus fort et du plus redoutable de mes amis. " Toutefois, il traita le jeune homme avec la plus grande bonté, l'assurant qu'il trouverait en lui un second père; rompant avec un abus dont nous connaissons la détestable tradition, au lieu de mettre la main sur les richesses de Mir Jumla, il confirma magnanime au fils la pleine jouissance de l'héritage paternel.
  Pendant ce temps, le désastre de l' Assam prenait dans l'imagination populaire les proportions légendaires d'une douloureuse épopée. En louant le courage et l'endurance de ces hommes qui étaient tombés sur la terre étrangère pour la grandeur de l'empire, les historiens et les poètes retrouvèrent les accents de Périclès,[vers 495-Athènes 429 avant J.-C, stratège et homme d'État athénien; Périclès a donné son nom à un « siècle » non pas tant par ses talents géniaux d'homme d'État, et surtout d'homme politique, que grâce à la durée tout à fait exceptionnelle de sa prééminence politique dans la démocratie athénienne, alors parvenue à son apogée. (...) Après l'assassinat d' Éphialtès, 46I, Périclès, devenu à son tour le chef de son parti, dirige l'État en tant que stratège, magistrature à laquelle il est réélu à quinze reprises au moins entre 443 et 429...; Larousse] pleurant la jeunesse athénienne moissonnée dans la guerre du Péloponnèse [l'oraison funèbre de Périclès est un des passages les plus connus de l’œuvre de l’historien athénien Thucydide, La Guerre du Péloponnèse : II, 35-43. Il y retranscrit l’oraison en l’honneur des soldats athéniens morts durant la première année de la guerre du Péloponnèse : " La plupart de ceux qui avant moi ont pris ici la parole, ont fait un mérite au législateur d'avoir ajouté aux funérailles prévues par la loi l'oraison funèbre en l'honneur des guerriers morts à la guerre. Pour moi, j'eusse volontiers pensé qu'à des hommes dont la vaillance s'est manifestée par des faits, il suffisait que fussent rendus, par des faits également, des honneurs tels que ceux que la république leur a accordés sous vos yeux ; et que les vertus de tant de guerriers ne dussent pas être exposées, par l'habileté plus ou moins grande d'un orateur à trouver plus ou moins de créance... "; sur le Web] : " L' Assam, écrit l'un d'eux, a gardé la fleur des Afghans, des Persans et des Mogols. "


Périclès prononçant son oraison selon le peintre allemand Philipp Foltz : I877.

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  La conquête de l' Arracan, suivie de son annexion à la province du Bengale, est l'œuvre de Shaista Khan, l'un des personnages le plus influents de l'entourage d' Aureng Zeb, l'un des meilleurs instruments de sa politique. Il était attaché à l'empereur par les liens d'une parenté très proche : ce fils du vizir Azaf Khan était le frère de Mumtaz Mahal, la femme si passionnément regrettée de Shah Jahan et la mère de notre Grand Mogol. Il mourut en I694, plus qu'octogénaire, après une longue carrière entièrement dévouée au service de l'empire, dans lequel il exerça quelques-unes des charges les plus importantes. Il avait été notamment gouverneur d' Agra, du Dekkan et du Bengale; c'est dans ces dernières fonctions qu'il provoqua un conflit avec Job Charnock,[vers I630-I692; il entre à la Compagnie des Indes Orientales en tant que jeune marchand et, son premier poste est à Kasimbazar en I658; "... Il était le chef de la colonie de Hughli de la compagnie lorsque la guerre anglo-mughalienne de I686-90 a commencé. Sur le théâtre de cette guerre au Bengale, les Anglais furent rapidement chassés et contraints de mettre fin à leurs activités au Bengale et de se retirer à Madras. Mais à la fin de la guerre, Subahdar Ibrahim Khan, le successeur de Shaista Khan, les invita à reprendre leurs activités au Bengale... "; il a été longtemps considéré comme le fondateur de la ville de Calcutta, en I690, fait contesté depuis par la haute cour de la ville en 2003; sur le Web] chef du comptoir de la Compagnie anglaise des Indes Orientales à Golaghat, près d' Hughli [ou Hoogly], et qu'il entreprit ses fameuses expéditions contre le roi d' Arrakan et contre les pirates de Chittagong. Doué d'un sens politique très fin, il avait de bonne heure deviné le génie d' Aureng Zeb et pressenti sa fortune, abandonnant la cause de son beau-frère, l'empereur Shah Jahan, puis celle de Dara, pour se rallier à celle du futur Alamguir.

Le mausolée simple de Job Charnock dans le jardin de l'église St John, Calcutta. Crédit photo : Grentidez

  En moins de deux ans, sous prétexte de châtier le roi d' Arrakan, dont les pirates faisaient cause commune avec les corsaires portugais d' Hughli, la conquête était accomplie, avec autant de décision que de persévérance, par l'entreprenant gouverneur. C'est le 7 mars I664 que Shaista Khan avait pris possession de son gouvernement du Bengale; le I3 décembre de la même année, il faisait son entrée dans Dacca, ville importante du Sud de l' Assam, qui commandait le delta du Brahmapoutre; le 9 novembre I665, il lançais son armée contre l'île Sondil, Sandwip, [ou Sandvip, Sondeep ou Sundiva, est située le long de la côte sud-est du Bangladesh, sur l'estuaire du fleuve Meghna dans le golfe du Bengale; séparée de la ville de Chittagong par le canal de Sandwip] aux bouches du fleuve, et le 26 janvier I666, il s'emparait de Chittagong, capitale de l' Arrakan,["...Les premières traces de civilisation remontent au Néolithique, et les premiers écrits mentionnant Chittagong datent IVe siècle avant J.-C. Le port de Chittagong est mentionné sur la carte de Ptolémée qui précise qu'il s'agit d'un des plus importants ports orientaux. Les premiers marchands arabes, venus de la péninsule du golfe, gagnent Chittagong au IXe siècle. Ils amènent avec eux des soufis qui s'installent dans la région et répandent l'islam. En I340, le sultan de Sonargaon conquiert le port stratégique qui commerce avec la Chine, l'Afrique de l'est et l'Asie du sud-est, et l'intègre au sultanat du Bengale qui devient l'État le plus riche du sous-continent indien. En I528, le sultanat autorise l'installation d'une implantation portugaise, qui devient la première colonie occidentale au Bengale. Trois ans plus tard, le sultanat perd le contrôle de la ville suite à la déclaration d'indépendance de l' Arakan : Rakhine au Myanmar actuel. Les Portugais profitent de cette instabilité politique pour étendre leur emprise sur le port de Chittagong. Ils instaurent une license commerciale obligatoire pour chaque navire entrant dans le port de Chittagong. À la fin du XVIe siècle, Chittagong compte 2 500 Portugais, mélange de soldats, fonctionnaires, marchands, missionnaires, marins et pirates. En i666, les Moghols décident de reprendre Chittagong des mains des Portugais, envoyant une armée de 6 500 hommes et 288 navires pour bloquer le port. Défaits, les Portugais se retirent et Chittagong connaît une période d'accroissement économique florissante... Aujourd'hui, " Chittagong est la deuxième ville du pays et joue un rôle majeur dans l'économie grâce à son port, le plus important du golfe du Bengale, qui gère 80% du commerce avec l'international et génère 50% des revenus du pays... "; sur le Web] et repaire principal des pirates sur la côte; la ville conquise, pour marquer l'importance de ce succès, perdit son nom et prit celui de Islamabad, qui la ralliait durablement au grand empire musulman. Ces dates ont leur éloquence, si l'on considère que le pays offrait à peu près les mêmes difficultés que l' Assam, où Mir Jumla, malgré le prestige et l'expérience d'une longue carrière militaire, venait d'essuyer un désastre retentissant.
  Les empereurs mogols avaient eu plusieurs fois des difficultés avec ces pirates, qui furent l'occasion ou le prétexte d'une des rares expéditions heureuses du règne d' Aureng Zeb. Mais il ne les avaient jamais affrontés directement dans cette périlleuse région. En I630, notamment, pour punir les Portugais rebelles aux conditions qu'il voulait leur imposer pour leurs tractations commerciales, Shah Jahan avait fait le siège d' Hughli; s'étant rendu maître de la ville, il en avait déporté à Agra toute la population. L'histoire affirme d’ailleurs que le vrai motif de cette répression était une vengeance personnelle de l'empereur : Shah Jahan n'oubliait pas que les Portugais d' Hughli, alors qu'il n'était encore que le prince Khourrem, en révolte contre son père, lui avaient refusé le secours en hommes et en munitions qu'il leur réclamait.
  Pour Aureng Zeb, la victorieuse offensive de Shaista Khan contre l' Arrakan et les pirates portugais, avait un sens religieux, plus encore que politique, et cela est bien dans sa ligne habituelle : le nom d' Islamabad imposé à la ville vaincue, a une valeur symbolique, et nous avons déjà évoqué certains conflits du Mogol avec ces Franguis insolents, qui ne craignaient pas de faire de la propagande religieuse sur ses domaines et jusque parmi les femmes de la cour impériale. Si l'on songe que les Portugais avaient jadis fait enlever et converti de force deux filles attachées au service de Mumtaz Mahal, on ne peut s'empêcher de voir plus qu'une coïncidence dans l'acharnement avec lequel le frère de l'impératrice défunte cherchait à imposer la loi de Mahomet à ces étrangers humiliés.
  Coupable de protéger les Portugais du Bengale, qui pillaient les campagnes, rançonnaient les sujets du Mogol ou les enlevaient pour les réduire en esclavage, Mugh, le raja d' Arrakan paya le premier son imprudence ou sa faiblesse. L'un des principaux chefs de ces pirates avait épousé la sœur de Mugh, devenue chrétienne. Mais qui dira si le raja n'avait pas cédé plus encore à la menace et à la terreur, qu'à son ambition et sa cupidité personnelle ? Cette famille princière paraît d'ailleurs aussi corrompue que divisée, si l'on en juge par les circonstances de cet étrange mariage, qui sont parvenues à notre connaissance. Mugh avait un frère, Anaporam, qui s'était rendu coupable de graves excès dans l'administration d'une province dont il était gouverneur. Chassé du royaume, ce moderne Verrès [Caius Licinius, vers 119-43 avant J.-C.; homme politique romain; Proquesteur en Asie, 79, il se signala par ses déprédations. Préteur urbain en 74, il abusa de son pouvoir. Propréteur en Sicile, 73-7I, il pilla la province et l'accabla d'impôts. Poursuivi en justice par les cités, qui confièrent leur cause à Cicéron, il s'exila, 70, dès les premiers discours de ce dernier : les Verrines. Il mourut proscrit par Antoine. Larousse] avait cherché refuge dans les îles de la Sonde,[ archipel de l’Insulinde. On les divise traditionnellement en deux groupes : les grandes îles de la Sonde, Sumatra, Java et parfois Bornéo) et les petites îles de la Sonde : Bali, Nusa Tenggara occidental et Nusa Tenggara oriental et la République du Timor-Oriental] où il connut le chef pirate portugais, Sebastian Gonzales Tibao ["... Il s'agit de Sébastien Gonzalez Tibao, un homme d'extraction obscure, né dans le village de St. Antony del Tojal, près de Lisbonne, un lieu qui n'a encore jamais produit aucune note digne d'intérêt, que ce soit pour la parenté ou pour les actions remarquables. En I605, il partit pour les Indes, se rendit au Bengale, s'inscrivit comme soldat, puis se mit à faire le commerce du sel, qui est une grande marchandise dans ce pays. Par ce commerce, il gagna bientôt autant qu'il acheta une ialia, c'est-à-dire une sorte de petit vaisseau. Dans ce vaisseau il se rendit avec Salt à Dianga, grand port du roi d'Arracan, au moment où ce roi tua 600 Portugais qui y résidaient, et ne soupçonnaient rien de moins, vivant tranquillement en bons sujets sous sa protection... "; sur le Web], qui devait devenir son beau-frère : [ "... C'était au début de l'année I607. Quelques-uns s'échappèrent dans les bois, et 9 ou I0 navires prirent la mer, dont celui de Sebastian Gonzales. (...) Sébastien Gonzalez et ses compagnons, avec les 9 ou I0 navires qui se sont échappés à Dianga, n'ayant pas de chef pour les gouverner, ont vécu de vols dans le pays d' Arracan, portant leur butin dans les ports du roi de Bacala, qui était notre ami. (...) Il nomma Sébastien Gonzales Tibao. Dès que le commandant fut nommé, ils résolurent de gagner Sundiva. [Sandwip] D'autres Portugais furent rassemblés de Bengala et d'autres ports voisins. Tibao conclut un marché avec le roi de Bacala, qu'il lui donnerait la moitié des revenus de l'île, s'il l'aidait à la conquérir. (...) En mars I609, il avait plus de 40 voiles et 400 Portugais. L'île ayant eu le temps de pourvoir à sa défense, elle était pleine d'hommes déterminés. Un grand nombre de Maures les reçurent au débarquement, mais furent obligés de se retirer dans un fort. Les Portugais l'assiègent, et, se trouvant longtemps devant lui, sont en danger de périr, ne pouvant accéder à leurs provisions et munitions qui étaient à bord de leurs navires; Gaspar de Pina, un Espagnol, les délivra de ce danger, car, arrivant avec son navire dans ce port, et résolut à les aider, il débarqua 50 hommes dont il était le capitaine, et marchant de nuit avec beaucoup de lumières et un grand bruit, il fit croire à l'ennemi qu'il lui apportait un grand secours. Dès qu'il arriva, le fort fut assailli, pénétré, et tous ceux qui avaient la vie sauve furent passés au fil de l'épée. Les indigènes de l'île, qui étaient auparavant soumis aux Portugais, se soumirent à Sébastien Gonzales. (...) Les indigènes lui amenèrent plus de I000 Maures, auxquels il coupa la tête à mesure qu'ils arrivaient ; un nombre à peu près égal d'autres furent tués dans le fort. C'est ainsi que Sebastian Gonzales devint le maître absolu de l'île et que les indigènes et les Portugais lui obéirent comme à un seigneur absolu, indépendant de tout prince, et que ses ordres eurent force de loi. (...) Telle fut la fortune de Sébastien Gonzales à Sundiva, lorsqu'il y eut un différend entre le prince d'Arracan et son frère Anaporam... "; sur le Web] curieuse figure de flibustier, haute en couleurs, et qui semble sortie vivante d'un roman de Conrad ou de Stevenson. Cet honorable écumeur des mers, ce " frère de la côte ", flaira aussitôt l'aventure merveilleuse que représentait pour lui la rencontre avec un prince des Mille et une nuits déchu et cherchant vengeance. Il mit sa bande à la disposition d' Anaporam, et tous les deux envahirent l' Arrakan, où quelques hardis compagnons, habitués aux plus audacieux coups de main, n'eurent aucune peine à venir à bout des troupes molles et mal armées du raja. La femmes et les enfants d' Anaporam retenus en otage furent délivrés et les deux compères firent main basse sur le trésor royal. L'infortuné Mugh n'obtint la vie sauve qu'en donnant sa fille en mariage au Frangui victorieux, avec, cela va sans dire, une dot de nabab. Cette touchante histoire de famille eut le dénouement édifiant qu'on en pouvait attendre : peu de temps après après ce mariage forcé, l'imprudent Anaporam mourut, vraisemblablement empoisonné, — par les gâteaux de noces ?, — et tous ses biens tombèrent aux mains des pirates. ["... Anaporam revint avec Sebastian Gonzales à Sundiva, amenant sa femme, sa famille, son trésor et ses éléphants. Ainsi il resta comme sujet de Sébastien Gonzalès, qui, baptisant sa sœur, l'épousa, et quoique si vil misérable, prétendit avoir fait à ce prince une grande faveur. Peu de temps après, le prince meurt, non sans soupçon de poison, car Sébastien Gonzalès s'est emparé de tous ses trésors, éléphants et biens, sans aucune considération pour sa femme et son fils... "; sur le Web]
  Tel est le guêpier dans lequel les éléphants du Mogol allaient mettre sans ménagement leurs pas pesants.


Shaista Khan, à la fin de sa vie, mort à 94 ans. Couverture du livre de BRADLEY BRADLEY-BIRT Françis, I874-I963, diplomate et écrivain britannique : Le roman d'une capitale orientale, I906.

   Shaista Khan avait eu la plus brillante et la plus rapide carrière : nommé gouverneur d' Agra en I659, à la veille de la bataille de Khajna, où Aureng Zeb mit en déroute les troupes de Shuja, placé ensuite à la tête de toutes les troupes du Dekkan, il devint vice-roi du Bengale à la mort de Mir Jumla, avec le titre d'Émir des Émirs, laissé vacant par la disparition du vaincu de l' Assam. Bernier, grand admirateur de Shaista Khan, l'oppose à Mir Jumla et s'étonne que celui-ci, au lieu de se perdre dans une aventure désespérée, n'ait pas plutôt conçu les grands desseins que son successeur devait si heureusement mettre à exécution. Le médecin français, si perspicace observateur, nous a laissé de très intéressants commentaires sur cette expédition de l' Arrakan, à laquelle il prête une attention particulière, en raison des intérêts européens qui s'y trouvaient mêlés.
  Depuis plus d'un siècle, les rois de ce pays avaient accueilli un grand nombre de colons portugais et métis, ceux-ci pour la plupart esclaves des premiers et chrétiens, plus un ramassis de Franguis de toute provenance, coureurs d'aventures et plus ou moins flibustiers. Tous les criminels ou les gens sans aveu expulsés de Goa, de Ceylan, de Cochin, de Malacca, et des autres établissements européens dans l' Inde, trouvaient un asile commode dans ce royaume hospitalier. Personne n' y était mieux reçu ni mieux vu, ajoute le bon Bernier, que les moines en rupture de couvents ou les religieux qui s'étaient constitués un petit harem, après avoir jeté le froc aux orties.[abandonner l'état religieux ou ecclésiastique] Toute cette population n'était chrétienne que de nom, et vivait hors de toutes lois : les assassinats, les empoissonnements, les actes de brigandage étaient quotidiens dans ce charmant " milieu ", n’épargnant pas même les prêtres, qui au témoignage d'un observateur impartial, ne valaient guère mieux que leurs ouailles.

   À suivre...

   BOUVIER René et MAYNIAL Édouard, " Le dernier des grands Mogols, vie d'Aureng Zeb ", Paris, Éditions Albin Michel, I947, 309 pages, pp. I95-206.
 
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