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Dacca,[ou Dhaka, située sur la rive gauche de la rivière Buriganga; en 1971, avec le soutien de l’Inde, une guerre de libération a lieu, le Pakistan oriental se déclare indépendant, et devient le Bangladesh. Dhaka est la capitale et la plus grande métropole du Bangladesh avec 2I millions d'habitants; elle la I3eme ville la plus peuplée au monde] au Sud du Bengale, sur un affluent du Brahmapoutre, était à la fin du XVIIe siècle une ville intéressante, par sa situation, son étendue et sa population, mais qui avait l'aspect d'un grand village. Ses maisons de bambou et de terre battue, très écartées les unes des autres, s'étendaient sur deux lieues [8 km] de chaque côté de la rivière; les seuls bâtiments convenables étaient l'église des Pères Augustins, et les factoreries des Hollandais et des Anglais, qui se disputaient les marchés de la région; un grand nombre d'habitants, et même le gouverneur, vivaient sous la tente. Mais la ville était très animée par foule des ouvriers qui travaillaient à la construction des bateaux, la principale industrie du pays. En outre, Dacca commandait une importante vallée vers le Nord, et surveillait au Sud les voies d’accès vers les bouches du Gange et du Brahmapoutre, et vers les îles de la côte. Comprenant l'importance stratégique de la position, Mir Jumla avait fait établir en amont des faubourgs deux beaux ponts de brique, pour faciliter les communications; et il installa son quartier général dans cette place, qui lui servit de base pour l'expédition qu'il méditait vers le Nord de l' Assam.
"... Et j’ai failli oublier d’en parler. Dacca est une ville sale. Très sale. Des déchets partout. J’ai trouvé que c’était pire que New Delhi. Soyez préparés. Ça n’a pas aidé, mais il a plu quelques jours pendant mon séjour. Du coup il y avait de la boue partout. Comme à Pokhara, tout le monde crache par terre en faisant un bruit de dingue avec leur gorge avant d’expulser leurs gros mollards. Dès l’aéroport de Dacca, j’avais flairé le truc. Je cherchais une poubelle pour jeter un papier et ce sont carrément les employés du bureau de change, qui me voyaient tourner en rond, qui m’ont dit “Jette par terre t’inquiète“. Ils l’ont répété et insisté quand ils ont vu que je n’allais pas jeter mon papier au sol… " Sur le Web
Cette campagne, qui devait avoir une issue si funeste semble avoir été pour le grand capitaine l'instrument de son ambition particulière. Jusqu'ici, il s'était vu le maître tout puissant d'une immense armée, qui lui était personnellement attachée. Son prestige, son influence dans l'empire non moins que sa fortune dépendaient uniquement de ses succès militaires. Dépouillé d'un grand commandement, que les évènements ne justifiaient plus, il n'était qu'un seigneur comme les autres omrahs, guetté par la jalousie de ses rivaux ou de ses ennemis, à la merci des caprice du maître, et d'un maître à qui tout mérite éclatant était suspect. En outre, il redoutait les excès de cette foule de soldats, habitués depuis quatre ans à la vie des camps, aux profits de la victoire, aux brutales satisfactions du combat et du pillage. En les détournant vers une nouvelle guerre, il agissait un peu comme Duguesclin,[Bertrand Du Guesclin, I3I5 ou I320-1380; Petit hobereau breton devenu une immense figure de la guerre de Cent Ans, le connétable Bertrand Du Guesclin incarne le chevalier par excellence. Pendant vingt-cinq ans, il mit sa bravoure au service de la couronne de France. Larousse] après Cocherel,[première victoire, depuis longtemps, des armées de Charles V sur les Navarrais, I634, sous le commandement de Du Guesclin] emmenant les routiers des grandes compagnies se faire pendre ailleurs, sur les routes de Castille.[à la bataille d'Auray, 29 septembre I364, Du Guesclin est fait prisonnier. Charles V ayant payé la rançon, il prend en I365 le commandement des Grandes Compagnies, afin d'en débarrasser le royaume. Il les emmène alors en Castille, dont Henri II de Trastamare et son frère Pierre Ier le Cruel, allié du Prince Noir, se disputent la couronne] Pour lui-même, il rêvait peut-être le destin d'un César, cherchant dans une glorieuse conquête l'argument décisif qui ferait d'un simple proconsul un empereur.
Il faut reconnaître que les apparences semblaient lui donner raison. En dépit des difficultés naturelles, dont nous avons dressé plus haut l'impressionnant bilan, l' Assam paraissait une proie offerte à l'appétit d'un conquérant. Depuis plusieurs siècles, le pays n'avait plus connu la guerre; il n'avait pas d'armée; les habitants avaient perdu l'esprit militaire, et se fiant aux obstacles infranchissables que leurs marais, leurs fleuves et leurs montagnes dressaient devant l'invasion d'un agresseur problématique, ils s'endormaient dans une trompeuse sécurité.
Mais il fallait agir vite. Appliquant les principes de la guerre-éclair, sans les ressources d'une armée motorisée, Mir Jumla partit de Dacca le Ier novembre I66I, et sept semaines plus tard, le I9 décembre, la ville de Kuch Bihar,[ou Koch Behar ou Cooch Behar, ancien État princier des Indes, dans l'actuel Bengale-Occidental, au confluent du Brahmapoutre et de la Teesta] dans l'extrême Nord de l' Assam, à quatre vingt lieux [320 km] de Dacca, tombait entre ses mains. Victoire foudroyante, exploit presque incroyable, si l'on songe à la difficulté de mouvoir ces lourdes masses de cavalerie, d'éléphants, d'artillerie rudimentaire, et de bagages encombrants, à travers cent cours d'eau, des montagnes sans routes et des plaines marécageuses. Mais victoire trompeuse, dont l'ivresse fit perdre la tête au vainqueur. Semblable à l'une de ses idoles monstrueuses aux cents bras, au sourire cruel, tapies dans l'ombre des pagodes, l' Assam préparait sa revanche, par les seuls maléfices d'une nature faite à l'image de ses dieux.
En apparence, tout semblait réussir à Mir Jumla. Pour flatter ce précieux artisan de sa gloire, dont il connaissait par expérience la vanité susceptible, Aureng Zeb lui avait décerné la plus haute distinction de l'empire : il le nomma Amir-ul-Umara,[ou Amir al-umara] " Émir des Émirs ". [traduction approximative anglaise] En même temps, il éleva son fils, Mahomet Émir Khan, à la dignité de Mir-backhi, littéralement : " trésorier payeur en chef ", chargé de percevoir les revenus dans les pays conquis, pour payer la solde des troupes. Le raja [Pran Narayan, I626-I665] vaincu s'était enfui dans les montagnes et tous ses subordonnés avaient fait leur soumission. Le vainqueur pouvait se croire seul maître d'un pays, dont il comptait bien tirer des ressources extraordinaires, même du point de vue militaire. N'attribuait-on pas à l' Assam l'invention de la poudre et des premières pièces d'artifice et d'artillerie, que les Chinois n'auraient fait qu'exploiter et perfectionner par la suite ? Le fait est que Mir Jumla recueillit, comme premier fruit de sa victoire, de nombreux canons et d'importants stocks d'excellente poudre.
Mais l'hiver était venu, et le froid éprouvait cruellement l'armée hindoue, qui n'était pas habituée au climat, en sorte que le général ne jugea pas prudent de poursuivre sa pointe vers le Nord. Il se dirigea vers le Sud-Ouest, à la poursuite du raja. Sur leur passage, ses soldats ne se firent pas scrupule de ravager un pays assez bien cultivé, et principalement, en bons musulmans qu'ils étaient, d'incendier ou d'abattre les nombreuses pagodes qui dressaient dans la campagne leurs toitures tarabiscotées.
Cependant, les éclaireurs de l'émir étaient entrés en contact avec les troupes en retraite du raja. Les renseignements qu'ils rapportaient n'étaient pas tout à fait rassurants : l'armée ennemie, dont on avait sous-estimé la valeur, était mieux équipée que l'état général du royaume pouvait le donner à penser. En particulier, les soldats possédaient un engin très meurtrier, une sorte de grenade qui portait à cinq cents pas, plus efficace que les fusées auxquelles les Mogols étaient habituées et dont ils se servaient pour jeter la panique parmi les chevaux et les éléphants. Aussi Mir Jumla résolut-il d'abandonner pour le moment la poursuite en montagne, et de marcher sur les autres villes de l' Assam, tant pour éviter de rencontrer son adversaire sur un terrain défavorable, que pour donner satisfaction aux instincts de pillage de ses troupes. Au sac de Kuch Bihar, celles-ci s'en étaient données à cœur joie. La cité où se trouvaient les tombeaux des rois et de la famille royale, était riche en pagodes luxueusement décorées et entretenues. Tavernier explique que ce peuple, croyant à la survie des morts dans un autre monde, au lieu de les brûler, les enterre avec tout ce dont ils pourraient avoir besoin au cours de cette nouvelle existence : force roupies d'or et bijoux, tapis, couvertures, meubles de prix; quant aux princes, pour leur tenir compagnie dans la nuit du tombeau, on enferme auprès d'eux quelque idole de métal précieux, qu'ils ont eue en particulière vénération durant leur vie terrestre. Nous laissons à penser si ces trésors funéraires et les dépouilles des innombrables pagodes furent de bonne prise pour les Mogols. Mis en goût par le butin de Kuch Bihar, ils étaient tout prêts à recommencer ailleurs leurs profitables exploits.
Mir Jumla marcha sur Chamdara, que Bernier nomme " la clef des possessions du raja " mais il ne put atteindre cette ville qu'après une marche épuisante de vingt-huit jours. Bien que fortement éprouvée par le climat et par la fatigue de la route, l'armée conquérante infligea aux défenseurs de la place une défaite écrasante. Devant la menace grandissante, le roi d' Assam abandonna son repaire des monts Garo,[Les Garo Hills sont des montagnes de l'État de Meghalaya en Inde. Elles font partie de la chaîne Garo-Khasi-Jaintia, dans le massif Patkai] pour se replier en hâte sur sa capitale, Ganghaon, [ou Garhaon; "... Mir Jumla était accompagné d'un écrivain nommé Shihabuddin qui rédigea un compte rendu détaillé de l'expédition et donna une description très complète du peuple et du pays. À propos de la capitale, il écrit : " La ville de Gargaon possède quatre portes de pierre enfoncées dans la boue. De chacune d'elles jusqu'au palais du Raja, sur une distance de trois kos, une digue extrêmement solide, haute et large, al, a été construite pour le passage des hommes. Autour de la ville, à la place des murs, il y a une plantation de bambous qui s'étend continuellement sur une largeur de deux kos ou plus " ... " En résumé, la ville de Gargaon nous est apparue comme circulaire, large et comme une agrégation de villages. Autour de la maison du Raja, un talus a été construit et de solides bambous y ont été plantés à proximité les uns des autres pour servir de mur. Autour de la maison, un fossé a été creusé, dont la profondeur est supérieure à la hauteur d'un homme dans la plupart des endroits et qui est toujours rempli d'eau. L'enceinte a une circonférence d'un kos et quatorze chaînes ; à l'intérieur, on a construit de hautes et spacieuses maisons au toit de chaume... "; sur le Web] à quarante lieues [I60km] de Chamdara. Mais serré de près par l'ennemi, il n'eut pas le temps de s'enfermer dans la ville et fut forcé de poursuivre sa désastreuse retraite vers les montagnes du Tibet. Naturellement, Chamdara et Ganghaon, où Mir Jumla fit son entrée le I7 mars I662 furent pillées méthodiquement. Plus riche encore que Kuch Bihar, la ville était une ville très commerçante, et célèbre par la beauté de ses femmes. Mais l'armée conquérante allait bientôt éprouver la vanité de tant de richesses, et que l'on peut mourir de faim et de misère à côté d'un trésor.
Garhgaon : le palais royal, également connu sous le nom de palais de Garhgaon, à I5 kilomètres de la ville de Sivasagar, siège du district du même nom, en Assam. Crédit photo : Kaushik s
Les grandes pluies des moussons commencèrent cette année plus tôt que de coutume, vers la fin de mars; elles devaient durer jusqu'en novembre. Elles tombèrent avec la violence habituelle, implacable, noyant tout le pays, à l'exception des villages construits sur les hauteurs.
L'armée mogole était confinée dans son camp submergé. À la détresse physique s'ajoutait l'inquiétude causée par les nouvelles qui venaient de l' Inde : l'empereur était gravement malade; la peste et la famine désolaient certains districts; Aureng Zeb, abandonnant sa capitale, se retirait au Cachemir. Profitant de la situation, le roi d' Assam enferma son ennemi paralysé et démoralisé dans un vaste désert, en détruisant tout autour de lui les cultures et le bétail. Quand les pluies cessèrent, et que les soldats de Mir Jumla purent sortir de leur camp, ils se trouvèrent devant un pays mort et dénué de toutes ressources, réduits à la plus stricte disette, malgré l'or et les pierres précieuses dont ils étaient gorgés.
Jamais au cours de sa longue carrière militaire, l' Émir des Émirs ne s'était vu dans une situation aussi désespérée. Pour lui, une offensive nouvelle était aussi impraticable qu'une retraite régulière. Devant lui, la barrière des hautes montagnes couvertes de neige; derrière, une terre inondée, qui n'était plus qu'une succession de marécages, sans issue possible, le raja ayant pris la précaution de rompre la digue qui formait la route de Chamdara. Enfin, il comprenait bien qu'il n'avait plus à compter sur une armée dont la résistance était à bout, et dans laquelle de graves signes d'insubordination commençaient à se manifester. La mort dans l'âme, il dut se résoudre à renoncer pour le moment à sa conquête, sans même tirer un légitime avantage de ses premières victoires. Il ne lui restait qu'à conclure une paix avantageuse, qui réservât l'avenir, et à ramener dans l' Inde les débris de ses troupes. Son intelligence et sa fermeté lui permirent d'obtenir au meilleur compte possible ces deux résultats.
Le Ier janvier I663, le roi d' Assam signait à Chamdara un traité avec Mir Jumla, [dit traité de Ghilajharighat, signé le 23 janvier I663, à Tipam; celui mettait fin à l'occupation de la capitale des Ahoms, Garhgaon et, contenait les conditions suivantes : Jayadhwaj Singha, I648-I663, 20ème roi du royaume Ahoms, devait envoyer une fille au harem impérial; vingt mille tolas d'or, six fois plus d'argent et quarante éléphants doivent être cédés immédiatement; trois cent mille tolas d'argent et quatre-vingt-dix éléphants à fournir dans les douze mois; six fils des principaux nobles seront livrés en otage en attendant que la dernière condition soit remplie; vingt éléphants seront fournis chaque année; Le pays situé à l'ouest de la rivière Bhareli sur la rive nord du Brahmapoutre et de la rivière Kalang au sud sera cédé à l'empereur de Delhi et, tous les prisonniers et la famille du Baduli Phukan doivent être abandonnés] et le I0 janvier, l'armée mogole commençait son repli. Il n'y a guère dans l'histoire que la retraite des Dix mille en Asie mineure, [retraite effectuée à travers la haute Asie par les mercenaires grecs enrôlés par Cyrus le Jeune : 40I-400 avant J.-C.. Après la bataille de Counaxa, où avait péri Cyrus, ils tentèrent de regagner leur pays. À travers les montagnes d'Arménie, ils réussirent à gagner le Pont-Euxin, et s'embarquèrent à Sinope. Cette retraite héroïque est rapportée par Xénophon dans l' Anabase. Larousse] et celle de Bohême en I742,[le siège de Prague, de juin à décembre 1742, oppose pendant la guerre de Succession d'Autriche un corps expéditionnaire français aux forces de Marie-Thérèse d'Autriche, défendant les possessions héréditaires des Habsbourg, notamment le royaume de Bohême. (...) Malgré cela, l'armée autrichienne sous le commandement du maréchal Johann von Lobkowitz parvient à contrôler une bonne partie de la Bohême. En juin I742, cette armée établit le siège autour de Prague avec 28 000 hommes. (...) Le I6 décembre, Belle-Isle s'échappe à son tour avec I4 000 hommes. Le commandement autrichien n'apprend le départ des Français que le I8 décembre, mais estime que de toute façon toutes les voies de retraite sont coupées. Repoussant les groupes d'éclaireurs de l'armée autrichienne, Belle-Isle atteint quatre jours plus tard la forêt de Bohême et par une marche forcée de dix jours à travers les montagnes, dans des conditions climatiques difficiles, gagne la ville d' Egra. Les 6 000 hommes, pour la plupart blessés ou malades, que Belle-Isle a laissés à Prague négocient les conditions de leurs reddition et obtiennent un retrait avec les honneurs de la guerre...; sur le Web] qui puissent être comparées à celle de l' Assam. Dans les trois cas, c'est l'énergie seule du chef, Xénophon, [vers 430 avant J.-C.-vers 355, philosophe et historien grec; Au printemps de 40I avant J.-C., il s'enrôle dans l'armée de mercenaires que Cyrus le Jeune lève en Asie Mineure contre son frère Artaxerxès II. D'abord il n'est « ni général, ni officier, ni soldat », l' Anabase, puis l'amateur devient l'un des chefs de la retraite des Dix Mille. Larousse] Belle-Isle, [Charles-Louis-Auguste Fouquet de Belle-Isle, I684-I76I; comte, puis duc de Belle-Isle; maître de camp général des dragons, I709, maréchal de France, I74I; duc et pair, I748, secrétaire d'État à la Guerre de I758 à I76I et, Académie française, I749. il poussa Louis XV à intervenir dans la guerre de la Succession d'Autriche. En juin I742, l'armée autrichienne sous le commandement du maréchal Johann von Lobkowitz établit le siège autour de Prague avec 28 000 hommes. (...) Le I6 décembre, Belle-Isle s'échappe à son tour avec I4 000 hommes. Le commandement autrichien n'apprend le départ des Français que le I8 décembre, mais estime que de toute façon toutes les voies de retraite sont coupées. Repoussant les groupes d'éclaireurs de l'armée autrichienne, Belle-Isle atteint quatre jours plus tard la forêt de Bohême et par une marche forcée de dix jours à travers les montagnes, dans des conditions climatiques difficiles, gagne la ville d' Egra. Les 6 000 hommes, pour la plupart blessés ou malades, que Belle-Isle a laissés à Prague négocient les conditions de leurs reddition et obtiennent un retrait avec les honneurs de la guerre...; sur le Web] Mir Jumla, qui sauva des milliers d'hommes d'un complet désastre. Sans la résistance surhumaine de l' Émir, jamais la perfide terre d' Assam, toute molle de son déluge annuel, n'aurait rendu à Aureng Zeb un seul de ses cavaliers : la boue, la faim, les partisans du raja harcelant l'armée, trois ennemis également implacables. Tous les historiens sont d'accord pour reconnaître que l'épisode le plus douloureux de sa carrière ajouta encore à la gloire du capitaine.
Pièce en argent de Jayadhwaj Singha en écriture Ahom. Conservée à la galerie numismatique du musée de l'État d' Assam. Crédit : ComparingQuantities
Au reste, sa retraite n'était pas celle d'un vaincu. Il revenait chargé d'un butin considérable, qu'il était parvenu à sauver des griffes du raja. Il avait pris des mesures pour sauvegarder l'avenir, n'ayant pas perdu l'espoir de reprendre un jour l'offensive dans des conditions plus avantageuses : il avait fait des travaux, à Kuch Bihar, pour renforcer les fortifications de la ville, où il laissait une importante garnison.
Mais pour lui, il n' y avait plus d'avenir... La peste s'était ajoutée aux autres maux qui accablaient l'armée mogole. Elle faisait de grands ravages parmi les hommes sans résistance. L'Émir fut une des premières victimes. Avant d'atteindre Dacca, il mourut à Khirzarpur [ou Khizrpur; ville de l'époque, située à quelques kilomètre au nord de l'actuelle ville de Narayanganj, Bangladesh, au confluent de la Dulai, Old Buriganga, et de la Sitalakshya; Mir Jumla mourra sur un bateau au large de la ville], le 3I mars I663. La nouvelle de cette mort produisit dans l' Inde entière une grande sensation. Plus d'un esprit avisé, nous dit Bernier, fit cette réflexion : " C'est vraiment maintenant qu' Aureng Zeb est roi du Bengale. "
Quels purent être, en effet, les sentiments du Grand Mogol, quand il apprit au Cachemir la disparition d'un de ses plus anciens serviteurs ? Il n' oubliait pas ce qu'il lui avait dû. Il n'était pas fâché d' être délivré d'un vice-roi, dont la puissance et le vaste génie lui avaient attiré tant de difficultés et d'inquiétudes. Bernier rapporta aussi l'étrange oraison funèbre qu'il adressa publiquement au fils de l' Émir, Mahmet Émir Khan : " Vous pleurez la mort d'un père bien-aimé, et moi la perte du plus fort et du plus redoutable de mes amis. " Toutefois, il traita le jeune homme avec la plus grande bonté, l'assurant qu'il trouverait en lui un second père; rompant avec un abus dont nous connaissons la détestable tradition, au lieu de mettre la main sur les richesses de Mir Jumla, il confirma magnanime au fils la pleine jouissance de l'héritage paternel.
Pendant ce temps, le désastre de l' Assam prenait dans l'imagination populaire les proportions légendaires d'une douloureuse épopée. En louant le courage et l'endurance de ces hommes qui étaient tombés sur la terre étrangère pour la grandeur de l'empire, les historiens et les poètes retrouvèrent les accents de Périclès,[vers 495-Athènes 429 avant J.-C, stratège et homme d'État athénien; Périclès a donné son nom à un « siècle » non pas tant par ses talents géniaux d'homme d'État, et surtout d'homme politique, que grâce à la durée tout à fait exceptionnelle de sa prééminence politique dans la démocratie athénienne, alors parvenue à son apogée. (...) Après l'assassinat d' Éphialtès, 46I, Périclès, devenu à son tour le chef de son parti, dirige l'État en tant que stratège, magistrature à laquelle il est réélu à quinze reprises au moins entre 443 et 429...; Larousse] pleurant la jeunesse athénienne moissonnée dans la guerre du Péloponnèse [l'oraison funèbre de Périclès est un des passages les plus connus de l’œuvre de l’historien athénien Thucydide, La Guerre du Péloponnèse : II, 35-43. Il y retranscrit l’oraison en l’honneur des soldats athéniens morts durant la première année de la guerre du Péloponnèse : " La plupart de ceux qui avant moi ont pris ici la parole, ont fait un mérite au législateur d'avoir ajouté aux funérailles prévues par la loi l'oraison funèbre en l'honneur des guerriers morts à la guerre. Pour moi, j'eusse volontiers pensé qu'à des hommes dont la vaillance s'est manifestée par des faits, il suffisait que fussent rendus, par des faits également, des honneurs tels que ceux que la république leur a accordés sous vos yeux ; et que les vertus de tant de guerriers ne dussent pas être exposées, par l'habileté plus ou moins grande d'un orateur à trouver plus ou moins de créance... "; sur le Web] : " L' Assam, écrit l'un d'eux, a gardé la fleur des Afghans, des Persans et des Mogols. "
Périclès prononçant son oraison selon le peintre allemand Philipp Foltz : I877.
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Dacca,[ou Dhaka, située sur la rive gauche de la rivière Buriganga; en 1971, avec le soutien de l’Inde, une guerre de libération a lieu, le Pakistan oriental se déclare indépendant, et devient le Bangladesh. Dhaka est la capitale et la plus grande métropole du Bangladesh avec 2I millions d'habitants; elle la I3eme ville la plus peuplée au monde] au Sud du Bengale, sur un affluent du Brahmapoutre, était à la fin du XVIIe siècle une ville intéressante, par sa situation, son étendue et sa population, mais qui avait l'aspect d'un grand village. Ses maisons de bambou et de terre battue, très écartées les unes des autres, s'étendaient sur deux lieues [8 km] de chaque côté de la rivière; les seuls bâtiments convenables étaient l'église des Pères Augustins, et les factoreries des Hollandais et des Anglais, qui se disputaient les marchés de la région; un grand nombre d'habitants, et même le gouverneur, vivaient sous la tente. Mais la ville était très animée par foule des ouvriers qui travaillaient à la construction des bateaux, la principale industrie du pays. En outre, Dacca commandait une importante vallée vers le Nord, et surveillait au Sud les voies d’accès vers les bouches du Gange et du Brahmapoutre, et vers les îles de la côte. Comprenant l'importance stratégique de la position, Mir Jumla avait fait établir en amont des faubourgs deux beaux ponts de brique, pour faciliter les communications; et il installa son quartier général dans cette place, qui lui servit de base pour l'expédition qu'il méditait vers le Nord de l' Assam.
Cette campagne, qui devait avoir une issue si funeste semble avoir été pour le grand capitaine l'instrument de son ambition particulière. Jusqu'ici, il s'était vu le maître tout puissant d'une immense armée, qui lui était personnellement attachée. Son prestige, son influence dans l'empire non moins que sa fortune dépendaient uniquement de ses succès militaires. Dépouillé d'un grand commandement, que les évènements ne justifiaient plus, il n'était qu'un seigneur comme les autres omrahs, guetté par la jalousie de ses rivaux ou de ses ennemis, à la merci des caprice du maître, et d'un maître à qui tout mérite éclatant était suspect. En outre, il redoutait les excès de cette foule de soldats, habitués depuis quatre ans à la vie des camps, aux profits de la victoire, aux brutales satisfactions du combat et du pillage. En les détournant vers une nouvelle guerre, il agissait un peu comme Duguesclin,[Bertrand Du Guesclin, I3I5 ou I320-1380; Petit hobereau breton devenu une immense figure de la guerre de Cent Ans, le connétable Bertrand Du Guesclin incarne le chevalier par excellence. Pendant vingt-cinq ans, il mit sa bravoure au service de la couronne de France. Larousse] après Cocherel,[première victoire, depuis longtemps, des armées de Charles V sur les Navarrais, I634, sous le commandement de Du Guesclin] emmenant les routiers des grandes compagnies se faire pendre ailleurs, sur les routes de Castille.[à la bataille d'Auray, 29 septembre I364, Du Guesclin est fait prisonnier. Charles V ayant payé la rançon, il prend en I365 le commandement des Grandes Compagnies, afin d'en débarrasser le royaume. Il les emmène alors en Castille, dont Henri II de Trastamare et son frère Pierre Ier le Cruel, allié du Prince Noir, se disputent la couronne] Pour lui-même, il rêvait peut-être le destin d'un César, cherchant dans une glorieuse conquête l'argument décisif qui ferait d'un simple proconsul un empereur.
Il faut reconnaître que les apparences semblaient lui donner raison. En dépit des difficultés naturelles, dont nous avons dressé plus haut l'impressionnant bilan, l' Assam paraissait une proie offerte à l'appétit d'un conquérant. Depuis plusieurs siècles, le pays n'avait plus connu la guerre; il n'avait pas d'armée; les habitants avaient perdu l'esprit militaire, et se fiant aux obstacles infranchissables que leurs marais, leurs fleuves et leurs montagnes dressaient devant l'invasion d'un agresseur problématique, ils s'endormaient dans une trompeuse sécurité.
Mais il fallait agir vite. Appliquant les principes de la guerre-éclair, sans les ressources d'une armée motorisée, Mir Jumla partit de Dacca le Ier novembre I66I, et sept semaines plus tard, le I9 décembre, la ville de Kuch Bihar,[ou Koch Behar ou Cooch Behar, ancien État princier des Indes, dans l'actuel Bengale-Occidental, au confluent du Brahmapoutre et de la Teesta] dans l'extrême Nord de l' Assam, à quatre vingt lieux [320 km] de Dacca, tombait entre ses mains. Victoire foudroyante, exploit presque incroyable, si l'on songe à la difficulté de mouvoir ces lourdes masses de cavalerie, d'éléphants, d'artillerie rudimentaire, et de bagages encombrants, à travers cent cours d'eau, des montagnes sans routes et des plaines marécageuses. Mais victoire trompeuse, dont l'ivresse fit perdre la tête au vainqueur. Semblable à l'une de ses idoles monstrueuses aux cents bras, au sourire cruel, tapies dans l'ombre des pagodes, l' Assam préparait sa revanche, par les seuls maléfices d'une nature faite à l'image de ses dieux.
En apparence, tout semblait réussir à Mir Jumla. Pour flatter ce précieux artisan de sa gloire, dont il connaissait par expérience la vanité susceptible, Aureng Zeb lui avait décerné la plus haute distinction de l'empire : il le nomma Amir-ul-Umara,[ou Amir al-umara] " Émir des Émirs ". [traduction approximative anglaise] En même temps, il éleva son fils, Mahomet Émir Khan, à la dignité de Mir-backhi, littéralement : " trésorier payeur en chef ", chargé de percevoir les revenus dans les pays conquis, pour payer la solde des troupes. Le raja [Pran Narayan, I626-I665] vaincu s'était enfui dans les montagnes et tous ses subordonnés avaient fait leur soumission. Le vainqueur pouvait se croire seul maître d'un pays, dont il comptait bien tirer des ressources extraordinaires, même du point de vue militaire. N'attribuait-on pas à l' Assam l'invention de la poudre et des premières pièces d'artifice et d'artillerie, que les Chinois n'auraient fait qu'exploiter et perfectionner par la suite ? Le fait est que Mir Jumla recueillit, comme premier fruit de sa victoire, de nombreux canons et d'importants stocks d'excellente poudre.
Mais l'hiver était venu, et le froid éprouvait cruellement l'armée hindoue, qui n'était pas habituée au climat, en sorte que le général ne jugea pas prudent de poursuivre sa pointe vers le Nord. Il se dirigea vers le Sud-Ouest, à la poursuite du raja. Sur leur passage, ses soldats ne se firent pas scrupule de ravager un pays assez bien cultivé, et principalement, en bons musulmans qu'ils étaient, d'incendier ou d'abattre les nombreuses pagodes qui dressaient dans la campagne leurs toitures tarabiscotées.
Cependant, les éclaireurs de l'émir étaient entrés en contact avec les troupes en retraite du raja. Les renseignements qu'ils rapportaient n'étaient pas tout à fait rassurants : l'armée ennemie, dont on avait sous-estimé la valeur, était mieux équipée que l'état général du royaume pouvait le donner à penser. En particulier, les soldats possédaient un engin très meurtrier, une sorte de grenade qui portait à cinq cents pas, plus efficace que les fusées auxquelles les Mogols étaient habituées et dont ils se servaient pour jeter la panique parmi les chevaux et les éléphants. Aussi Mir Jumla résolut-il d'abandonner pour le moment la poursuite en montagne, et de marcher sur les autres villes de l' Assam, tant pour éviter de rencontrer son adversaire sur un terrain défavorable, que pour donner satisfaction aux instincts de pillage de ses troupes. Au sac de Kuch Bihar, celles-ci s'en étaient données à cœur joie. La cité où se trouvaient les tombeaux des rois et de la famille royale, était riche en pagodes luxueusement décorées et entretenues. Tavernier explique que ce peuple, croyant à la survie des morts dans un autre monde, au lieu de les brûler, les enterre avec tout ce dont ils pourraient avoir besoin au cours de cette nouvelle existence : force roupies d'or et bijoux, tapis, couvertures, meubles de prix; quant aux princes, pour leur tenir compagnie dans la nuit du tombeau, on enferme auprès d'eux quelque idole de métal précieux, qu'ils ont eue en particulière vénération durant leur vie terrestre. Nous laissons à penser si ces trésors funéraires et les dépouilles des innombrables pagodes furent de bonne prise pour les Mogols. Mis en goût par le butin de Kuch Bihar, ils étaient tout prêts à recommencer ailleurs leurs profitables exploits.
Mir Jumla marcha sur Chamdara, que Bernier nomme " la clef des possessions du raja " mais il ne put atteindre cette ville qu'après une marche épuisante de vingt-huit jours. Bien que fortement éprouvée par le climat et par la fatigue de la route, l'armée conquérante infligea aux défenseurs de la place une défaite écrasante. Devant la menace grandissante, le roi d' Assam abandonna son repaire des monts Garo,[Les Garo Hills sont des montagnes de l'État de Meghalaya en Inde. Elles font partie de la chaîne Garo-Khasi-Jaintia, dans le massif Patkai] pour se replier en hâte sur sa capitale, Ganghaon, [ou Garhaon; "... Mir Jumla était accompagné d'un écrivain nommé Shihabuddin qui rédigea un compte rendu détaillé de l'expédition et donna une description très complète du peuple et du pays. À propos de la capitale, il écrit : " La ville de Gargaon possède quatre portes de pierre enfoncées dans la boue. De chacune d'elles jusqu'au palais du Raja, sur une distance de trois kos, une digue extrêmement solide, haute et large, al, a été construite pour le passage des hommes. Autour de la ville, à la place des murs, il y a une plantation de bambous qui s'étend continuellement sur une largeur de deux kos ou plus " ... " En résumé, la ville de Gargaon nous est apparue comme circulaire, large et comme une agrégation de villages. Autour de la maison du Raja, un talus a été construit et de solides bambous y ont été plantés à proximité les uns des autres pour servir de mur. Autour de la maison, un fossé a été creusé, dont la profondeur est supérieure à la hauteur d'un homme dans la plupart des endroits et qui est toujours rempli d'eau. L'enceinte a une circonférence d'un kos et quatorze chaînes ; à l'intérieur, on a construit de hautes et spacieuses maisons au toit de chaume... "; sur le Web] à quarante lieues [I60km] de Chamdara. Mais serré de près par l'ennemi, il n'eut pas le temps de s'enfermer dans la ville et fut forcé de poursuivre sa désastreuse retraite vers les montagnes du Tibet. Naturellement, Chamdara et Ganghaon, où Mir Jumla fit son entrée le I7 mars I662 furent pillées méthodiquement. Plus riche encore que Kuch Bihar, la ville était une ville très commerçante, et célèbre par la beauté de ses femmes. Mais l'armée conquérante allait bientôt éprouver la vanité de tant de richesses, et que l'on peut mourir de faim et de misère à côté d'un trésor.
Garhgaon : le palais royal, également connu sous le nom de palais de Garhgaon, à I5 kilomètres de la ville de Sivasagar, siège du district du même nom, en Assam. Crédit photo : Kaushik s
Les grandes pluies des moussons commencèrent cette année plus tôt que de coutume, vers la fin de mars; elles devaient durer jusqu'en novembre. Elles tombèrent avec la violence habituelle, implacable, noyant tout le pays, à l'exception des villages construits sur les hauteurs.
L'armée mogole était confinée dans son camp submergé. À la détresse physique s'ajoutait l'inquiétude causée par les nouvelles qui venaient de l' Inde : l'empereur était gravement malade; la peste et la famine désolaient certains districts; Aureng Zeb, abandonnant sa capitale, se retirait au Cachemir. Profitant de la situation, le roi d' Assam enferma son ennemi paralysé et démoralisé dans un vaste désert, en détruisant tout autour de lui les cultures et le bétail. Quand les pluies cessèrent, et que les soldats de Mir Jumla purent sortir de leur camp, ils se trouvèrent devant un pays mort et dénué de toutes ressources, réduits à la plus stricte disette, malgré l'or et les pierres précieuses dont ils étaient gorgés.
Jamais au cours de sa longue carrière militaire, l' Émir des Émirs ne s'était vu dans une situation aussi désespérée. Pour lui, une offensive nouvelle était aussi impraticable qu'une retraite régulière. Devant lui, la barrière des hautes montagnes couvertes de neige; derrière, une terre inondée, qui n'était plus qu'une succession de marécages, sans issue possible, le raja ayant pris la précaution de rompre la digue qui formait la route de Chamdara. Enfin, il comprenait bien qu'il n'avait plus à compter sur une armée dont la résistance était à bout, et dans laquelle de graves signes d'insubordination commençaient à se manifester. La mort dans l'âme, il dut se résoudre à renoncer pour le moment à sa conquête, sans même tirer un légitime avantage de ses premières victoires. Il ne lui restait qu'à conclure une paix avantageuse, qui réservât l'avenir, et à ramener dans l' Inde les débris de ses troupes. Son intelligence et sa fermeté lui permirent d'obtenir au meilleur compte possible ces deux résultats.
Le Ier janvier I663, le roi d' Assam signait à Chamdara un traité avec Mir Jumla, [dit traité de Ghilajharighat, signé le 23 janvier I663, à Tipam; celui mettait fin à l'occupation de la capitale des Ahoms, Garhgaon et, contenait les conditions suivantes : Jayadhwaj Singha, I648-I663, 20ème roi du royaume Ahoms, devait envoyer une fille au harem impérial; vingt mille tolas d'or, six fois plus d'argent et quarante éléphants doivent être cédés immédiatement; trois cent mille tolas d'argent et quatre-vingt-dix éléphants à fournir dans les douze mois; six fils des principaux nobles seront livrés en otage en attendant que la dernière condition soit remplie; vingt éléphants seront fournis chaque année; Le pays situé à l'ouest de la rivière Bhareli sur la rive nord du Brahmapoutre et de la rivière Kalang au sud sera cédé à l'empereur de Delhi et, tous les prisonniers et la famille du Baduli Phukan doivent être abandonnés] et le I0 janvier, l'armée mogole commençait son repli. Il n'y a guère dans l'histoire que la retraite des Dix mille en Asie mineure, [retraite effectuée à travers la haute Asie par les mercenaires grecs enrôlés par Cyrus le Jeune : 40I-400 avant J.-C.. Après la bataille de Counaxa, où avait péri Cyrus, ils tentèrent de regagner leur pays. À travers les montagnes d'Arménie, ils réussirent à gagner le Pont-Euxin, et s'embarquèrent à Sinope. Cette retraite héroïque est rapportée par Xénophon dans l' Anabase. Larousse] et celle de Bohême en I742,[le siège de Prague, de juin à décembre 1742, oppose pendant la guerre de Succession d'Autriche un corps expéditionnaire français aux forces de Marie-Thérèse d'Autriche, défendant les possessions héréditaires des Habsbourg, notamment le royaume de Bohême. (...) Malgré cela, l'armée autrichienne sous le commandement du maréchal Johann von Lobkowitz parvient à contrôler une bonne partie de la Bohême. En juin I742, cette armée établit le siège autour de Prague avec 28 000 hommes. (...) Le I6 décembre, Belle-Isle s'échappe à son tour avec I4 000 hommes. Le commandement autrichien n'apprend le départ des Français que le I8 décembre, mais estime que de toute façon toutes les voies de retraite sont coupées. Repoussant les groupes d'éclaireurs de l'armée autrichienne, Belle-Isle atteint quatre jours plus tard la forêt de Bohême et par une marche forcée de dix jours à travers les montagnes, dans des conditions climatiques difficiles, gagne la ville d' Egra. Les 6 000 hommes, pour la plupart blessés ou malades, que Belle-Isle a laissés à Prague négocient les conditions de leurs reddition et obtiennent un retrait avec les honneurs de la guerre...; sur le Web] qui puissent être comparées à celle de l' Assam. Dans les trois cas, c'est l'énergie seule du chef, Xénophon, [vers 430 avant J.-C.-vers 355, philosophe et historien grec; Au printemps de 40I avant J.-C., il s'enrôle dans l'armée de mercenaires que Cyrus le Jeune lève en Asie Mineure contre son frère Artaxerxès II. D'abord il n'est « ni général, ni officier, ni soldat », l' Anabase, puis l'amateur devient l'un des chefs de la retraite des Dix Mille. Larousse] Belle-Isle, [Charles-Louis-Auguste Fouquet de Belle-Isle, I684-I76I; comte, puis duc de Belle-Isle; maître de camp général des dragons, I709, maréchal de France, I74I; duc et pair, I748, secrétaire d'État à la Guerre de I758 à I76I et, Académie française, I749. il poussa Louis XV à intervenir dans la guerre de la Succession d'Autriche. En juin I742, l'armée autrichienne sous le commandement du maréchal Johann von Lobkowitz établit le siège autour de Prague avec 28 000 hommes. (...) Le I6 décembre, Belle-Isle s'échappe à son tour avec I4 000 hommes. Le commandement autrichien n'apprend le départ des Français que le I8 décembre, mais estime que de toute façon toutes les voies de retraite sont coupées. Repoussant les groupes d'éclaireurs de l'armée autrichienne, Belle-Isle atteint quatre jours plus tard la forêt de Bohême et par une marche forcée de dix jours à travers les montagnes, dans des conditions climatiques difficiles, gagne la ville d' Egra. Les 6 000 hommes, pour la plupart blessés ou malades, que Belle-Isle a laissés à Prague négocient les conditions de leurs reddition et obtiennent un retrait avec les honneurs de la guerre...; sur le Web] Mir Jumla, qui sauva des milliers d'hommes d'un complet désastre. Sans la résistance surhumaine de l' Émir, jamais la perfide terre d' Assam, toute molle de son déluge annuel, n'aurait rendu à Aureng Zeb un seul de ses cavaliers : la boue, la faim, les partisans du raja harcelant l'armée, trois ennemis également implacables. Tous les historiens sont d'accord pour reconnaître que l'épisode le plus douloureux de sa carrière ajouta encore à la gloire du capitaine.
Pièce en argent de Jayadhwaj Singha en écriture Ahom. Conservée à la galerie numismatique du musée de l'État d' Assam. Crédit : ComparingQuantities
Au reste, sa retraite n'était pas celle d'un vaincu. Il revenait chargé d'un butin considérable, qu'il était parvenu à sauver des griffes du raja. Il avait pris des mesures pour sauvegarder l'avenir, n'ayant pas perdu l'espoir de reprendre un jour l'offensive dans des conditions plus avantageuses : il avait fait des travaux, à Kuch Bihar, pour renforcer les fortifications de la ville, où il laissait une importante garnison.
Mais pour lui, il n' y avait plus d'avenir... La peste s'était ajoutée aux autres maux qui accablaient l'armée mogole. Elle faisait de grands ravages parmi les hommes sans résistance. L'Émir fut une des premières victimes. Avant d'atteindre Dacca, il mourut à Khirzarpur [ou Khizrpur; ville de l'époque, située à quelques kilomètre au nord de l'actuelle ville de Narayanganj, Bangladesh, au confluent de la Dulai, Old Buriganga, et de la Sitalakshya; Mir Jumla mourra sur un bateau au large de la ville], le 3I mars I663. La nouvelle de cette mort produisit dans l' Inde entière une grande sensation. Plus d'un esprit avisé, nous dit Bernier, fit cette réflexion : " C'est vraiment maintenant qu' Aureng Zeb est roi du Bengale. "
Quels purent être, en effet, les sentiments du Grand Mogol, quand il apprit au Cachemir la disparition d'un de ses plus anciens serviteurs ? Il n' oubliait pas ce qu'il lui avait dû. Il n'était pas fâché d' être délivré d'un vice-roi, dont la puissance et le vaste génie lui avaient attiré tant de difficultés et d'inquiétudes. Bernier rapporta aussi l'étrange oraison funèbre qu'il adressa publiquement au fils de l' Émir, Mahmet Émir Khan : " Vous pleurez la mort d'un père bien-aimé, et moi la perte du plus fort et du plus redoutable de mes amis. " Toutefois, il traita le jeune homme avec la plus grande bonté, l'assurant qu'il trouverait en lui un second père; rompant avec un abus dont nous connaissons la détestable tradition, au lieu de mettre la main sur les richesses de Mir Jumla, il confirma magnanime au fils la pleine jouissance de l'héritage paternel.
Pendant ce temps, le désastre de l' Assam prenait dans l'imagination populaire les proportions légendaires d'une douloureuse épopée. En louant le courage et l'endurance de ces hommes qui étaient tombés sur la terre étrangère pour la grandeur de l'empire, les historiens et les poètes retrouvèrent les accents de Périclès,[vers 495-Athènes 429 avant J.-C, stratège et homme d'État athénien; Périclès a donné son nom à un « siècle » non pas tant par ses talents géniaux d'homme d'État, et surtout d'homme politique, que grâce à la durée tout à fait exceptionnelle de sa prééminence politique dans la démocratie athénienne, alors parvenue à son apogée. (...) Après l'assassinat d' Éphialtès, 46I, Périclès, devenu à son tour le chef de son parti, dirige l'État en tant que stratège, magistrature à laquelle il est réélu à quinze reprises au moins entre 443 et 429...; Larousse] pleurant la jeunesse athénienne moissonnée dans la guerre du Péloponnèse [l'oraison funèbre de Périclès est un des passages les plus connus de l’œuvre de l’historien athénien Thucydide, La Guerre du Péloponnèse : II, 35-43. Il y retranscrit l’oraison en l’honneur des soldats athéniens morts durant la première année de la guerre du Péloponnèse : " La plupart de ceux qui avant moi ont pris ici la parole, ont fait un mérite au législateur d'avoir ajouté aux funérailles prévues par la loi l'oraison funèbre en l'honneur des guerriers morts à la guerre. Pour moi, j'eusse volontiers pensé qu'à des hommes dont la vaillance s'est manifestée par des faits, il suffisait que fussent rendus, par des faits également, des honneurs tels que ceux que la république leur a accordés sous vos yeux ; et que les vertus de tant de guerriers ne dussent pas être exposées, par l'habileté plus ou moins grande d'un orateur à trouver plus ou moins de créance... "; sur le Web] : " L' Assam, écrit l'un d'eux, a gardé la fleur des Afghans, des Persans et des Mogols. "
Périclès prononçant son oraison selon le peintre allemand Philipp Foltz : I877.
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La conquête de l' Arracan, suivie de son annexion à la province du Bengale, est l'œuvre de Shaista Khan, l'un des personnages le plus influents de l'entourage d' Aureng Zeb, l'un des meilleurs instruments de sa politique. Il était attaché à l'empereur par les liens d'une parenté très proche : ce fils du vizir Azaf Khan était le frère de Mumtaz Mahal, la femme si passionnément regrettée de Shah Jahan et la mère de notre Grand Mogol. Il mourut en I694, plus qu'octogénaire, après une longue carrière entièrement dévouée au service de l'empire, dans lequel il exerça quelques-unes des charges les plus importantes. Il avait été notamment gouverneur d' Agra, du Dekkan et du Bengale; c'est dans ces dernières fonctions qu'il provoqua un conflit avec Job Charnock,[vers I630-I692; il entre à la Compagnie des Indes Orientales en tant que jeune marchand et, son premier poste est à Kasimbazar en I658; "... Il était le chef de la colonie de Hughli de la compagnie lorsque la guerre anglo-mughalienne de I686-90 a commencé. Sur le théâtre de cette guerre au Bengale, les Anglais furent rapidement chassés et contraints de mettre fin à leurs activités au Bengale et de se retirer à Madras. Mais à la fin de la guerre, Subahdar Ibrahim Khan, le successeur de Shaista Khan, les invita à reprendre leurs activités au Bengale... "; il a été longtemps considéré comme le fondateur de la ville de Calcutta, en I690, fait contesté depuis par la haute cour de la ville en 2003; sur le Web] chef du comptoir de la Compagnie anglaise des Indes Orientales à Golaghat, près d' Hughli [ou Hoogly], et qu'il entreprit ses fameuses expéditions contre le roi d' Arrakan et contre les pirates de Chittagong. Doué d'un sens politique très fin, il avait de bonne heure deviné le génie d' Aureng Zeb et pressenti sa fortune, abandonnant la cause de son beau-frère, l'empereur Shah Jahan, puis celle de Dara, pour se rallier à celle du futur Alamguir.
Le mausolée simple de Job Charnock dans le jardin de l'église St John, Calcutta. Crédit photo : Grentidez
En moins de deux ans, sous prétexte de châtier le roi d' Arrakan, dont les pirates faisaient cause commune avec les corsaires portugais d' Hughli, la conquête était accomplie, avec autant de décision que de persévérance, par l'entreprenant gouverneur. C'est le 7 mars I664 que Shaista Khan avait pris possession de son gouvernement du Bengale; le I3 décembre de la même année, il faisait son entrée dans Dacca, ville importante du Sud de l' Assam, qui commandait le delta du Brahmapoutre; le 9 novembre I665, il lançais son armée contre l'île Sondil, Sandwip, [ou Sandvip, Sondeep ou Sundiva, est située le long de la côte sud-est du Bangladesh, sur l'estuaire du fleuve Meghna dans le golfe du Bengale; séparée de la ville de Chittagong par le canal de Sandwip] aux bouches du fleuve, et le 26 janvier I666, il s'emparait de Chittagong, capitale de l' Arrakan,["...Les premières traces de civilisation remontent au Néolithique, et les premiers écrits mentionnant Chittagong datent IVe siècle avant J.-C. Le port de Chittagong est mentionné sur la carte de Ptolémée qui précise qu'il s'agit d'un des plus importants ports orientaux. Les premiers marchands arabes, venus de la péninsule du golfe, gagnent Chittagong au IXe siècle. Ils amènent avec eux des soufis qui s'installent dans la région et répandent l'islam. En I340, le sultan de Sonargaon conquiert le port stratégique qui commerce avec la Chine, l'Afrique de l'est et l'Asie du sud-est, et l'intègre au sultanat du Bengale qui devient l'État le plus riche du sous-continent indien. En I528, le sultanat autorise l'installation d'une implantation portugaise, qui devient la première colonie occidentale au Bengale. Trois ans plus tard, le sultanat perd le contrôle de la ville suite à la déclaration d'indépendance de l' Arakan : Rakhine au Myanmar actuel. Les Portugais profitent de cette instabilité politique pour étendre leur emprise sur le port de Chittagong. Ils instaurent une license commerciale obligatoire pour chaque navire entrant dans le port de Chittagong. À la fin du XVIe siècle, Chittagong compte 2 500 Portugais, mélange de soldats, fonctionnaires, marchands, missionnaires, marins et pirates. En i666, les Moghols décident de reprendre Chittagong des mains des Portugais, envoyant une armée de 6 500 hommes et 288 navires pour bloquer le port. Défaits, les Portugais se retirent et Chittagong connaît une période d'accroissement économique florissante... Aujourd'hui, " Chittagong est la deuxième ville du pays et joue un rôle majeur dans l'économie grâce à son port, le plus important du golfe du Bengale, qui gère 80% du commerce avec l'international et génère 50% des revenus du pays... "; sur le Web] et repaire principal des pirates sur la côte; la ville conquise, pour marquer l'importance de ce succès, perdit son nom et prit celui de Islamabad, qui la ralliait durablement au grand empire musulman. Ces dates ont leur éloquence, si l'on considère que le pays offrait à peu près les mêmes difficultés que l' Assam, où Mir Jumla, malgré le prestige et l'expérience d'une longue carrière militaire, venait d'essuyer un désastre retentissant.
Les empereurs mogols avaient eu plusieurs fois des difficultés avec ces pirates, qui furent l'occasion ou le prétexte d'une des rares expéditions heureuses du règne d' Aureng Zeb. Mais il ne les avaient jamais affrontés directement dans cette périlleuse région. En I630, notamment, pour punir les Portugais rebelles aux conditions qu'il voulait leur imposer pour leurs tractations commerciales, Shah Jahan avait fait le siège d' Hughli; s'étant rendu maître de la ville, il en avait déporté à Agra toute la population. L'histoire affirme d’ailleurs que le vrai motif de cette répression était une vengeance personnelle de l'empereur : Shah Jahan n'oubliait pas que les Portugais d' Hughli, alors qu'il n'était encore que le prince Khourrem, en révolte contre son père, lui avaient refusé le secours en hommes et en munitions qu'il leur réclamait.
Pour Aureng Zeb, la victorieuse offensive de Shaista Khan contre l' Arrakan et les pirates portugais, avait un sens religieux, plus encore que politique, et cela est bien dans sa ligne habituelle : le nom d' Islamabad imposé à la ville vaincue, a une valeur symbolique, et nous avons déjà évoqué certains conflits du Mogol avec ces Franguis insolents, qui ne craignaient pas de faire de la propagande religieuse sur ses domaines et jusque parmi les femmes de la cour impériale. Si l'on songe que les Portugais avaient jadis fait enlever et converti de force deux filles attachées au service de Mumtaz Mahal, on ne peut s'empêcher de voir plus qu'une coïncidence dans l'acharnement avec lequel le frère de l'impératrice défunte cherchait à imposer la loi de Mahomet à ces étrangers humiliés.
Coupable de protéger les Portugais du Bengale, qui pillaient les campagnes, rançonnaient les sujets du Mogol ou les enlevaient pour les réduire en esclavage, Mugh, le raja d' Arrakan paya le premier son imprudence ou sa faiblesse. L'un des principaux chefs de ces pirates avait épousé la sœur de Mugh, devenue chrétienne. Mais qui dira si le raja n'avait pas cédé plus encore à la menace et à la terreur, qu'à son ambition et sa cupidité personnelle ? Cette famille princière paraît d'ailleurs aussi corrompue que divisée, si l'on en juge par les circonstances de cet étrange mariage, qui sont parvenues à notre connaissance. Mugh avait un frère, Anaporam, qui s'était rendu coupable de graves excès dans l'administration d'une province dont il était gouverneur. Chassé du royaume, ce moderne Verrès [Caius Licinius, vers 119-43 avant J.-C.; homme politique romain; Proquesteur en Asie, 79, il se signala par ses déprédations. Préteur urbain en 74, il abusa de son pouvoir. Propréteur en Sicile, 73-7I, il pilla la province et l'accabla d'impôts. Poursuivi en justice par les cités, qui confièrent leur cause à Cicéron, il s'exila, 70, dès les premiers discours de ce dernier : les Verrines. Il mourut proscrit par Antoine. Larousse] avait cherché refuge dans les îles de la Sonde,[ archipel de l’Insulinde. On les divise traditionnellement en deux groupes : les grandes îles de la Sonde, Sumatra, Java et parfois Bornéo) et les petites îles de la Sonde : Bali, Nusa Tenggara occidental et Nusa Tenggara oriental et la République du Timor-Oriental] où il connut le chef pirate portugais, Sebastian Gonzales Tibao ["... Il s'agit de Sébastien Gonzalez Tibao, un homme d'extraction obscure, né dans le village de St. Antony del Tojal, près de Lisbonne, un lieu qui n'a encore jamais produit aucune note digne d'intérêt, que ce soit pour la parenté ou pour les actions remarquables. En I605, il partit pour les Indes, se rendit au Bengale, s'inscrivit comme soldat, puis se mit à faire le commerce du sel, qui est une grande marchandise dans ce pays. Par ce commerce, il gagna bientôt autant qu'il acheta une ialia, c'est-à-dire une sorte de petit vaisseau. Dans ce vaisseau il se rendit avec Salt à Dianga, grand port du roi d'Arracan, au moment où ce roi tua 600 Portugais qui y résidaient, et ne soupçonnaient rien de moins, vivant tranquillement en bons sujets sous sa protection... "; sur le Web], qui devait devenir son beau-frère : [ "... C'était au début de l'année I607. Quelques-uns s'échappèrent dans les bois, et 9 ou I0 navires prirent la mer, dont celui de Sebastian Gonzales. (...) Sébastien Gonzalez et ses compagnons, avec les 9 ou I0 navires qui se sont échappés à Dianga, n'ayant pas de chef pour les gouverner, ont vécu de vols dans le pays d' Arracan, portant leur butin dans les ports du roi de Bacala, qui était notre ami. (...) Il nomma Sébastien Gonzales Tibao. Dès que le commandant fut nommé, ils résolurent de gagner Sundiva. [Sandwip] D'autres Portugais furent rassemblés de Bengala et d'autres ports voisins. Tibao conclut un marché avec le roi de Bacala, qu'il lui donnerait la moitié des revenus de l'île, s'il l'aidait à la conquérir. (...) En mars I609, il avait plus de 40 voiles et 400 Portugais. L'île ayant eu le temps de pourvoir à sa défense, elle était pleine d'hommes déterminés. Un grand nombre de Maures les reçurent au débarquement, mais furent obligés de se retirer dans un fort. Les Portugais l'assiègent, et, se trouvant longtemps devant lui, sont en danger de périr, ne pouvant accéder à leurs provisions et munitions qui étaient à bord de leurs navires; Gaspar de Pina, un Espagnol, les délivra de ce danger, car, arrivant avec son navire dans ce port, et résolut à les aider, il débarqua 50 hommes dont il était le capitaine, et marchant de nuit avec beaucoup de lumières et un grand bruit, il fit croire à l'ennemi qu'il lui apportait un grand secours. Dès qu'il arriva, le fort fut assailli, pénétré, et tous ceux qui avaient la vie sauve furent passés au fil de l'épée. Les indigènes de l'île, qui étaient auparavant soumis aux Portugais, se soumirent à Sébastien Gonzales. (...) Les indigènes lui amenèrent plus de I000 Maures, auxquels il coupa la tête à mesure qu'ils arrivaient ; un nombre à peu près égal d'autres furent tués dans le fort. C'est ainsi que Sebastian Gonzales devint le maître absolu de l'île et que les indigènes et les Portugais lui obéirent comme à un seigneur absolu, indépendant de tout prince, et que ses ordres eurent force de loi. (...) Telle fut la fortune de Sébastien Gonzales à Sundiva, lorsqu'il y eut un différend entre le prince d'Arracan et son frère Anaporam... "; sur le Web] curieuse figure de flibustier, haute en couleurs, et qui semble sortie vivante d'un roman de Conrad ou de Stevenson. Cet honorable écumeur des mers, ce " frère de la côte ", flaira aussitôt l'aventure merveilleuse que représentait pour lui la rencontre avec un prince des Mille et une nuits déchu et cherchant vengeance. Il mit sa bande à la disposition d' Anaporam, et tous les deux envahirent l' Arrakan, où quelques hardis compagnons, habitués aux plus audacieux coups de main, n'eurent aucune peine à venir à bout des troupes molles et mal armées du raja. La femmes et les enfants d' Anaporam retenus en otage furent délivrés et les deux compères firent main basse sur le trésor royal. L'infortuné Mugh n'obtint la vie sauve qu'en donnant sa fille en mariage au Frangui victorieux, avec, cela va sans dire, une dot de nabab. Cette touchante histoire de famille eut le dénouement édifiant qu'on en pouvait attendre : peu de temps après après ce mariage forcé, l'imprudent Anaporam mourut, vraisemblablement empoisonné, — par les gâteaux de noces ?, — et tous ses biens tombèrent aux mains des pirates. ["... Anaporam revint avec Sebastian Gonzales à Sundiva, amenant sa femme, sa famille, son trésor et ses éléphants. Ainsi il resta comme sujet de Sébastien Gonzalès, qui, baptisant sa sœur, l'épousa, et quoique si vil misérable, prétendit avoir fait à ce prince une grande faveur. Peu de temps après, le prince meurt, non sans soupçon de poison, car Sébastien Gonzalès s'est emparé de tous ses trésors, éléphants et biens, sans aucune considération pour sa femme et son fils... "; sur le Web]
Tel est le guêpier dans lequel les éléphants du Mogol allaient mettre sans ménagement leurs pas pesants.
Shaista Khan, à la fin de sa vie, mort à 94 ans. Couverture du livre de BRADLEY BRADLEY-BIRT Françis, I874-I963, diplomate et écrivain britannique : Le roman d'une capitale orientale, I906.
Shaista Khan avait eu la plus brillante et la plus rapide carrière : nommé gouverneur d' Agra en I659, à la veille de la bataille de Khajna, où Aureng Zeb mit en déroute les troupes de Shuja, placé ensuite à la tête de toutes les troupes du Dekkan, il devint vice-roi du Bengale à la mort de Mir Jumla, avec le titre d'Émir des Émirs, laissé vacant par la disparition du vaincu de l' Assam. Bernier, grand admirateur de Shaista Khan, l'oppose à Mir Jumla et s'étonne que celui-ci, au lieu de se perdre dans une aventure désespérée, n'ait pas plutôt conçu les grands desseins que son successeur devait si heureusement mettre à exécution. Le médecin français, si perspicace observateur, nous a laissé de très intéressants commentaires sur cette expédition de l' Arrakan, à laquelle il prête une attention particulière, en raison des intérêts européens qui s'y trouvaient mêlés.
Depuis plus d'un siècle, les rois de ce pays avaient accueilli un grand nombre de colons portugais et métis, ceux-ci pour la plupart esclaves des premiers et chrétiens, plus un ramassis de Franguis de toute provenance, coureurs d'aventures et plus ou moins flibustiers. Tous les criminels ou les gens sans aveu expulsés de Goa, de Ceylan, de Cochin, de Malacca, et des autres établissements européens dans l' Inde, trouvaient un asile commode dans ce royaume hospitalier. Personne n' y était mieux reçu ni mieux vu, ajoute le bon Bernier, que les moines en rupture de couvents ou les religieux qui s'étaient constitués un petit harem, après avoir jeté le froc aux orties.[abandonner l'état religieux ou ecclésiastique] Toute cette population n'était chrétienne que de nom, et vivait hors de toutes lois : les assassinats, les empoissonnements, les actes de brigandage étaient quotidiens dans ce charmant " milieu ", n’épargnant pas même les prêtres, qui au témoignage d'un observateur impartial, ne valaient guère mieux que leurs ouailles.
À suivre...
BOUVIER René et MAYNIAL Édouard, " Le dernier des grands Mogols, vie d'Aureng Zeb ", Paris, Éditions Albin Michel, I947, 309 pages, pp. I95-206.
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