LES BIENVEILLANTES ÉOLIENNES NOURRISSENT GRASSEMENT LES FABRICANTS DE LUBRIFIANTS À BASE... DE COMBUSTIBLES FOSSILES

  " Pour parodier une fois encore un fameux incipit, on pourrait dire que toute la vie de la société industrielle devenue mondiale s'annonce désormais comme une immense accumulation de catastrophes. Le succès de la propagande pour des mesures autoritaires inévitables, " Demain il sera trop tard ", etc., repose sur le fait que les experts catastrophiques se posent en simples interprètes de forces qu'on peut prédire. Mais la technique de la prédiction infaillible n'est pas la seule reprise de l'ancien prophétisme révolutionnaire. Cette connaissance scientifique de l'avenir sert en effet à introduire la vieille image rhétorique de la croisée des chemins, où l' " Humanité "se trouverait face à l'alternative ainsi posée, sur le modèle " socialisme ou barbarie " : sauvetage de la civilisation industrielle ou effondrement dans un chaos barbare."
  " L'écologisme récupère tout cela, et y ajoute son ambition technobureaucratique de donner la mesure de toute chose, de rétablir l'ordre à sa façon, en se transformant, en tant que science de l'économie généralisée, en  une nouvelle pensée de la domination. " Nous ou le chaos ", disent les écolocrates et les experts recyclés, promoteur d'un contrôle totalitaire exercé par leurs soins, pour prendre de vitesse la catastrophe en marche. Ce sera donc eux et e chaos. " Encyclopédie des Nuisances, n° I5, avril I992. "
RIESEL René et SEMPRUN Jaime, Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, Éditions de l' Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2008, p. 45.
 
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Les défis environnementaux et de sécurité liés aux éoliennes : analyse des déchets et des lubrifiants utilisés

  Équipées de I 400 litres d'huile synthétique et diverses graisses, les éoliennes sont prêtes pour leur fonctionnement optimal !...




Introduction
  En parcourant la littérature, je suis tombé sur deux articles qui décrivent l'importante consommation de combustibles fossiles nécessaire à la construction et à l'installation des éoliennes :  I et 2. Ces lectures m'ont conduit à un autre article qui décrit les coûts élevés de l'enlèvement et du démantèlement des éoliennes, dont le coût peut dépasser 500 000 dollars [environ 460.000€] par éolienne, croyez-le ou non !, et on ne peut qu'imaginer les coûts du démantèlement d'une éolienne offshore en haute mer ! De nombreux articles traitent des coûts élevés du démantèlement des éoliennes, mais apparemment il n'y a pas beaucoup d'expérience réelle pour faire face à l'avalanche d'éoliennes qui sont maintenant hors service. Les turbines mises hors service posent des problèmes d'élimination parce qu'elles sont difficiles à traiter, qu'elles contiennent des volumes de lubrifiants synthétiques à éliminer et qu'elles ne sont généralement pas recyclables, voir ci-devant : Déchets d'éoliennes : Les déchets de pales d'éoliennes dépasseront les 43 millions de tonnes par an d'ici à 2050




  Comme la plupart des lecteurs le savent, il est ridiculement facile de trouver des aspects négatifs aux éoliennes, alors qu'en fait, il est difficile de trouver de vrais aspects positifs, à moins d'avoir bu du Kool-aid vert. [l'expression " boire le Kool-Aid " est souvent utilisée pour signifier adhérer ou accepter aveuglément une idéologie ou une croyance, souvent liée à des idées écologiques ou politiques] Dans cette optique, j'ai creusé un peu plus loin dans les aspects problématiques et découvert que les éoliennes nécessitent des volumes de lubrifiants spécialisés de haute technologie pour la génération d'électricité, ainsi que pour faire face aux impacts sur la faune aviaire; de plus, ces matériaux présentent des spécifications et des points de prix nettement supérieurs à ceux des fluides et lubrifiants traditionnels à base de combustibles fossiles que l'on pourrait trouver chez un revendeur local tel qu' O'Reilly. La nécessité de recourir à des lubrifiants synthétiques spécialisés découle des exigences liées à la charge éolienne, aux forces de rotation et de couple, aux forces de cisaillement, à la corrosion, et à d'autres modes potentiels de défaillance.
 

 

 

 Le benzène, mono-C10-14-alkyls, se dérobe, structure moléculaire. Source
 
  Les éoliennes nécessitent d'importantes quantités de divers lubrifiants synthétiques à base de combustibles fossiles, en particulier pour la boîte de vitesses. Après environ 500 heures de fonctionnement, la boîte de vitesses d'une éolienne nécessite une " vidange d'huile de rodage ", au cours de laquelle la machine peut consommer jusqu'à I400 litres, voire plus, de fluide coûteux.
  Une fois rodées, ces machines éco-optimisées reçoivent une nouvelle dose de " jus de dinosaure " pour se lubrifier en prévision de nouvelles collisions avec des oiseaux. Après avoir absorbé initialement environ 2800 litres d'huile spéciale pour engrenages, les changements d'huile ne sont nécessaires que tous les 2 à I0 ans en fonction de la génération de l'éolienne, de sa taille et de ses spécifications de construction.
 
 Toutes les parties d'une éolienne nécessitent des lubrifiants spécialisés, selon Exxon
  " Les plus importants sont les boîtes de vitesses principales, les paliers principaux, les paliers de pas et de lacet, les paliers de générateur, les engrenages et les systèmes hydrauliques. La boîte de vitesses principale exige la plus grande quantité d'huile de lubrification. En fonction de la taille de l'éolienne, cela peut varier entre 200 et 1 400 litres de lubrifiant. Chaque point d'application individuel à l'intérieur de votre éolienne peut avoir des exigences très spécifiques. "

 Le changement d'huile des éoliennes est à la fois contraignant et coûteux 
  " Le filtre à huile de la boîte de vitesses devrait également être remplacé après les premières 500 heures de fonctionnement. Après un an d'exploitation, un échantillon d'huile devrait être prélevé pour déterminer sa viscosité, sa teneur en eau, son indice d'acidité, sa contamination par des particules, et l'épuisement des additifs. Après deux ans, certains recommandent un changement complet d'huile, même si sa qualité se rapproche des normes.
  Une analyse périodique de l'huile est idéale, car même un produit de haute qualité ne garantit pas la santé de la boîte de vitesses. Cependant, changer manuellement l'huile est une tâche difficile et chronophage. Les travailleurs soulèvent et abaissent l'huile dans des bidons spéciaux à l'aide de dispositifs de levage : ascenseurs ou échelles. Cela nécessite une équipe de trois ou quatre techniciens et environ huit heures de travail.
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  La vidéo ci-dessous montre comment s'effectuent les vidanges.
 

  Changer l'huile des éoliennes peut être une corvée et coûteux, surtout en mer, mais il y a un bonus écologique, donc pas de soucis... 😧
 
 
  Castrol est devenu le premier fournisseur de lubrifiants au monde à proposer des lubrifiants neutres en carbone pour l'industrie des éoliennes, le Castrol Optigear.
  " La croissance considérable des énergies renouvelables a apporté une contribution majeure à la protection de l'environnement, mais nos clients sont des innovateurs et cherchent constamment de nouvelles façons de réduire leur empreinte carbone et d'agir davantage contre le changement climatique", a déclaré Daryl Luke, responsable mondial des produits chez Castrol. "

 
 Fuites d'huile, marées noires et conflagrations diverses



  Les turbines présentent des fuites d'huile et d'autres lubrifiants en raison de défaillances au niveau des joints, des roulements et de la boîte de vitesses. Elles utilisent également des fluides hydrauliques dans des conduites qui peuvent développer des fuites en raison de la fatigue, des vibrations, de microfuites ou simplement parce qu'elles sont fabriquées en Chine.
  Les turbines sont susceptibles de s'embraser et de brûler facilement, car elles contiennent des fluides et des graisses inflammables. Ce carburant alimente la combustion des pales, qui sont fabriquées à partir de résines aromatiques à base de carbone, époxydes, libérant ainsi d'énormes panaches de cancérogènes tels que le benzène et des particules toxiques comme le méthyl-éthyl-propyl...
  Les coups de foudre et d'autres phénomènes naturels peuvent entraîner l'effet de la turbine à la manière d'une fusée romaine, en plus de déclencher des incendies dus à des défaillances mécaniques internes. Il est difficile d'arrêter les incendies une fois qu'ils ont pris, et il peut être nécessaire d'utiliser un hélicoptère ou un avion pour aider à les éteindre ou simplement les ralentir. Ce n'est pas aussi grave que les incendies de batteries au lithium incontrôlés, mais cela reste une vraie corvée !

 
 Un véritable inconvénient sérieux des incendies de turbines éoliennes est qu'ils peuvent provoquer des incendies de broussailles et de forêts, entraînant des millions de dollars de dégâts, dont certains sont examinés ici.
  N'oublions pas qu'une éolienne incendiée coûtera une belle somme à démanteler et à mettre au rebut, coûtant probablement plusieurs centaines de milliers de dollars et impliquant une consommation importante de combustibles fossiles tout au long du processus.
 

Voir la vidéo

  Un tableau de lubrifiants pour éoliennes destiné aux personnes souffrant d'insomnie, aux chimistes et aux ingénieurs...






LE MONDE AGRICOLE ENCORE ET TOUJOURS ORGANISÉ EN " CASTES "

Précédemment 
https://augustinmassin.blogspot.com/2024/02/territoires-monde-agricole-de-quoi-la.html
 
 Le terme « paysan » trouve son origine dans le latin paganesis, signifiant « du village, du canton », datant du XIIe siècle. Au XIXe siècle, le paysan acquiert une importance politique notable, alors que les factions monarchistes et républicaines cherchent à gagner le soutien du monde rural pour leurs régimes respectifs. La IIIe République, de I870 à I940, pour bien marquer sa " passion " pour ce monde, adopte même l'image de la semeuse comme emblème républicain sur ses timbres postaux.
  Ce secteur a toujours été caractérisé par une division en " castes ". Deux moments historiques majeurs illustrent cette fragmentation :
  •  En I867, sous la bénédiction de l'empereur Napoléon III, voit le jour la Société des agriculteurs de France, SAF. [i] Cette société a pour objectif de regrouper les propriétaires issus de la noblesse ayant des liens avec le capitalisme industriel et bancaire. Son but déclaré est d'encadrer politiquement et socialement la paysannerie par le biais de notables, dans le dessein de guider l'agriculture et le travail des paysans dans le cadre du développement du capitalisme bancaire et industriel. Les membres de la SAF aspirent à tirer profit des traités de libre-échange pour conquérir les marchés européens; elle prend une ampleur considérable grâce à la loi Waldeck-Rousseau, Pierre, I846-I904, de I884, sur les syndicats.
  • En I880, la Société nationale d'encouragement à l'agriculture, SNEA, est créée, sous le gouvernement de Gambetta, avec Jules Mayjurou de Lagorsse, François, I842-I9I7, en tant que secrétaire général fondateur. Son objectif est de soutenir les projets ministériels et de promouvoir l'implantation des caisses de crédit mutuel et des coopératives. La SNEA se distingue de la SAF en annonçant son engagement envers les petits et moyens agriculteurs, contrairement à une orientation exclusivement centrée sur la grande culture.
  • En I88I, un ministère autonome dédié à l'agriculture voit le jour.
  • En I892, les " tarifs Méline ", [ii] du nom de leur créateur Jules Méline, I838-I925, sont conçus pour bénéficier à l'ensemble des agriculteurs, mais finissent par favoriser principalement les céréaliers.

 

Médaille Société des agriculteurs de France. Graveur : Charles Trotin, I833-I904. Avers
 
La Semeuse, timbre.
 
 
ÉTAT DES LIEUX 2024
  La France compte moins de 390 000 exploitants agricoles, marquant une nette diminution par rapport aux six millions d'exploitants dans les années I940 et aux environ quatre millions dans les années I960.
  Le revenu moyen annuel des agriculteurs atteint 56 0I4 euros [iii] en 2022, soit un niveau beaucoup plus important que celui véhiculé par les médias et les croyances populaires. Ces chiffres, compilés par les services statistiques du ministère de l'agriculture, sont disponibles pour des comparaisons au niveau européen. Ils sont également détaillés par type d'exploitation et par décile de rémunération. Ce revenu moyen annuel concerne les exploitants travaillant à plein temps, après déduction de toutes les charges d'exploitation, y compris les charges financières, intérêts d'emprunt, et les dotations aux amortissements des équipements, mais avant déduction de l'impôt sur le revenu et de toutes les cotisations sociales.
  Ces données reflètent des différences de stratégie entre l'agrobusiness des grandes exploitations céréalières ou d'élevage intensif et des pratiques plus traditionnelles, voire orientées vers l'environnement et l'agriculture raisonnée. Cette diversité souligne les multiples facettes de l'agriculture française, avec des exploitations adoptant des approches variées en fonction de leurs objectifs et valeurs.
 
[i]. En 20I8, elle prend le nom d' AgriDées.
[ii]. La loi fixait les marges de droit applicables aux produits importés.
[iii] À titre de comparaison, la rémunération moyenne par salarié, équivalent temps plein, en 2022, est de 60.000€ par an.
 
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Tanguy Martin : « La FNSEA entretient la fiction d’un monde agricole uniforme »

  Fin 2023, une action orchestrée par les syndicats majoritaires d’exploitants agricoles fait momentanément remonter la crise qui frappe le secteur dans la hiérarchie des préoccupations médiatiques. « On marche sur la tête », clament les représentants syndicaux, condamnant pêle-mêle les retards de paiement des aides européennes, les normes environnementales, la concurrence due au libre-échange. Deux mois plus tard, la mobilisation change de forme et s’étend pour venir porter des revendications hétérogènes jusqu’aux abords de Paris, à grand renfort de blocages routiers.  Depuis, et malgré une première salve d’annonces gouvernementales, le mouvement se poursuit. Quelle place pour les forces de gauche en son sein ? Nous en discutons avec Tanguy Martin, auteur aux éditions Syllepse de Cultiver les communs https://www.syllepse.net/cultiver-les-communs-_r_64_i_1042.html et membre du collectif Reprise de terres.




« Les forces vives à même de faire fonctionner les institutions agricoles […] sont de plus en plus faibles et de moins en moins représentatives » écriviez-vous dans Cultiver les communs. À l’aune de la mobilisation inédite qui a marqué le mois de janvier et se poursuit, cette affirmation vous semble-t-elle toujours d’actualité ?
  Oui. Une première chose, factuelle : la population agricole baisse. On estime qu’elle représentait un peu plus de 30 % de la population totale à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, les exploitants, les gens qui sont agriculteurs statutairement, c’est I,9 %, des actifs — auxquels s’ajoutent ceux, un peu plus nombreux, qui travaillent la terre, les ouvriers agricoles, etc. Le vivier qui va pouvoir siéger dans toutes sortes d’institutions agricoles, en premier lieu les chambres d’agriculture, mais aussi les Safer [Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ndlr], est donc de plus en plus faible. Et, dans ces institutions, le syndicalisme agricole a un travail de représentation assez large. La deuxième chose, c’est l’évolution des élections professionnelles, qui donnent accès, entre autres, aux chambres d’agriculture. Le taux de participation, même s’il était juste en dessous des 50 % lors de la dernière élection en 20I9 — ce qui ferait pâlir n’importe quelle autre élection professionnelle, est de plus en plus bas. À titre de comparaison, le président ou la présidente du MEDEF n’est élu qu’avec des taux de participation en dessous de I5 %. La FNSEA reste plus représentative que ça, mais le devient de moins en moins et perd donc en légitimité. D’autant qu’un certain nombre de personnes qui se syndiquent à la FNSEA le font davantage par clientélisme et népotisme, parce qu’ils estiment qu’en ayant la carte, ils bénéficieront de services syndicaux ou de décisions favorables dans certaines instances. Ils ne viennent pas forcément en adhérant pleinement au discours de la FNSEA.

Existe-t-il un écart entre les revendications portées par la FNSEA, auxquelles a répondu le gouvernement, et des souhaits émanant des personnes que ce syndicat majoritaire est censé représenter ?
  C’est très dur d’analyser un mouvement social à chaud. On en est encore aux conjectures et aux hypothèses, les historiens feront leur travail. Mais il me semble que le mouvement part de revendications assez précises sur des questions de revenus, venant notamment de viticulteurs dans le sud de la France. C’est quelque chose d’assez spontané qui n’est pas initié par les syndicats. Une multitude de choses se sont agrégées, avec l’amplification du mouvement en France, les convergences avec d’autres mouvements européens et, surtout, de la colère sociale. Mais les revendications ne se situent certainement pas toutes au même plan. Je ne pense pas qu’il était très stratégique pour la FNSEA que ce mouvement arrive à ce moment-là mais, comme la Coordination rurale, ils ont embrayé dessus. Il y a un très bon livre de Gilles Luneau sur la FNSEA, La Forteresse agricole, qui montre que sa force réside dans sa capacité à mettre ses troupes en ordre, avec une très grosse discipline. Cette capacité, en plus de celle des agriculteurs à manifester de manière spectaculaire, permet de faire très vite monter la sauce et donne la possibilité au syndicat de se faire entendre. D’autant qu’il en a l’habitude : il a des relais au ministère et, de manière beaucoup moins visible, des courroies de transmission avec le gouvernement. Nous l’avons vu en 2023 : lors d’une séquence de préparation d’une loi d’orientation agricole, la FNSEA a été très largement à la baguette. C’est là que je trouve que le traitement médiatique n’est pas du tout à la hauteur : la FNSEA est coresponsable de la situation actuelle, et ce depuis 70 ans ! Et pourtant ses dirigeants arrivent à capitaliser là-dessus.

Pourquoi la question foncière, centrale dans votre livre ainsi que pour la fondation Terre de Liens à laquelle vous participez, est-elle absente des récentes mobilisations ?
  Attention, la terre n’est pas le seul ou le plus important des sujets : on ne peut sortir la terre, seule, des logiques capitalistes. Mais si la question foncière n’a pas été abordée, c’est d’abord parce que ces mobilisations partaient essentiellement de la question des revenus. Ensuite, je pense que la FNSEA n’a pas intérêt à en parler parce que c’est, au fond, un des révélateurs des inégalités fondamentales dans l’agriculture. Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, est vraiment une caricature du gros agriculteur bien assis, bien rémunéré, qui a du capital et de la terre. On est loin de l’image du petit paysan dans son champ. Mais, malgré tout, il arrive à agréger derrière lui une bonne partie des forces vives de l’agriculture, et donc à faire passer ses mots d’ordre. Au bout du compte, si on regarde les annonces de Gabriel Attal du I er février dernier, à part les déblocages de trésorerie, il y a très peu de choses qui vont jouer sur le revenu. Et tout ça a été utilisé pour supprimer les quelques mesures écologiques — peu satisfaisantes — qui étaient en place. La FNSEA entretient la fiction d’un monde agricole uniforme. La réalité c’est qu’il est traversé par des questions de classe. Si Arnaud Rousseau possède une ferme de 700 hectares, soit dix fois plus que la taille moyenne des fermes en France, ça veut dire qu’il a pris des hectares à d’autres fermes, à d’autres agriculteurs. Cette oppression interne à l’agriculture est complètement effacée, masquée, et le traitement médiatique participe pleinement de cette fiction d’une espèce d’unité paysanne-agricole, qui remonte au moins à la fin du XIXe siècle. Les mondes agricoles étaient pourtant déjà très hétérogènes à l’époque, avec des hiérarchies très particulières, qui distinguaient entre les laboureurs, les cultivateurs, les manœuvriers, etc. Cette unité factice d’un monde agricole a encore été très opérante dans ce mouvement social.

Le discours de Gabriel Attal qui a accompagné les mesures proposées par le gouvernement se fait effectivement l’écho de cette fiction : « L’exception agricole française […] c’est assumer d’aider notre agriculture comme peu d’autres secteurs en France. [C]e n’est pas une question de budget, mais de fierté et d’identité. »
  Derrière l’identité professionnelle exaltée par Attal, il est bien question de modèle économique et de modèle d’expansion. Ça nous renvoie à l’épopée de la modernisation agricole qui débute à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La main invisible du marché n’arrive pas à faire entrer l’agriculture française dans le capitalisme alors qu’il se développe dans d’autres secteurs d’activité. C’est donc la main très visible de l’État qui s’en charge. Il y a une volonté affichée d’atteindre la sécurité alimentaire de la France, objectif qui sera réalisé en moins de I5 ans. L’activité agricole produit peu de valeur ajoutée, ce n’est pas une activité où on peut faire beaucoup de profit. Le capitalisme ne peut pas faire florès directement dans la production. Par contre c’est une activité qui s’insère dans des chaînes de valeur qui, elles, peuvent produire énormément d’argent et de plus-value : d’un côté dans l’agro-fourniture, tracteurs, semences, engrais, pesticides et herbicides, de l’autre dans la transformation alimentaire et la grande et moyenne distribution. L’agriculture est donc un pivot dans la circulation du capital entre l’amont et l’aval. Et c’est le paradigme de l’État néolibéral qui organise la possibilité d’accumuler du capital avec des aides publiques. Même si nous avons un gouvernement assez décomplexé, Attal ne peut pas l’assumer frontalement. Cette question d’identité, elle permet de perpétuer la mythification de l’unité du monde agricole. Mais derrière, il y a des questions de pognon, d’approvisionnement, et de mutations. Nous sommes dans un système agricole qui arrive au bout d’un cycle.
 
 29 janvier 2024, Argenteuil, blocage de l'autoroute A15 par une cinquantaine d'agriculteurs 
 
En quoi ?
   Il y a de moins en moins d’actifs agricoles au total, mais de plus en plus de salariés agricoles. On assiste donc, depuis une dizaine d’années, à une forme de prolétarisation de l’agriculture, de normalisation du salariat dans l’agriculture. Effectivement, cette tendance pose une question d’identité professionnelle. Qu’est-ce qu’un agriculteur dans la société ? Cette question, Attal n’en a rien à faire. Et d’ailleurs je pense qu’il ne s’est jamais posé la question avant ces dernières semaines.

La loi d’orientation qui devait être présentée par le ministre de l’Agriculture en janvier était justement censée proposer des mesures pour pallier ce problème de renouvellement des générations dans les mondes agricoles. Or cet aspect s’avère complètement absent de l’ensemble des mesures annoncées.
  Pour qui s’intéresse un peu à l’agriculture, ça n’est pas si étonnant, puisque c’est un processus assez long, qui a commencé en 2022. Les agriculteurs savaient que le gouvernement prévoyait d’agir là-dessus dans les prochains mois, sur des bases qui conviennent plutôt à la FNSEA, sans être bien sûr à la hauteur de l’enjeu. Nombre d’agriculteurs font beaucoup d’heures, sans pouvoir beaucoup se payer. Par ailleurs, les retraites agricoles restent très faibles.Tout ça vient percuter indirectement la question du renouvellement des générations. C’est, en un sens, l’image que donne l’agriculture d’elle-même. Il y a une crise du modèle agricole à transmettre.

Et quelle image la loi d’orientation en préparation donne-t-elle ?
 
  On va encore plus confier aux chambres d’agriculture le soin de s’occuper de l’accompagnement à l’installation des agriculteurs. C’est-à-dire qu’on va donner la responsabilité à ceux qui n’ont pas su convaincre leurs enfants de s’installer de convaincre les autres de bien vouloir venir. Ça ne peut pas marcher ! L’État n’est pas en mesure d’envisager de travailler de façon plus pluraliste sur cette question et on est en droit de se demander s’il a réellement la volonté d’agir sur le renouvellement des générations, au-delà de la communication. Il faut aussi prendre en compte les effets de la concentration foncière : il y a beaucoup d’agriculteurs qui cherchent à manger la ferme du voisin plutôt que de permettre à quelqu’un d’autre de s’installer. Tous ces éléments s’agrègent et conduisent à une diminution du nombre d’agriculteurs.

Les politiques publiques agricoles actuelles seraient-elles dans une forme de continuité avec ce que les sociologues Pierre Bitoun et Yves Dupont ont décrit dans Le Sacrifice des paysans comme un « ethnocide » tout au long du XXe siècle ?
  Ça n’est pas une question facile. On s’attaque à un monument de la sociologie rurale française. Sans critiquer le fond du travail de Bitoun et Dupont, ce qui est loin de mes compétences, je trouve que la formulation d’ethnocide dans le débat actuel renforce le narratif de l’unité d’une paysannerie millénaire. Or l’agriculture n’a cessé d’évoluer. C’est pourquoi je ne l’utilise pas. Néanmoins il est évident qu’il y a eu quelque chose d’extrêmement violent. Dès la fin du XIXe siècle, il y a eu besoin de libérer des bras pour l’industrie, puis pour le tertiaire afin, comme je l’ai dit, de faire entrer l’agriculture au sein du capitalisme, d’en augmenter la productivité avec plus de mécanisation et plus de chimie. Tout ça piloté depuis le sommet de l’État qui gère de simples variables. Les effets collatéraux sont horribles. Pour revenir au présent, j’ai le souvenir de discussions avec des membres de cabinets ministériels qui se demandaient si, finalement, c’était si grave de faire la transition agroécologique avec peu de fermes et de paysans. Ce sont des gens qui travaillent sur des tableaux Excel. Il y a chez eux une négation totale des vies humaines, des cultures et des villages, qui passent par pertes et profits.

Lucile Leclair nous parlait, dans ce sens, d’une tendance allant vers une agriculture européenne sans agriculteurs. La Confédération paysanne, parmi d’autres, réclame au contraire des mesures pour encourager de nombreuses installations pour atteindre un million d’agriculteurs d’ici dix ans.
  Avec le collectif Nourrir, c’est une cinquantaine d’organisations paysannes, écologistes, citoyennes, de solidarité locale ou internationale, de consommation alternative qui défendent cette idée qu’il faudrait un million de paysans, quant nous en sommes à moins de la moitié aujourd’hui. Les camarades de l’Atelier Paysan ajoutent que pour, en plus, travailler tranquillement, il en faudrait dix millions. Il s’agit donc de défendre un tout autre modèle de société, envisager l’activité agricole comme une activité à forte intensité de main-d’œuvre, avec des gens autonomes dans leur travail, qui ne cherchent pas à tout prix la médiation de la technologie dans leurs actions. L’idée n’étant évidemment pas de revenir à des travaux ultra pénibles, avec des gens brisés à 50 ans parce qu’ils ont porté des charges lourdes toute leur vie. Les ruptures nécessaires ne sont pas accessibles au gouvernement actuel étant donné les bases politiques qui sont les siennes. Ça ne rentre tout simplement pas dans son cadre de pensée. Le problème de renouveler les générations agricoles est posé par le ministère de l’agriculture, mais les solutions qu’il propose sont tellement anecdotiques et tellement inefficaces qu’on peut douter du fait que le ministre ait vraiment envie que ça change.
 
 29 janvier 2024, Argenteuil, blocage de l'autoroute AI5 par une cinquantaine d'agriculteurs .

La mobilisation a été orientée autour du revenu, mais aussi des normes, notamment environnementales. Résultats : les normes ont été réduites et I50 millions d’euros ont été débloqués en urgence. Est-ce une réponse satisfaisante ?
  On revient à la question de la classe. Je pense que ce qui a été mal compris, notamment dans les milieux de gauche radicale, c’est qu’il s’agit cette fois d’un mouvement social de patrons, ou de gens qui se perçoivent comme des patrons. Un agriculteur est un travailleur indépendant, il peut salarier quelques personnes et être un exploiteur capitaliste au sens premier du terme. Mais globalement, la plupart ne salarient pas tant que ça. Leur revenu est mixte. Il vient à la fois de leur travail et du capital qu’ils ont accumulé, ou que la banque leur laisse accumuler. Difficile alors de choisir sa place dans la lutte des classes !

C’est-à-dire ?
  Est-ce que je vais me comporter comme un patron, est-ce que je vais me comporter comme un travailleur ? À la suite des mouvements sociaux des paysans des années I970 et de la proposition de Bernard Lambert dans Les Paysans dans la lutte des classes, la Confédération paysanne s’est très clairement positionnée du côté des travailleurs. Mais ça n’est pas facile de choisir de se mettre du côté des opprimés quand on peut éventuellement être du côté des gagnants. D’un point de vue objectif, il y a une grande majorité des gens qui sont statutairement des responsables d’exploitation mais qui, vu les revenus qu’ils se tirent, et même s’ils possèdent beaucoup de capital professionnel, sont plutôt du côté des opprimés. Ce ne sont pas des travailleurs exploités pour et par le salariat mais, pour reprendre les grandes catégories de Marx, par le capital extrait de la valeur de leur travail.

C’est pour cette raison que, plutôt que de s’en prendre aux structures socio-économiques qui les ont conduits dans cette situation, les agriculteurs actuellement mobilisés visent les institutions publiques ou para-publiques ?
  Parmi les fameuses normes qu’il faudrait faire sauter, la Coordination rurale cible aussi des normes du droit du travail. Ils sont allés détruire ou incendier des bâtiments publics. Tout un tas de lieux où sont employés soit des fonctionnaires, soit des agents d’institutions para-publiques, dont on nie le travail et qui ne sont pas défendus par les dirigeants de ces administrations. La question du positionnement de l’agriculture dans la lutte des classes n’a pas été posée ces dernières semaines. Est-ce que les agriculteurs qui se mobilisent sont des travailleurs opprimés face à leurs oppresseurs, c’est-à-dire ici l’agroalimentaire et l’agro-fourniture industrielles ? Ça n’est pas ce qu’ils revendiquent. Eux revendiquent un cadre administratif qui va leur permettre d’accumuler du capital et d’être les gagnants dans cette grande compétition, tout en occultant le fait qu’il y aura aussi forcément des perdants.

La Confédération paysanne ne s’est pas immédiatement réagi. Des syndicats, comme la CGT ou Solidaires, puis les Soulèvements de la terre, ont appelé à rejoindre le mouvement, mais seulement après plusieurs semaines de mobilisation. Pourquoi ?
  Le positionnement de la Confédération paysanne était extrêmement compliqué, mais ils ont, je trouve, bien géré la séquence. La revendication sur les revenus est juste et il existe des cadres administratifs qui permettraient d’avancer sur ce front. Il faut rappeler ici que la FNSEA était finalement très contente de la dernière réforme de la politique agricole commune qui était quasiment une continuation de la PAC précédente. Le versement des primes était déjà proportionnel aux surfaces des exploitations et restait presque aveugle aux besoins de transition écologique, comme à ceux d’une production répondant aux attentes de la société en matière d’alimentation. La Confédération paysanne et d’autres organisations dénonçaient déjà le fait que les problèmes de revenus ne seraient pas résolu de cette manière et affirmaient que la condition pour demander aux gens de mettre en place une transition agroécologique était qu’ils soient soutenus. C’est vrai qu’il y a des gens qui bossent beaucoup pour pas grand-chose, et à qui on demande de faire des efforts sur l’écologie sans leur en donner les moyens. Mais ce qui est vrai également, c’est que la FNSEA et le gouvernement sont entièrement responsables de cette situation. C’est drôle de les voir venir au chevet des agriculteurs ensuite. Ce qui est dommage, je trouve, c’est qu’il est très difficile d’interroger publiquement cette responsabilité. 
 
29 janvier 2024, Argenteuil, blocage de l'autoroute A15 par une cinquantaine d'agriculteurs.

On comprend donc pourquoi les Jeunes agriculteurs (JA) et la FNSEA ont appelé à mettre fin à la mobilisation, afin de la continuer dans les cabinets ministériels, tandis que la Confédération paysanne veut la poursuivre sur le terrain.
  Comme la Confédération paysanne veut faire entendre sa voix sur les questions de revenus et de libre-échange, elle ne peut pas rester impassible. Cela étant, toute la difficulté consiste à trouver un moyen de faire remonter ces sujets sans servir la soupe à la FNSEA, sans participer un rapport de force dont la FNSEA pourrait tirer profit. C’est la ligne de crête que la Confédération paysanne a plutôt bien tenue, même si nous sommes dans une de ces séquences très difficiles à gérer.

Le collectif Reprise de terres auquel vous participez appelle depuis plusieurs années dans ses textes à constituer des coalitions larges en faveur d’une réappropriation du foncier agricole et forestier ainsi que des zones naturelles. Est-il pertinent de chercher des alliances avec ce mouvement ?
  Il faut toujours essayer. La Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre ont eu raison d’appeler à des coalitions. Cela étant, les rares personnes que je connais qui se sont rendues sur des blocages coorganisés par la FNSEA, les JA et la Coordination rurale se sont fait rembarrer parce qu’elles n’étaient pas des agriculteurs : c’était très corporatiste ! Sur les questions sociales et écologiques, il y aura forcément des moments de bascule — même si on ne peut prédire quand ils auront lieu. Par contre, on peut tendre la main, même si ça peut parfois paraître inefficace, parce que cette main tendue sera peut-être acceptée un jour. Andreas Malm dit qu’à plus 6 degrés, cela deviendra moins incongru pour beaucoup de gens de saboter un pipeline… Ce n’était pas encore le moment, mais on n’est jamais à l’abri d’une surprise. C’est donc une bonne chose de le faire dans la séquence actuelle, sans naïveté ni romantisme. Ce sont des mouvements sociaux, certes, mais avec quand même majoritairement un éthos de droite assez marqué sur un tas de questions. Il faut insister aussi sur le fait qu’il y a une vraie souffrance, à laquelle personne ne devrait rester insensible. En revanche, c’est une chose de dire que les agriculteurs souffrent, c’en est une autre d’affirmer que, pour cette raison, il faut les autoriser à détruire les rares haies et bosquets qui restent encore sur leurs exploitations, afin d’y produire quelques tonnes supplémentaires de viande ou de céréales.

Un mouvement corporatiste, donc, qui contraste avec des coalitions larges qui se sont constituées en opposition, par exemple, aux méga-bassines…
   Nous en revenons encore à la question de la classe et des revenus. La FNSEA parle de travail, mais cette notion est toujours polysémique. Il faut s’en méfier. Une émission de France Inter qui parlait du revenu des agriculteurs, annonçait des chiffres qui ont fait bondir des auditeurs : 50 000 euros de revenu annuel moyen en 2022. Mais, premièrement, c’est une moyenne qui gomme de grandes inégalités et, deuxièmement, le revenu d’un agriculteur, ça n’est pas un salaire, c’est difficilement comparable. La FNSEA — en ça malheureusement suivie par de nombreux agriculteurs — ne dit pas « il faut rémunérer mon travail », mais « laissez-moi être le chef d’une entreprise florissante qui accumule du capital ». Ce n’est pas exactement la même chose. D’ailleurs, on propose aujourd’hui aux agriculteurs de poser des panneaux photovoltaïques dans leurs champs et d’être rémunérés par les opérateurs. Puisque votre travail ne paie pas, on va transformer votre revenu en de la rente ! La PAC qui est distribuée depuis le début des années 2000 à proportion de la surface des terres des fermes est déjà une rente : vous avez accumulé tant de terres, vous aurez tant d’euros. C’est complètement déconnecté du travail et de la production. Ce n’est pas anodin : on donne des aides à proportion des hectares, mais pour quel travail ? quelle qualité de travail ? Peu importe : nous allons vous payer, en suivant un calcul abstrait.

Vous évoquez dans Cultiver les communs la place que peut avoir l’agriculture pour la protection des milieux — la conservation de zones humides notamment. Vous faites une distinction entre le fait de donner une subvention ou rétribuer des agriculteurs parce qu’une zone humide se trouverait sur leur terrain, et le fait de les reconnaître comme des travailleurs qui participent aussi à la protection de l’environnement. En somme, des acteurs à part entière de cette protection. Cette distinction, primordiale, semble peu audible…
  L’économiste Jean-Marie Harribey part de la théorie de la valeur de Marx pour dire qu’effectivement, la plupart du temps, la valeur d’usage est sanctionnée sur un marché par une valeur d’échange, une valeur économique. Donc l’institution sociale qui sanctionne la valeur monétaire des biens, c’est le marché. Pourtant, un fonctionnaire touche un salaire et produit de la valeur économique, puisque celle-ci est rétribuée en argent. Ce n’est pas quelque chose de parasite pour l’économie capitaliste en soi, c’est une part très importante du PIB. Simplement, il y a d’autres manières de sanctionner la valeur que le marché. Ici, en l’occurrence, c’est un système administratif, public, qui peut d’ailleurs être fortement critiqué, mais qui permet de dire que la valeur de ce qui est produit par un fonctionnaire vaut tant et donc qu’il gagne tant. Si on tire le fil de ce côté-là, en envisageant une sortie du capitalisme vers un monde où on pourrait encore échanger des biens contre de l’argent sur des marchés, on pourrait imaginer que le travail des paysans, qui fournit des biens et des services publics, soit rémunéré par la collectivité à la hauteur de ce qui est nécessaire pour vivre dignement de l’agriculture.
 
 3I janvier 2024, Rungis, tentative de blocage du marché de Rungis.

Mais pas à la manière d’une rente ?
  Non ! Prenons l’exemple d’un marais. C’est un milieu riche en biodiversité et un écosystème très anthropisé, qui tient, entre autres, par l’action des humains. On ne va pas payer la valeur des services écologiques rendus par la « nature ». Cela n’a pas de sens. Par contre, il peut y avoir matière à rémunérer les humains qui font partie de cet écosystème, dans le cadre d’une économie humaine, d’une relation sociale humaine, en reconnaissant que le travail qu’ils fournissent bénéficie aux humains et à l’écosystème — admettre en somme que les humains qui vivent dans cet écosystème vont rémunérer les travailleurs qui en prennent soin. Ce type de réflexion marche pour l’agriculture, mais vaut aussi pour d’autres secteurs de la société. Je pense que les mouvements sociaux ont intérêt à s’emparer de ça. Le discours sous-jacent aux aides distribuées pour compenser les manques à gagner, comme les aides environnementales de la PAC, renforce l’idée selon laquelle l’écologie va contre l’économie.

C’est aussi ce que semble avoir entériné les débats suscités par la mobilisation agricole…
  C’est une vision délirante de la société ! Ça laisse croire qu’on pourrait totalement s’abstraire de toute considération écologique. On dit parfois de l’écologie qu’elle est « punitive » lorsqu’elle conduit à l’interdiction de telle ou telle pratique. Mais l’écologie punitive, n’est-ce pas plutôt continuer à faire comme si de rien n’était et devoir immanquablement faire face grandes sécheresses ? En plus de rémunérer le travail environnemental des agriculteurs, on pourrait les subventionner, les aider à changer de système de production. C’est une question d’investissement. À court terme — on n’est pas sortis du capitalisme, et on est toujours dans la Ve République — ça pourrait être intéressant de proposer des aides fléchées pour les gens qui ne sont pas en capacité de réaliser, aujourd’hui, ce travail d’entretien écologique, mais qui aimeraient pouvoir le faire à dans un avenir proche. Il faut leur tendre la main économiquement, pour qu’ils puissent parvenir à un stade où ils seraient en mesure de réaliser un travail écologique méritant rémunération.

La plupart des observateurs s’accordent sur le fait que l’écologie a été la grande perdante de cette séquence. Qu’en pensez-vous ?
  Tous les acteurs qui interviennent dans le débat public et qui veulent garder du pouvoir au sein de ce débat sont obligés de parler d’environnement. Ils ne peuvent pas s’en abstraire. Dans les discours, nous n’assistons pas à un affrontement entre écolos et anti-écolos, mais entre différentes visions de l’environnement. C’est quelque chose qui se cristallise aujourd’hui mais qui existe depuis les années I970. Avec, en filigrane, la question de savoir si la technologie va nous sauver ou s’il faudra faire confiance à nos yeux et à nos mains pour faire certaines choses. Un exemple me fait bondir : on entend que pour interdire le glyphosate, il faudrait trouver une molécule de substitution. Mais il n’y aura pas de molécule chimique ayant les mêmes effets que le glyphosate sans pollution. Le problème du glyphosate, c’est qu’il tue tout. Mais l’intérêt du glyphosate, c’est aussi qu’il tue tout ! Voilà où on en est dans ce débat : techno-solutionnisme ou pas, capitalisme vert ou pas. La politique agricole a embarqué les agriculteurs dans le grand récit de la modernisation et ceux qui restent sont très majoritairement ceux qui adhèrent à ce récit. Les autres ont été évincés. Il y a très certainement des centaines de milliers de gens à la campagne, à la retraite ou en maison de retraite, qui pourraient raconter une autre histoire de l’agriculture. Mais les rares gagnants de cette histoire-là, ceux qui restent seuls sur leur île déserte, puisqu’il n’y a plus de haies, plus d’oiseaux, ont baigné dans ce récit. Voilà où réside toute la difficulté.

Il y aurait donc une sorte de contre-histoire de la modernisation agricole à élaborer ?
  Absolument. Il y a certes une question économique et technique, mais il y a aussi une question de récits à construire, pour raconter autant le passé que l’avenir agricole. Malheureusement, aujourd’hui, on ne peut que constater que ceux que nous proposons ne sont pas attractifs pour les gagnants de la modernisation agricole. Mais l’enjeu majeur est-il de convaincre les agriculteurs actuels de changer sur le champ et d’engager une transition ? La plupart d’entre eux seront partis à la retraite dans I0 ou 20 ans. Ce qu’il faudrait peut-être avant tout, c’est travailler au renouvellement des générations en misant sur installant les bonnes personnes et les bonnes pratiques. Même si, bien entendu, il faut tenter de convaincre tout le monde. Il ne faudrait pas que les gens qui arrivent aujourd’hui dans l’agriculture accusent la génération précédente n’a voir fait que des erreurs — ils auront certainement des choses à apprendre d’elle. Il faut arriver à élaborer un récit pluraliste dans lequel tout le monde pourrait se retrouver, un récit qui permettrait de poser les bonnes questions : qu’est-ce que la société attend des producteurs ? qu’est-ce que les producteurs attendent de la société ? comment tout cela s’articule, fonctionne et dans quel écosystème ? pour quel projet de société ? Si le projet c’est de permettre à Intermarché de dire : « on lutte vraiment contre la vie chère », je pense qu’on n’embarquera pas grand monde…
 
 29 janvier 2024, Argenteuil, blocage de l'autoroute AI5 par une cinquantaine d'agriculteurs.

Vous mentionnez la multiplication des usages et des pratiques agronomiques comme une piste de résistance…
  Si on tire le fil de l’économie politique marxiste, un des effets du capitalisme, c’est de tout substituer par de l’argent, de tout rendre équivalent et de tout simplifier. Ce n’est pas facile de prendre un écosystème complexe et de dire : on va le faire rentrer dans un modèle où chaque élément de l’agrosystème sera échangeable contre de l’argent et du capital. L’économie capitaliste transforme matériellement le champ. Il devient un simple substrat, un sol avec trois indicateurs chimiques — azote (N), potassium (K), phosphore (P) —, une profondeur, un taux de matière organique, un PH mesurant l’acidité du sol, rien de plus. Ce réductionnisme opéré par le capitalisme constitue l’un des points de lutte les plus importants. Même si ça peut paraître simpliste, partout où on réussira à multiplier les usages et les fonctions accueillis par la terre, partout où on parviendra à rendre les choses un peu plus complexes, le capital aura plus de mal à s’immiscer. On pourra retrouver et créer d’autres mondes. Bien entendu, ce n’est pas le seul moyen de sortir du capitalisme. Il ne faut pas oublier la question du rapport de force, qu’on peine aujourd’hui à mettre en place. C’est un angle mort à travailler. Même si nous pouvons imaginer des alliances, on a du mal à voir encore comment elles pourront faire basculer les choses. Reste qu’un des axes de résistance possibles consiste à dire que l’agroécologie est complexe et qu’il faut assumer et reconnaître cette complexité. Ce qui en retour signifie qu’il faut rester humble, accepter qu’on ne maîtrise pas tout et qu’on ne connaît pas tout. En bref, envisager une agriculture post-capitaliste.

Toute la question reste de savoir comment changer d’échelle, de passer d’initiatives exemplaires mais marginales, à des transformations globales.
  Nous sommes d’accord. Simplement, il n’y a pas de solution miracle. Pour ma part, je pars des travaux du sociologue américain Erik Olin Wright, qui a forgé le concept d’ »utopies réelles » et envisage d’éroder le capitalisme. Ou de ceux de David Graeber qui disait qu’au XVe siècle les gens ne se rendaient pas compte que c’était le début du capitalisme, et donc que peut-être nous non plus nous ne nous rendons pas compte qu’autre chose est à l’œuvre aujourd’hui. Les changements historiques ne se font pas qu’à travers des épisodes insurrectionnels, même si, évidemment, ça précipite les choses. Il faut avoir une certaine humilité par rapport à notre position dans l’histoire. Aujourd’hui, en France, il existe dans la gestion administrative des terres des lois et des institutions qui sont, si ce n’est anticapitalistes, du moins a‑capitalistes, au sens où elles ne suivent pas simplement la logique de l’accumulation du capital et du marché. Est-ce qu’on peut s’en saisir et les subvertir pour construire l’étape d’après ? Une étape qui ne serait peut-être pas complètement post-capitaliste, mais au moins en rupture radicale avec ce qui se passe aujourd’hui, un peu à la manière de la sécu en I946. L’idée n’est pas de se dire que la sécu, c’était la sortie du capitalisme; c’est simplement d’affirmer que c’était assez inspirant pour envisager la marche suivante. Effectivement, si on ne fait que des AMAP [Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, ndlr] et des paniers solidaires, ça ne va pas suffire à changer le système alimentaire. Néanmoins, ça laisse présager d’autres façons d’envisager le monde, d’autres façons de manger : il faut les préserver, mais sans s’en satisfaire. C’est par un tel aller-retour entre la pratique actuelle et l’horizon idéal que l’on peut aujourd’hui imaginer rompre avec le capitalisme, et avec toute cette méga-machine industrielle qui nous détruit, nous et les écosystèmes auxquels on appartient.
 
  Photos : Nno Man
   Sur le Web

L’ AGONIE D’ UNE ARMÉE, METZ – I870, JOURNAL DE GUERRE D’UN PORTE-ÉTENDARD DE L’ ARMÉE DU RHIN, ÉPISODE XXVII

Précédemment
https://augustinmassin.blogspot.com/2024/02/l-agonie-d-une-armee-metz-i870-journal_18.html
 
  Toujours la pluie ! Les chevaux ne sont même plus conduits à l'abattoir, ils crèvent de faim et tombent à côté de leurs compagnons de longe, qui les flairent en hennissant faiblement. Nos soldats creusaient des trous profonds, un peu en arrière de chaque rangée, pour les enfouir; ils en profitaient pour exhausser leurs tentes avec des pierres qu'ils pouvaient extraire. Cette terre remuée, imprégnée de déjections, engendrait des maladies mortelles. Autant que possible on chargeait le plus grand nombre de chevaux morts sur les prolonges de l'artillerie, qui devaient les transporter sur un emplacement spécial; mais en raison du sol détrempé, cela représentait de grandes difficultés; et puis on n'en avait même plus le courage.
  Mon service journalier touchait à sa fin, je n'allais plus que rarement à l'arsenal, pour y verser nos armures. J'étais entraîné malgré moi dans la pièce où se trouvait déposés les étendards de la cavalerie. Il me vint à la pensée qu'il me serait facile, si on capitulait, de sauver l'étendard de notre régiment; je n'aurais pas eu grand mérite à cela. Les portes de cette salle assez isolée étaient toujours ouvertes, il suffisait de détacher la soie de sa hampe tout en laissant la gaine et l'aigle. Aucune surveillance n'était à redouter en choisissant l'heure du repas du matin. J'aurais pu trouver le concours du capitaine Bruley.
  Mais étant donnés les bruits de capitulation il fallait agir vite. Mon colonel que j'avais mis dans la confidence parut enthousiasmé; il approuva fort mon projet en me recommandant le secret. Peu de temps après cependant il me fit appeler, il avait réfléchi que je serais seul soupçonné; il voulait sous ce rapport que je n'eusse rien à redouter, et il avait décidé de me couvrir par un ordre écrit de sa main. Je fus très ému de cette bonté, qui pouvait le compromettre; mais l'action qu'il mettait facile de mener à bien sous sa responsabilité personnelle, j'hésitais maintenant à l'accomplir, sachant qu'elle exposait mon colonel; je me sentis ébranlé, je voulus réfléchir.
  Cette crainte m'arrêta. J'aurais dû procéder seul; mais porter la main sur l'étendard, le séparer de l'aigle, cela produisait en moi un effet extraordinaire; j'éprouvais un sentiment difficile à exprimer, qui me fit ajourner mon projet.
 
22 octobre.
 
  On ne s'entretient plus dans les bivouacs que du sort qui nous est réservé. Ce mot de capitulation agite tout le monde; on ne peut y croirecclxxiv
  L'avis unanime de tous les généraux, de tous les chefs jeunes et plein d'ardeur nous était connu. Ils répétaient unanimement que " les lieutenants du maréchal auraient dû réagir avec plus de fermeté, ne pas se laisser acculer ni intimider par sa froideur et ses airs cassants, quand ils se sont aperçus que, le I6 août, il avait commis un acte de trahison préméditée en abandonnant l' Empereur. Il était facile de voir, par le retard apporté dans le mouvement des troupes, que le maréchal n'agissait pas correctement. Ces écarts auraient dû les émouvoir; c'est alors qu'ils auraient dû se concerter pour faire sentir avec ensemble et fermeté, qu'ils ne pouvaient suivre le maréchal dans cette voie; ils ne l'osèrent pas et ce fut notre perte. "
  Le général Desvaux seul, imposé pour ainsi dire au maréchal pour succéder au général Bourbaki si le commandement de la garde devenait vacant, osa protester. Le maréchal redoutait sa grande énergie et son franc parler. Bien que le moins ancien en grade, il apportait dans les conseils une lucidité d'esprit et une fermeté qui firent impression. Beaucoup de ses collègues pensaient comme lui, mais n'osaient se prononcer d'une façon aussi nette et persuasive. Ce général, dont la grande valeur était reconnue par ses collègues, aurait pu trouver des imitateurs s'il avait eu sa place beaucoup plus tôt dans les premiers conseils de guerre.   

" Je crois qu'il est utile pour l'historiographie du Second Empire de signaler ici l'existence d'un gros manuscrit jusqu'ici négligé par les : les souvenirs du général Toussaint Desvaux. Ce général avait l'habitude de noter chaque soir ce qu'il avait vu et entendu dans la journée. Ses notes, accompagnées parfois de copies de documents, forment 2I reliés, actuellement conservés au Musée de l'Armée " Source.

  Le colonel Friant qui le connaissait bien en faisait grand cas. Il avait pour ce chef une véritable vénération. En parlant de lui, il disait souvent : " Voilà un grand caractère. "
  C'était avant qu'il fallait parler haut, il était trop tard à présent. Pour habituer les soldats à ce mot " capitulation ", on a fait courir le bruit que les conditions seraient honorables; que les soldats seraient renvoyés dans leurs foyers; qu'un armistice allait être signé et que la paix suivrait à bref délai; enfin que personne ne serait emmené en captivité.
  Dans quelques jours, quand on aura rendu les armes, quand l'ennemi n'aura plus à craindre les conséquences redoutables qui pourraient surgir à la suite de notre humiliation, on sera fixé sur la clémence du vainqueur.
  L'expression de Bismarck sera rigoureusement appliquée : Votre armée tombera en notre pouvoir comme celle de Sedan; elle subira le même sort. Le langage atténué tenu par le prince Frédéric-Charles au maréchal n'avait d'autre but que de gagner du temps. Il était bien fixé sur les projets de l'état-major allemand relatifs à la capitulation. D'ailleurs, personnellement, il ne fit aucune promesse.
 
23 octobre.
 
  Je suis allé à Metz dans la matinée, pour un petit service que le général de Gramont désirait que je lui rendisse; j'ai pu constater le désespoir de cette courageuse population depuis qu'elle sait qu'il est question de traiter avec l'ennemi. Elle est convaincue que les Prussiens exigeront la remise de la ville et des forts et qu'ils ne lâcheront plus leur proie; que ce pays si patriotique et si français restera sous le joug allemand. Les pauvres gens ne se faisaient aucune illusion.
  Rien ne peut calmer l'animosité des habitants contre l'armée déjà tant éprouvée et qu'ils accusent injustement d'être l'auteur de tous les maux. Tout le monde est descendu dans la rue et discute bruyamment, avec passion, pleurant sur les malheurs inévitables qui vont s'abattre sur la ville pour achever les souffrances de la population, qui ne redoute rien tant que de devenir prussienne.
  Dans la soirée de ce même jour, j'ai dû retourner en ville. Vers 4 heures, sur le parvis de la cathédrale, malgré une pluie diluvienne, la place était noire de monde; j'étais à pied, j'ai pu me mêler à la foule. Si le maréchal avait pu entendre comment il était traité, il aurait été édifié. S'il se fût trouvé sur cette place, on l'aurait lapidé et traîné dans la bouecclxxv
  On demandait sa tête. Des complots s'organisèrent pour marcher sur le Ban-Saint-Martin. Heureusement ils ne prirent pas corps, et ne réunirent qu'une infime minorité d'émeutiers. Personne ne pourrait affirmer que nos soldats auraient secouru ce chef indigne, tant était grande l'exaspération. Que l'on se représente une foule en démence, poussée à bout par tant de tortures morales, envahissant le camp, hurlant des clameurs. Qu'auraient fait nos soldats en un tel moment ? Aurions-nous pu retenir ce flot ? Cette pensée fait frémir ! Il ne serait resté au maréchal comme dernière ressource, que de se réfugier chez l'ennemi, s'il en avait eu le temps et si on ne lui avait pas coupé la retraite.
  Un grand malheur était à redouter, non pas au point de vue du maréchal : on se préoccupait peu de cette précieuse existence ! mais on ne songeait qu'à la réputation de l'armée, si belle jusqu'à ce jour. Heureusement le mouvement avorta. La mutinerie de ces quelques habitants fut promptement étouffée, et n'eut pas de retentissement dans nos bivouacs.
  Il se trouva cependant dans cette foule quelques personnes courageuses, qui tâchèrent de faire comprendre que l'armée était victime des agissements de son chef. Ce n'était pas facile de persuader ces malheureux habitants confondus dans une même douleur; c'était terrible ! Et le flot de la population montait toujours.
 
La cathédrale de Metz avant I870, protégée par les fortifications qui seront arasées une trentaine d'années plus tard. Photographie Malardot - Photo Collection Christian Fauvel. Source
 
  Je rentrai au camp, très ému de ce que je venais de voir et d'entendre; j'en fis le récit à mes camarades, ils me répondirent : " Nous lirons cela demain dans le journal. " Il n'en fut plus question : le service de la place, qui avait la haute main sur la censure, a sans doute craint d'exciter nos soldats déjà trop disposés à l'exaltation; aucun article ne parut.
  Ces scènes se renouvelèrent chaque jour, jusqu'à la fin, dans un quartier ou dans un autre; les Messins ne pouvaient se faire à l'idée d'être séparés de cette patrie française qu'ils aimaient tant. Les uns prétendaient que jamais les Prussiens n'oseraient porter la main sur leur liberté. D'autres disaient que c'était le but réel de la guerre; que tout était à redouter; que les exemples récents d'annexions étaient nombreux. [" Metz capitule le 28 octobre I870; les troupes allemandes pénètrent dans la ville le lendemain. Abandonnée par la majorité des députés français, y compris les députés lorrains de la Meurthe, qui ont voté à la quasi-unanimité sa cession, « la plus forte citadelle de la France » est rattachée au nouvel Empire allemand le I0 mai I87I, conformément au traité de Francfort. Metz devient le chef-lieu du Bezirk Lothringen ou « District de Lorraine », intégré au nouveau Reichsland Elsaß-Lothringen et le reste jusqu’en... I9I8. (...) La germanisation de la ville et de ses habitants, inexorable du fait du renouvellement des générations et de l’installation d’immigrés allemands, se fait progressivement. Ces derniers deviennent majoritaires à Metz, dès les années I890. (...) Metz se transforme sous l’action des autorités allemandes qui décident de faire de son urbanisme une vitrine de l’empire wilhelmien. Une école de guerre est ouverte en I872. De nombreuses casernes voient le jour après I875. En I898, le baron von Kramer, maire de Metz, demande à l’empereur Guillaume II la permission d’étendre la ville, au détriment des terrains militaires. "; sur le Web
 
24 octobre.
 
  Tout le camp est sur pied nuit et jour; tous, officiers et soldats, s'entretiennent de notre futur destinée. On entend de simples troupiers dire qu'ils ne rendront jamais leurs armes; qu'ils préfèrent se faire tuer en tâchant de s'évader; ils feront payer cher leur vie aux Prussiens, s'ils ne sont pas couchés par terre par une balle. Les projets partiels de sortie s'organisent entre eux, assez vite abandonnés d'ailleurs. Il faut attendre et voir ce qui va se passer. On a promis aux soldats qu'ils rentreraient dans leurs foyers, cette assurance jette l'indécision parmi euxcclxxvi
  De grands évènements approchent-ils ? Il y a dans l'air un je ne sais quoi qui oppresse les poitrines; on ne se serre plus les mains que les larmes aux yeux. Tous les grades sont confondus; l'immense malheur qui nous menace fait disparaître la hiérarchie pour nous mêler tous en une douleur commune.
  La mission du général Boyer n'a pas abouticclxxvii
  On annonce pour demain dans la matinée un nouveau conseil de guerre où se discuteront les dernières mesures à prendre en cette heure, la plus critique de toute la campagne. Ce sera probablement la dernière réunion. Que va-t-il sortir de ces délibérations ?
 
25 octobre.
 
  Le conseil de guerre a eu lieu ce matincclxxviii. Malgré le secret qui devait être gardé, on a su comme d'habitude ce qui s'y était passé. Les journaux ont reproduit la séance dans les termes un peu différents, mais dont le fond n'a pas été démenti. On peut donc supposer que les renseignements ne s'éloignent pas de la vérité.
  Je vais reproduire un aperçu très résumé de l'avis des généraux ayant pris part à la discussion dans cette importante réunion, tel qu'il a été propagé ensuite dans les bivouacs par les feuilles locales et par quelques chefs.
  Le général Desvaux fut, en qualité de plus jeune en grade, interrogé le premier, comme dans les réunions précédentes. Nous le savions très brave soldat, officier accompli, rigide, peu communicatif d'habitude, cavalier intrépide et sévère dans le service. Nous le voyions souvent avec notre colonel et le prince Murat. C'était un général comme nous aurions voulu en avoir beaucoup dans notre armée spéciale. 
  Du jour où il fut appelé à prendre la parole dans les conseils, il fut immédiatement apprécié par toute l'armée qui regretta de ne pas trouver le même esprit de résistance chez la plupart des autres commandants de corps. Bourbaki faisait souvent de l'opposition, mais il se laissait convaincre facilement, n'ayant pas le caractère énergétique de son successeur.
 

  DÉCLARATION DU GÉNÉRAL DESVAUX

   Dans la discussion qui eut lieu au sein du conseil, le général Desvaux se montra intraitable pour déclarer que " la garde impériale, dont il avait le commandement ne connaissait que son serment de fidélité à l'Empereur, n'ayant pas été délié de ce serment par son souverain. Que le maréchal Bazaine, ayant affirmé que le gouvernement de la Défense nationale n'avait pas notifié son avènement à l'armée du Rhin, celle-ci devait l'ignorer, puisqu'elle n'avait reçu aucune communication de lui. "
  " Dans ces conditions, lui, le général Desvaux, il ne se reconnaissait par le droit de s'en rapporter à l'ennemi, comme l'avait fait le maréchal; estimant qu'il était criminel de se renseigner auprès de l'adversaire dont émanait cette nouvelle. "
  Ce coup droit fit impression sur le maréchal. Le général Desvaux ajouta que " la garde impériale voulait combattre l'ennemi sans trêve ni merci, comme c'était son devoir; qu'on l'avait réduite à l'impuissance par un enchaînement de faits inouïs; qu'elle suivrait malgré tout ses officiers, lui à leur tête, jusqu'au sacrifice suprêmecclxxix "
  Quel beau langage !
  Le général Desvaux, dans son expression mâle et énergétique, fut écouté silencieusement. Ces paroles, crânement prononcées, furent approuvées par quelques membres du conseil, particulièrement par le maréchal Lebœuf, vieil ami de Bazaine, mais qui lui battait froid depuis l'échec Frossard, dans la journée du 6 août.
  Le maréchal, très pâle, ne répliqua pas un seul mot. Il donna la parole au général Ladmirault, commandant le 4e corps, connu sous le surnom de " Général Marche-au-canon ". Très aimé du troupier, il était l'idole de l'armée. 
 
Photo rare d'un fantassin avec son équipement au complet , du 4e régiment d'infanterie de ligne, juillet I870; On notera  un  fusil Chassepot du Ier type, à queue de culasse pentue, le képi sans jugulaire, la poche à cartouche, etc.; ne manque que la musette en toile. Source.

DÉCLARATION DU GÉNÉRAL DE LADMIRAULT

  Le général de Ladmirault déclara " qu'on avait trop attendu et laissé passer les occasions de vaincre; qu'il partageait les sentiments du général Desvaux, mais qu'il fallait envisager la situation telle qu'elle se présentait; que le maréchal avait eu sans doute ses raisons pour ne pas continuer la retraite; mais qu'il ne pensait pas qu'il y eût urgence de se replier sous Metz, alors que le lendemain de Gravelotte la marche de l'armée sur Verdun était possible selon lui. "
  " Que l'on aurait dû quitter Metz quand on le pouvait facilement, par exemple le  Ier septembre, la trouée était pratiquée la veille au soir, l'ennemi se retirant de ses positions. Qu'au surplus il tenait à faire connaître son sentiment, mais qu'il n' y avait plus à revenir sur ce passé. "
  " Qu'aujourd'hui, il donnerait l'exemple à ses soldats en se mettant à leur tête, mais qu'il les croyait trop affaiblis pour tenter l'effort héroïque réclamé par le général Desvaux dont il admirait l'attitude. Que leur courage viendrait se briser sur les lignes ennemies devenues formidables. Que l'armée allemande, renforcée par les troupes de la Landwehr, conservait dans ses rangs un grand nombre de soldats de l'armée active, commandés par des chefs d'une grande valeur. Cette organisation puissante faisait prévoir de grands dangers pour des troupes d'une incontestable bravoure, mais épuisées par les privations et les maladies. "
  " Que l'ennemi bien nourri, bien reposé, trouverait une victoire facile. Sans cavalerie, presque sans artillerie, l'armée française pourrait être anéantie sans utilité pour la patrie, si on se résignait à tenter une action désespérée contre le cercle d'investissementcclxxx "
  Ce raisonnement réfléchi, d'une grande sagesse, ébranla l'ardeur du général Frossard, qui s'était prononcé passionnément pour la sortie, dans plusieurs circonstances avant la réunion de ce Conseil. Il serra les mains du général de Ladmirault, en le remerciant de lui avoir fait connaître le danger réel où il voulait entraîner son corps d'armée.

DÉCLARATION DU MARÉCHAL LEBŒUF

  Le maréchal Lebœuf fut son tour appelé à donner son avis. Il déclara nettement " qu'il n'y avait pas, selon lui, deux manières de comprendre les devoirs du soldat; qu'il fallait lutter en succombant les armes à la main; que la victoire a des retours de fortune inespérés. "
  " Qu'il s'était renseigné, et que c'était le désir exprimé par toute l'armée, de périr plutôt que de subir la honte de la capitulation; que l'armée, quoique très affaiblie, était encore redoutable et nombreuse.
  " Que le maréchal avait une responsabilité écrasante, mais qu'il était sans exemple de céder à l'ennemi une place de guerre de premier ordre, n'ayant été atteinte par aucun obus. Que nulle brèche n'avait été faite à l'enceinte, ni à la citadelle, ni même aux forts avancés. Que les Allemands, une fois maîtres de Metz, ne le rendraient jamais à la France ! Qu'il ne pouvait admettre qu'on leur livrât cet immense matériel de guerre, sans tenter un effort suprêmecclxxxi. "
  Ces paroles furent prononcées avec une conviction profonde; Bazaine et lui avaient eu de graves altercations sur ce qui s'était passé dans le cours de cette campagne; c'était un blâme direct qu'il lui infligeait de nouveau.
 

DÉCLARATION DU MARÉCHAL CANROBERT

  Le maréchal Canrobert se rangea entièrement à l'avis du général de Ladmirault. Il ajouta " qu'il ne fallait pas donner à l'ennemi l'orgueil d'une victoire facile, dans l'état des ressources de l'armée, en combattant avec des hommes épuisés, dont quelques-uns, malgré leur courage, n'avaient plus la force de porter les armes. "
  " Que les moyens d'attaque sans cavalerie, ni artillerie, étaient trop inférieurs; que l'on courait, selon son appréciation, à un désastre, plus honorable sans doute qu'une convention qui humilierait l'armée, mais qu'il espérait que les conditions du traité pourraient être honorables. "
  " Que le courage des soldats étaient au-dessus de tout éloge, mais qu'il craignait l'effusion du sang versé sans profit, non sans gloire, alors que l'armée pourrait encore dans la suite rendre des services à la Francecclxxxii. "
  Le général Frossard fut consulté le dernier; le maréchal s'attendait à de vifs reproches de sa part, car à ce moment son étoile était bien pâle, et son influence nulle; mais il était toujours le maître de ses décisions malgré les avis quels qu'ils fussent.
 

DÉCLARATION DU GÉNÉRAL FROSSARD

  Le chef du 4e corps se rangea à l'avis du maréchal Canrobert. Il dit " qu'il ne pouvait conseiller de sacrifier tant de vies précieuses pour un résultat aussi incertain; que tous ces soldats seraient rendus à la patrie; qu'il était convaincu qu'en raison du courage des troupes, on pourrait obtenir de l'ennemi des conditions honorables; que s'il se montrait trop exigeant, on pourrait alors décider si la sortie pourrait encore être tentée. "
  Alors, après avoir résumé les débats, le maréchal Bazaine fut de l'avis des généraux qui hésitaient à prendre la responsabilité d'une défaite. Suivant lui, c'eût été une " généreuse folie ", mais rien de plus.
  En conséquence il se prononça nettement contre une tentative de sortie.
  Ces renseignements sur cette mémorable séance sont donnés ici, dans les termes mêmes recueillis sur le moment; nous ignorons si le rapport officiel les reproduit avec une égale exactitude.
  Pendant que ce conseil de guerre se tenait au quartier général, on fit circuler dans les camps des plans dressés par l'état-major représentant les défenses formidables de l'ennemi, ceci dans le but de convaincre le soldat qu'il était impossible de résister. On supposait sans doute influencer les hommes par cet épouvantail maladroit. Ceux qui avaient trouvé ce moyen connaissaient bien mal nos troupiers ! C'était peu habile; cette communication fut sévèrement blâmée.
  Si ces défenses de l'ennemi existaient, pourquoi le maréchal lui avait-il laissé le temps de les édifier quand il pouvait s'y opposer ? Ce fut la réponse faite unanimement, car nous étions tous fixés à ce sujet.
  C'était donc la fin ! La fin honteuse, prévue ! Il ne restait plus qu'à traiter. On disait que le roi de Prusse voulait mettre un terme à cette tuerie, qu'il traiterait volontiers, mais qu'il ne voulait pas reconnaître la délégation de Tours. [" Le gouvernement est constitué à l'Hôtel de Ville de Paris après la proclamation de la république par Gambetta. (...)  Il proclame la dissolution du Sénat et du Corps législatif et constitue, à Tours, le 9 septembre, une délégation subordonnée au gouvernement, chargée d'assumer la direction effective du pays en cas d'investissement de Paris. Les négociations de Ferrières entre Bismarck et Jules Favre ayant échoué, la France refusant toute cession territoriale, le gouvernement de la Défense nationale se résout à la poursuite et à l'intensification de la guerre. (...) La délégation de Tours doit faire face à une double tâche; il faut d'abord imposer son autorité au pays et maintenir son unité, mais ensuite et surtout il faut organiser la lutte contre l'envahisseur. (...)  Le 7 octobre, Gambetta quitte Paris en ballon et prend la direction de la délégation de Tours comme ministre de l'Intérieur et de la Guerre, aidé de Freycinet. Il trouve des subsides à l'étranger, emprunt de 200 millions à la banque Morgan, lève 600 000 hommes en quatre mois et dirige ces forces sur la capitale. Cependant la contre-offensive sur la Loire est stoppée par les troupes allemandes libérées par la capitulation de Metz le 27 octobre. Les armées du Nord et de la Loire ne peuvent dégager Paris. "; Larousse]
  Le roi et Bismarck méprisaient le gouvernement révolutionnaire, qui avait usurpé le pouvoir au moment d'un grand péril. Ils auraient affirmé au général Boyer que " si les Français ne voulaient pas être traités durement, ils devaient soutenir l'empire dans le malheur; que dans tous les cas la convention serait stipulée avec cession de territoire; que si le maréchal Bazaine s'y prêtait, l'armée allemande l'aiderait au rétablissement de l'ordre bouleversé et de l'autorité méconnue ".
  Quelle honte !
   On ne reconnait pas au maréchal le droit d'accepter cette humiliation, ni de s'engager au nom de la France. Cet acte pouvait provoquer la guerre civile. D'ailleurs il n'est pas certain d'être suivicclxxxiii.

BOGDAN Henri, Histoire de l'Allemagne, de la Germanie à nos jours, Perrin, I999. Source.
 
  Le doute était entré dans l'esprit du général Boyer, au sujet de sa mission; il comprit que le maréchal s'était laissé berner, et ne revint pas à Metz, a-t-on ditcclxxxiv

26 octobre.

  Ce fut une terrible journée; nous approchons de la catastrophe. À peine fut-on sur pied que le bruit se répandit que la capitulation allait être signée; c'était prématuré; il n'y avait plus à hésiter, il fallait forcer le passage, ou se laisser livrer à l'ennemi, en traitant honorablement.
  Le général Changarnier voulut se dévouer pour une dernière tentative; il espérait, en raison de la bravoure de l'armée, obtenir une atténuation aux rigueurs que Bismarck avaient exposées au général Boyer, lors de sa première entrevue; il s'offritcclxxxv pour se rendre au quartier général de l'ennemi; c'était un réel dévouement.
  Maintenant le mot " capitulationcclxxxvi  " résonnait comme un glas funèbre. Toutefois on espérait que le roi de Prusse, ayant été comblé d'attentions pendant l'Exposition de I867 par la cour, interviendrait pour adoucir les prétentions  de son état-major, et que la paix suivrait de près la convention qu'on était à la veille de signer.
  L'exagération des journaux prussiens sur ce qui se passait en France était peu écoutée, mais on ignorait au juste les évènements; il pouvait y avoir du vrai dans leurs allégations.
  Cependant, tandis que l'agitation était partout dans les bivouacs, l'ennemi ne perdait pas de temps pour resserrer le blocus et augmenter ses postes de surveillance. Son but constant était de nous maintenir rigoureusement dans l'ignorance, en nous isolant de la patrie jusqu'au bout. Le moyen était simple et il leur réussit admirablement. En dehors des principaux points de passages fortifiés et hérissés de canons, l'adversaire avait établi trois ou quatre réseaux de ronces en fil de fer placés à différentes hauteurs et assez rapprochés entre eux; tous correspondaient à des postes très nombreux sur la circonférence. Quand on tentait de passer pendant la nuit, on heurtait inévitablement le fil de fer qui mettait en mouvement deux avertisseurs à droite et à gauche. Le poste venait vous cueillir sur la ligne et on vous fusillait si on ne se rendait pas sans résistance.
 
27 octobre.
 
  Quel moment d'anxiété pour toute l'armée ! Nous sommes parvenus au bord de l'abîme. Que va-t-il se passer ? Connaîtrons-nous notre destinéecclxxxvii ?
  Le général de Ladmirault n'exagérait pas en s'exprimant comme il l'a fait au sein du conseil. Chaque jour écoulé apporte une diminution dans les forces du soldat, les malades augmentent dans une proportion alarmante. Il serait téméraire de tenter une action générale, on se briserait sur les lignes prussiennes : c'était fatal ! Néanmoins on était indigné, on se révoltait. Quel sera notre sort ? On ne pouvait pas se laisser livrer comme un troupeau, sans tenter un dernier combat avec les hommes valides; et ils étaient, malgré notre misère, encore nombreux. Il fallait essayer quelque chose, pour ne pas subir l'humiliation dont nous étions menacés. La mort, personne ne la redoutait, c'eût été une délivrance après tant de souffrances.
  On savait les ouvrages de l'ennemi hérissés de pièces de gros calibre, abondement approvisionnés; on savait que l'adversaire pourrait avoir facilement la victoire sur des troupes affaiblies, on était persuadé de tout cela, qu'importe ! On ne pouvait se résoudre à se rendre, à livrer ses armes, à capituler ! Cette pensée nous révoltait.  
 

XXX

 

DERNIERS JOURS DE L'ARMÉE DU RHIN

 
  Dans nos bivouacs, quel désespoir ! Tous les officiers ne pouvaient contenir leur indignation. Que de scènes douloureuses, que de larmes de rage répandues !
 
   À suivre...
 
cclxxiv. Le 22 octobre, Bazaine développe encore un projet d'attaque devant le maréchal Canrobert et le général Lapasset. Deux jours après il enverra un général à Frédéric-Charles pour traiter de la capitulation. LEHAUCOURT, VII, 450-45I.
 
cclxxv. " L'exaspération arriva successivement à un tel degré que le maréchal n'eût pu se montrer dans la ville sous peine d'y être insulté, menacé et peut-être de se voir victime de quelque acte de violence. " D' ANDLAU, loc. cit., 35I.

cclxxvi. Voir LEHAUTCOURT, loc. cit., 50I.

cclxxvii. Le 24, le prince Frédéric-Charles envoie à Bazaine une lettre de Bismarck l'informant qu'il est impossible d'arriver à un résultat par des négociations politiques. Voir LEHAUTCOURT, loc. cit., VII, 436-437.

cclxxviii. C'est le 24 au matin, d'après le général Jarras, que fut tenu ce conseil.

cclxxix. Le général Desvaux déclara que la garde impériale ne connaissait que le serment prêté à l' Empereur et qu'elle suivrait ses généraux et ses officiers, tous prêts à faire le sacrifice de leurs personnes. Général JARRAS, loc. cit., 284.

cclxxx. Le général de Ladmirault alla droit au but. Lui et ses généraux obéiraient aux ordres qui leur seraient donnés, quels qu'ils fussent; on pouvait compter sur eux, et ils emploieraient tous les moyens en leur pouvoir pour entraîner les troupes, mais celles-ci n'étaient plus en état de faire l'effort héroïque nécessaire pour percer les lignes ennemies. Si cette opération était tentée, il entrevoyait le plus grand désastre, suivi de l'anéantissement de l'armée, au milieu de l'indiscipline et des désordres qu'entrainent toujours ces affreuses catastrophes. Général JARRAS, loc. cit., 284.  

cclxxxi. Le maréchal Lebœuf... était d'avis qu'il fallait tenter une sortie désespérée, qu'il appela également une héroïque folie. Général JARRAS, loc. cit., 284. Voir également D' ANDLAU, loc. cit., 356.

cclxxxii. Le général Frossard, dans un langage plus voilé, que le général de Ladmirault, exprima à peu près les mêmes pensées, et après lui le maréchal Canrobert, ainsi que le général Soleille firent des déclarations semblables. Général JARRAS, loc. cit., 284.
 
cclxxxiii. Bien que le but des missions Bourbaki et Boyer ne fût pas exactement connu aux officiers de tous grades, ils restaient convaincus qu'on avait eu la pensée de les faire coopérer à une restauration de l'Empire, et ce projet n'était pas accepté par tous avec la même faveur. Certains d'entre eux avaient exprimé plus ou moins ouvertement leur répugnance à ce sujet, et il était facile de voir que les commandants des corps d'armée ne l'ignoraient pas. Général JARRAS, loc. cit., 283.  
 
cclxxxiv. Boyer, au moment de la capitulation était encore en Angleterre.
 
cclxxxv. Le général Soleille fut d'abord proposé pour nous mettre en relations avec le prince Frédéric-Charles. Il se défendit contre cette désignation et c'est alors que le maréchal Canrobert exprima l'avis de confier la mission " au vénérable général Changarnier, notre maître à tous ", dit-il. — Le général Changarnier accepta sans hésiter et sans fausse modestie. Général JARRAS, loc. cit., 289. 
  On pensa que le général Changarnier était le plus à même de faire cette démarche, autant par l'autorité de son âge et l'éclat de son ancienne réputation que par l'indépendance que lui donnait sa situation exceptionnelle dans l'armée. Imposant silence à ses douleurs, le vieux soldat d'Afrique consentit à aller plaider une cause perdue d'avance. Colonel D' ANDLAU, loc. cit., 357. 
 
cclxxxvi. Dans le courant de la délibération, on rappela les articles du règlement et du Code pénal militaire, qui n'admettent sous aucun prétexte la capitulation d'une armée en campagne. Mais il fut objecté que l'armée de Metz était dans son camp retranché comme dans une place fortifiée, et que, dès lors, l'épuisement des vivres justifiait la capitulation. On s'obstinait, au reste, à ne pas prononcer ce mot de capitulation, et il ne devait être question, dans les négociations, que d'une convention honorable, telle par exemple, que celle qui fut conclue par Kléber,[Jean-Baptiste, I753-I800, général; Mayence : capitulation le I3 juillet I792; "puis reprend du service en Égypte, I798, où il commande l'armée après le départ de Bonaparte : août I799. Signataire de la convention d'El-Arich avec les Anglais, 24 janvier I800, il bat ensuite les Turcs à Héliopolis, I8 mars, et réprime la révolte du Caire, avril, où il est assassiné, sous les coups de Soleyman, un étudiant de la mosquée d’Azhari. : I4 juin. " Larousse] lorsqu'il se vit forcé de rendre Mayence. Général JARRAS, loc. cit., 289.  
 
  KLÉBER, par GUÉRIN Jean-Urbain, I798 © Nationalmuseum, Stockholm
 
cclxxxvii. Le 26 octobre, première conférence du général Jarras, chef d'état-major de l'armée du Rhin, avec le général von Stiehle,[Friedrich Wilhelm Gustav, I823-I899], chef d'état-major du prince Frédéric-Charles. Le 27, deuxième conférence et échange de signatures.
 
V. STIEHLE, général.



COMMANDANT FARINET, L'Agonie d'une Armée, Metz-I870, Journal de guerre d'un porte-étendard de l'Armée du Rhin, ancienne librairie Furne, Boivin & Cie, Éditeurs, I9I4, p. 3I0-326.
 
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