Les consécrations de Margaret Thatcher ont pris – depuis, et à distance de son passage au pouvoir – des formes à la fois spectaculaires et familières : M. Thatcher a eu droit à des funérailles presque d’État, et son aura persiste dans un –isme couramment associé aux caractérisations ordinaires des trois dernières décennies (« mondialisation néolibérale », « néolibéralisme », « financiarisation », « privatisation »). Ces deux cristallisations idéologiques distinctes (l’une du côté du faste cérémoniel étatique, l’autre du côté de l’abstraction doctrinale) sont successivement abordées ici en tant qu’elles posent déjà les termes de l’analyse et de l’appréciation de la signification historique de cette figure politique, ou si l’on préfère, en forment les représentations et les présupposés plutôt dominants. A chacun de ses deux aspects, la présente contribution veut annexer une part moins visible, parasitaire ou plus sombre ; harmonie des obsèques et bruits des excuses officielles, d’une part ; économisme présumé de la doctrine et œuvre politique stratégique d’occultation d’une certaine idée historique du travail (au-delà de la ‘simple’ désindustrialisation de l’économie britannique), d’autre part. On proposera alors ici que la signification de l’héritage de M. Thatcher soit cherchée de ce côté ‘annexe’ où dominent les divers registres de l’affrontement de classe et le tournant coercitif inaugural de la période contemporaine[1].