Des fortifications de l'île d' Aix aux "Liaisons dangereuses", il était une fois Choderlos de Laclos, 1741-1803





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Les liaisons dangereuses
Ou lettres recueillies dans une Société, & publiées pour l’instruction de quelques autres
Choderlos de Laclos, 1741-1803, auteur ; Durand Neveu, éditeur, 1782.
BnF, Réserve des livres rares, RES P-Y2-2129 (1)
© Bibliothèque nationale de France
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De La Rochelle à l’île d’Aix : Les Liaisons dangereuses

Christine Saurat UDAP 64
2021 01 

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  C’est sur les côtes d’Aunis que se construisent peu à peu Les Liaisons dangereuses, le plus scandaleux roman épistolaire du XVIIIe siècle. Choderlos de Laclos, à la réputation sulfureuse, est alors capitaine d’artillerie et se trouve en charge des travaux de fortifications de l’île d’Aix. L’esprit scientifique et militaire s’associant aux qualités de l’homme de lettres lui permettent de créer la trame de ce roman si ingénieusement élaboré qu’il n’a jamais cessé de fasciner.

Carte IGN de l’Ile d’Aix. Source : www.geoportail.gouv.fr/carte

  Né à Amiens en 1741, Pierre-Ambroise Choderlos de Laclos est issu d’une famille nouvellement admise dans l’aristocratie de robe. Elle est désargentée mais cultivée et tente par-là d’échapper au poids de l’ordre social. Les Laclos s’installent à Paris, dans le Marais, en 1751 : le futur romancier y passe donc son adolescence. Alors que son frère aîné est parti travailler pour la Compagnie des Indes, c’est à l’école d’artillerie de la Fère, ancêtre de l’École Polytechnique, que son père le fait entrer en 1759 : il a tout juste 18 ans.
  Ce choix répond aux dispositions du jeune garçon pour les sciences et fait de lui un lieutenant d’artillerie. Choderlos admire La Pérouse et aspire à découvrir les horizons lointains. En 1762, il est donc heureusement affecté à la brigade des colonies que Choiseul destine aux expéditions outre-mer. On rassemble les hommes à La Rochelle : c’est le premier contact de Laclos avec la ville.


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Choderlos de Laclos par Maurice-Quentin de La Tour. Source: Wikipédia.

  Les casernes de la nouvelle unité sont situées de part et d’autre de la porte Dauphine. Les bâtiments existent toujours, bien que remaniés au XIXe siècle. On peut ainsi avoir une idée de l’environnement de Laclos dans la cité, à la différence près qu’il la trouva fortifiée.
  On se rappelle qu’une des conséquences du siège de 1628 fut la destruction des remparts médiévaux avec la seule préservation des trois célèbres tours qui gardent l’entrée du port. Mais la construction d’une nouvelle enceinte avait été commandée par Louis XIII à son profit, plus vaste que la précédente, pour permettre l’expansion de la ville. Vauban en fut l’architecte, relayé sur place par François de Ferry. Laclos put sans doute fréquenter les salons rochelais où la vie mondaine se mêlait à la vie intellectuelle. Cette première approche est de courte durée. Le Traité de Paris met fin à la guerre de Sept Ans en 1763 et au rêve d’ailleurs pour Laclos : la France est en effet privée de l’essentiel de ses colonies.
  La Brigade des colonies, devenue inutile, part pour Toul et prend le nom de régiment de Toul-Artillerie, selon l’usage.
  L’ennui de la vie de garnison guette le jeune Choderlos qui a tout juste vingt ans. Il fera cependant carrière dans ce régiment jusqu’à la Révolution et le suivra à Strasbourg (1765-1769), à Grenoble (1769-1775), à Besançon, à Valence (1777), encore Besançon, etc…
  Le jeune ambitieux gravit les échelons sans éclat, lui qui nourrissait un idéal de gloire ! Il sera capitaine à vingt-neuf ans, grâce à des appuis mais sans en tirer le moindre avantage autre qu’honorifique : ni commandement de compagnie ni appointements supplémentaires. Il tente d’atténuer la désillusion par le commerce du monde, en fréquentant les salons. Il passe notamment la plus grande partie de ses congés à Paris, capitale des lettres, où les vers lui offrent un dérivatif et une manière de briller en société. Ses écrits sont légers mais l’esprit caustique y souffle déjà, révélant un fin talent d’observateur.
  À Grenoble, il va fréquenter la « fine fleur de l’aristocratie », selon ses propres termes. C’est ce qui autorisera les commentateurs à rechercher dans cette société les clés du roman qui lui apporte la célébrité. Mais n’est-ce pas là une manière de minimiser la portée de la critique sociale en faisant du texte une chronique de mœurs dont les protagonistes sont identifiables et donc singuliers ?
  Georges Poisson, dans sa biographie de Laclos, souligne l’importance de la période grenobloise dans la vie du futur auteur des Liaisons dangereuses : « c’était sans doute la première fois que Laclos pénétrait en profondeur dans un milieu aristocratique frelaté analogue à celui de la capitale. La Rochelle l’avait accueilli trop jeune et trop peu de temps pour qu’il pût pénétrer dans un milieu que d’ailleurs son passé protestant teintait de rigueur ; Toul était une petite ville endormie ; Strasbourg était imprégnée de sa moralité alsacienne ; Grenoble la première lui offrait la révélation du libertinage, des vices de l’aristocratie, de son goût de la raillerie tourné contre le régime, contre la Cour, contre elle-même, de sa méchanceté foncière… » 1
  On a donc cru trouver les modèles de Valmont et de la marquise de Merteuil dans cette société aristocratique grenobloise. Le premier témoignage est celui du comte de Tilly qui se présente comme un ami de Laclos, rencontré à Paris dans les milieux du Palais-Royal et qui, dans ses Mémoires, rapporte de quelle manière Laclos aurait évoqué « l’original » de Madame de Merteuil, dont son personnage ne serait qu’une faible copie : « une marquise de L.T.D.P.M. dont toute la ville racontait des traits dignes des jours des impératrices romaines les plus insatiables. »
  Un autre témoin, le comte d’ Angoult affirme que Madame de Montmaur, sa propre tante, serait le modèle de Laclos. Mais Georges Poisson exclut cette piste car Madame de Montmaur n’habitait pas encore Grenoble pendant le séjour du romancier. Il penche plutôt pour Madame de la Tour du Pin-Montauban, qui n’est autre que la petite-nièce de la célèbre Madame de Tencin, « chanoinesse scélérate » selon Diderot, qui tint salon, écrivit des romans et fut la maîtresse du cardinal Dubois.
  On imagine que la fréquentation de la société aristocratique grenobloise a pu être une source d’inspiration pour Laclos dans la construction de ses personnages mais le résultat dépasse une simple transcription de choses vues. Le roman s’inscrit dans une tradition littéraire qui met en scène le grand séducteur ou le libertin et analyse les sentiments de façon intellectualisée. La littérature du temps interroge sur l’amour tout comme le fait ici Laclos de façon originale. En ce sens, il hérite de Richardson, Crébillon et bien sûr de Rousseau dont il est un fervent admirateur. Par ailleurs, la pureté de son style et la complexité de la forme qu’il crée font de son roman une œuvre de composition à part entière dont l’intérêt est avant tout esthétique.
  Pendant son second séjour à Besançon, Laclos a déjà bâti la trame de son texte. C’est alors qu’il est mis à la disposition du marquis de Montalembert chargé de fortifier l’île d’Aix après son succès sur l’île d’Oléron. On est en 1779, la guerre d’indépendance américaine fournirait-elle enfin une occasion d’action au capitaine Laclos ?
  Sur l’île d’Aix, des travaux de fortification avaient déjà été commencés en 1692, sur les plans de Vauban : au sud, un donjon avait vu le jour, consolidé de bastions et d’une enceinte du côté de la mer. Insuffisants, ils furent repris en 1756, à l’occasion de la guerre de Sept ans. Leur efficacité fut cependant mise à rude épreuve en septembre 1757 lors d’un assaut anglais de dix-sept vaisseaux armés de onze mille hommes : le fort fut vaincu, l’île pillée et dévastée.

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Plan d’une partie de l’île d’Aix avec les projets relatifs à sa défense, par le Marquis de Montalembert, date d’édition: 1781. Source: www.blog.kermorvan.fr/2019/06/04/un-petit-survol-de-lile-daix/#jp-carousel-12516

  Ensuite, fortifier l’île ne fut plus au goût du jour, jusqu’à la reprise des hostilités avec les Anglais en 1778, moment où Montalembert propose la construction d’un fort casematé, construit en bois, avec une large force de frappe pour des canons disposés dans de vastes casemates.
  Laclos est chargé de superviser les travaux engagés, sur les plans de Montalembert, sous le contrôle des officiers du Génie. Il sera une sorte de conseiller technique dont le rôle est cependant mal défini. De cette mission, il tire un Mémoire sur les troupes destinées à la défense du fort de l’île d’Aix où il propose une réforme au sein de l’armée qui supprimerait la distinction entre infanterie et artillerie. Il va sans dire que ce dossier sera classé sans suite, si ce n’est qu’il alimentera le discrédit porté à l’officier tout au long de sa carrière, en raison de ses imprudences répétées.
  Ce n’est donc pas par ce moyen que Laclos obtiendra les titres de gloire auxquels il aspire. Mais pour l’heure, depuis Fouras, il embarque sur un bateau à voiles pour faire la traversée jusqu’à l’île d’Aix. Il fallait alors près d’une heure et demie pour effectuer le passage contre une vingtaine de minutes aujourd’hui. L’île présente un aspect assez sauvage avec une bonne part de marais salants abandonnés, des cultures céréalières et des vignes. Le modeste bourg au sud, dominé par des ruines, déploie de petites rues sur un plan tiré au cordeau. Les habitants sont alors à peu près cent cinquante. On ne sait malheureusement rien des relations qui ont pu exister entre eux et Laclos qui logea vraisemblablement sur place. Dans sa correspondance, Laclos fait simplement quelques mentions de pêcheurs illettrés dont l’insensibilité aux beautés de l’océan le frappe…
  On sait cependant qu’à cette époque Montalembert et Laclos se fréquentent et s’apprécient. Le vieux militaire a écrit des vers et de petits textes ; sa femme elle-même est auteur du roman Elise Dumesnil. Leur société permet de maintenir Laclos dans une ambiance cultivée lorsqu’il est à Rochefort. Il est déjà connu pour quelques écrits littéraires mineurs : des poèmes, des collaborations à l’Almanach des Muses depuis 1767 et un Épître à Margot qui vise la dernière favorite de Louis XV, la comtesse du Barry. Montalembert et Laclos sont deux hommes d’esprit qui ont en commun le goût des lettres mais aussi un certain sens de la contestation. Montalembert est en effet un spécialiste des fortifications dont les théories sont rejetées par ses pairs car radicalement opposées à l’art de Vauban.
  Ainsi, durant les travaux, l’animosité grandit entre les officiers du génie et Montalembert qui choisit finalement de s’appuyer totalement sur Laclos. Ce dernier dirige presque entièrement les travaux alors que Montalembert reste le plus souvent à Rochefort.
   Une situation conflictuelle découle malgré tout de ces incompatibilités d’humeur et entraîne des rapports officiels contre Montalembert et ses conceptions. L’accusé doit se défendre. Laclos se range de son côté, profitant d’un congé à Paris pour soutenir son ami. Ils obtiennent finalement gain de cause pour la continuation des travaux.
  En 1779, Laclos vient donc de passer quelques mois sur les côtes d’Aunis, entre La Rochelle, Rochefort et l’île d’Aix. On a l’habitude de présenter ce premier séjour sur l’île comme le temps de la rédaction des Liaisons dangereuses. On vient cependant de voir que l’activité de Laclos s’est plutôt concentrée alors sur les fortifications et les démêlés de son supérieur et ami avec l’administration. Et surtout, la trame du texte existait déjà quand il était en poste sur l’île d’Aix.
  C’est en réalité à Paris qu’il reprend la rédaction de son roman que ce premier séjour sur l’île a pu faire mûrir dans son esprit. Puis il rejoint l’île d’Aix en juillet 1780. Il a malheureusement manqué le passage de l’Hermione et de La Fayette. Le navire a en effet été contraint de mouiller en rade de l’île une semaine après son départ de Rochefort pour l’Amérique, suite à un accident technique : la grande vergue s’était en effet cassée par le milieu à cause des nombreux nœuds du bois. L’attente de la chaloupe rapportant la nouvelle vergue de Rochefort a retardé son départ de quatre jours. En tout cas, Lafayette reprend le cap vers l’Amérique le 20 mars 1780 sans que Laclos ait pu le croiser…
  À son retour sur l’île, il ne reste plus au lieutenant que l’ennui et la désillusion. Il doit faire face à un travail désormais routinier qui perd peu à peu son sens : la flotte anglaise se frottera-t-elle vraiment un jour à son ouvrage ?

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Les fortifications de l’Île-d’Aix. © Jacques Le Letty, source : Wikimédia

  Il peut donc se consacrer au travail de réécriture d’un manuscrit maintenant pratiquement abouti. Dans un texte où rien n’est laissé au hasard quant à la structure, on imagine que la langue elle-même a dû être ciselée jusqu’à répondre au mieux aux desseins de l’écrivain. Il accomplit donc un minutieux travail de corrections, d’ajustements, de précision de la langue pour que le chef-d’œuvre d’analyse que nous connaissons soit enfin prêt. Le roman sera-t-il un instrument de revanche sociale, comme le prétend Émile Dard, premier biographe de Laclos ? Le commentateur interprète Les Liaisons dangereuses comme « la vengeance d’un noblaillon contre les grands seigneurs ». Dans cette lecture du texte, le couple de libertins incarnerait les perversions aristocratiques des grands seigneurs, opposées aux valeurs sentimentales bourgeoises.
  Il ne faudrait cependant pas trop vite conclure sur la question, car Laclos ne cesse de brouiller les pistes en jouant sur les interférences entre les deux univers. Il est vrai qu’un nouveau revers de fortune est bien venu contrarier les ambitions de l’officier : en 1781, la noblesse réussit à obtenir une ordonnance qui écarte des grades supérieurs les officiers qui ne peuvent justifier de quatre générations de noblesse paternelle. Laclos n’en compte que trois, ce qui l’exclut d’emblée des plus hautes fonctions. L’auteur des Liaisons dangereuses aurait confié au comte de Tilly : « Mon métier ne devant me mener ni à un grand avancement ni à une grande considération, j’avais résolu de faire un ouvrage qui sortît de la routine ordinaire, qui fît du bruit, et qui retentît encore sur terre quand j’y serais passé ».
  Le dénouement moral du roman où la marquise de Merteuil semble payer pour toutes ses méchancetés, a également fait l’objet de nombreux commentaires. Il est le plus souvent remis en question et vu comme une convention à la mode du temps. Il transformerait faussement le roman en instrument de prédication morale par ce subterfuge. Dès lors, il ne saurait se lire comme une condamnation morale du libertinage tout entier. Si le projet peut passer pour moraliste d’entrée de jeu, sa portée se relève finalement plus sociale par l’observation minutieuse de la société du temps.
  Quoi qu’il en soit, en décembre 1781, Laclos reçoit de sa hiérarchie militaire la permission de faire éditer son ouvrage ainsi que l’accord pour son congé de six mois, laps de temps qu’il se réserve pour mettre au point la version définitive du texte rapporté de l’île d’Aix. Les Liaisons dangereuses, publié en 1782 va finalement satisfaire la soif de reconnaissance et de gloire de leur auteur par son retentissant succès de scandale. Le texte est un roman épistolaire composé de cent soixante-quinze lettres. Le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil sont au centre d’une intrigue basée sur la séduction et le libertinage amoureux. Anciens amants, ils se livrent une sorte de joute libertine, de guerre sourde puis déclarée où Valmont peut finalement apparaître comme une marionnette de la marquise de Merteuil orchestrant la vengeance d’un sexe bafoué.
  Cette tonalité « féministe » de l’œuvre participa-t-il à l’effet de scandale de ce roman parcouru par une « énergie du mal » selon Baudelaire ? On peut imaginer que les ambiguïtés du texte gênèrent sa lecture, ainsi que la complexité de sa trame. Et donc son interprétation. Ou c’est peut-être l’absence totale de tabou moral ou religieux de l’auteur qui heurta le plus les esprits.
  En tout cas, le scandale vaut également à l’auteur la réprobation des autorités militaires. De retour de son congé parisien nécessaire au lancement de son livre, Laclos apprend qu’on lui supprime son affectation sur l’île d’Aix et qu’il doit rejoindre son unité à Brest. Montalembert plaide la cause de son ami mais n’obtient pas totalement gain de cause. Laclos est finalement affecté à La Rochelle où il doit superviser la construction du nouvel arsenal. De toute façon, la guerre d’Amérique est terminée, la paix avec l’Angleterre revenue, les travaux de fortifications de l’île d’Aix ont été interrompus.
  La société rochelaise reçoit favorablement l’officier rendu célèbre par son roman. Il est d’emblée intégré membre titulaire au sein de l’Académie des belles-lettres de la ville mais ne fournira aucune contribution à cette société savante. Il se lie avec le milieu des hommes de loi prêts à réformer le royaume et qui s’illustreront souvent par leur engagement pendant la Révolution. Jean-Marie Alquier est de ceux-là : présentement avocat, futur maire de la ville et député aux États Généraux, il occupera des fonctions élevées pendant toute la période révolutionnaire et saura protéger Laclos dans les situations les plus délicates, au nom de leur inaltérable amitié.
  Les salons bourgeois de la ville accueillent également ce brillant littérateur. Ainsi, la famille Duperré dont il est le voisin lui ouvre les portes de son hôtel de la rue Dauphine, actuelle rue Albert 1er. Là, il y fait la connaissance de Marie-Soulange, jeune femme de vingt-quatre ans dont il tombe amoureux. Une idylle clandestine se noue dès la fin de l’année 1782, à peine plus de deux mois après l’arrivée de Laclos dans la cité océane. On dit qu’au troisième étage de la maison, un boudoir ovale possédait un panneau pivotant : il donne vers un escalier dérobé qui mènerait à un souterrain permettant de rejoindre un autre salon ovale situé dans l’hôtel d’en face occupé par l’officier ! On ne peut rêver cadre plus romanesque pour abriter une liaison secrète et désapprouvée. Après un an de ces rencontres galantes, au printemps 1784, Marie-Soulange attend cependant un heureux évènement. Étienne Fargeau, fruit de cette liaison est baptisé « de père et de mère inconnus » dans la paroisse de Mortagne-la-Vieille, près de Rochefort. Laclos épousera Marie-Soulange Duperré seulement deux ans plus tard en raison des réticences de Mme Duperré à lui donner sa fille. Le mariage est célébré dans l’église Notre-Dame de La Rochelle et permet aux époux de reconnaître leur fils.
  Une plaque toujours présente sur l’arsenal de La Rochelle atteste de l’évènement qui coïncide avec le début de la construction du bâtiment : « L’an 1786 et le 3 mai, Messire Pierre-Ambroise Choderlos de Laclos, écuyer, capitaine d’artillerie au régiment de Toul, a épousé Demoiselle Marie-Soulange Duperré qui a posé la première pierre. Le même jour a vu s’établir le fondement de cet arsenal et celui de leur bonheur. »
  Laclos restera un mari fidèle et aimant sa vie durant, n’autorisant aucune ressemblance avec Valmont, son personnage libertin. Les péripéties de sa vie vont l’éloigner des côtes de l’Aunis pour une vie aussi riche que la période historique qui s’annonce. Mais c’est une autre histoire.

Bibliographie :
- Georges Poisson : Choderlos de Laclos ou l’obstination, Paris : Grasset, 1985. L’ouvrage est réédité et augmenté en 2005.
- Émile Dard : Le Général Choderlos de Laclos, auteur des « Liaisons dangereuses », 1741-1803, Perrin, 1905. Il s’agit de la première biographie de Laclos.
- Pascal Even : Laclos et la société rochelaise, La Rochelle, 2003.
- Extrait de “Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts de La Rochelle”, Actes du Colloque Laclos, 2003-2004, p.41-54. 
Notes et références
1. Georges Poisson : Choderlos de Laclos ou l’obstination, Paris : Grasset, 1985, p .55.

L'épisode napoléonien, aspects intérieurs, 1799-1815, épisode I

Le schéma napoléonien de l' Etat et de la société

1) Le régime

  N'hésitons pas, à propos du Dix-huit Brumaire et de la Constitution de l'an VIII, à privilégier - nous n'en ferons point coutume - l'évènement politique et le texte juridique. Contrairement à ce qu'une opinion moyenne, réellement lasse, et nécessairement mal informée 1, pouvait penser le 19 brumaire an VIII, ou le 20, le coup d’État du général Bonaparte ne ressemblait pas aux coups d' Etat précédents. On pourrait même, de préférence, le classer dans la catégorie des évènement qui grossissent avec le recul. On peut, certes, contester la validité de la césure. Après tout, l' Empire héréditaire était déjà proclamé que les mots de "République française" continuaient à avoir cours dans le langage officiel. Et il est à la fois aisé et instructif de relever les points importants sur lesquels le Premier Consul a pris tout naturellement la suite des méthodes et de la politique des Directeurs qu'il avait cependant renversés. De Thermidor an II à mai 1804, il est bien vrai aussi que c'est la même société de bénéficiaires de la Révolution qui, par retouches successives, précise les conditions de sa survie politique et les garanties de sa domination sociale. 2 Mais, tout de même! Témoins de l'évolution des institutions et des mœurs politiques dans les pays capitalistes du XXe siècle, nous sommes nécessairement sensibles au phénomène de la personnalisation du pouvoir et de la crise des institutions parlementaires. Nous sommes par la suite tentés de relire avec plus d'attention l'histoire des assemblées et de leur asphyxie, distante de quelques années de leur omnipotence ; l'histoire aussi de ce "soldat, fils de la Révolution", ainsi que Bonaparte se qualifiait lui-même, devenu par un coup de force heureux un souverain d'un genre particulier, monarque de fait bien avant que de droit.

Proclamation de Bonaparte, 19 brumaire an VIII. © Centre historique des Archives nationales - Atelier de photographie

Si important qu'ait été ce changement de régime, dont tout le sens n'est malgré tout apparu qu'à l'usage, plus importante encore est la signification que Bonaparte lui-même a attribuée à son propre avènement politique : celle d'une clôture de la Révolution, d'un retour à l'ordre et à la stabilité, d'un fil conducteur de l' histoire de la France renouée avec les débuts de la Révolution, et rien qu'avec eux. Il n'y a donc pas de doute sur l'interprétation qu'il convient de donner au rôle historique de Napoléon Bonaparte. Pour le reste du monde, bien sûr, il demeure le redoutable propagateur de la Révolution, ou l'admirable instrument de la raison gouvernant le monde, du progrès de l'esprit dans sa longue "explication avec le temps", Hegel [philosophe allemand du 19ème siècle, 1770-1831]. Mais en France? Avec Brumaire est venu le temps du filtrage, de la décantation. Bonaparte est lié à la Révolution, certes, par tout ce qui paraît d'ores et déjà appartenir à l'irréversible : égalité civile, destruction de la féodalité, ruine de la situation privilégiée de l' Eglise catholique. Quand au reste, usage des libertés, forme des institutions politiques, il y a eu depuis 1789 une telle instabilité, tant de contradictions entre les grands principes et la pratique des gouvernements, une incertitude si persistante sur l'issue de la guerre et sur l'unité de la nation, que le champ reste libre pour un homme fort qui, à condition de préserver les conquêtes essentielles de la Révolution, innoverait en matière de gouvernement et refuserait de s'embarrasser de scrupules. En réalisant l'ancrage de la France aux rivages dont les modérés de la Constituante avaient refusé de s'écarter, Bonaparte accomplit en somme après coup cette "révolution par en haut" dont l'ancienne monarchie n'avait pas été capable. Mais la contrepartie politique en est un certain nombre d'amputations de l'héritage immédiat de la Révolution, de retours en arrière et d'emprunts déconcertants à l' Ancien Régime. En quelque sorte, ce sont le dynamisme de Bonaparte et la rigueur de son administration qui viennent rajeunir une expérience de despotisme éclairé tardive et, dans le cadre de l' Europe occidentale, déjà quelque peu périmée.

2) Les institutions politiques : structure, évolution 

Souveraineté du peuple, système représentatif : fictions et réalités.

  Quand, reçu officiellement par le Directoire au Palais de Luxembourg le 10 décembre 1797, après Campo-Formio [le traité dit  » de Campo-Formio « , imposé aux Autrichiens et conclu dans la nuit du 17 au 18 octobre 1797. Il met fin à la première coalition européenne contre la France révolutionnaire], Bonaparte avait évoqué la nécessité " d'asseoir le bonheur du peuple français sur de meilleures lois organiques", sans doute ne faisait-il que traduire le sentiment commun à beaucoup de "républicains d'ordre", selon lequel le double danger contre-révolutionnaire et démocratique exigeait un raffermissement de l' Etat, dépositaire de la Révolution. Mais jusqu'au Dix-huit Brumaire, il n'avait jamais exposé de façon plus explicite ses vues en la matière. Les modalités de la préparation de la Constitution destinée à remplacer celle de l' an III fournirent à elles seules de premières indications. Confiée le 19 brumaire à deux commissions législatives issues des Anciens et des Cinq-Cents [le Conseil des Cinq-Cents est l'une des deux assemblées législatives françaises du Directoire, avec le Conseil des Anciens. Elle est instituée par la Constitution de l'an III, adoptée par la Convention thermidorienne le 22 août 1795, et entre en vigueur le 23 septembre 1795], ainsi qu'aux Consuls provisoires, cette élaboration, traînant trop au gré de Bonaparte, se poursuivit chez lui et sous sa direction à partir du 11 frimaire, 2 décembre 1799, ce qui lui permit notamment, en forçant la main des rédacteurs à propos du pouvoir exécutif, de se faire désigner dans la magistrature suprême sans élection préalable. Après quoi la Constitution fut mis en vigueur sans qu'il n'ait encore été procédé au référendum ou plébiscite auquel elle devait être soumise. Ainsi s'effectue une sorte de second coup d’État, par lequel Bonaparte confisque à son profit le pouvoir constituant, l'une des premières conquêtes des représentants aux états généraux de 1789.
   Une telle attitude est bien le reflet d’une conception essentielle chez Bonaparte : celle du transfert de la souveraineté, en droit émanée du peuple, sur un chef de gouvernement recueillant la confiance publique et, par réciprocité, se dévouant tout entier au bien général. Conception qui n'est pas révolutionnaire, encore que dans des circonstances exceptionnelles la dictature du Comité de salut public s'en soit pratiquement inspirée. Mais la qualifier de "réactionnaire" serait oublier qu'elle peut se déduire de la théorie rousseauiste du contrat social, et correspond en outre à la pensée de plus d'un philosophe - Diderot [écrivain, 1713-1784 ; célèbre de son vivant comme un des auteurs de l'Encyclopédie] en particulier.
   Les hommes étant faits pour être gouvernés, que reste-t-il alors de ces autres conquêtes révolutionnaires - droit d'élire et d'avoir des représentants? En ce qui concerne le suffrage, Napoléon le rétablit universel : s'il peut se le permettre, c'est qu'en même temps il émousse l'arme du vote, limitant étroitement les fonctions de ce dernier. La nouveauté est le recours au plébiscite : mais la réponse par oui ou par non, ou par l'abstention, est moins un acte réfléchi, un choix politique que l'expression affective d'une confiance globale accordée ou refusée à un homme.S'exerçant d'autre part dans les assemblées primaires, il cesse d'avoir pour objet la désignation de représentants ou de fonctionnaires publics, pour ne plus servir que de base à un système de collèges électoraux, véritables corps intermédiaires. De toute façon, le suffrage universel a eu bien peu d'occasions de fonctionner. Napoléon cesse de recourir au plébiscite à partir de 1804. Les collèges électoraux de la Constitution de l'an X [1802-1804, établissant le Consulat à vie, marqua un tournant dans l'histoire du Sénat. Le mode de recrutement du Sénat fut d'abord modifié : pour atteindre l'effectif de quatre-vingts membres, le Sénat devait désormais choisir entre trois candidats présentés par le seul Premier consul ; par ailleurs, le Premier consul pouvait nommer librement quarante sénateurs supplémentaires] formés à vie, ne doivent être complétés que lorsque les vacances atteignent le tiers de leurs effectifs : il n' y aura en fait qu'un seul renouvellement.
  Les assemblées ne disparaissent pas dans la Constitution de l'an VIII : mais c'est seulement parce que Bonaparte a dû faire des concessions aux brumariens et, notamment, à Sieyès [Député, 1748-1836], c'est-à-dire à un groupe qui restait aussi fermement attaché au système représentatif qu'anxieux de renforcer l' exécutif. Mais quand à lui, Bonaparte était résolument hostile aux assemblées et décidé, s'il devait en conserver la façade, à les confiner dans des tâches purement formelles. Dès 1797, il décrivait à Talleyrand [Homme de tous les régimes, de la Révolution à la Restauration, Talleyrand fit de la diplomatie un art où le cynisme s'alliait à l'efficacité, 1754-1838] le pouvoir législatif idéal comme "sans rang dans la République, impassible, sans yeux et sans oreilles pour ce qui l'entoure... (Il) ne nous inonderait plus de mille lois de circonstance qui s'annulent toutes seules par leur absurdité, et qui nous constituent une nation avec trois cents in-folio de lois". Le recul est considérable - mais la responsabilité en revenait déjà aux Directeurs - des premières assemblées révolutionnaires, organismes respectés de législation et parfois de gouvernement, au Tribunat [Assemblée délibérante et permanente instituée par la Constitution de l'an VIII, 1er janvier 1800-19 août 1807 ] et au Corps législatif [Chambre basse du parlement tricaméral] de l'an VIII, l'un discutant et l'autre votant des projets de loi nés en dehors d'eux, dans des limites de temps déterminées par le gouvernement. Quoique leurs membres aient été purement et simplement désignés à l'origine, puis choisi sur des listes de candidatures, ces deux conseils, aux effectifs d'ailleurs restreints, n'ont pas été purement passifs et opinant dans le sens espéré par le pouvoir : le Tribunat, plus brillant dans sa composition et plus courageux dans ses personnalités, le paie d'une épuration, puis de sa disparition ; le Corps législatif, plus médiocre et plus docile, contrôlé de près dans son recrutement, survit.

 

 
 
Emmanuel Joseph Sieyès, dit l'abbé Sieyès (1748-1836) © RMN-Grand Palais (château de Versailles)


Portrait de Talleyrand par Gérard © The Metropolitan Museum of Art

  La véritable assemblée selon le coeur de Napoléon Bonaparte, c'est le Sénat. Dans une société qui, du notable électeur au grand dignitaire noble de l' Empire, va s'organiser selon le double critère de la fortune et du service de l' Etat, le sénateur en attendant d'être titré, se voit attribuer le traitement considérable de 25 000 F par an, sans préjudice d'ultérieures dotations. Sa présidence est, à l'origine, le lot de consolation de Sieyès. Il compte d'abord 60 membres - 31 nommés directement par le Premier consul, 29 cooptés par les précédents : mais il aura, en 1813, 141 membres, s'étant augmenté en l'an XII des princes et grands dignitaires, membres de droit et, plus tard, du fait de multiples nominations par l' Empereur, entre autres au bénéfice de notables des pays récemment annexés. Son mode de recrutement, les avantages conférés à ses membres font du Sénat un conseil docile, servile même. À la timidité de ses tentatives pour limiter l'inquiétant développement des pouvoirs de Bonaparte, en l'an X, puis en l'an XII, répond la lâcheté de son comportement en 1814, le courage ne lui étant venu que lorsque son maître était abattu. "L'adaptateur et non le conservateur de la Constitution", Charles Durand [professeur à la Faculté de Droit d'Aix], il exerce, de fait, un pouvoir législatif répondant aux sollicitations officieuses ou indirectes du pouvoir. Le sénatus-consulte [décision émanant du Sénat et ayant valeur de loi] intervient dès l'origine à l'occasion des actes politiques importants - condamnation à la déportation de 130 jacobins, en 1801 ; amnistie des émigrés en 1802 - comme pour fonder en droit les inflexions progressives du Consulat vers l'Empire. Après 1804, il n'est même plus concurrencé par le recours au plébiscite, ce qui renforce son caractère de "législation par-dessus les lois". 


Les libertés publiques

  Sortons un instant des dispositions constitutionnelles. Le dépérissement des institutions représentatives ne fait qu’un, en effet, avec les atteintes aux libertés publiques, en particulier à la liberté d'expression. Dans un cas comme dans l'autre, Bonaparte utilise un argument de circonstance. La raison d'être d'un coup d’État était de mettre fin à ce qu'il appelle l' "anarchie", c’est-à-dire les menaces de contre-révolution royaliste et de reprise du jacobinisme ou babouvisme. La stabilisation ne peut être que le fait d'une république autoritaire. La conciliation, l'apaisement, sont, certes, un volet de la politique consulaire et impériale. Mais l'autre volet est celui de la compression et de la répression. Le silence doit être imposé aux factions, aux trublions de tous bords. Par suite, aucune facilité ne doit être laissée à l'expression des divergences politiques, ni à l'occasion de débats parlementaires, ni par le truchement des journaux. Bien que la Constitution de l'an VIII énumère sommairement, et en dehors de toute déclaration solennelle, les droits qui sont l'égalité, la liberté, la sûreté, des personnes, et la propriété, seule cette dernière, a été efficacement garantie, tant par le Code civil que par le Concordat. [Au sens général, un concordat est un acte de conciliation entre deux parties adverses. Le Concordat, signé par le consul Bonaparte et le Saint-Siège, mit fin, en 1801, à la Constitution civile du clergé mise en place par la Constituante en 1790, qui subordonnait l' Eglise à l' Etat. Ce régime concordataire reconnaît l' Eglise catholique comme la religion de la "grande majorité des français" et prévoit notamment la nomination des évêques par le chef de l'Etat] On étudiera plus loin les atteintes partielles à l'égalité. Au chapitre de la liberté en tout cas, nul doute que Bonaparte considérait celle de la presse comme un fléau politique. La presse n'existe à ses yeux que comme service de l' Etat et comme instrument de propagande. De la première campagne d'Italie à l'apogée de l' Empire, cette conception passe dans les faits en trois étapes. Dès avant le Consulat, Bonaparte avait utilisé à son profit des feuilles temporaires directement inspirées par lui, et c'est encore la méthode qu'il emploie quand il rédige des articles anonymes à insérer dans le Moniteur pour répondre à l'opposition qui, au début du Consulat, conservait encore quelques moyens de se manifester au grand jour - plus tard, c'est sur ses ministres de l' Intérieur qu'il comptera pour remplir la même fonction d'orientation des journaux subsistants. C'est très tôt dans l'année 1800 qu'il se décide à limiter le nombre des journaux parisiens, dont il restreint par la suite les capacités d'information en leur interdisant de traiter d'un grand nombre de sujets - de sorte que, muselée quand elle n'est pas abolie, la presse perd de toute façon une grande partie de son intérêt pour les lecteurs. En général, écrira l' Empereur à Fouché [duc d' Otrante ; devient ministre de la Police le 2 thermidor an VIII, 20 juillet 1799, et à ce titre, arrête les directeurs lors du coup d'État du 18 brumaire. Bonaparte lui conserve son ministère, qu'il réorganise, cumulant la direction de la police et celle de la gendarmerie] en 1809, "les journaux sont toujours prêts à s'emparer de ce qui peut nuire à la tranquillité publique ". 3 Déclaration qui précède de peu la création de censeurs attachés à chaque journal, puis les mesures draconiennes de 1810-1811 : limitation du nombre de journaux d'information générale à quatre pour Paris et un par département, confiscation des journaux parisiens au bénéfice de sociétés contrôlées par la police. Ces mesures avaient été précédées, du reste, par l'établissement du nouveau régime des imprimeries, et avaient trouvé dès l'origine du Consulat leur pendant dans les mesures de contrôle des pièces de théâtre.
  Ainsi donc n'est-il pas de régime qui soit plus éloigné que le régime napoléonien d'une considération quelconque accordée à l'opinion - non pas à l’opinion au sens d'affection ou de désaffection des masses populaires, à quoi le pouvoir est au contraire très sensible, mais à celui de fractions éclairées du corps civique s'efforçant de s'interposer entre ce pouvoir et ces masses, de contrôler par la critique l'action du premier, d'orienter ou d'orchestrer les réactions des secondes. La démocratie plébiscitaire passe au-dessus des institutions représentatives et entrave la formation d'une opinion publique. C'est un aspect, parmi d'autres, de l'opposition fondamentale entre la France napoléonienne et son adversaire britannique ; et de l'hostilité au nouveau régime du libéralisme bourgeois incarné, non sans courage, par Benjamin Constant [Écrivain et homme politique, 1767-1830].
  Quand à la liberté des personnes, Jacques Godechot note que son recul était bien antérieur au Dix-huit Brumaire - c'est effectivement un terrain sur lequel les révolutionnaires n'avaient pas eu le loisir de mettre définitivement en accord la pratique avec les grands principes - et qu'en 1814 il n'y avait dans les prisons d’État que 2 500 individus internés arbitrairement. 4 Ajoutons toutefois que le système de la résidence surveillée, atteinte à la liberté individuelle au nom de la sûreté de l' Etat, mais en fait en raison des opinions politiques, fut largement utilisé par les préfets pour isoler efficacement les minorités militantes, notamment les anciens jacobins et terroristes.
  Dans tous les cas, c'est le caractère policier du régime napoléonien qui s'affirme. Si la création d'un ministère de la Police où s'illustre longtemps Fouché est une innovation, l'importance du rôle de la police et son efficacité ne sont pas, à Paris en particulier, originales : Jean Tulard note que la préfecture de police, reprise de l' Ancien Régime dans sa forme institutionnelle, a hérité du Directoire les fichiers et les méthodes du Bureau central de police. On sait que Napoléon comptait beaucoup, pour l'excellence de la police, sur la concurrence entre les agents : ceux de Fouché, ceux de Dubois [magistrat, premier préfet de police, 1758-1847], les siens propres, sans parler des menues informations que lui-même collectait à l'occasion de ses audiences, de ses rencontres ou de sa correspondance. C'est un trait assez inquiétant que celui de l'intérêt primordial de Napoléon pour ses polices. Nécessaires dans l'atmosphère politique troublée du temps, indispensables à la sûreté d'un pouvoir personnel en ascension rapide, inscrivant à leur actif de remarquables dépistages, elles n'en constituent pas moins un témoignage de fragilité des bases consulaires et impériales. Avant Napoléon, seule la monarchie des Habsbourg avait accordé à la police une telle place de choix.

L'exécutif 

À suivre...

Louis Bergeron, L'épisode napoléonien, Aspects intérieurs, 1799-1815, p. 9-18, Nouvelle histoire de la France contemporaine, Editions du Seuil, 1972 


1. Nous ne savons pas aujourd'hui [en 1972], pièces en mains, tous les éléments de la conspiration.Un point aussi important que la psychologie et les intentions du moment de Bonaparte lui-même restent du domaine de la reconstitution.

2. Cf. Albert Soboul (25)*
* Le chiffre entre parenthèses renvoie à la bibliographie finale.

3. Cité par Jean Tulard (26).

4. Biblio, n°13.

5. Cf. Jean Tulard (27), p. 157-175. L'auteur insiste sur la surveillance particulière des migrations saisonnières et des mouvements de grève.

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RTE : la croyance en un mix électrique 100% EnR

  "...Quelle que soit la faisabilité technique, il n'a pas été regardé combien ça coûterait, si ce serait rentable, acceptable socialement. On apprend plus loin que les conséquences environnementales n'ont pas été regardées non plus..."
   Tout est résumé!
   RTE, et, donc, la France, me rappelle le personnage de Vin Tanner, Steve McQueen, dans le film The Magnificent Seven, Les 7 mercenaires (1960), qui parle de : "C'est comme l'histoire de ce type qui s'est jeté d'un immeuble de dix étages. A chaque étage, les gens l'entendaient dire : "Jusqu'ici, ça va. Jusqu'ici, ça va. Jusqu'ici, ça va."
  Mais sérieusement, comment la France, sur le podium de la production mondiale d'électricité, avec les USA et la Chine, en est arrivée à confier l'avenir énergétique de 68 millions de citoyens au gré du vent et du soleil? Mais le pire est que la majorité des Français, surtout les plus jeunes, y croient!
  Ce pays est foutu.

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RTE, Rapport : la faisabilité technique d'un mix 100% EnR, une analyse

Alexis Quentin
Membre de Voix du nucléaire
2021 01 28

   Vous le savez peut-être, mais RTE France a sorti aujourd'hui un rapport avec l'Agence internationale de l'énergie (IEA) sur les conditions et prérequis en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte proportion de renouvelable à l'horizon 2050. Outre ce rapport, RTE a mis en ligne les documents relatifs à une consultation publique portant sur 8 scénarios à horizon 2050. Tous les documents sont disponibles ICI
  Je viens de finir la synthèse du rapport, et le moins que l'on puisse dire, c'est que je ne partage pas l'enthousiasme de certains sur "la faisabilité technique d'un mix 100% EnR" pourtant claironné depuis quelques heures.
  Le rapport précise que 4 conditions doivent être doivent être remplies pour permettre l'intégration d'une très forte part d' ENR dans le mix électrique :
  1. Stabilité du système électrique
  2. Sécurité d'alimentation 
  3. Des réserves opérationnelles 
  4. Développement des réseaux
  Mais un petit paragraphe a attiré mon attention. Quelle que soit la faisabilité technique, il n'a pas été regardé combien ça coûterait, si ce serait rentable, acceptable socialement. On apprend plus loin que les conséquences environnementales n'ont pas été regardées non plus.


  Ces différents éléments devraient venir à l'automne, avec les études plus précises sur les 8 scénarios de RTE.

1) La stabilité du système électrique
  Aujourd'hui, elle est assurée par les rotor des centrales électriques qui tournent de manière synchrone.  Quand il y a un soucis, les rotors s'adaptent automatiquement, en tournant un peu plus vite ou moins vite, et cela permet au système de se rétablir, on parle de "grid forming", "formation d'un réseau". Vous le savez ou pas, les EnR, comprendre ici, l'éolien et photovoltaïque, ne fonctionnent pas comme ça.

  La plus forte part de "grid following", "réseau suivant" par rapport au grid forming va avoir besoin de solution. Le rapport précise qu'il existe des solutions à différents stades de maturité, certaines étant encore au stade de la R&D, en tout cas pas déployées à grande échelle.
  Le rapport précise aussi qu'il faudra mettre en place des nouveaux outils de régulations et de réglementation. Un point d'attention est cependant donné sur les scénarios à forte part de photovoltaïque, car il y aurait un impact fort sur les réseaux de distribution. Donc, pour résumé :

 

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  Donc même si, en théorie, on sait faire, dans les faits, les solutions à grande échelle ne sont pas disponibles commercialement. Donc, aujourd'hui, cette condition n'est pas satisfaite.

2) La sécurité d'alimentation

  Où comment gérer l'intermittence de production, étant donné qu'on exploite l'hydraulique presque à son maximum. Jusqu'en 2035, suivant la PPE, il ne devrait pas y avoir de problème. Pour après ...
Plusieurs solutions proposées :
1) de nouvelles unités de pointe, fonctionnant aujourd'hui au gaz fossile mais devront demain fonctionner à l'hydrogène ou au biogaz ; ben oui, sinon on n'est plus dans le... renouvelable!
2) des installations de stockage à grande échelle : batteries, STEP, P2G2P.
3) la flexibilité de la demande, c'est-à-dire capacité d'effacement et pilotage intelligent de la consommation
4) plus d'interconnexion.

  Le point central du rapport sur ce thème, c'est vraiment la flexibilité de la demande, en particulier sur les véhicules électriques. Par contre, les véhicules électriques, c'est du grid follower, "suiveur de réseau", il faudra faire d'autant plus attention à la stabilité du réseau.
  Autre point, celui des coûts. Arrêtez de nous bassiner avec les Levelized Cost of Energy (LCOE), signifiant « coût actualisé de l’énergie », plus faible des EnR car le calcul ne prend pas en compte tous les paramètres. La Cour des Comptes le disait aussi dans son rapport sur la filière EPR.

   Donc, il faut dénoncer la "fake new" du lobby des EnR, prétendant que "l'éolien est moins cher au MWh ou le solaire est moins cher au MWh" que le nucléaire. Une bonne révision s'impose!

Lire sur le même sujet : Rapport de la Cour des comptes sur Le soutien aux énergies renouvelables
 
  Ces scénarios posent aussi des questions industrielles : " il est nécessaire de s’intéresser à la maturité de ces solutions [batteries, smart grid, hydrogène] et de vérifier qu’elles ont le potentiel d’être déployées à grande échelle dans les délais escomptés." Voilà, c'est dit. Le dernier paragraphe se passe de commentaires :

  Il est clair que l'on est plus près de l'incantation à la "providence" que de solutions clefs en main. On n'a pas le cul sorti des ronces.  

 
3) Les réserves opérationnelles
  Ce sont celles qu'on peut activer en cas de problèmes réseau pour éviter les black out. Sur ce point là, pas grand chose à dire, on est déjà pas mal, à part que... À part que les EnR pourraient être sollicitées pour faire partie de la réserve, mais pour ça, il faudrait qu'on sache exactement qui produit quoi, et ce n'est pas le cas. Par exemple :
  "... Puisque tu en parles, mettons franchement les pieds dans le plat : une centrale solaire de 230 MWc normalement tenue de publier sa disponibilité Et bien non : ce sont en fait 25 centrales de 9.2 MW déclarées au même endroit. Astucieux !" https://opendata.reseaux-energies.fr/explore/dataset/registre-national-installation-production-stockage-electricite-agrege/table/?disjunctive.epci&disjunctive.departement&disjunctive.region&disjunctive.filiere&disjunctive.combustible&disjunctive.combustiblessecondaires&disjunctive.technologie&disjunctive.regime&disjunctive.gestionnaire&sort=codeinseecommune&q=CONSTANTIN

 http://

 

 
 
  Bref, ici pas grande inquiétude à avoir, on sera surtout sur de l'adaptation réglementaire. Et puis la transparence, cela a du bon : 



4) Le développement des réseaux électriques
  Il faudra fortement adapté le réseau mais une partie des investissement est déjà prévu. Un "mur" d'investissement de 50 milliards  Sauf que dans le cas qui nous intéresse, celui-ci, étrangement, n'est pas considéré comme un obstacle, mais...comme une opportunité. L’effet " quoiqu'il en coûte"?
  Mais revenons à nos moutons. Il y a deux réseaux principaux, 225kV-400kV & 63kV-90kV. 
  Pour le premier nommé, pas de soucis d'après le rapport. Ce réseau, construit pour le parc nucléaire historique, sera toujours là et n'aura pas besoin de beaucoup d'adaptation.
  En revanche, le second lui devra être repensé d'ici 2050 mais ça risque fort d'être une autre mayonnaise d'un point de vue de l'acceptabilité sociale.
 

   À part ça, il n'y a pas ici de grosse incertitude d'arriver aux fins voulues, à condition d'y mettre les moyens financiers, le fameux "mur" d'investissement :
 
 
 
Conclusion
   Sur les 4 critères, les deux derniers ne posent pas spécialement de problème. En ce qui concerne le deuxième, les installations de stockage à grande échelle, il a encore besoin de démonstration industrielle sur les solutions de stockage. Quand au premier, la stabilité du système électrique, même s'il existe une solution théorique, personne ne sait si cela fonctionnera à grande échelle. Comme un médicament qui marcherait in vitro mais dont on ne sait pas s'il fonctionnera in vivo.
  Toute ressemblance avec une situation déjà existante, tout ça ...
  Bref, bien loin de montrer la faisabilité technique d'un mix à forte pénétration EnR, sans même aller jusqu'aux 100%, le rapport montre surtout que de la théorie à la réalité il y a encore beaucoup d'obstacles à franchir et, sans avoir, mazette, la certitude de pouvoir réussir dans cette entreprise.   Surprise! Dans ce "plan sur la comète" aucune étude approfondie n'apparait sur l'impact environnemental et économique. Mais pire, rien sur l' acceptabilité sociale. Pourtant, ce paramètre ne devrait-il pas être une des priorités d'un gouvernement démocratique?



Haute-Marne, Villegusien-le-Lac : le non à l'éolien de la raison

  Nous ne pouvons que nous réjouir que certains élus hauts-marnais aient retrouvé leur esprit. Maintenant, refuser le projet de ZI d'éoliennes sur les terrains communaux, n'empêche nullement le chasseur de primes de proposer ses "services" à des propriétaires privés. La prudence et la vigilance sont de mise...
   Félicitations.
   Conseil municipal 2020-2026

    2 listes en présence :

  1. Magali Cartagena, maire
  2. Dominique Robin 
  3. Conseillers réélus

- Séverine Blaut, professions intermédiaires administratives de la fonction publique,
- Françoise Bresard, anciens employés,
- Martine Descharmes, épouse Bercier, maire, employés de commerce, DB
- Noémie Dongois, professions intermédiaires administratives de la fonction publique,
- Cindy Menu, employés administratifs d'entreprise,
- Sabine Montenot, techniciens,
- Marie Andrée Peters, anciens cadres, DB
- Marie-Agnès Semelet, contremaîtres, agents de maîtrise,
- Armelle Simon-Virey, employés civils et agents de service de la fonction publique,
- Magali Cartagena, maire, professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises,
- Eric Bernasconi, contremaîtres, agents de maîtrise,
- Jean-Michel Camus, agriculteurs sur moyenne exploitation,
- Lambert Cothenet, employés de commerce,
- Guy Cuenin, anciens cadres,
- Joël Demange, anciens cadres,
- Bruno Gerbet, chefs d'entreprise de 10 salariés ou plus,
- Eric Mielle, ouvriers qualifiés de type industriel,
- Claude Petit, anciens cadres, DB
- Dominique Robin, anciens ouvriers.
 Source : http://www.mon-maire.fr/maire-de-villegusien-le-lac-52

 jhm 2021 01 27

 
 
 
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Electricité : la France a choisi l'euthanasie

Attention Futur, les utopies ont la vie dure!

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La terrible loi de Brandolini et le mythe du 100% renouvelable

Jean-Pierre Riou
2021 01 26

 

  La loi de Brandolini énonce l’asymétrie entre l’énergie nécessaire à la formulation d’une proposition et celle, infiniment supérieure, qui est nécessaire pour la réfuter. Les proportions de cette asymétrie ont le second inconvénient de rendre toute réfutation point par point considérablement moins médiatique que la proposition initiale, surtout lorsque celle-ci flatte un dogme dans l’air du temps. Et le seul titre d’un rapport conservera naturellement un impact médiatique bien supérieur à celui d’un examen critique de ses conclusions.

Le modèle renouvelable existe, une ministre l’a rencontré
  Le titre accrocheur de son fameux ouvrage « Dieu existe, je l’ai rencontré » a imprimé le nom d’André Frossard jusque dans les mémoires de ceux qui n’en ont rien lu.
  C’est dans le sens d’une telle accroche qu’il faut attendre la publication du rapport conjoint de l’ AIE et RTE supposé affirmer la viabilité d’un mix électrique basé sur une grande part d’énergies renouvelables (EnR) et dont le média « Contexte » a pu se procurer la synthèse.
  Il convient, en premier lieu, de remercier Contexte d’avoir exceptionnellement laissé cet important article [1] en accès libre.
  Selon ses informations, ce rapport serait en lien avec la volonté de la ministre de « leur montrer que nous décidons » en réaction aux projets présidentiels de nouveaux réacteurs nucléaires.
  Car l’Europe peine toujours autant à réduire la puissance de ses centrales pilotables conventionnelles, en raison du risque de période prolongée de vague de froid sans vent ni soleil, qui correspond malheureusement aux plus forts besoins en énergie. Or le nucléaire est, avec l’hydraulique, la seule filière pilotable exempte d’émissions de CO2.
  Selon Contexte, la synthèse prévient « Le rapport n’examine pas la question de savoir si ces scénarios sont socialement souhaitables ou attrayants ni celle de leur coût et de leur viabilité financière. » Et ce mix décarboné et renouvelable serait conditionné à la réalisation de certaines conditions technologiques encore hors de portée, notamment :

  • Parvenir à compenser la stabilité dynamique du réseau
  • Parvenir à stocker l’énergie à grande échelle et à piloter la flexibilité de la demande
  • Parvenir à dimensionner des réserves suffisantes pour compenser les aléas de production
  • Parvenir à étendre et renforcer une restructuration en profondeur du réseau pour permettre de transporter les flux spécifiques aux énergies renouvelables.

  Selon la lecture de la note par Contexte, il s’agirait là de « quatre ensembles de conditions strictes » indispensables à l’intégration d’une grande part d’énergies renouvelables.

Quoi qu’il en coûte
  En d’autres termes, il s’agit de montrer la viabilité d’un modèle de transition énergétique « quoi qu’il en coûte » et sans en maîtriser encore les conditions pourtant strictement nécessaires à son fonctionnement.
  Or, par delà les interrogations sur sa viabilité financière, la maîtrise des « quatre ensembles de
conditions strictes
» est nécessaire pour éviter le risque d’incidents majeurs.

De la difficulté de dimensionner les réserves
  Serge Zaka, docteur-chercheur en agroclimatologie, a relevé les données de RTE sur la production d’électricité [2] et celles de l’indicateur thermique journalier [3] pour illustrer la corrélation entre la production éolienne et les températures sur la période hivernale la plus récente : du 1er décembre au 19 janvier.
  Le graphique obtenu, que nous reproduisons ci-dessous avec son autorisation est éloquent, et montre que plus on a besoin de courant et moins les éoliennes en fournissent.



  En effet, les pics de consommation ont toujours lieu dans les périodes les plus froides, la thermo sensibilité de cette consommation étant évalué par RTE à 2400MW supplémentaires par degré de température en moins.
  Le photovoltaïque, quant à lui, est systématiquement absent lors de ces pointes qui ont lieu vers 19 heures, soit bien après le coucher du soleil.
  S.  Zaka explique par ailleurs, que les points les plus écartés de cette corrélation éolienne avec les températures correspondent à des changements de régimes de vent en cours de journée, le flux glacial d’est étant toujours beaucoup moins venteux que les flux d’ouest qui amènent la douceur.
  C’est d’ailleurs la raison pour laquelle des scénarios allemands de l’Institut Fraunhofer [4], qui envisagent de multiplier au moins par 4 la puissance intermittente éolien/photovoltaïque, pour la porter à plus de 600 GW en 2050 – contre 27,6 GW actuellement [5] en France – n’en augmentent pas moins la puissance pilotable en même temps, pour résister aux pointes de consommation en cas de période
prolongée sans vent ni soleil, malgré un important développement du stockage par batteries.

De la restructuration du réseau
  Le récent rapport d’un groupe de réflexion [6] de l’Otan montrait que les plus dangereuses attaques qui menacent l’Europe, dans les nouvelles formes « hybrides » de conflits, concernaient les réseaux d’énergie. Le directeur de l’ AIE, Fatih Birol s’inquiète effectivement [7] de cette vulnérabilité du système électrique liée à sa numérisation croissante, destinée à intégrer les énergies renouvelables et pointait le grand nombre de portes d’entrées non sécurisées que sont les petits producteurs d’énergie renouvelable.
  Par leur éparpillement territorial, les EnR entrainent la multiplication des lignes et l’augmentation des
interconnexions, ainsi que la complexification du système pour pallier les aléas de leur production.

De la stabilité dynamique
  L’inertie des gros alternateurs des centrales conventionnelles, qui tournent de façon synchrone à 50 Hz, permet d’amortir les variations de fréquence en conférant au réseau une « stabilité dynamique » que ne permettent pas les EnR.Cette stabilité dynamique facilite la réaction des gestionnaires de réseau en cas d’incidents tels que la surtension brutale, survenue le 8 janvier dernier sur les lignes du sud est européen, qui a entrainé la coupure du réseau en 2 parties [8] et privé le nord de la Roumanie de courant [9].
  L’équilibre du réseau est fragile, et dans son excellente vidéo [10], RTE confesse : « Plus la part d’ EnR est grande, plus cet équilibre est fragile. Leur introduction est un vrai challenge que RTE devra relever » Notamment via le projet européen MIGRATE, encore au stade expérimental. Dans cette vidéo, RTE ne cache pas la difficulté de cette intégration.


De la balle qu’on se tire dans le pied

  L’électricité est la pierre angulaire d’une sortie des énergies fossiles. Le mix électrique français dispose de l’atout maître d’être décarboné à plus de 90% depuis ¼ de siècle [12].
  Il serait irresponsable de risquer d’en mettre l’équilibre en péril en l’engageant vers des territoires inconnus au nom d’un modèle encore dépourvu d’analyses économiques et techniques permettant d’en mesurer aujourd’hui les avantages, les inconvénients et l’acceptabilité des risques induits.
  Mais ce n’est pas la mission des gestionnaires du système puisque les Directives européennes ont amené la programmation de l’énergie (PPE) à s’engager dans cette voie. On attend uniquement d’eux qu’ils suggèrent comment on pourrait le faire.
  L’histoire récente a pourtant montré des sommités scientifiques minimiser les risques d’une pandémie et se faire fort de l’enrayer. Avant que la vitesse de propagation du virus ne se charge de les désavouer.  Tandis que le parc électrique européen qui n’avait toujours pas supprimé 1 seul MW pilotable [11] en 2017, malgré le développement d’un véritable doublon intermittent peut encore tromper sur la sécurité
permise par les EnR.

La cannibalisation du système

  Une récente étude [13] de l’ AIE montrait que la prolongation du nucléaire était la solution la plus économique pour produire de l’électricité et reprochait aux énergies intermittentes leur cannibalisation du système, c’est-à-dire le fait de détruire leur propre valeur dès que les conditions météorologiques leur sont favorables. Cette cannibalisation, qui s’accroit avec le surdimensionnement nécessaire pour compenser leurs aléas, est déjà responsable de la nécessité d’injecter 121 milliards d’euros [12], prélevés par les taxes, pour soutenir les seuls contrats d’ EnR électriques passés avant 2018, alors que ces EnR étaient réputées procurer une véritable « rente pour la collectivité » à partir de 2015, selon les déclarations de filière devant le Sénat en 2007 [14].
  En tablant sur l’hypothèse qu’on arrivera bien à résoudre les problèmes soulevés par la réalisation des 4 ensembles de conditions strictes et indispensables au développement à grande échelle des énergies intermittentes et en éludant l’essentiel de la question de la viabilité économique, le rapport attendu sur l’intégration des énergies renouvelables semble avoir pour principale objectif de pouvoir dire et faire dire : « Un modèle renouvelable existe, je l’ai rencontré ».

Plus dure sera la chute
  Il ne faudrait pas confondre réchauffement global et disparition des hivers rigoureux. Le record historique de -35,8° dans une Espagne recouverte de neige ce début janvier devrait suffire à s’en convaincre et les déformations du vortex polaire [15], liées au réchauffement, à l’expliquer.
  La défaillance du système électrique, dans un tel contexte n’est pas acceptable.
  On en viendrait à souhaiter qu’un incident majeur intervienne le plus tôt possible, pour limiter la casse avant la disparition d’un trop grand nombre de centrales pilotables.
  Le 22 juin 2007, André-Claude Lacoste Président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) enjoignait le Gouvernement [16] à disposer de capacités de production électrique suffisantes pour gérer sereinement les réexamens de sûreté des réacteurs nucléaires. Et concluait « Il importe donc que le renouvellement des moyens de production électrique, quel que soit le mode de production, soit convenablement préparé afin d’éviter l’apparition d’une situation où les impératifs de sûreté nucléaire et d’approvisionnement énergétique seraient en concurrence. »
  Malgré l’absence de prise en compte de cet avertissement par la fermeture de Fessenheim, pourtant jugée parmi les plus sûres du parc nucléaire [17] par l’ ASN, la faute serait assurément reportée sur le nucléaire en cas de rupture d’approvisionnement électrique.
  Et la loi de Brandolini interdirait de détromper l’opinion.
  Mais du moins, une telle alerte pourrait susciter une remise en question.
  Car plus le temps passe, et plus dure sera la chute.

1 https://www.contexte.com/article/energie/info-contexte-edf-rte-aie-le-rapport-qui-contrarie-les-projets-nucleaires-de-letat_125477.html

2 https://www.rte-france.com/eco2mix/telecharger-les-indicateurs

3 https://www.infoclimat.fr/climato/indicateur_national.php?indicateur=edf#2021;,1981-2010,1,-3.65,368.65,,y,desc,-1290978396000,1638216396000

4 https://energy-charts.info/charts/remod_installed_power/chart.htm?l=fr&c=DE&source=konvKW&charttype=column&stacking=grouped

5 https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-01/RTE-Mensuel-Electricite-Novembre-2020-V3.pdf

6 https://www.nato.int/cps/en/natohq/176155.htm

7 https://www.iea.org/commentaries/the-coronavirus-crisis-reminds-us-that-electricity-is-more-indispensable-than-ever

8 https://www.entsoe.eu/news/2021/01/15/system-separation-in-the-continental-europe-synchronous-area-on-8-january-2021-update/

9 https://www.agerpres.ro/english/2021/01/08/commission-of-european-experts-to-investigate-power-grid-incident-that-left-northwest-romania-without-electricity–640149

10 https://www.youtube.com/watch?v=i_QhVNMZIjI

11 http://lemontchampot.blogspot.com/2020/05/intermittence-et-charbon.html

12 http://lemontchampot.blogspot.com/2019/01/2019-la-fuite-en-avant.html

13 https://www.iea.org/reports/projected-costs-of-generating-electricity-2020

14 https://www.senat.fr/rap/r06-357-2/r06-357-212.html

15 https://actualite.lachainemeteo.com/actualite-meteo/2019-02-07/le-vortex-polaire-responsable-des-vagues-de-froid-50010

16 https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjhutjR-qntAhUEHxoKHTcnDZ44ChAWMAZ6BAgKEAI&url=http%3A%2F%2Ftemis.documentation.developpement-durable.gouv.fr%2Fdocs%2FTemis%2F0061%2FTemis-0061464%2F17345_2.pdf&usg=AOvVaw3LGsSUnVGE7J9u1T-yMUQm (p60)

17 https://www.asn.fr/L-ASN/L-ASN-en-region/Grand-Est/Installations-nucleaires/Centrale-nucleaire-de-Fessenheim

Image par Ralph Lindner de Pixabay

Haute-Marne : le photovoltaïque a le vent en poupe à défaut... de soleil

  "... Dans ce contexte, les développeurs se tournent vers la solution la plus rentable : les parcs au sol sur de grandes surfaces, dont le coût est estimé entre 45 €, dans le sud du pays, et 65 €, dans le nord, le mégawattheure. [...] Chez Enercoop, on assure « ne prospecter activement que sur les zones déjà artificialisées délaissées ». L’essentiel est de « démontrer par la pratique » qu’il est possible de faire « des centrales photovoltaïques citoyennes à l’échelle d’un village, sans financement public ». Mais les coopérateurs restent conscients que, « même en incluant les friches et les zones délaissées, on n’atteindra pas les objectifs de la PPE ».
   C’est donc bien vers les zones agricoles que se tournent désormais les développeurs. Pourtant, nous l’expliquions précédemment, un décret de 2009 proscrivait l’implantation de parcs photovoltaïque sur des terrains à destination agricole..
."
Source : L’énergie solaire se développe au détriment des sols naturels

  Preuve est faite, s'il en était besoin, que cette filière solaire est organisée, tout comme toutes les EnR contenues dans la Transition écologique, éolien, méthaniseurs, etc., avant tout, pour être une économie défiscalisée et spéculative bien plus qu'une filière énergétique. Rien d'étonnant à cela, toutes ces filières ne tiennent leur formidable rentabilité, pour les porteurs de projet et rien qu'eux, que grâce à la faramineuse aide de l'Etat avec l'argent du consommateur/contribuable.
  Lisons à ce sujet ce qu’en disait Jean-Marc Jancovici, lors de son audition à la Commission d’enquête
sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables,sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique.

  "... Dans l’ensemble des EnR en France, le solaire est raisonnablement marginal, ce qui ne l’empêche pas de capter pour son développement quasiment la moitié du soutien via les impôts de nos concitoyens. Si l’objectif est la décarbonation, on peut légitimement se demander s’il est pertinent d’y consacrer notre argent en premier.
   M. le président Julien Aubert. Le soutien public du solaire est supérieur à celui de l’éolien ?
   M. Jean-Marc Jancovici. Oui ! C’est également le cas en Allemagne.
  [...] Jusqu’à présent, le réseau s’est développé avec des sources pilotables : le train de 8 heures part à 8 heures et pas quand il y a du vent ; la commission se réunit à 16 h 15 et pas quand il y a du vent ; vos enfants font leurs devoirs en hiver quand ils ont leurs devoirs à faire, et pas quand il y a du vent ; votre réfrigérateur fonctionne pleinement au mois d’août, et pas quand il y a du vent ; vous faites votre lessive le week-end et pas quand il y a du vent. C’est ainsi qu’a été conçu le système électrique. Un peu d’effacement est possible, mais pas tant que cela et une partie résulte du déclenchement de groupes électrogènes par des industriels.
   Si vous voulez remplacer une source pilotable par de l’éolien ou du solaire en conservant la même organisation du système, sans mettre plus de coût à la charge des consommateurs d’électricité ou de ceux qui font fonctionner le réseau, c’est-à-dire, sans demander au consommateur d’investir dans des batteries et au réseau d’investir dans des moyens de stockage, vous devez, soit demander aux fournisseurs d’électricité non pilotable de prendre en charge des moyens de stockage pour rendre l’électricité de nouveau pilotable, mais dans ces conditions, il est évident qu’on ne peut produire à 60 euros le mégawattheure mais trois à six fois plus cher, soit vous gardez vos capacités pilotages en back-up, exactement comme cela s’est produit en Allemagne. Mon pari, c’est que si on développe l’éolien et le solaire en France, on ne baissera pas significativement la puissance nucléaire ; on baissera le facteur de charge mais pas la puissance installée. Il convient de comparer le coût complet de l’éolien et du solaire au coût du combustible évité dans le moyen pilotable dont vous ne vous servez pas quand il y a du vent ou du soleil.
  [...] Un autre graphique montre la production éolienne et solaire en Allemagne. Plus la production horaire éolienne et solaire est importante et plus le prix de marché est bas. D’ailleurs, Alpiq [

Alpiq de nouveau dans les chiffres rouges] l’a appris à ses dépens en Suisse.
  [...] Il y a un peu de foisonnement entre éolien et solaire, parce qu’il y a plutôt plus d’éolien l’hiver et plutôt plus de solaire l’été, mais on retrouve tout de même cette tendance lourde. Il va de même pour le solaire : il est minuit partout en Europe à peu près au même moment, et la production solaire arrive chez tout le monde à peu près même moment.
  [...] Par conséquent, à mon sens, développer en France les énergies renouvelables électriques ne présente pas le moindre intérêt sur aucun plan. Les seules bonnes énergies renouvelables dont on doit s’occuper en France, ce sont les énergies renouvelables chaleur. Les énergies renouvelables électriques n’ont strictement aucun intérêt, sauf pour les antinucléaires. C’est la raison historique pour laquelle on s’y est attaqué. Au moment du Grenelle Environnement, Nicolas Sarkozy ayant dit qu’on ne toucherait pas au nucléaire, les antinucléaires ont menacé de revenir par la fenêtre, on a accepté de parler tout de même d’énergies renouvelables. On a ainsi décidé de développer l’éolien et le solaire, c’est-à-dire les énergies concurrentes du nucléaire, auxquelles on a consacré des milliards d’euros. À l’époque, cette structuration n’a pas été décidée pour une raison d’ordre climatique mais sous l’influence des antinucléaires...
"

   Dans ces conditions, on peut s'étonner que les élus des conseils municipaux respectifs de Bettancourt-la-Ferrée et Saint-Blin, comme bien d'autres, par exemple, Gilley, Neuilly-sur-Suize,Saints-Geosmes..., fassent le choix de collaborer à ces projets inutiles et coûteux pour la collectivité.

Grand Est : bilan électrique 2019
  • Une consommation finale en baisse de 1.7%,
  • La production du solaire : 0.5% de la production totale à 0.6 Twh, soit une baisse de... -40.4%. Et pourtant, malgré cette baisse phénoménale, la puissance installée nominale a augmenté, +10%, plus que l'éolien, +6.5%, c'est tout dire! ; 
  • Le facteur de charge est de 12.7% . En rapportant la production effective des ZI solaires à leur capacité maximale installée, on obtient un « facteur de charge » annuel moyen. Considérant qu'une année représente 8 760 heures, le solaire produit donc ... 1 103 heures/an et, exclusivement les journées ensoleillées. Et, tous les Hauts-Marnais le savent, la région Champagne-Ardenne est l'un des territoires les + ensoleillés de France, non? À titre de comparaison, le système nucléaire français a un FC compris entre 70 et 80%.
"Quand on est plus de quatre on est une bande de cons. A fortiori, moins de deux, c'est l'idéal."
Pierre Desproges

jhm 2021 01 27


 
 
 
 
 
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L’ AGONIE D’ UNE ARMÉE, METZ – I870, JOURNAL DE GUERRE D’UN PORTE-ÉTENDARD DE L’ ARMÉE DU RHIN, ÉPISODE XXX

  Précédemment     Non, Bazaine n'agit point ainsi; il avait hâte d'en finir, et, le premier de tous, le 29 octobre, a-t-on affirmé,...