100% d’électricité renouvelable en 2050 ?

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Par Michel Gay
16/04/2017

Non, les énergies renouvelables ne permettront pas de satisfaire les besoins de la population dans les années à venir.

L’ADEME a tenté de définir en 2016 un scénario permettant de produire 100% d’électricité renouvelable en France en 2050. Ces sources d’énergie ont, pour la plupart (éolien, solaire, marée), une production variable, voire intermittente : elles produisent selon les caprices de la nature.

De plus, le coût du développement des énergies renouvelables intermittentes (EnRI) est exorbitant pour la collectivité, principalement à cause des coûts de production auquel il faut ajouter ceux de la gestion de l’intermittence, notamment pour l’éolien et le solaire.

Si la quantité d’énergie renouvelable produite sur une longue période (une année par exemple) peut être égale à la consommation moyenne, la question cruciale est : « la puissance fournie est-elle disponible en permanence pour équilibrer le réseau de distribution ? ». Il est en effet nécessaire de produire quasi-instantanément une quantité d’énergie suffisante pour équilibrer les besoins en temps réel, sous peine d’effondrer le réseau qui ne peut alors plus alimenter la population.

La transition énergétique concerne l’ensemble des besoins. L’analyse du seul mix électrique est donc insuffisante pour comprendre la transition énergétique puisque l’électricité ne représente que 25% de la consommation totale d’énergie finale en France1.

Cependant, dans l’avenir, une partie de la consommation carbonée sera reportée sur l’électricité si la production associée n’émet pas de gaz à effet de serre (GES). Cette orientation concernera une partie des transports (véhicules électriques), des besoins en chaleur (pompes à chaleur), et une évolution des processus industriels.

Réduire la consommation d’énergie totale ne se traduit donc pas nécessairement par une diminution de la production d’électricité. Ce sera même probablement le contraire…

Les installations existantes
Les installations actuelles de production d’électricité en France émettent peu de GES (moins de 50 gCO2/kWh) car elles reposent essentiellement sur le nucléaire et l’hydraulique. Seuls les pays disposant de ressources hydrauliques abondantes et moins peuplés font mieux que la France.

La pollution est également très faible pour ces modes de production. Quant aux déchets nucléaires, des solutions éprouvées existent.

Le coût actuel de l’électricité en France est compétitif (le second moins cher d’Europe), le solde des échanges avec l’étranger est positif de 2 milliards d’euros, et la sécurité d’approvisionnement est remarquable. Pourquoi vouloir détruire ce qui donne satisfaction ?

Les ressources naturelles nécessaires sont aujourd’hui proches de la saturation pour l’hydraulique. Pour l’uranium, il sera nécessaire de passer aux réacteurs à neutrons rapides (génération IV) qui permettront de disposer de combustibles pour de nombreux millénaires.

Le scénario ADEME 100% d’électricité renouvelable
Le scénario ADEME 100% renouvelable présente notamment les inconvénients suivants :
le coût exorbitant,l’occupation d’immenses surfaces, et, surtout, l’intermittence de productions fatales qui pose des problèmes non résolus de stockage et de fiabilité du réseau.

La figure 1 donne une vue rapide de la production envisagée par l’ADEME (à gauche) qui est comparée avec la production actuelle (à droite).


Cette figure montre que le scénario ADEME s’appuie surtout sur des énergies non pilotables (intermittentes et fatales) par opposition à la situation actuelle.

Elle montre aussi que la future production totale d’électricité est plus faible que la production actuelle, alors que, en 2050, la population sera plus nombreuse de près de 15%, et qu’il devrait y avoir 30% de logements de plus (prévisions INSEE).

Par ailleurs, il faudra aussi satisfaire le nouveau besoin de développement des véhicules électriques (30 TWh pour les 10 millions de véhicules prévus par l’ADEME) et accompagner les évolutions de l’économie vers la numérisation (multiplication des serveurs) et la robotisation de l’industrie.

Une diminution de consommation totale ne peut donc se concevoir sans un rationnement pour les Français (via une forte majoration des prix), qui serait économiquement destructrice et socialement inacceptable. Elle ne pourra pas être obtenue une amélioration significative de l’efficacité énergétique, l’essentiel des gains ayant déjà été accompli dans ce domaine.

Rendements de stockage/déstockage
Les chiffres concernant les rendements utilisés dans les simulations de l’ADEME manquent de réalisme. Le rendement énergétique du stockage inter-saisonnier « power to gaz to power » (électricité) est supposé être de 33%. Une valeur de 20% (voire moins…) correspondrait mieux à la réalité2.

Imports/exports
Plus grave est la nécessité d’importer 56 TWh pour satisfaire 13% des besoins. Ces importations seraient compensées par des exportations de même ampleur faites à d’autres périodes. Mais il est aussi admis que plus de la moitié des importations ne correspondent pas à de l’électricité renouvelable, mais à une production… de centrales thermiques installées à l’étranger. Cette façon de se décharger de ce problème sur les pays voisins est surprenante. Elle montre surtout qu’il est impossible de produire une électricité 100% EnRI pour alimenter le réseau français.

De plus, les coûts d’exportation sont supposés compenser les coûts d’importation. Il s’agit là d’une erreur (un mensonge ?) puisque les prix à la frontière ne seront pas les mêmes en période de pénurie (pas de vent et de soleil sur toute l’Europe3) et les périodes de surplus (vent et soleil généralisés). La balance commerciale concernant l’électricité du pays serait déficitaire alors qu’elle est aujourd’hui positive de 2 milliards d’euros…

Enfin, peut-on considérer comme fiable un mix énergétique fondé sur 13% d’importations qui seraient réalisées pendant les périodes de forte tension sur le marché européen ? En effet, le pic d’importations important (16 GW) aurait lieu lors des périodes de nuits froides et vents faibles. Cette situation peut concerner une grande partie de l’Europe en même temps compte tenu des corrélations observées entre les régimes de vents.

Équilibre instantané du réseau

L’intermittence et l’équilibre instantané de la fréquence et de la puissance du réseau sont deux problèmes majeurs non traités dans l’étude de l’ADEME. La production fatale des énergies renouvelables et la consommation n’ont évidemment aucune raison d’être identiques.

Lorsque l’électricité est produite par des centrales thermiques, les variations instantanées des besoins sont absorbées grâce à l’inertie des machines tournantes puis, ensuite, par la mise en œuvre d’autres procédés. Cette inertie n’existe pas pour le photovoltaïque, et elle est limitée pour l’éolien.

Ces fluctuations rapides peuvent affecter gravement la sécurité d’alimentation si la part d’énergies non pilotables est trop grande. Dans l’hypothèse où les EnRI couvriraient 40% de la production d’électricité en l’Europe, EDF-R&D a conclu à la grande fragilité de l’équilibre qui en résulterait pour le réseau surtout en périodes de faible demande. Il faudrait alors limiter volontairement la part des EnRI (même si la météo leur était favorable) pour garder une proportion suffisante de sources pilotables (hydrauliques ou thermiques) afin de stabiliser le système.

L’ADEME valide la décroissance ?
Dans son étude, l’ADEME a, de fait, accepté la décroissance en limitant la consommation d’électricité et en faisant des hypothèses très optimistes sur les coûts.

De plus, la stabilité du réseau n’est pas garantie parce que les fluctuations rapides de consommation, et surtout de productions fatales, sont ignorées.

En dépit des progrès d’efficacité et de sobriété qui seront réalisés, une baisse de la consommation d’électricité à l’horizon 2050 ne pourrait que correspondre à un choc socio-économique majeur. Elle interdirait aussi un transfert vers une électricité propre des consommations d‘énergie fossile dans le bâtiment et les transports. Il sera aussi nécessaire de faire appel à des installations complémentaires à combustibles fossiles en soutien (charbon, pétrole ou gaz) ce qui conduira à des émissions supplémentaires de GES4.

L’étude précitée de l’ADEME, agence publique certainement soucieuse de l’intérêt général, a été utilisée de façon idéologique dans le cadre de la transition énergétique. Le but est toujours de faire croire que les énergies renouvelables pourront succéder aux énergies fossiles et fissiles. L’usage médiatisé de ce scénario tout EnR a eu le fâcheux effet d’obscurcir un peu plus le débat politique sur les enjeux énergétiques de long terme.

Les idées simplistes et les simplifications outrancières propagées par les médias et les réseaux sociaux deviennent rapidement des vérités acceptées, alors qu’elles demandent de longs raisonnements pour être contredites.

Les Français ne doivent pas se laisser fasciner par le mirage des énergies renouvelables fatales. L’énergie nucléaire reste la solution centrale pour une production abondante d’électricité sûre et fiable. La France a la chance de disposer du savoir-faire permettant de maîtriser les risques de cette technologie et sa perte serait certainement un risque pour la sûreté.

Il est essentiel de conserver cet acquis en définissant un calendrier d’évolution du parc actuel pour prolonger sa durée de vie, et un échéancier de son remplacement progressif par des réacteurs de génération III puis IV.

1 Cet article est un extrait modifié du texte « Réussir la transition énergétique » disponible sur http://www.sauvonsleclimat.org/reussir-la-transition-energetique/35-fparticles/1866-reussir-la-transition-energetique.html .
2Voir la publication : Pertes énergétiques du schéma « Power to gas + Gas to power » par Georges Sapy, http://www.sauvonsleclimat.org.
3 Le concept de « foisonnement » selon lequel « il y a toujours du vent quelque part » est faux. L’étude de H. Flocard et JP Perves (http://www.sauvonsleclimat.org/etudeshtml/intermittence-et-foisonnement/35-fparticles/1161-intermittence-et-foisonnement.html) montre que des anticyclones couvrent souvent toute l’Europe dont tous les États se trouvent en même temps en manque de vent.
4 En l’Allemagne, les émissions de CO2 par habitant sont deux fois supérieures aux émissions françaises. 


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