DOCUMENTS CONCERNANT LES RELATIONS GERMANO-POLONAISES ET LE DÉBUT DES HOSTILITÉS ENTRE LA GRANDE-BRETAGNE ET L'ALLEMAGNE LE 3 SEPTEMBRE 1939, ÉPISODE XVI

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  Depuis la séance de jeudi dernier, il s'est produit peu de changement dans les aspects principaux de la situation. Ainsi que je le disais alors, la catastrophe n'est pas encore sur nous, mais je ne peux pas dire que le danger s'en soit encore éloigné en aucune manière. Dans ces conditions, il aurait peut-être pu sembler inutile de demander à la Chambre de se réunir à nouveau avant la date fixée. Mais, en des temps comme ceux-ci, nous avons pensé qu'il était bon que la Chambre fût tenue, autant que possible, constamment informée de tous les évènements de la situation, à mesure qu'ils se produisaient. Ce principe continuera de nous guider pour toutes nouvelles réunions de la Chambre.
  Il est une observation que je voudrais faire en cet instant au sujet de la presse. Je pense qu'il est nécessaire, une fois de plus, de demander instamment à la presse de faire preuve de la plus grande réserve, en un moment où il est tout à fait possible que quelques paroles inconsidérées, paraissant dans un journal, même dénué, peut-être, de toute importance particulière, puissent ruiner tous les efforts que déploie actuellement le Gouvernement pour obtenir une solution satisfaisante. J'ai appris qu'un compte rendu soit-disant textuel de la communication adressée par le Gouvernement de Sa Majesté à Herr Hitler a été télégraphié hier soir ou ce matin à l'étranger. Ce compte rendu n'a pu être, de bout en bout, que pure invention. Il est très regrettable, selon moi, que des journalistes, dans l'exercice de leur profession, prennent sur eux de pareilles responsabilités, qui ne les affectent pas eux tout seuls, mais peut-être les habitants de tous les pays du monde.
  J'espère qu'il ne sera pas nécessaire, cet après-midi, d'avoir un débat prolongé. Je tenterai de fournir moi-même, à l'Assemblée, un compte rendu des évènements de ces quelques derniers jours. Mais, bien entendu, il n'y a pas eu de changement dans la politique du Gouvernement et, par suite, il ne semble pas qu'une longue discussion soit nécessaire. Le lendemain du jour où la Chambre s'est ajournée, c'est-à-dire vendredi, nous avons été informés, dans le courant de la matinée, que le Chancelier du Reich avait invité l'Ambassadeur britannique à Berlin à lui rendre visite, le jour même, à une heure et demie, et au cours de l'après-midi nous fûmes avisés, par téléphone, que Sir Nevile Henderson avait eu avec Herr Hitler un entretien d'environ une heure et demie, que Sir Nevile nous envoyait un compte rendu de cet entretien, et que Herr Hitler lui avait suggéré qu'il y aurait avantage à ce qu'il se rendit, le lendemain matin, par avion en Grande-Bretagne, afin de nous fournir un compte rendu verbal et plus étendu de la conversation.
  Le rapport de notre Ambassadeur sur cet entretien nous est parvenu le même soir, vendredi, mais il n'a été entièrement déchiffré qu'après minuit. Je ne l'ai lu, moi-même, en entier, que le lendemain matin, samedi. Sir Nevile Henderson est arrivé de Berlin par avion samedi, un peu avant le déjeuner, et il nous a donné à entendre qu'à Berlin on ne considérait pas comme nécessaire qu'il y revint le même jour, le Gouvernement allemand étant très désireux que nous examinions attentivement la communication que Sir Nevile avait à nous faire. En conséquence, nous avons consacré toute la journée du samedi et la matinée du dimanche à un examen très attentif, très large et très approfondi du document que nous apportait l'Ambassadeur britannique, ainsi que de la réponse que nous comptions y faire, et notre réponse définitive a été emportée, hier après-midi, par l'Ambassadeur lorsqu'il est retourné à Berlin par la voie des airs ; elle a été par lui-même remise au Chancelier le soir même.
  Je serais heureux de pouvoir fournir à la Chambre les informations les plus complètes sur le texte des communications échangées avec Herr Hitler. Mais les membres de l'Assemblée comprendront que, dans une situation d'une si extrême délicatesse, et alors que des problèmes si graves font l'objet de discussions périlleuses, il ne serait pas dans l'intérêt public de livrer à la publicité ces communications confidentielles, ou de formuler dès à présent, à leur sujet, des commentaires détaillés.
  Je suis en mesure, toutefois, d'indiquer en termes très généraux quelques-uns des principaux points auxquels elles ont trait. Herr Hitler s'est appliqué à persuader le Gouvernement de Sa Majesté de son désir d'une entente anglo-allemande d'un caractère complet et durable. D'autre part, il n'a pas laissé subsister de doute dans l'esprit du Gouvernement de Sa Majesté, quant à l'urgence, que selon lui il y aurait à régler la question germano-polonaise. De son côté, le Gouvernement de Sa Majesté a fréquemment exprimé le désir qu'il avait de voir se réaliser une telle entente anglo-allemande et, aussitôt que les circonstances le permettront, il accueillerait naturellement avec empressement l'occasion de discuter avec l'Allemagne les diverses questions dont le règlement devrait figurer dans tout accord permanent.
  Mais tout dépend de la manière dont pourront être réglés les différends immédiats entre l'Allemagne et la Pologne et de la nature des propositions qui pourront être faites en vue d'un règlement. Nous avons fait comprendre nettement que nos obligations envers la Pologne, formellement définies par l'accord signé le vendredi 25 août, seront remplies.
  La Chambre se rappelle sans doute que le Gouvernement a plus d'une fois déclaré publiquement, que le différend germano-polonais était susceptible de recevoir une solution pacifique. Cependant la première condition préalable à une discussion utile, est de diminuer la tension engendrée par les incidents de frontière et les histoires d'incidents des deux côtés de celle-ci. Le Gouvernement de Sa Majesté espère donc que les deux gouvernements feront de leurs mieux pour empêcher le retour de ces incidents, la propagation de bruits exagérés, et toutes les manœuvres qui ont pour résultat de dangereusement enflammer l'opinion. Le Gouvernement de Sa Majesté espère que, si un règlement équitable du différend polono-allemand peut être obtenu par une libre négociation, on pourrait ensuite aboutir à un accord plus vaste pour le plus grand bien de l'Europe et du reste du monde.
  En ce moment, nous attendons la réponse de Herr Hitler à notre message. Du caractère de cette réponse dépend la possibilité d'examiner plus à loisir la situation et de laisser opérer les forces nombreuses qui travaillent pour la paix. Une semblable période d'attente est souvent fort pénible. Mais rien, je crois, n'est plus remarquable que le calme qui caractérise l'attitude de tout le peuple britannique. Il me semble qu'il y a deux explications à ce calme. La première, c'est que nul d'entre nous ne doute de notre devoir. Il n'y a aucune divergence d'opinion entre nous, il n'y a aucun fléchissement de notre résolution. La seconde explication est la conviction que nous avons d'être prêts pour toute éventualité.
  La Chambre souhaite sans doute que je lui donne quelques détails sur nos préparatifs. Il y a bien évidemment des choses qu'il m'est difficile de dire, car elles sortiraient du cercle de cette assemblée.  Ce que je vais dire doit donc avoir un caractère général.
  Certaines des mesures que nous avons dû prendre, telles que celles qui se rapportent à la réquisition, doivent fatalement infliger des désagréments au public. J'ai confiance que la population de notre pays se rend généralement compte que tout doit aujourd'hui céder aux nécessités nationales, et que, par la suite, elle se soumettra de bon cœur et même avec empressement, à tous les ennuis et toutes les privations qu'elle aurait à supporter. En tout cas, nous n'avons pas été obligés de commencer par la distribution de cartes de rationnement. Pour parler tout d'abord de la défense active de notre pays, les forces aériennes ont été placées en position d'alerte. Les défenses anti-aériennes l'ont été également et sont confiées à des unités territoriales de l'artillerie anti-aérienne.

Le Messerschmitt Bf 109, le chasseur le plus répandu de la Luftwaffe, Deutsches Museum de Munich. Crédit photo : Benutzer Softeis


Le bombardier Ju 87B Stuka ou JU88, vers 1940 ; il pouvait transporter jusqu'à...3 600 kilos de bombes, une charge inimaginable pour l'époque ; des petites hélices noires installées au niveau de l'emplanture de chaque jambe de train actionnaient une sirène, dit " Trompette de Jéricho ", qui produisait un hurlement effrayant en piqué d'attaque

 Le Supermarine Spitfire [ "crache feu "]  est l'un des chasseurs monoplaces les plus utilisés par la Royal Air Force, RAF, pendant la Seconde Guerre mondiale. Crédit photo : Franck Cabrol


L' Avro 683 Lancaster, populairement appelé Lanc, est un bombardier quadrimoteur ; mis en service en 1942, il a été rendu célèbre à travers les films évoquant les bombardements de nuit sur l'Allemagne nazie. Crédit photo : Kogo

  Les escadrilles régulières de l'Armée de l'Air ont été mises sur le pied de guerre par l'adjonction des réservistes nécessaires, y compris une portion de la Réserve des Volontaires [Army Reserve ; les soldats de cette armée de réserve, environ 35.000 hommes, servent en opération au même titre que les troupes régulières, soit dans des unités de réserve, soit individuellement rattachés aux unités régulières ; Elle est successivement connue sous les noms de Territorial Force, TF, de 1908 à 1921, de Territorial Army, TA, de 1921 à 1967, de Territorial and Army Volunteers Reserve, TAVR, de 1967 à 1979, et à nouveau, de Territorial Army (TA) de 1979 à 2014. ; source]. Les escadrilles de chasse et de reconnaissance de l'Armée de l'Air auxiliaire ont été mobilisées et sont en état d'alerte. Les barrages des ballons sont en position. Les observateurs sont à leur poste. En un mot, notre système d'alerte tout entier peut être immédiatement mis en œuvre, à toute heure du jour et de la nuit. Les défenses côtières sont au point, et entre les mains des Unités Territoriales de la défense côtière. Des dispositions ont été prises aussi pour la protection, par les compagnies de la Défense Nationale, la Milice et les Unités Territoriales, d'un très grand nombre de points importants, dont la sécurité est essentielle à l'effort de guerre national.
  Quant à la Marine, la Chambre se rappellera qu'en juillet dernier, il a été annoncé que la Flotte de Réserve serait appelée au commencement d'août, pour participer à des exercices combinés de la Flotte et de l'Armée de l'Air. Dans ce but, un certain nombre de réservistes ont été appelés, en vertu des dispositions de la loi sur les Réserves et les Forces auxiliaires. En conséquence, la Marine s'est trouvé dans un état avancé de préparation lorsque la crise actuelle s'est produite et la totalité de nos Flottes de guerre se trouve prête, à tout moment, à prendre des dispositions requises en temps de guerre. Un certain nombre d'autres mesures ont été prises au cours de la semaine dernière, pour activer encore nos préparatifs navals. Il est inutile d'entrer dans les détails ; mais les officiers de marine chargés des divers ports de commerce ont été désignés et ont pris possession de leur commandement. Dans les ports et les bases militaires, les préparatifs ont été poussés très loin ["... Maintenant que la victoire allemande en France était presque assurée le renseignement britannique prédisait que l'Allemagne envahirait l'Angleterre aussitôt après (...) Les Anglais s'attendaient à ce que l'invasion commence par une attaque titanesque de l'aviation allemande, potentiellement un " coup d’assommoir — ou, selon l'expression de Churchill, un " banquet " aérien — qui verrait plus de 14 000 appareils noircir le ciel. Les stratèges britanniques estimaient que la Luftwaffe avait quatre fois plus d'avions que la RAF... " ; Erik Larson, La splendeur et l’infamie, Le Livre de poche, 2022, pp. 81-82].
  Comme le savent les honorables membres de la Chambre, l'Amirauté a pris sous son contrôle la marine de commerce en vertu des pouvoirs conférés par la loi sur les Pouvoirs spéciaux en temps de crise ; et des instructions écrites ont été déjà adressées aux navires marchands sur différentes routes. Des mouvements considérables ont été déjà effectués par les unités de l'Armée de Terre, tant chez nous qu'au-delà des mers. Ces mouvements font partie des plans destinés à assurer, pour arriver à un plus haut degré de préparation, les transports d'un certain nombre d'unités à leur emplacement de guerre s'effectuent avant l'ouverture des hostilités. L'organisation régionale de la Défense civile a été placée sur le pied de guerre. Des commissaires régionaux, ainsi que leur personnel, occupent déjà leurs postes de guerre. Ce sont les autorités locales qui ont principalement la charge d'organiser les mesures de défense civile. Des instructions ont été envoyées aux autorités locales pour compléter toutes les mesures préliminaires, de façon à pouvoir agir immédiatement.
  Les plans pour l'évacuation des enfants des écoles, des mères ayant de jeunes enfants, des femmes enceintes et des aveugles, hors de certaines zones congestionnées, plans qui ont demandé une somme immense d'attention minutieuse, sont prêts. Ceux qui doivent exécuter ces plans ont été rappelés. Dans les zones d'évacuation, des instituteurs ont été maintenus depuis samedi à portée des centres de rassemblement scolaires ; et une répétition des mesures à prendre pour l'évacuation des enfants des écoles a été faite hier. Il y a près d'une semaine que les autorités locales ont été averties de prendre des dispositions pour l'extinction de l' éclairage public et aussi pour préparer les moyens pour faciliter la circulation quand l'éclairage aura été éteint.
  Des mesures ont été complétées pour l'appel très rapide du personnel de la Défense passive et les officiers de service se trouvent en permanence aux points essentiels. Je dirai enfin que les mesures préliminaires nécessaires ont été prises pour préparer les hôpitaux en vue de l'admission des blessés. J'ai donné de nombreux exemples des dispositions qui ont été décidées et des mesures qui ont déjà été mises à exécution. Un contrôle complet et continuel est exercé sur tout l'ensemble de nos préparatifs de défense, et des dispositions préliminaires ont été prises pour assurer que de nouvelles mesures de précaution, si on les juge nécessaire, soient mises en pratique aussi rapidement que possible au moment opportun.
  Les exemples que j'ai donnés à la Chambre ne sont que de simples illustrations de l'état général de préparation que la Chambre et le pays connaissent. Je pense qu'ils justifient et qu'ils expliquent en partie l'absence générale de crainte ou même de toute émotion violente. On dit souvent que le peuple britannique est lent à se décider, mais lorsque sa décision est établie, il ne lâche pas prise facilement. La question de la paix et de la guerre est encore en suspens, et nous espérons encore, et nous travaillerons encore pour la paix. Mais nous ne réduirons pas d'un pouce notre résolution de rester fermement attachés à la ligne que nous nous sommes fixés.

N° 78

Réponse du Chancelier allemand à la commission du Gouvernement de Sa Majesté en date du 28 août I939.

  Cette réponse a été remise de la main à la main par Herr Hitler à Sir N. Henderson, au cours de la soirée du 29 août I939.
  L'Ambassadeur de Grande-Bretagne à Berlin a soumis au Gouvernement britannique des propositions que je me suis cru tenu de faire pour :
  I° exprimer une fois de plus la volonté du Gouvernement du Reich de réaliser une sincère entente, coopération et amitié anglo-allemande ;
  2° ne laisser aucun doute quant au fait que cette entente ne pouvait être achetée au prix d'une renonciation à des intérêts vitaux allemands, encore moins au prix de l'abandon de revendications fondées autant sur la commune justice humaine que sur la dignité et l'honneur national de notre peuple.
  Le Gouvernement allemand a pris note avec satisfaction, d'après la réponse du Gouvernement britannique et les explications orales données par l'Ambassadeur de Grande-Bretagne, que le Gouvernement britannique pour sa part, est également prêt à améliorer les relations entre l'Allemagne et l'Angleterre, et à les développer et les étendre dans le sens de la proposition allemande. À cet égard, le Gouvernement britannique est de même convaincu que la suppression de la tension germano-polonaise, qui est devenue insupportable, est la condition nécessaire préalable à la réalisation de cette espérance.
  Depuis l'automne de l'an passé, et la dernière fois en mars I939, il a été soumis au Gouvernement polonais des propositions à la fois orales et écrites, qui, si l'on considère l'amitié existant entre l'Allemagne et la Pologne, offraient la possibilité d'une solution des questions en litige, acceptable aux deux parties. Le Gouvernement britannique sait que le Gouvernement polonais a jugé bon, en mars dernier, de rejeter finalement ces propositions. En même temps, il a pris prétexte ou occasion de cette circonstance pour prendre des mesures militaires qui n'ont cessé depuis de s'intensifier. Dès le milieu du mois dernier, la Pologne était, en fait, en état de mobilisation. Cela s'est accompagné de nombreux empiètements sur la Ville Libre de Dantzig, à l’instigation des autorités polonaises ; des exigences menaçantes, ayant un caractère d'ultimatum, et n'en différant qu'en degré, ont été manifestés à cette ville. Une fermeture des frontières, d'abord sous la forme d'une politique douanière, mais étendue plus tard dans un sens militaire, affectant aussi la circulation et les communications, a été imposée en vue de provoquer l'épuisement politique et la destruction économique de cette communauté allemande.
  À cela se sont ajoutés des mauvais traitements de nature barbare qui crient vers le ciel, et d'autres procédés de persécution envers l'important groupe national allemand en Pologne, qui sont mêmes allés jusqu'au meurtre de nombreux résidents allemands ou à leur évacuation de force dans les conditions les plus cruelles. Cet état de choses est intolérable pour une grande puissance. Il a aujourd'hui obligé l'Allemagne, après être restée témoin passif pendant de nombreux mois, de prendre à son tour les mesures nécessaires pour la sauvegarde d'intérêts allemands justifiés. Et, en vérité, le Gouvernement allemand ne peut qu'assurer le Gouvernement britannique de la façon la plus solennelle qu'on en est arrivé aujourd'hui à une situation qui ne peut plus être acceptée ou considérée avec indifférence.
  Les exigences du Gouvernement allemand sont conformes à cette révision du Traité de Versailles, toujours reconnu comme nécessaire en ce qui concerne ce territoire, c'est-à-dire le retour de Dantzig et du Corridor en Allemagne, la sauvegarde du groupe national allemand dans les territoires restant en Pologne.
  Le Gouvernement allemand note avec satisfaction que le Gouvernement britannique, lui aussi, est en principe convaincu qu'il faut trouver quelque solution à la nouvelle situation qui s'est créée. Il se sent justifié, en outre, à tenir pour acquis que le Gouvernement britannique, lui non plus, ne peut avoir de doute qu'on en arrive maintenant à un état des choses pour la suppression duquel il ne reste plus des jours, encore moins des semaines, mais peut-être seulement des heures. Car dans l'état de désordre qui règne en Pologne, il faut à tout moment compter avec la possibilité que se produisent des incidents qu'il pourrait être impossible à l'Allemagne à tolérer.
  Si le Gouvernement britannique peut encore croire qu'il est possible de résoudre ces graves différends par le moyen de négociations directes, le Gouvernement allemand ne peut malheureusement plus partager ce sentiment comme s'il allait de soi. Car il a déjà essayé de se lancer dans des négociations pacifiques de ce genre, mais, au lieu de recevoir un appui quelconque du Gouvernement polonais, il a essuyé une rebuffade sous la forme de la brusque introduction de mesures de caractère militaire, tendant à créer la situation à laquelle il est fait allusion plus haut.
  Le Gouvernement britannique attache de l'importance à deux considérations :
  I° que le danger actuel d'une explosion imminente soit éliminé aussi promptement que possible par négociation directe ; et
  2° que l'existence de l' État polonais dans la forme sous laquelle il continuerait alors à exister, fût sauvegardée de façon adéquate dans le domaine économique et politique, par le moyen de garanties internationales.
  À ce sujet, le Gouvernement allemand fait la déclaration suivante :
  Bien que sceptique aux perspectives de succès, il est néanmoins prêt à accepter la proposition anglaise et à entrer en pourparlers directs. Il le fait, comme il a déjà souligné, uniquement par suite de l'impression faite sur lui par la déclaration écrite reçue du Gouvernement britannique, et indiquant que ce dernier, lui aussi, désire un pacte d'amitié conforme aux lignes générales indiquées à l'Ambassadeur de Grande-Bretagne. Le Gouvernement allemand désire, de cette façon, donner au Gouvernement britannique et à la nation britannique, une preuve de la sincérité des intentions qu'à l'Allemagne de contracter une amitié durable avec la Grande-Bretagne.
   Le Gouvernement du Reich se sent toutefois tenu de signaler au Gouvernement britannique que, dans le cas d'un remaniement territorial en Pologne, il ne serait plus à même de s'engager à donner des garanties ou à participer à des garanties sans qu'y fût associée l' U.R.S.S.
  Pour le reste, en faisant ces propositions, le Gouvernement allemand n'a jamais eu aucune intention de toucher aux intérêts vitaux de la Pologne ou de mettre en question l'existence d'un État polonais indépendant. Pourtant, le Gouvernement allemand, dans ces circonstances, consent à accepter l'offre des bons services du Gouvernement britannique pour obtenir l'envoi à Berlin d'un émissaire polonais avec les pleins pouvoirs. Il compte sur l'arrivée de celui-ci le mercredi 30 août I939. Le Gouvernement allemand établira immédiatement des propositions en vue d'une solution qu'il pourrait lui-même accepter, et, si possible, les mettra à la disposition du Gouvernement britannique avant l'arrivée du négociateur polonais.

Le Figaro*, mercredi 30 août I939, P. 3. Source  * " En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains. "

N° 79

Sir N. Henderson au Vicomte Halifax, reçu à 9 h.... I5 du soir, Berlin le 29 août I939

Télégramme

  Herr Hitler m'a remis la réponse allemande ce soir à 7 h. I5. La traduction du texte intégral suivra aussi rapidement que possible.
  2. En réponse aux deux propositions britanniques, à savoir les négociations directes germano-polonaises et une garantie internationale de tout arrangement, le Gouvernement allemand déclare :
  I° Qu'en dépit de son scepticisme quant à leur chance de succès, il accepte des négociations directes, poussé par le seul désir d'assurer une amitié durable avec la Grande-Bretagne, et :
  2° Qu' en cas d'une modification quelconque de territoire, le Gouvernement allemand ne peut ni assurer une garantie quelconque, ni y être partie, sans se consulter avec l'U.R.S.S.
  3° La note fait observer que les propositions allemandes n'ont jamais eu pour objet une atteinte quelconque aux intérêts polonais vitaux et déclare que le Gouvernement allemand accepte la médiation de la Grande-Bretagne, en vue de la visite à Berlin de quelque plénipotentiaire polonais. Le Gouvernement allemand, ajoute la note, compte sur l'arrivée d'un tel plénipotentiaire pour demain, mercredi 30 août.
  4° Je fis remarquer que cette phrase sonnait comme un ultimatum, mais après quelques propos véhéments, Herr Hitler et Herr von Ribbentrop m'assurèrent tous deux qu'elle n'avait d'autre intention que d'insister sur le caractère critique du moment, deux armées complètement mobilisées se trouvant face à face.
  5° Je dis que je transmettrai immédiatement cette suggestion au Gouvernement de Sa Majesté, et demandai si, dans le cas où un tel plénipotentiaire polonais se présenterait, nous pouvions assumer qu'il serait bien reçu et que les discussions seraient conduites sur un pied de complète égalité. " Évidemment ", répondit Herr Hitler.
  6° Les demandes allemandes sont définies comme une révision du Traité de Versailles ; en l'espèce, il s'agit du retour de Dantzig et du Corridor à l'Allemagne, et de garanties de sécurité pour la vie des minorités allemandes dans le reste de la Pologne ; la note conclut par la déclaration que le Gouvernement allemand élaborera immédiatement des propositions pour une solution acceptable, et qu'il informera si possible le Gouvernement britannique avant l'arrivée du plénipotentiaire polonais.

N° 80

Sir N. Henderson au Vicomte Halifax, reçu à I0 h. 25 du soir, Berlin 29 août I939

Télégramme

  L'entrevue de ce soir a eu un caractère orageux et Herr Hitler était bien moins raisonnable qu'hier. Des nouvelles de la presse du soir, annonçant que cinq autres allemands avaient été tués en Pologne, et l'annonce de la mobilisation polonaise l'avaient évidemment excité.
  2. Il continua à dire qu'il désirait l'amitié britannique plus que n'importe quoi au monde, mais qu'il ne pouvait lui sacrifier les intérêts vitaux de l'Allemagne et que le marché que le Gouvernement de Sa Majesté posait en une pareille matière était intolérable. Tous mes efforts pour corriger cette présentation intégralement fausse de l'affaire semblaient ne faire aucune impression sur lui.
  3. En réponse à son affirmation réitérée que des négociations directes avec la Pologne, bien qu'il les eût acceptées, seraient infailliblement vouées à l'échec, j'ai dit à Son Excellence que leur succès ou leur faillite dépendait de sa bonne volonté ou de son attitude contraire, et que le choix lui appartenait. Il était cependant, ajoutai-je, de mon devoir sacré, de ne lui laisser aucun doute sur le fait que toute tentative d'imposer sa volonté à la Pologne par la force, entrainerait inévitablement à un conflit direct avec nous.
  4. Il eût été inutile de parler d'une trêve, étant donné que cela ne peut dépendre que du fait de savoir si M. Beck ou quelque autre représentant polonais arrivera ou non à Berlin.

N° 81

Le Vicomte Halifax à Sir N. Henderson, Berlin ; Foreign Office, 30 août I939, 2 h. du matin

Télégramme

  Nous étudierons avec soin la réponse du Gouvernement allemand, mais il est évidemment déraisonnable d'assumer que nous puissions provoquer l'arrivée d'un représentant polonais à Berlin aujourd'hui, et le Gouvernement allemand ne doit pas s'y attendre.
  Il serait bon que vous fissiez savoir cela à qui de droit, par le canal approprié. Nous espérons que vous pourrez recevoir notre réponse cet après-midi.

N° 82

Sir N. Henderson au Vicomte Halifax, reçu à I h. de l'après-midi ; Berlin, le 30 août I939

Télégramme

  Votre message a été remis au Ministre des Affaires étrangères, ce matin à 4 heures. J'avais fait hier au soir des observations analogues à Herr Hitler, et je reçus pour réponse que l'on pouvait venir en avion de Varsovie à Berlin en une heure et demie.
  2. J'ai répété le message ce matin par téléphone au Secrétaire d'État, lequel m'a dit qu'il avait déjà été transmis à Herr Hitler. Il ajouta que quelque chose devait être fait aussi vite que possible.
  3. Si je recommande toujours que le Gouvernement polonais " avale " cet effort de la onzième heure pour établir un contact direct avec Herr Hitler, ne fût-ce même que pour convaincre le monde qu'il était prêt à faire de son côté un sacrifice pour le maintien de la paix, la réponse allemande ne permet qu'une conclusion : Herr Hitler est bien décidé à atteindre ses buts, par des moyens dits " pacifiques et loyaux "s'il le peut, et s'il ne le peut pas, par la violence. Beaucoup, c'est certain, pourrait également dépendre du plan détaillé auquel il est fait allusion dans le dernier paragraphe de la réponse allemande.
  4. Néanmoins, si l'on continue à abandonner l'initiative à Herr Hitler, il me parait que le résultat n'en peut être que la guerre, ou alors une nouvelle victoire acquise par un déploiement de force et, par là même, un encouragement pour lui à recourir aux mêmes méthodes, l'année prochaine ou dans deux ans.

N° 83

Le Vicomte Halifax à Sir N. Henderson, Berlin ; Foreign Office, 30 août I939, 2 h. 45 de l'après-midi

Télégramme

  Nous étudions la note allemande en toute diligence et enverrons une réponse officielle plus tard dans l'après-midi.
  Nous insistons à Varsovie sur l'intérêt vital qu'il y a à renforcer les instructions pour éviter les incidents de frontière, et je vous prierais de confirmer des instructions analogues du côté allemand. [Dans le même temps, du côté français : " Le 30 août 1939 dans une note adressée à 15 h 20, Léon Noël ambassadeur de France à Varsovie précise au ministre des Affaires étrangères français : « La presse annonce l’arrestation de plusieurs Allemands minoritaires faisant partie d’organisations terroristes chargées en liaison avec les autorités militaires du Reich de se livrer à l’arrière à des actes de diversion et de troubler les transports de troupes. A Lodz, on a trouvé dix-sept kilogrammes de dynamite, et quatre kilogrammes de nitroglycérine chez des employés d’une banque allemande. Une organisation semblable a été découverte à Poznan. Un Allemand minoritaire appartenant à une organisation analogue a été arrêté à la frontière dans une voiture du consulat d’Allemagne à Katowice. Le nombre de victimes de l’attentat terroriste de Tarnow se monte à dix-huit ». Roger Coulondre [1885-1959, en poste de 1938 à 1939] ambassadeur de France en Allemagne passe au crible depuis Berlin, la presse allemande dans une note envoyée à 17 h 40. Il considère que trois faits principaux s’en dégagent :
   1. Les journaux continuent de refléter l’attitude d’irritation constatée depuis deux ou trois jours. La campagne contre la Pologne reste étale.
   2. Le problème de la frontière polono-allemande est posé dans son ensemble au premier plan. Le principe ethnique est de nouveau mis en avant, comme si le Reich, depuis le 15 mars avait encore le droit de l’invoquer.
   3. Avec la plus grande insistance, le caractère définitif du pacte Berlin-Moscou et sa portée considérable sont soulignés. On laisse entendre que la Russie et l’Allemagne sont parfaitement d’accord, quand à la solution du problème polonais comme des autres problèmes de l’est européen. De pareilles insinuations, qui méritent de retenir l’attention, sont à rapprocher de la déclaration faite hier par le Chancelier à Sir Neville Henderson et d’après laquelle le Reich ne pourrait donner à la Pologne sans l’assentiment de la Russie une garantie territoriale. Quelle que soit dans cette attitude la part de l’intimidation et de la tactique, nous ne saurions à mon avis, observer de trop près l’évolution des relations germano-russes. Le but de l’Allemagne est d’arriver entre les deux pays à une collaboration totale politique et militaire, dans laquelle le rôle dirigeant sera évidemment assumé par le Reich. On a même parlé à cet égard dans certains milieux berlinois bien informés d’une nouvelle surprise qui pourrait nous être réservée très prochainement. L’une des raisons pour lesquelles, le Reich a différé jusqu’ici une action contre la Pologne serait la poursuite entre Berlin et Moscou d’une mystérieuse négociation » "
; source]
  J'accueille avec satisfaction, dans l'échange de vues qui a lieu actuellement, le témoignage de ce désir d'une entente anglo-allemand dont j'ai parlé hier au Parlement.

 

" Robert Coulondre, 1885-1959, fut l'ambassadeur de France qui a signifié à Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères allemand, la déclaration de guerre de la France le 3 septembre 1939. Mais Coulondre n'a pas seulement été en poste à Berlin. Il a en effet réalisé la passe de deux des totalitarismes, représentant auparavant la France à Moscou, de 1936 à 1938. Vox clamantis in deserto, il a alerté en vain Paris sur la nécessité de maintenir des liens étroits avec l'URSS de Staline afin d'empêcher sa lente dérive vers l'ogre nazi. Juste avant la déflagration, un ambassadeur s'est donc retrouvé aux deux endroits les plus explosifs de l'Europe, à la fois témoin impuissant et acteur privilégié, placé au carrefour des équilibres et des manigances dans un climat de déréliction qui préside toujours aux grandes catastrophes. Cinq ans après la fin de la guerre, ce Cassandre aux gants beurre frais prit une plume brillante pour égrener de son point de vue le compte à rebours fatidique, de 1936 à 1939. Sans se donner le beau rôle, sans non plus verser dans le règlement de comptes, il nous fait revivre chaque moment où la France a foncé dans le mur. Il raconte aussi avec un luxe de détails étonnants la chape de plomb de la Russie stalinienne, dont il dresse le portrait des dirigeants avec un rare bonheur d'écriture. Il décrit enfin longuement Hitler, qu'il rencontra à plusieurs reprises. "

N° 84

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax, reçu à I0 h. du matin, Varsovie, 30 août I939

Télégramme

  Je suis certain qu'il serait impossible de persuader le Gouvernement polonais d'envoyer immédiatement à Berlin M. Beck, ou n'importe quel autre représentant, pour discuter un arrangement sur la base proposée par Herr Hitler. Certainement, il préfèrera se battre et périr, plutôt que de se soumettre à pareille humiliation, surtout après les exemples de la Tchéco-Slovaquie, de la Lithuanie [orthographe de l'époque] et de l'Autriche.
  2. Je voudrais suggérer que, si les négociations doivent se poursuivre entre égaux, il est essentiel qu'elles aient lieu dans quelques pays neutre, ou peut-être même en Italie, et que la base pour toute négociation, soit quelque compromis entre les limites clairement définies des propositions de mars, côté allemand, et le statu quo du côté polonais.
  3. Étant donné que le Gouvernement polonais, alors isolé et fort peu préparé pour la guerre, avait refusé les conditions du mois de mars, il lui serait certainement impossible d'accéder à des propositions qui paraîtraient aller au-delà des conditions de mars, maintenant qu'il a la Grande-Bretagne comme alliée. La France a confirmé son soutien, l'opinion mondiale est nettement en faveur de négociations directes sur un pied d'égalité et elle encourage la Pologne dans sa résistance à un arrangement imposé.
  4. Naturellement que je communique aucune opinion au Gouvernement polonais, pas plus que je ne leur transmets la réponse de Herr Hitler, avant de recevoir des instructions qui, je l'espère, ne tarderont pas.

N° 85

Le Vicomte Halifax à Sir H. Kennard, à Varsovie ; Foreign Office, le 30 août I939, 5 h. 30 du soir

Télégramme

  L'atmosphère peut être améliorée si le Gouvernement polonais donne ou confirme des instructions formelles à toutes les autorités civiles et militaires :
  I. De ne pas tirer sur les fugitifs, ou sur les membres de la minorité allemande qui causent désordre, mais de les arrêter ;
  2. De s'abstenir de toute violence physique contre les membres de la minorité allemande et d'empêcher de telles violences de la part de la population ;
  3. De permettre aux membres de la minorité allemande désireux de quitter la Pologne, de passer sans encombre ;
  4. De mettre une fin aux excitations de la propagande par radio.
  Veuillez en informer M. Beck, en ajoutant que je comprends bien que Herr Hitler prend prétexte de certains rapports pour justifier une action excessive, mais que je désire très vivement lui enlever ce prétexte. Je demande au Gouvernement allemand d'adopter une attitude conforme et je les avertis que l'on peut s'attendre de la part du Gouvernement polonais à un maintien de telles instructions, que si aucune provocation ne se produit du fait de membres de la minorité allemande.

N° 86

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax, reçu à 8 h. I5 du soir ; Varsovie, le 30 août I939

Télégramme

  M. Beck m'a demandé de vous dire ce qui suit :
  I. Le Gouvernement de Sa Majesté peut être absolument assuré que le Gouvernement polonais n'a aucune intention de provoquer un incident quelconque. D'un autre côté, il indique que l'attitude provocante des Allemands à Dantzig devient de plus en plus intolérable.
  2. À propos du projet de la réponse britannique à Herr Hitler, le Gouvernement polonais compte avec certitude que le Gouvernement de Sa Majesté n'exprimera aucune opinion définitive sur des problèmes concernant la Pologne, sans se consulter avec le Gouvernement polonais.

N° 87

Le Vicomte Halifax à Sir N. Henderson, Berlin ; Foreign Office, 30 août I939, 5 h. 30 du soir

Télégramme

  En informant le Gouvernement allemand des représentations renouvelées qui lui ont été faites à Varsovie, veuillez indiquer clairement que l'on ne peut attendre du Gouvernement polonais une attitude de réserve complète, que si le Gouvernement allemand agit de façon conforme de son côté de la frontière, et si aucune provocation n'émane de la minorité allemande en Pologne.
  Des rapports nombreux indiquent que les Allemands ont commis des actes de sabotage qui justifieraient les mesures les plus sévères.

N° 88

Le Vicomte Halifax à Sir N. Henderson, Berlin ; Foreign Office, 30 août I939, 6 h. 50 du soir

Télégramme

  Nous croyons savoir que le Gouvernement allemand insiste pour qu'un représentant polonais muni des pleins pouvoirs vienne à Berlin recevoir les propositions allemandes.
  2. Nous ne pouvons conseiller au Gouvernement polonais de se plier à cette procédure, qui est tout à fait déraisonnable.
  3. Ne pourriez-vous suggérer au Gouvernement allemand d'adopter, quand ses propositions seront prêtes, la procédure normale, qui consiste à convoquer l'Ambassadeur de Pologne et à lui remettre les propositions pour qu'il les transmette à Varsovie, tout en provoquant des suggestions quant à la conduite des négociations?
  4. Le Gouvernement allemand a eu l'obligeance de promettre qu'il communiquera également ses propositions au Gouvernement de Sa Majesté. Si ce dernier estime qu'elles offrent une base raisonnable, on peut compter qu'il agira de son mieux à Varsovie pour faciliter les négociations.

N° 89

Réponse du Gouvernement de Sa Majesté à la communication du Chancelier allemand du 29 août I939.

  Cette réponse a été remise de la main à la main par Sir N. Henderson à Herr von Ribbentrop, le 30 août I939, à minuit.
  I. Le Gouvernement de Sa Majesté apprécie, dans la déclaration contenue dans la réponse du Gouvernement allemand, l'expression amicale du désir manifesté par ce dernier d'une entente anglo-allemande et ce qu'elle dit de l'influence que cette considération a exercée sur sa politique.
  2. Le Gouvernement de Sa Majesté répète qu'il éprouve le même désir que le Gouvernement allemand de voir s'améliorer ces relations, mais on reconnaîtra qu'il ne peut sacrifier les intérêts d'autres amis pour obtenir cette amélioration. Il comprend pleinement que le Gouvernement allemand ne peut sacrifier les intérêts vitaux de l'Allemagne mais le Gouvernement polonais est dans une situation identique, et le Gouvernement de Sa Majesté croit que les intérêts vitaux des deux pays ne sont pas incompatibles.
  3. Le Gouvernement de Sa Majesté prend note que le Gouvernement allemand accepte la proposition britannique et est prêt à entrer en pourparlers directs avec le Gouvernement polonais.
  4. Le Gouvernement de Sa Majesté croit comprendre que le Gouvernement allemand accepte en principe la condition que tout règlement soit soumis à une garantie internationale. La question de savoir qui participera à cette garantie devra faire l'objet de nouvelles discussions, et le Gouvernement de Sa Majesté espère que, pour éviter une perte de temps, le Gouvernement allemand prendra des mesures immédiates pour obtenir l'assentiment de l' U.R.S.S., dont le Gouvernement de Sa Majesté a toujours présumé la participation à la garantie.
  5. Le Gouvernement de Sa Majesté prend note également que le Gouvernement allemand admet la position du Gouvernement britannique en ce qui concerne les intérêts vitaux et l'indépendance de la Pologne.
  6. Le Gouvernement de Sa Majesté est obligé de faire d'expresses réserves en ce qui concerne l'énoncé des exigences particulières avancées par le Gouvernement allemand dans un passage précédent de sa réponse. Il croit comprendre que le Gouvernement allemand est en train d’établir des propositions en vue d'une solution. Nul doute que ces propositions ne soient examinées à fond pendant les pourparlers. On pourra alors déterminer dans quelle mesure elles sont compatibles avec les conditions essentielles énoncées par le Gouvernement de Sa Majesté, et que le Gouvernement allemand s'est déclaré, en principe, disposé à accepter.
  7. Le Gouvernement de Sa Majesté informe immédiatement le Gouvernement polonais de la réponse du Gouvernement allemand. La méthode de contact et la procédure des pourparlers doivent évidemment être réglées de toute urgence entre les gouvernements allemand et polonais. Mais, de l'avis du Gouvernement de Sa Majesté, il serait impraticable d'établir un contact dès aujourd'hui.
  8. Le Gouvernement de Sa Majesté reconnaît pleinement qu'il est nécessaire que les pourparlers commencent rapidement, et il partage les appréhensions provoquées chez le Chancelier par le fait que deux armées mobilisées se trouvent face à face. Il recommande donc avec insistance que les deux parties prennent l'engagement que pendant les négociations aucun mouvement militaire agressif n'aura lieu. Le Gouvernement de Sa Majesté est confiant de pouvoir obtenir cet engagement du Gouvernement polonais, si le Gouvernement allemand donnait des assurances analogues.
  9. En outre, le Gouvernement de Sa Majesté suggère qu'un modus vivendi [latin modus vivendi, manière de vivre ; accord permettant à deux parties en litige de s'accommoder d'une situation en réservant la solution du litige ; Larousse] provisoire puisse intervenir pour Dantzig, qui pourrait empêcher des incidents tendant à rendre les relations germano-polonaises plus difficiles.

N° 90

Le Vicomte Halifax à Sir H. Kennard, à Varsovie ; Foreign Office, 30 août I939

   Envoyé à Sir H. Kennard, le 30 août ; instructions exécutées aux premières heures du matin du 3I août

Télégramme


   À suivre...

   Livre bleu anglais n° I, Documents concernant les relations germano-polonaises et le début des hostilités entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne le 3 septembre I939, présenté au Parlement par Ordre de Sa Majesté par le Secrétaire d' État aux Affaires étrangères ; traduction Autorisée et Officielle du document publié par His Majesty's Stationery Office, Paris, I939, pp.124-135. 
 
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