ARENDT Hannah, I906-I975
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Par, HAMMEL Andrew, écrivain, traducteur, rédacteur et avocat américain, vivant à Düsseldorf
On m'a demandé à plusieurs reprises pourquoi les Allemands ont si peur de l'énergie nucléaire : bien que cette mentalité change à la vitesse de la lumière. Il n'est pas exagéré de dire que cette gentille vieille dame a joué un rôle clé.
Elle se nomme Dr. PAUSEWANG Gudrun, I928-2020. Elle exerçait le métier d' institutrice, avant de devenir auteur à succès de livres pour enfants. Tous ses ouvrages, ou presque, ont été écrits pour les jeunes lecteurs, et beaucoup d'entre eux, faisaient passer des messages déterminés : anti-guerre, anti-Establishment et pro-environnement. Au nom du " respect de ses lecteurs " et de la " mise en évidence des dangers du monde moderne ", elle soumettait allègrement ses jeunes héros et héroïnes à des tortures inimaginables.
Dans son livre de 1983 " Les derniers enfants de Schewenborn "... qui décrit une attaque nucléaire sur le sol allemand, on trouve, page après page, des descriptions d'enfants brûlés et irradiés qui meurent lentement, agonisants, dans des mares de leurs propres vomissures et excréments ; jusqu'à un bébé qui naît... sans yeux. Vous voyez le tableau.
Sur le Web
Mais son grand " classique ", si on peut l'appeler ainsi, est " Die Wolke ", " Le nuage ", de 1987, traduit en anglais en 1997, sous le titre " Fall-Out " : " Retombées " [nucléaires].
PAUSEWANG Gudrun avec BARLEY Katarina, alors ministre de la Famille, lors de la cérémonie du Prix allemand de littérature pour la jeunesse, Deutscher Jugendliteraturpreis, en 2017.
Le fait que les retombées ne se produisent qu'après des explosions nucléaires, et non après des fuites de radiations, pourrait donner une idée de la culture scientifique de madame Pausewang : son doctorat était en littérature!... Elle n'avait aucune idée du fonctionnement des centrales nucléaires, de la raison pour laquelle elles ont été adoptées ou des compromis à faire pour alimenter une économie industrielle moderne. Elle savait juste que tout ce qui implique la division d'atomes est diabolique.
Dans " Fall-Out ", elle conte une histoire, inspirée par l' accident nucléaire de la centrale de Tchernobyl, Ukraine, en I986! Et, comme de bien entendu, un " Tchernobyl ", se produit sur le sol allemand et, en plus, en version XXL. L'héroïne, la jeune Janna-Berta, est obligée de fuir le nuage de poison avec son frère, qui est rapidement écrasé et tué dans la panique. La police allemande tire sur la population en fuite. Janna-Berta tombe gravement malade, empoisonnée par les radiations, perd ses cheveux et voit d'autres enfants mourir lentement, à l'agonie, dans un hôpital provisoire. Elle apprend plus tard que ses parents et son jeune frère sont tous morts.
Du " tabac fort! " pour reprendre l'expression allemande.
Pourtant, vous vous demandez peut-être : comment quelques livres peuvent-ils inspirer la peur à toute une génération ? C'est simple : ces deux livres, pré-cités, et, plus particulièrement " Fall-Out ", ainsi que la parution d'autres articles alarmistes, sont devenus d'énormes best-sellers. Vous pouvez vous faire une idée de l'influence de ces livres en constatant qu'ils font l'objet TOUS LES DEUX, de publications sur Wikipédia... en langue anglaise!
Mais, le plus incroyable, c'est que ces pamphlets d'épouvante sont devenus une lecture obligatoire dans les salles de classe de toute l'Allemagne.
Les enseignants allemands sont, comme leurs collègues d'ailleurs dans le monde, majoritairement à gauche de l'échiquier politique ; aussi, ils ont été au cœur du mouvement antinucléaire allemand. Ils ont obligé littéralement des millions d'écoliers à lire tout, ou partie, de " Fall-Out " et à à rédiger des exposés et des rédactions à ce sujet. Bien sûr, certaines voix isolées se sont demandées si les enfants devaient lire du " porno catastrophe ", expressément " écrit " pour leur donner des cauchemars à vie, faire d'eux des victimes et en faire, accessoirement, des électeurs Verts, ad vitam æternam.
Mais l'Establishment littéraire européen a ADORÉ ses livres et a récompensé Gudrun Pausewang d'au moins quinze prix, selon sa page Wikipedia, en langue allemande. En 2006, " Fall-Out " a été porté à l'écran, en Allemagne. Si vous souhaitez profiter de scènes de réfugiés désespérés et d'enfants chauves sur leur lit de mort, vous pouvez regarder l'intégralité du film ICI
Après Fukushima, Gudrun est retournée au " charbon ", avec " Noch lange danach ", " Longtemps après ", en 2012. Cette fois, elle dresse le tableau de la situation allemande, plusieurs années après après un accident nucléaire : de grandes régions du pays sont inhabitables, des millions de personnes ont émigré, le chômage est endémique, certains quartiers des villes sont dangereux à cause des pillages et des maladies qui se propagent parmi... des systèmes immunitaires affaiblis. Ceux qui sont restés souffrent de dépression et de peur ambiante. Nombre d' Allemands, qui gardent leurs yeux grand ouverts sur la vie de leur pays, peuvent observer que certaines des " prédictions " de madame Pausewang commencent à se réaliser, en ce moment même, mais, certainement pas, pour les mêmes raisons qu'elle imaginait.
PAUSEWANG Gudrun n'est pas la seule responsable dans cette affaire, et elle n'est qu'un des maillons de la chaîne, qui traduisent le mal profond qui ronge la société allemande. Mais, si vous deviez nommer une seule personne qui, plus que toute autre, a répandu, durant ces dernières quarante années, des peurs exagérées sur l'énergie nucléaire dans le monde germanophone, nul doute, que Gudrun Pausewang serait l'élue.
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