Raymond Devos, 1922-2006
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Une nouvelle étude révèle : le plus grand parc éolien offshore du monde n'est pas rentable
Ole Ketil Helgesen, Morten Aanestad et Mikael Holter pour Upstream et Dagens Naeringsliv [DN ; ... Dagens Næringsliv appartient au conglomérat médiatique Norges Handels og Sjøfartstidende, NHST Media Group, qui possède également DN Nye Medier, DN.no Tradewinds, Upstream, DagensIT, Smartcom, Nautisk Forlag, Intrafish, Fiskaren, Europower et Recharge... ; source]
L'investissement du géant norvégien de l'énergie Equinor ["...compagnie d'énergie pétrolière et éolienne norvégienne fondée en 1972. C'est la plus grande entreprise de Norvège avec environ 29 000 employés. Equinor est coté à la bourse d'Oslo et au NYSE, néanmoins l'État norvégien détient toujours la majorité de la société, avec 70,26 % des actions,... ; source] dans le Dogger Bank — le plus grand projet éolien offshore en construction au monde [277 éoliennes!]— ne sera pas rentable. C'est ce que révèle une récente étude financée par le gouvernement norvégien.
L'étude soulève des questions difficiles sur la stratégie de transition énergétique du géant public norvégien du pétrole et du gaz Equinor.
Visualisation des navires de service du parc éolien géant du Dogger Bank en cours de construction en mer du Nord. Ill : North Star Renewables Animatrion
L'étude a récemment été remise au ministère norvégien du pétrole et de l'énergie, qui l'a financée dans le cadre d'une étude de recherche plus large sur les possibilités de transition énergétique pour la Norvège.
En juin, le directeur général d' Equinor, Anders Opedal, a fixé de nouveaux objectifs ambitieux pour l'entreprise : augmenter ses investissements dans les "sources d'énergie renouvelables et les solutions à faible émission de carbone " jusqu'à ce qu'ils représentent plus de 50 % des investissements bruts annuels d'ici 2030.
Une échelle sans précédent
Equinor considère le projet Dogger Bank, en mer du Nord britannique, comme un actif de classe mondiale qui peut tirer parti de vents forts, de l'innovation et d'une échelle sans précédent : le parc éolien aura une capacité installée de 3,6 gigawatts une fois terminé.
L'un des auteurs de l'étude a déclaré au portail d'information norvégien Upstream que les rendements de l'énorme projet ne dépassent pas les exigences de rendement d' Equinor. Par
conséquent, les chercheurs estiment que le projet n'est pas rentable.
" Notre estimation est que le Dogger Bank n'est pas rentable. Le projet doit être mis en concurrence avec d'autres possibilités d'investissement ", déclare le professeur Petter Osmundsen [Professeur d'économie pétrolière] de l'Université de Stavanger.
Equinor n'a pas contesté les conclusions de l'étude, mais souligne qu'elle a bénéficié de la vente de ses parts dans le projet.
M Osmundsen croit aux conclusions de l'étude. Dans le même temps, il note que les chercheurs se sont appuyés sur un certain nombre d'hypothèses, d'informations publiques et de normes industrielles pour la produire.
Equinor gagnerait à se concentrer sur d'autres types de projets d'énergie " propre ", avec des barrières à l'entrée plus élevées, qui correspondent davantage à l'expertise de la société, dit-il.
Opter pour une très grande capacité dans un parc éolien offshore, c'est mettre trop d'œufs dans le même panier, et peut-être même pas le bon panier. Les faibles barrières à l'entrée et les appels d'offres très concurrentiels risquent de rendre difficile la rentabilité des ressources naturelles, dit-il.
Des secteurs d'activité prometteurs
Equinor se lance également dans de nouveaux segments commerciaux qui semblent plus prometteurs pour l'entreprise que l'énergie éolienne montée sur le fond marin, tels que les minéraux provenant du fond marin, la capture et le stockage du carbone, l'hydrogène propre et peut-être même les parcs off-shore flottants, selon M. Osmundsen.
Equinor fait remarquer à Upstream qu'elle a bénéficié de l'entrée de la société énergétique italienne Eni [ ... anciennement le sigle de l'italien Ente Nazionale Idrocarburi, pour société nationale italienne des hydrocarbures, est une société italienne d'hydrocarbures créée en 1953 sous la présidence d’Enrico Mattei. Elle a été privatisée en 1998. L’État italien conserve une minorité du capital : environ 30 %. Elle est présente dans les secteurs du pétrole, du gaz naturel, de la pétrochimie, de la biochimie, de la production et la commercialisation d’énergie électrique à partir de combustibles fossiles, de cogénération et de sources renouvelables... ; source] dans Dogger Bank en tant que partenaire.
" Equinor est entré tôt dans le Dogger Bank et les cessions à Eni démontrent la valeur de l'accès aux actifs précoces et matures avant les cessions ", écrit un porte-parole de la société dans un courriel répondant aux questions d' Upstream.
Equinor est l'opérateur du projet en mer du Nord britannique, tandis que le partenaire écossais SSE [Scottish & Southern Energy est une compagnie écossaise distributrice d'énergie, fondée en 1998] dirige la phase de construction du projet et que Eni est un partenaire industriel pour les trois phases du parc éolien. Equinor et SSE détiennent chacune 40 % du projet, tandis que Eni en possède 20 %.
Les défis de l'éolien en mer
Selon l'étude, les coûts ont effectivement baissé pour le parc sous-marin du Dogger Bank et pour d'autres projets d'éoliennes en mer, mais pas dans la même proportion que les prix d'adjudication dans les enchères d'éoliennes en mer, au Royaume-Uni.
La rémunération pour l'électricité produite sera assurée par des prix garantis par le gouvernement ; elle est attribuée au soumissionnaire le plus bas. Les prix garantis protègent le propriétaire/développeur d'une baisse trop importante des prix et les consommateurs d'une hausse trop importante des prix.
Des turbines éoliennes plus grandes, des prix bas de matières premières et la concurrence limitée, ont permis à Equinor de générer des bénéfices stables, à partir de ses premiers grands projets off-shore.
Mais, la situation a depuis changé, jusqu'au point que le plus grand acteur mondial du segment, le danois Ørsted A/S [...anciennement DONG Energy, elle est une des principales entreprises du secteur énergétique au Danemark. D'abord exclusivement producteur d'énergie fossile, charbon/pétrole, majoritairement détenu par l'État danois le groupe a évolué vers les énergies renouvelables, abandonnant en 2018 les fossiles et visant un investissement supplémentaire de 26 milliards d'euros en 7 ans, de 2018 à 2025, dans les énergies renouvelables... ; source], a mis en garde contre les perturbations des chaînes d'approvisionnement et la hausse des prix des matières premières. L'intensification de la concurrence pour l'obtention de nouvelles autorisations a également permis de réduire considérablement les prix de rançon des enchères.
" Nous ne communiquons pas la valeur actuelle nette sur la base d'un projet. Cependant, lors de notre journée des marchés financiers, nous avons fourni une gamme de rendements attendus ", a écrit un porte-parole d' Equinor.
" Nous prévoyons un rendement par projet compris entre 4 % et 8 %, les marchés matures tels que le Royaume-Uni se situant dans le bas de la fourchette et les marchés émergents dans le haut de la fourchette. "
Profil de risque différent
Equinor soutient depuis longtemps que l'éolien offshore présente un profil de risque très différent de celui du pétrole et du gaz, avec des revenus plus stables.
Mais avec un prix fixe pour l'électricité produite, il y a également peu de potentiel de hausse — et les coûts ont récemment semblé devoir augmenter pour certaines autres entreprises éoliennes, et non baisser.
Par exemple, le géant danois de l'installation éolienne Ørsted a signalé, dans son rapport sur les résultats du troisième trimestre, que les conditions étaient difficiles, non seulement en raison de vents plus faibles que d'habitude, mais aussi en raison de difficultés dans la chaîne d'approvisionnement et de retards dans la phase de fabrication.
L'instabilité de la chaîne d'approvisionnement et la hausse des prix de l'énergie, ainsi que l'inflation des coûts des matières premières, du transport et des composants de turbines, ont également affecté la rentabilité du principal fabricant de turbines, Vestas.
Le porte-parole d' Equinor a reconnu que les projets de la société peuvent être affectés par les tendances mondiales en matière de coût et de disponibilité des intrants, mais a ajouté que des mécanismes contractuels sont en place pour équilibrer le risque entre le fournisseur et le développeur.
Les faits : pourquoi les chercheurs disent que le projet Dogger Bank n'est pas rentable?
La rentabilité du projet dépend du taux de rendement requis. Par rapport au taux de rendement de 6,55 % exigé par l'Agence internationale de l'énergie, AIE, pour 2018, le projet Dogger Bank n'est pas rentable ;il en est de même concernant l'exigence de rendement, 6 % , proposée à partir de 2020 par le Ministère britannique des affaires, de l'énergie et de la stratégie industrielle : BEIS.
Bien qu'il soit d'usage d'utiliser un seul taux d'intérêt, les chercheurs plaident pour deux taux d'intérêt pour ce type de projet :
- un pour les 15 premières années de prix fixes de l'électricité fournis par les contrats pour la différence, CfD, du Royaume-Uni, calculé à 3,9 %, et
- un pour la période de prix du marché : 6,5 %.
Le prix d'exercice britannique a chuté de façon spectaculaire, passant de 114,39 £/MWh [~132€] lors de la vente aux enchères CfD de 2015 à 39,650 £/MWh [~46€] pour la phase A et à 41,611 £/MWh [~48€] pour les phases B et C, tous en prix de 2012, pour la vente aux enchères Dogger Bank de 2019.
D'autres chercheurs, qui ont observé la chute spectaculaire des prix des rançons accordées après des enchères agressives, concluent que des réductions de coûts très importantes sont nécessaires pour garantir la rentabilité des projets. L'un des moyens d'y parvenir, selon ces chercheurs, est que les investisseurs réduisent l'exigence de rendement. Le taux de rendement interne des promoteurs de parcs éoliens en mer est aujourd'hui deux fois moins élevé qu'il y a six ans.
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