Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode III

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Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode I
Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode II

Claude-Jules Briffaut est né à Vicq, le 25 août 1830. Ordonné prêtre à Langres le 3 mars 1855, il fut nommé vicaire à Fayl-Billot le 16 mars de la même année et occupa cette fonction jusqu'au 1er septembre 1866, date à laquelle il devint curé de Pierrefaites-Montesson. Le 17 février il fut nommé curé de Bussières-les-Belmont. Sous une apparence sévère, il se dévoua toute sa vie pour les pauvres et les malheureux, allant même jusqu'à créer un hôpital. La paralysie qui le frappa deux ans avant sa mort, survenue le 7 avril 1897, à Bussières-les-Belmont, lui interdit ensuite toute activité, à son plus grand désarroi.



Chapitre III

Guerre de Franche-Comté (1636-1660)

   Voici l'époque la plus lamentable de notre histoire. Fayl-Billot est entièrement ruiné. Les dix-sept dix-huitièmes de la population disparaissent, en quelques années, sous les coups épouvantables de trois grands fléaux : la guerre, la famine et la peste. Les malheureux habitants ont à souffrir à la fois tous les genres de calamités. Mais dans ces rigueurs de la Providence la foi leur montre une pensée miséricordieuse du Seigneur qui veut, en les affligeant ici-bas, les purifier pour l'autre vie. Ils s'humilient sous la main qui les frappe, et c'est la bonté de Dieu qu'ils attendent le remède au mal.


Du commencement de la guerre à la trêve de 1643


   Depuis longues années l' Allemagne était divisée en deux camps. Les protestants luttaient contre les catholiques. Ceux-ci, après des succès mêlés de revers, avaient gagné, dans les derniers jours de 1634, la bataille de Nordlingue, sous les ordres du fils aîné de l'empereur d'Autriche, le jeune archiduc Ferdinand, roi de Hongrie. Cet échec abattit les Suédois, qui étaient à la tête du parti protestant. Les princes allemands se détachèrent de leur alliance, et signèrent, l'année suivante, avec l'empereur, la paix de Prague. Jusqu’alors le gouvernement français s'était contenté d'envoyer aux Suédois des secours pécuniaires. Mais, en les voyant dans l'impossibilité de soutenir la lutte, le ministre de Louis XIII, Richelieu, qui voulait abaisser la maison d'Autriche, fit intervenir directement la France dans ces démêlés sanglants. Il recueillit les débris de l'armée suédoise, acheta les places qu'elle avait conquises en Alsace, et s'unit au fameux Bernard, duc de Saxe-Weimar, et au landgrave [ou landgraviat] de Hesse-Cassel. En même temps il traita avec la Hollande et les ducs italiens, afin d'écraser, en Italie et dans les Pays-Bas, l'Espagne dont les intérêts étaient communs avec ceux de l'Autriche. Pour arriver à son but, il mit sur pied quatre armées, et, au commencement de 1636, la guerre fut plus ardente que jamais en Allemagne, en Italie et en France (1).
   À cette époque le duché de Bourgogne, dans lequel Fayl-Billot était compris, faisait, comme nous l'avons vu, partie de la France, tandis que le Comté de Bourgogne, appelée Franche-Comté, appartenait à l' Espagne. Ces deux provinces devaient, suivant un traité conclu en 1562 et renouvelé en 1580 et 1610, restées neutres dans les débats entre les couronnes. Mais les Comtois furent infidèles à ces engagements. Les incursions qu'ils firent à Fayl-Billot et aux environs, les ravages qu'ils y exercèrent, et les précautions de défense qu'ils prirent sur leur territoire, déterminèrent Louis XIII à leur déclarer la guerre. La Franche-Comté fut donc envahie, au printemps de 1636, par une armée de dix-mille fantassins et de deux mille cavaliers, sous le commandement du prince de Condé, gouverneur du duché de Bourgogne, qui, à son arrivée, ne trouva aucune résistance.
   Le 18 mai, il forma le siège de Dole, capitale de la province. Cette ville, qui possédait des vivres, des canons et des munitions de guerre, se défendit vigoureusement. Néanmoins l'entreprise aurait eu un plein succès, si elle eut été conduite avec plus d'énergie et d'ensemble. À un assaut général, le régiment de Picardie avait franchi les remparts, lorsqu’il fut taillé en pièces pour n'avoir pas été secouru. Le bruit se répandit que le prince de Condé avait commis une indigne lâcheté, en acceptant de la part des assiégés des bouteilles remplies de pistoles (2) et en faisant accroire à ses soldats qu'on lui envoyait du vin. Quoi qu'il en soit, ce siège ne lui fit pas honneur. Il y renonça le 14 août, rentra en France d'après un ordre de la cour, et conduisit ses troupes sur un autre point [ en Picardie contre les Espagnols]. Charles, duc de Lorraine, pensait lui couper la retraite avec ses cavaliers ; mais il arriva trop tard.


 

Le siège de Dole, 1636

  Bientôt les Allemands, les Croates et les Espagnols se joignent aux Lorrains pour défendre la Franche-Comté. Leurs forces combinées formèrent un effectif d'environ quarante-cinq mille hommes, vaillants soldats, sans y comprendre une foule de volontaires, laquais, pourvoyeurs, femmes, filles, etc., au nombre de plus de trente mille. C'était en somme près de quatre-vingt mille bouches. Cette armée formidable était commandée par le major Lamboy, général en chef, le comte Matthieu Galas [ ou Gallas] (3), général des troupes autrichiennes, le duc de Lorraine, le général Forkatz, chef des Croates, le Baron de Mercy et le seigneur de Ville-sur-Illon (4). La Champagne et la Bourgogne tremblèrent à leur approche; notre malheureuse contrée allait être le théâtre et la victime de la guerre.
   Le roi y avait envoyé trente et un mille hommes divisés en trois corps, sous la conduite du cardinal de La Valette, du duc de Saxe-Weimar et du seigneur de Vaubecourt. Un matin, vers la fin d’août, le duc attaqua, près de Coublanc, l'avant-garde de Galas, lui tua plus de huit cents hommes, et lui prit quinze cents chevaux qui furent amenés en France.
   Le 8 septembre, il se rendit à Langres, où se trouvait le cardinal de La Valette avec le vicomte de Turenne, et où le prince de Condé était aussi attendu. Après midi, se promenant avec la noblesse, Bernard de saxe dit son impatience : " Le retard que nous faisons yci, couste au roy, mon maistre, plus de cent mille escus par iour. " Enfin dans la soirée arriva le prince de Condé, et, le lendemain, ils se réunirent au palais épiscopal pour ouvrir les lettres du roi et tenir un conseil de guerre. La Valette et le duc de Saxe étaient d'avis de prendre leurs postes et de placer leur avant-garde à Champlitte, Coublanc, Bussières, Fayl-Billot, Poinson et Pressigny. Mais ils n'eurent pas le temps ; car ces différents points ne tardèrent pas à être envahis par les alliés. Galas était déjà à Champlitte ; Isolany, commandant un corps de Croates se postait à Leffond, Mercy et Forkatz à Poinson. Alors le duc de Saxe-Weimar alla avec ses Suédois occuper Bourbonne, Coiffy, Laferté et les villages circonvoisins. Le cardinal de La Valette cantonna ses troupes dans le Montsaugeonnais, et le prince de Condé retourna à Dijon avec deux cents chevaux.



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   Après avoir ruiné les villages de Coublanc et de Bussières, et y avoir commis des cruautés inouïes (5), Galas vint établir son quartier-général à Fayl-Billot. Voici ce que nous lisons dans les Archives de la ville : "On n'avoit peu semer que quelques seigles d'aultant que l'advant garde de l'armée du général Gallas entra dans ledict lieu du Fay le XIIIe de septembre de l'année 1636. Les corps de l'armée et l'arrière garde suivoient, immédiatement après. Leur séjour fut de six semaines entières, durant lequel temps ne resta qui que ce fust audict lieu qui ne fust tué ou emmené. Les grains et le bestail furent consumez ou enlevez, et de touz les habitants qui estoient sauvez dans le bois, les rochers ou villes voisines, fort peu restèrent en vye. La peste, la dizette et les maladies en firent mourir la pluspart. ceux qui retournèrent audict Fay, n'y treuvèrent que des restes de bastiments incendiés, des cadavres et charongnes, lesquels infectoient l'air ; de bestail et de grains en aulcune façon."
   Pendant ce temps, le major Lamboy, campé à Jussey, entra en France avec quatre mille chevaux, et s'empara par surprise du château de Pressigny, où il trouva une grande quantité de munitions de guerre et des vivres en abondance. Il parcourut ensuite avec Forkatz le pays que nous habitons mettant les villages à contribution et brûlant ceux où l'on refusait de leur payer rançon. L'on pouvait, disent les historiens, suivre leurs traces à la lueur des incendies. Enhardis par leurs succès, ils s'avancèrent jusqu'à Montsaugeon, où ils furent battus par l'armée du cardinal de La Valette.



   Alors ils retournèrent en Franche-Comté, et, vers la fin d'octobre, tous les généraux alliés s'assemblèrent au château de Suaucourt [depuis 1972, Suaucourt-et-Pisseloup est rattachée à Morey qui est devenu La Roche-Morey (Haute-Saône)]. Il était question de savoir s'il fallait attaquer la Champagne ou la Bourgogne. Le duc de Lorraine et quelques autres étaient d'avis de faire le siège de Langres, et de sacrifier quinze mille hommes, si cela était nécessaire pour prendre cette ville par un assaut général. Mais Galas, après l'avoir considérée avec une lunette d'approche, combattit cette proposition. La majorité du conseil se rangea de son côté, et il fut décidé qu'on dirigerait les forces alliées contre le duché de Bourgogne.
   Après avoir ravagé par le fer et par le feu la frontière de cette province, Galas s'avança vers Saint-Jean-de-Losne, à l'extrémité sud du diocèse de Langres. Il pensait emporter d'assaut cette petite ville mal fortifiée et sans garnison. Mais les habitants se défendirent avec un courage héroïque. L'armée française vint ensuite à leur secours, et les ennemis, forcés à se retirer dans le plus grand désordre laissèrent dans la Saône et sur ses bords des cadavres si nombreux que, selon l'expression de Mâcheret [curé d' Hortes, auteur du
Le Journal du curé d’ Hortes, 1880], "l'on en eust bien faict un pout pour passer la dicte rivière aux plus grandes eaux de l' hyver."
   Cependant les Comtois venaient toujours inquiéter les paysans français. Pour les réprimer, le duc Bernard (6) se présenta, vers la fin de novembre, avec quelques pièces de canon, devant Jussey et Jonvelle, s'en empara, et les livra en partie au pillage et à la discrétion de ses Suédois ; mais ce deux places ne tardèrent pas à secouer le joug de la France.


À suivre...

L'abbé Briffaut, Histoire de la ville de FAYL-BILLOT et notices sur les villages du canton, 1860, pp. 55-60, Monographies des villes et villages de France, Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris 2012.


1. Brioux ; Précis de l'Histoire de France, p.370.

2. La pistole valait dix francs de notre monnaie.

3. Ce fameux général était né à Trente, en 1589 ; il mourut à Vienne, en 1647.

4. Charles de Livron, premier officier et gentilhomme du duc de Lorraine.

5. "Environ le vingtiesme de septembre, dit Mâcheret, l'armée ennemie tant impériale que comtoise ou espagnole ayant treuvé résistance aux villages de Coublanc, Bussières et Fayl-Billot, parce que icelles communautés s'estoient roidies et retranchées contre eux, les pressèrent avec tant de violence qu'ils les contraignirent à tout quitter et en y eut très grande quantité de tués de part et d'autre, l'ennemi ayant bruslé une bonne partie des trois villages et fait de très grandes cruautés que je n'ose rapporter pour l'horreur qu'elles ont."

6. Il comptait, avec l'appui de la France, se rendre maître de la Lorraine et de l'Alsace, et de s'en faire un Etat indépendant. Après quelques succès contre les Impériaux, il mourut de la peste à Brisac, le 18 juillet 1639, et la France s'empara de ses conquêtes et de son armée. 


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