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Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode III
Claude-Jules Briffaut est né à Vicq, le 25 août 1830. Ordonné prêtre à Langres le 3 mars 1855, il fut nommé vicaire à Fayl-Billot le 16 mars de la même année et occupa cette fonction jusqu'au 1er septembre 1866, date à laquelle il devint curé de Pierrefaites-Montesson. Le 17 février il fut nommé curé de Bussières-les-Belmont. Sous une apparence sévère, il se dévoua toute sa vie pour les pauvres et les malheureux, allant même jusqu'à créer un hôpital. La paralysie qui le frappa deux ans avant sa mort, survenue le 7 avril 1897, à Bussières-les-Belmont, lui interdit ensuite toute activité, à son plus grand désarroi.
Les malheureux qui avaient abandonné Fayl-Billot, et que la mort avait épargnés, y retournèrent en 1637, dans l'espérance d'y trouver un asile. Mais de nouveaux désastres les attendaient.
« Le dix-huitièsme juillet de la dicte année, les collonels Bornival et Mercy des trouppes impériales qui estoient à Jonvelle, firent course dans le dict lieu du Fayl, y enlevèrent soixante-dix-sept prisonniers avec tout le bestail qui pouvoit estre audict Fay, tuèrent plus de quinze habitants et furent cause que les grains non recueillis demeurèrent en la campagne sans en pouvoir estre enlevez » (7).
Les soldats conduisirent à Jonvelle [ aujourd'hui en Haute-Saône] ces soixante-dix-sept infortunés, parmi lesquels était M. Gaspard Carbollot, curé de la paroisse. Ce vénérable pasteur mourut, quelque temps après, par suite des mauvais traitements qu'il avait éprouvés. La garnison de cette place était cruelle à l'égard de ses prisonniers. Quelquefois on les entassait pêle-mêle dans des cachots où il n' y avait ni air ni lumière, on leur bandait la tête avec une corde nouée, on leur donnait l'estrapade, on leur faisait manger de l'herbe crue, en un mot on les soumettait à des tortures affreuses, que Mâcheret n'a osé rapporter en français (8).
L'année suivante, Louis XIII, à la vue des calamités qui affligeaient ses sujets, eut l'heureuse pensée de mettre sa personne et son royaume sous la protection spéciale de la très-sainte Vierge. Il en informa Monseigneur l' Évêque de Langres par une lettre circulaire datée de Compiègne le 2 mai 1638. Il exprimait le désir que tous les ans, au jour de la glorieuse Assomption de la Mère de Dieu, l'on fît, avec toute la solennité possible, une procession générale à laquelle assisteraient tous les magistrats aussi bien que le peuple (10). Ce fut une consolation pour nos pères que frappaient dans ce temps malheureux tous les fléaux du ciel.
Souvent les garnisons des différentes places de Franche-Comté faisaient des incursions dans nos contrées. Les soldats qui étaient à Gray [ Hauts-Saône, située à mi-chemin entre Dijon au sud-ouest et Vesoul au nord-est] et aux environs, ayant appris que le capitaine d' Yver, gouverneur du château de Pressigny, était allé à Dijon par ordre de Sa Majesté, profitèrent de la circonstance pour venir piller le village. Ils y prirent, le 29 septembre 1640, beaucoup de chevaux, vaches et autres bestiaux. Ils y revinrent le 5 février suivant. Mais alors le gouverneur était là ; il les battit, en massacra une partie et fit prisonniers ceux qui n'eurent pas le temps de prendre la fuite. Le 8 mars, d'autres ennemis voulurent dresser une embuscade à la garnison de Pressigny. S'étant pour cela emparés de l'église de Savigny [ située à 3 km au sud], ils s'y fortifièrent. Mais nos soldats, qui s'en étaient aperçu, les cernèrent et leur tuèrent neuf hommes. Ils n'eurent de leur côté que deux morts et trois blessés.
Le 13 du même mois, des soldats de la garnison de Suaucourt [aujourd'hui La Roche-Morey, Haute-Saône], prirent à Torcenay, trois hommes, dont un de Fayl-Billot et un autre de Bize, qui s'y trouvaient pour affaires. Ils volèrent en même temps aux habitants une partie de leur bétail. D'autres ennemis, sous la conduite du sieur Daboncourt, marquis de Chauvirey, [ au nord de Pressigny, Haute-Saône] vinrent également, le 23 juillet, leur prendre quarante-trois animaux, tant chevaux que vaches.
La même chose avait lieu dans tout le voisinage, de sorte que les pauvres laboureurs étaient épuisés et désolés. Ce qu'ils avaient récolté à la sueur de leur front, l'ennemi le leur prenait ; ce qui se trouvait dans les champs était ravagé. Le cheval, le bœuf et tous les animaux propres au labourage leur étaient ravis. Les sillons restaient incultes, et par conséquent improductifs. Dans cette détresse générale, des hommes prirent le parti de s'atteler à la charrue et de la trainer comme des bêtes de somme. C'est ce que l'on vit surtout à Fayl-Billot et à Torcenay, en 1641.
Le 29 juillet de la même année, deux cent-cinquante fantassins et cent cavaliers des garnisons de Gray, Ray, Suaucourt, Chauvirey et Jonvelle, sous les ordres du sieur Daboncourt, après avoir traversé Fayl-Billot pendant la nuit, arrivèrent aux faubourgs de Langres à six heures du matin. Ayant trouvé là plusieurs troupeaux de moutons et d'autres bestiaux appartenant aux bouchers de la ville et à divers particuliers, ils s'en emparèrent et les dirigèrent vers la Franche-Comté. La garnison de Langres en ayant été informée, tira, du haut de la tour Saint Fergeux, quelques coups de canon, et les ennemis prirent la fuite. Les Langrois se mirent à les poursuivre et les atteignirent au village de Rougeux. Alors on en vint aux mains, et les Comtois vaincus furent obligés de rendre leur proie. Ils n'avaient blessé qu'un Français, et avaient vu tomber dans la mêlée leur chef, le marquis de Chauvirey. La veille du départ, l'épouse de ce seigneur s'était jetée à ses genoux pour le détourner de son dessein. Il lui avait répondu qu'il ne pouvait se dispenser de partir encore cette fois, lui promettant, pour la consoler, que c'était la dernière, et que désormais il n'irait plus attaquer les Français. Il avait dit vrai sans le savoir.

Le lendemain, le comte de Grancey somma la ville de Vesoul de se rendre. Elle capitula moyennant trente-six mille livres. En attendant le paiement de cette somme, le comte reçu en otage douze des principaux habitants, qui furent conduits au château de Grancey.

Source : château de Grancey
Source : entre Saône et Salon
À suivre...
L'abbé Briffaut, Histoire de la ville de FAYL-BILLOT et notices sur les villages du canton, 1860, pp. 61-66, Monographies des villes et villages de France, Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris 2012.
« Le jeudy 9 du présent mois de juillet 1637, le capitaine Bornival assisté de plusieurs Croates, Comtois et Lorrains, se transportèrent au Fayl-Billot environ une demi heure avant le jour, et ayant gaignié l'église du dict lieu sonnèrent le tocsin et alarme, et les peuples du dict village pensant se retirer en la dicte église furent prins jusqu'au nombre de six vingt personnes entre lesquelles estoit le sieur curé appelé messire Gaspard Carbollot, et furent envoyés à Jonvelle par une partie des soldats.»
8. Nempe quôd duarum mulierum vulvas, post ciolentam oppressionem, aperientes, easque tormentario pulvere adimplentes, et, adhibito igne, tali supplicio eas de medio sustulerunt. Mss., fol.48.
9. Au mois de mai 1638, des Lorrains et des Croates, conduits par le même capitaine Bornival, prélevèrent à Bourbonne 800 pistoles, brûlèrent totalement ou en partie Coiffy-le-Haut, Coiffy-le-Bas, Laneuvelle, Lavernoy, Varennes, Chézeaux et Arbigny-sous-Varennes, massacrèrent plusieurs habitants de ces villages, et en emmenèrent d'autres à Jonvelle.
10. Cette procession se fait encore de nos jour, mais avec moins d'empressement et de piété que dans ces temps de foi.
11. Nommé depuis Maréchal de l' Hôpital.
12. Les Jonvellois avaient détruit en France plus de dix mille maisons et dépeuplé les frontières de la Champagne et de la Bourgogne.
13. Artaufontaine ou les Barrières était une forteresse construite sur le territoire de Cornot, canton de Combeaufontaine. On voit encore l'emplacement.
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