Eolien, requête contre le décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 : la décision du Conseil d' Etat

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ZERO EOLIENNE ET BASTA!
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Le juge ne peut fixer un délai qui soit inférieur au délai de cristallisation automatique des moyens
Estelle Benoit
22 avril 2020


Le président de la formation de jugement peut, en matière de contentieux éolien, fixer une nouvelle date au-delà de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux, à condition que celle-ci ne soit pas inférieure au délai de cristallisation automatique des moyens et que soit respecté le principe du contradictoire.

   Entré en vigueur le 2 décembre 2018, le décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 relatif aux éoliennes terrestres, à l’autorisation environnementale et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit de l’environnement a pour objet, en simplifiant le contentieux éolien, d’empêcher que les recours formés contre les décisions relatives à l’installation d’éoliennes – toujours plus nombreux en la matière – constituent un frein au développement effectif et rapide des énergies renouvelables.
De nombreuses associations de protection de l’environnement et du patrimoine s’en sont inquiétées, jugeant notamment ces mesures trop restrictives au regard du droit au recours effectif. Certaines ont ainsi introduit une requête tendant à l’annulation de tout ou partie dudit décret auprès du Conseil d’État, lequel les a jointes afin de statuer par une seule décision.
   Les requérants reprochaient notamment à l’article 24 du décret, en prévoyant, d’une part, la cristallisation automatique des moyens au-delà du délai de deux mois suivant la notification du premier mémoire en défense (2e al.) et en permettant, d’autre part, au président de la formation de jugement de « fixer [à tout moment] une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie » (3e al.), de méconnaître le principe du contradictoire.
Pour mémoire, la règle générale de droit commun fixée à l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative prévoit que « lorsque l’affaire est en état d’être jugée, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction peut, sans clore l’instruction, fixer par ordonnance la date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux ». Cette mesure de cristallisation non automatique peut être mise en place après l’écoulement d’un délai d’un mois minimum suivant la notification de l’ordonnance. En l’absence d’une telle ordonnance, les parties ont, en principe, jusqu’à la clôture de l’instruction pour invoquer de nouveaux moyens. L’article suivant, inséré par l’article 24 du décret et applicable au contentieux éolien, constitue donc une dérogation à cette règle.
   Le Conseil d’État estime que la mesure de cristallisation automatique des moyens prévue à l’article 24 du décret respecte le principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle en ce que « la limitation du délai ouvert aux parties pour présenter leurs moyens est subordonnée à la communication aux parties du premier mémoire en défense dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 611-3 du code de justice administrative » et en ce que « les dispositions attaquées laissent aux parties un délai de deux mois pour présenter, le cas échéant, tout moyen nouveau ».
   Puis, il se penche sur les dispositions prévues au troisième alinéa du même article et apporte deux conditions cumulatives en l’absence desquelles celles-ci seraient considérées comme méconnaissant le principe du contradictoire : « la faculté pour le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu’il désigne à cet effet, de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens s’exerce dans le respect des exigences du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle et ne saurait autoriser le président de la formation de jugement à fixer une nouvelle date de cristallisation antérieure à l’expiration du délai de deux mois qui court à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense ».
   Autrement dit, lorsque le président de la formation de jugement fixe une nouvelle date de cristallisation des moyens, celle-ci ne peut être prise totalement au hasard puisqu’elle doit dans tous les cas, pour être valable, respecter le principe du contradictoire. La circonstance que la mesure de cristallisation automatique respecte en elle-même le principe du contradictoire n’a pas pour conséquence de rendre son respect optionnel dans l’hypothèse où le juge fixe une nouvelle date au-delà de ce délai de deux mois.
   De même, le Conseil d’État semble non seulement insinuer que la fixation d’un délai inférieur à celui de deux mois de la cristallisation automatique irait à l’encontre du principe du contradictoire mais encore que la fixation d’un délai qui commencerait à courir avant la notification du premier mémoire en défense serait également contraire audit principe.
   Outre la question du principe du contradictoire, celle de la possibilité pour le président de la formation de jugement de fixer un délai inférieur à deux mois se posait effectivement, en raison de la formulation de la disposition, les mots « à tout moment » pouvant laisser entendre une telle affirmation tandis que l’emploi de « nouvelle date » au lieu d’« autre date » pouvant se comprendre comme restreignant cette possibilité au-delà du délai initial de deux mois. La question est désormais tranchée par le juge.
   Relevons que les dispositions de l’article 24 sont semblables en tout point à celles de l’article R. 600-5 du code de l’urbanisme, inséré par l’article 7 du décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme (parties réglementaires) et entré en vigueur plusieurs mois avant le décret litigieux. Bien que ce décret du 17 juillet 2018 n’ait pas été contesté devant le Conseil d’État, on peut raisonnablement penser – eu égard à l’identité rédactionnelle commune aux deux articles – que la réserve d’interprétation formulée en matière de contentieux éolien s’applique également au contentieux de l’urbanisme.

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