Haute-Marne : une histoire de trains, épisode VII

"Les villageois s'attardaient au seuil de leurs maisons. Au loin, roulaient des trains, qui clamaient des cris éperdus. Les femmes se penchaient vers l'ombre, incurablement tristes de n'avoir pas connu les beaux départs. Et quand le train était passé, elles prêtaient encore l'oreille : la grande plaine d'été chantait sur les grillons, les grenouilles et le silence. Elles pensaient alors qu'elles étaient nées de ce village, qu'elles avaient vécu comme leurs mères, ni heureuses, ni malheureuses et qu’après tout, il n' y avait rien à redire à cela."

Marcel Arland, Terres étrangères, Varennes, 1923. 


Langres-Bonnelle 

  La gare est située au pied des murailles de la citadelle en contrebas de la promenade Blanchefontaine.
  La Compagnie achète les terrains nécessaires mais elle doit créer la nouvelle route d'accès. Longue de 1 500 mètres l'avenue de la gare trace un lacet et arrive place Bel Air, c'est aujourd'hui l' avenue du Capitaine Baudoin.
  Cette liaison avec la ville est facile pour les voitures à chevaux et plus tard pour les camions. Elle reste propriété de la Compagnie et chaque personne qui veut construire sur les terrains proches doit demander l'autorisation d'utiliser cette voie privée. C'est ce que fait Soleyan pour son garage et, en 1932, Damance qui veut construire un hangar. 
  En face de la gare, un bureau des omnibus permettait d'attendre les voitures à chevaux qui pouvaient monter quelques voyageurs en ville en même temps que les colis. En 1902, il fallait débourser 30 ou 40 centimes pour être déposé à son domicile. 
 Dans la cour, une grande halle à 8 travées abritait les marchandises en attente, un quai découvert et une grue pouvant porter jusqu'à 10 tonnes facilitaient le chargement des wagons.


  
Un café proche, avec fontaine et lavoir accueillait les soldats de la caserne qui voulaient laver leur linge. La gardienne, Madame Larrère, recevait aussi les employés de la gare et quelques voyageurs en attente.
  Pendant la Grande Guerre, une carrière est ouverte vers la Trincassaye. Un aiguillage est une courte ligne permettent aux trains d'approcher. Un broyeur animé par un locomobile écrase des pierres qui deviennent gravier ou ballast. Elles sont versées directement dans les wagons, transportées vers les zones du front et utilisées pour la construction d'ouvrages de défense.
  À Langres-Bonnelle arrivent des foudres de vin en bois qui permettent à tous les commerçants de la région de s' approvisionner. Jobard, Privat, Carmantrand, Damance viennent avec des voitures chargées de demi-muids de 610 litres. Quand à Bulin, route de Dijon, actuellement établissement Collinot, il fait transporter son vin par Gallien cultivateur à Buzon. Aucun de ces marchands n'oublient de laisser au fond de chaque foudre 100 à 120 litres de vin et de lie qui sont récupérés par les employés du chemin de fer.
  Après 1920, les camions remplacent progressivement les voitures à chevaux.





  À la libération de Langres, les Américains installent en "Bonnelle" une gare de transit importante. Chaque jour arrive un train d'essence en fûts de 200 litres, mais aussi des huiles, des graisses, des habits et de la nourriture en sacs : sucre, café, riz, farine...
  Sur une voie de garage, des wagons-logements abritent de nombreux soldats d'Outre-Atlantique. Sans arrêt, ils chargent et déchargent des marchandises qui parfois sont gaspillées, vendues au marché noir ou volées, comme le relate le journal du 31 août 1946.
  En même temps, une boulangerie est montée dans une salle d'attente. Elle est gérée au profit des soldats américains par des militaires italiens  alliés des Allemands pendant la guerre. On ne les considère pas officiellement comme prisonniers, cependant, ils restent à Langres pendant un an. 
  À cette époque, les voyageurs de la campagne qui arrivent à la gare sont accueillis par une odeur de pain frais et même parfois, les boulangers offrent des tartines de pain d'un blanc étonnant pour ceux qui étaient habitués au pain noir de la guerre.  Ces tartines étaient couvertes d'une épaisse couche de confiture d'orange d'un jaune doré... Quel délice!
  Pour monter en ville à pied, on néglige l'avenue de la gare qui paraît bien longue et l'on prend la grimpette qui passe près de la fontaine aux Fées et conduit au pied de la tour Navarre. Là en 1945 et 1946 quelques prisonniers allemands on enterrés leurs morts qui seront exhumés vers 1948 et 1958. Pour entrer en ville, on passe sous le porche du rempart à côté de l'abattoir, aujourd'hui caserne des pompiers.
   Pour les gens de Buzon et Brevoines qui habitent en face de la gare, le train qui part vers Poinson remplace une horloge : le convoi passe toujours à heures régulières. C'est seulement quand il attaque la montée vers Saints-Geosmes que parfois les retards commencent.
  La gare de Langres-Bonnelle a continué de vivre après l'arrêt et le démontage de la ligne de Poinson-Beneuvre. Pendant 10 ans encore, de 1963 à 1973, des wagons de marchandises sont venus là pour décharger le matériel nécessaire aux agriculteurs et aux militaires des casernes. Dans la cour, les établissements Gérard frères avaient un dépôt de ferraille qu'ils ont transféré ensuite à Langres-Marne.
  Vers 1980, la ville a acheté l'emprise de la ligne. Les services techniques occupent la cour et la halle. Les château d'eau est devenu une réserve d'incendie. La gare elle-même est habitée par M Benneka depuis 1970. Il a transformé les salles d'attente en étable et en bergerie pour deux vaches et une centaine de moutons qui "rongeaient" il y a peu de temps encore, les friches situées autour des remparts.

 
Langres- Vue prise de Buzon

À suivre...

Bernard Sanrey, Le petit train de la montagne haut-marnaise, de Langres à Poinson-Beneuvre, pp. 34-37, 1990.


Aujourd'hui

 
Gare Langres-Bonnelle @rail52.fr/

SDIS 52 - casernedefrance
Langres, caserne des pompiers


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