ROYAUME-UNI, PRODUCTION ÉLECTRIQUE : UN JEUDI DE L' ASCENSION SOUS HAUTE TENSION


  Jeudi 29 mai 2025, jour de l’Ascension, un vent violent s’est abattu sur le Royaume-Uni. Mais ce n’est pas tant la météo que ses conséquences sur le réseau électrique britannique qui ont retenu l’attention : un enchaînement spectaculaire de déséquilibres, de transferts acrobatiques, de décisions à contre-courant du bon sens économique, et un recours massif aux centrales à gaz. À la clé, une démonstration grandeur nature des limites d’un système trop dépendant de l’éolien, notamment en mer. Récit d’une journée tendue… et d’un blackout évité de justesse. 

1. Un jeudi pas comme les autres
  Le 29 mai a mis à nu les défis que pose une production éolienne excessive sur le réseau britannique. Le mécanisme d’équilibrage a été sollicité comme rarement, notamment pour réduire la production éolienne — une décision contre-intuitive en apparence. Le pays a également dû allumer plusieurs centrales à gaz et gérer des échanges interconnectés parfois absurdes, tout cela pour maintenir la stabilité du réseau. Le chaos a frôlé la catastrophe, à deux doigts d’un blackout généralisé comme celui qui avait frappé l’Espagne. Retour sur les événements. 

2. L’éolien en roue libre : prévisions battues en brèche
  Durant la majeure partie de la journée, la production éolienne devait excéder les 14 GW. Mais entre 06 h 00 et 09 h 00, la production réelle a surpassé les prévisions de jusqu’à 3 GW. Même après une révision des prévisions à la hausse vers 07 h 00, elles sont restées en deçà des niveaux constatés. Cet écart, équivalant à 17 % de la demande totale, a fortement perturbé l’équilibre du système, provoquant des redistributions massives, des changements erratiques sur les interconnexions, une réduction forcée de la production éolienne — écrêtage, et un recours accru aux centrales à gaz

3. Interconnexions dans tous les sens : le puzzle énergétique
  Les flux d’interconnexion ont changé de sens plusieurs fois, souvent de façon contradictoire. Par exemple, la Grande-Bretagne importait depuis la France via IFA2 — Caen-Portsmouth, tout en exportant vers la France via IFA1 : Sangatte-Folkestone. De même, elle importait de Norvège via NSL — Suldal–Blyth, tout en exportant vers le Danemark via Viking : Lincolnshire–Jutland. Les interconnexions avec le Benelux, Nemo et BritNed, ont fonctionné en exportation continue. Ce ballet contradictoire illustre la complexité technique et les contraintes locales qui ont dominé la logique de marché
 
 
 

4. Exporter… en payant
  Vers midi, les prix de l’électricité au Royaume-Uni ont chuté quasiment à zéro. NESO — National Energy System Operator, a réalisé cinq enchères d’interconnexion avant 14 h 00, toutes des exportations… mais à prix négatifs. Résultat : la Grande-Bretagne a dû payer 53 775 £ pour vendre 3,9 GW d’électricité. L’une de ces enchères, portant sur 1,3 GW, a été réalisée moins de deux heures avant la période de livraison, illustrant l’urgence et la désorganisation. Principalement, la France et la Belgique ont été payées pour absorber l’excès de production britannique — une absurdité dictée par une offre excédentaire, une capacité d’absorption nationale limitée, et des congestions internes. 
 
 
 

5. Une Irlande encore plus instable… mais mieux servie
  Le Royaume-Uni a aussi conclu 1 400 transactions avec l’Irlande — cette fois à prix positifs. Ces échanges n’étaient pas motivés par un déséquilibre énergétique, mais par la gestion des contraintes de stabilité. L’Irlande, dotée d’un système à très faible inertie, est particulièrement vulnérable lorsque les renouvelables dominent sa production, comme c’était le cas ce jour-là. C’est donc un Royaume-Uni lui-même sous tension qui a dû aider son voisin encore plus fragile. 

6. Les centrales à gaz : les pompiers du réseau
  La centrale à cycle combiné de Marchwood, près de Southampton, a été très sollicitée : elle a reçu de nombreuses instructions de montée et de descente de charge au fil de la journée, ce qui révèle une gestion fine pour pallier des tensions ou un manque d’inertie local, sans doute provoqués par une forte production éolienne offshore au sud de la mer du Nord. Plus à l’est, le secteur de Grain a lui aussi été mobilisé, notamment pour stabiliser le sud-est, fortement impacté par les flux instables sur Viking et IFA. Le comportement erratique de ces interconnexions, parfois opposé entre IFA et IFA2, reflète des contraintes système supérieures aux logiques de marché.
  En raison d’engagements d’exportation garantis par les nominations « Day-Ahead » — notamment via NSL, qui ne permet pas d’ajustement intra-journalier — les centrales thermiques ont été indispensables. Non seulement pour répondre à la demande britannique, mais aussi pour honorer les engagements internationaux, malgré les limitations du réseau. 

7. « Situation extrêmement complexe » : l’understatement britannique par excellence
  Malgré la tension extrême de cette journée, le système est resté dans des limites opérationnelles gérables — mais tout juste. Cette maîtrise de l’équilibrage tient presque du miracle. Comme souvent, les autorités britanniques ont résumé la situation avec un flegme typiquement local : 
« Une journée d’équilibrage complexe ». Tout en précisant que les conditions restaient « dans les marges acceptables ».
  À ce stade, une seule question subsiste : à quand le prochain blackout ?
 
Dans le détail


1. Actions d’équilibrage records : 24 742 manœuvres 
  Le 29 mai, le NESO anciennement National Grid ESO, a dû réaliser 24 742 actions d’équilibrage – un record historique – soit environ 15 à 17 actions par minute tout au long de la journée thetimes.co.uk+1ft.com+1. Ces manœuvres, commande de montée ou descente rapide des centrales, visaient à compenser les écarts imprévus entre production et consommation. 

 2. Prévisions éoliennes complètement erronées
  Les prévisions jour‑avant tablaient sur plus de 14 GW, montant jusqu’à 21 GW le matin. En réalité, la production a été inférieure : écart jusqu’à 3‑4,5 GW, soit environ 17 % de la demande totale thetimes.co.uk+1watt-logic.com+1.
  Les prévisions intra‑journalières — incluant ajustements à 07 h 00 et 10 h 00, n’ont toujours pas suivi la réalité, mettant en cause les modèles de prévision rapides. 
 
3. Flux d’interconnexions incohérents
  Multiples bascules contradictoires :
  • Importations de France via IFA2, exportation simultanée via IFA1
  • Import de Norvège via NSL pendant qu’export à la Scandinavie via Viking
  • Export constant vers le Benelux — Nemo, BritNed, thetimes.co.ukwatt-logic.com.
  Ces inversions de flux ont compliqué la gestion de la tension et de l’inertie sur le réseau. 
 
 4. Exporter… en payant
  NESO a organisé 5 enchères export à prix négatifs : vendre le surplus coûtait à la Grande‑Bretagne £ 53 775 pour 3,9 GW exportés thetimes.co.uk+1watt-logic.com+1watt-logic.com. Cela traduit un excédent d’offre, une capacité d’absorption domestique limitée, et des congestions côté réseau. 
 
5. L’Irlande : stabilité plus fragile
  NESO a engagé 1 400 transactions SO‑SO avec l’Irlande, pas pour acheter de l’énergie, mais pour concilier les contraintes de stabilité. La valeur nette positive représente £2,78 mio, signe que l’Irlande souffrait encore plus de tension réseau, notamment en raison de sa faible inertie watt-logic.com
 
6. Les centrales à gaz en mode gymnastique
  Les centrales Marchwood et Grain ont été constamment sollicitées :
  • Marchwood — Southampton : activée/désactivée plusieurs fois pour soutenir tension et inertie locales, liées au vent offshore sud de la Mer du Nord watt-logic.com+1thetimes.co.uk+1.
  • Grain — Kent : montée en puissance pour stabiliser le sud‑est lors des flux variables via IFA/Viking.
  Ailleurs, Staythorpe, West Burton, Keadby : souvent mis à l’arrêt; Deeside et Rocksavage : activés pour la zone Nord/Ouest watt-logic.com+1thetimes.co.uk+1
 
 7. L’inertie manquante et un vieux système de commande
  L’éolien et le solaire étant du courant continu, ils n’offrent aucune inertie au réseau alternatif traditionnel à 50 Hz thetimes.co.uk.
  Le logiciel de gestion daté des années 1980 ne permet pas de gérer 17 actions par minute : une panne aurait contraint les opérateurs à des appels par téléphone… un risque réel de blackout.
 
8. Contexte plus large : coûts, arbitrages, réforme urgente
  Sur l’exercice 2024‑25, les fermes éoliennes ont été rémunérées pour 13 % de leur temps d’arrêt volontaire, cumulant £2,7 milliards de coûts d’équilibrage, majoritairement liés à l’éolien non arrivé au bon endroit ft.com.
  Un débat s’amplifie sur l’introduction d’un tarif zonal : prix ajustés selon la congestion réseaux, pour rationaliser la production selon la localisation ft.com
 
Conclusion : un modèle sous tension… mais pas encore cassé
  Le 29 mai révèle l’exacte tension du système :
  • Prévisions trop optimistes
  • Excédents ponctuels mal gérés — prix négatifs 
  • Tensions géographiques exigeant activation ciblée de gaz
  • Vieillissement des outils d’opération
  Aujourd’hui, malgré tout, le réseau a tenu. Mais ce n’est que de justesse. Pour prévenir une prochaine crise, il faut :
  1. Moderniser les outils de prévision
  2. Renforcer la flexibilité du réseau (interconnexions, zones de tarification) 
  3. Déployer des sources d’inertie et de réponse rapide (OCGT, batteries, moteurs) 
  4. Mettre à niveau les logiciels de pilotage
  Le système est à un point tournant : sans ces réformes, la prochaine perturbation pourrait bien être le blackout tant redouté.
  Ou... TOUT SIMPLEMENT STOPPER L' EXPLOITATION DES USINES DU VENT ET DU SOLEIL !?  
 
 
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