EDF : Hercule, le pire des projets, à l'exclusion de tous les autres?

  Pour Jean-Bernard Lévy, l’ Arenh est un « poison » qui a sabordé la rentabilité d’EDF.
   Mais au fait ? D'où vient l' Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH)? Et pourquoi est-ce un sujet sensible, et pas seulement pour EDF ?
  Il était une fois... 2006.

François dos Santos




   Entre 1999 et 2004, le marché s'est progressivement ouvert à la concurrence pour tous les clients professionnels. C'est à dire qu'ils pouvaient quitter les tarifs réglementés d'EDF pour souscrire à une offre "de marché". Mais attention, ce choix était irréversible. Ainsi, il coexistait deux types d'offres :
- les offres réglementées, fixées par l'Etat à partir des coûts de production d'EDF ;
- les offres de marché fixées à partir des prix à la bourse de l'électricité.
  Or, si les coûts d'EDF étaient relativement stables, les prix de l'électricité, eux, variaient fortement, notamment sous l'impact du prix du charbon et du gaz, puisque c'est le coût marginal du dernier moyen appelé qui constituait le prix de marché sur la plaque européenne.


 Résultat? Les industriels se plaignirent de cette situation. Amusant, de voir les premiers fils prodigues de la libéralisation, pris en tenaille par les fluctuations du marché, dénoncer une "logique absurde". L’arroseur arrosé, en quelque sorte!

 

 

 

 Aussi, en urgence, le parlement vota, en décembre 2006, le TARTAM (Tarif réglementé transitoire d'ajustement de marché) créant une forme de "tarif réglementé", plus cher que le "tarif vert" EDF mais inférieur au prix de marché.



  L'écart entre TARTAM et le prix de marché est financé à la fois part une part de la CSPE, contribution levée sur les factures de tous les consommateurs, et par une contribution spécifique, payée par EDF et la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Devant durer deux ans, ce TARTAM a été prolongé à plusieurs reprises.Entre temps, la Commission Européenne ouvrira deux procédures d'infraction contre la France car ces tarifs réglementés made in France, constituaient, à ses yeux, une "aide d’État". Dans ces conditions, la France recherche une solution pour à la fois mettre fin à ces tarifs réglementés, stimuler la concurrence et, le tout, en évitant une flambée des prix. Une Commission présidée par Paul Champsaur est donc constituée. Il en découle la loi Nouvelle Organisation du Marché de l'Électricité (NOME) qui prévoit, entre autre, la disparition des tarifs jaunes et verts à l'horizon 2015 mais, en parallèle, garder les effets du prix bas en subventionnant directement les fournisseurs. Dit autrement, plutôt que proposer un tarif réglementé, on subventionne les offres de marché. On permet aux fournisseurs alternatif d'acheter de l'électricité à EDF à 42€/MWh et non au prix de marché. L' ARENH (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique) est née.

 

Les objectifs multiples sont repris dans l'exposé des motifs de la loi NOME, en 2010

   Mais, au fait, pourquoi ce prix de 42€/MWh ? Il a été décidé de le fixer en cohérence avec le prix du TARTAM. L'objectif étant que ce prix de cession permette à tous de proposer un prix plutôt bas au client final, du même ordre que le TARTAM, sans réserver cet avantage aux tarifs réglementés. Ce dispositif liait l'impératif de concurrence et celui de maintenir des prix bas, aux dépends... d'EDF, avec l'obligation pour celui-ci de fournir de l'électricité à bas coût aux concurrents, qui n'ont pourtant pas financé les centrales, afin qu'ils rendent cette compétitivité à leurs propres clients.
  L' ARENH a donc deux objectifs contradictoires :
  1. une logique libérale : stimuler la concurrence sur la fourniture de l'électricité ;
  2. l'émancipation des concurrents d'EDF de toutes les fluctuations des prix et favoriser l'accroissement de leur part de marché. 
 D'autres problèmes se sont posés par la suite. Nous sommes nombreux à en avoir parlé. Ce qu'il faut retenir c'est combien il sera difficile de toucher à l' ARENH sans que cela n'est un impact direct sur les factures, quand bien même, ce dispositif est très pénalisant pour EDF.

Conclusion
  Tous les acteurs doivent avoir conscience qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, c'est-à-dire :
  • conserver une électricité bon marché pour le consommateur ;
  • faire vivre la concurrence ;
  • critiquer EDF pour ses difficultés à financer son projet industriel, dette, recapitalisations...

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Pour Jean-Bernard Lévy, l’ Arenh est un « poison » qui a sabordé la rentabilité d’EDF

La Rédaction

 

  Durant une audience publique au Sénat sur le projet Hercule, ce 10 février 2021, le président d’EDF, Jean-Bernard Lévy, a défendu vigoureusement la réforme du groupe, et sa scission en trois entités, voulue par la Commission Européenne. Pour lui, EDF n’a pas d’autre choix pour en finir avec l’ Arenh : en forçant le groupe à vendre son électricité nucléaire à bas prix à ses concurrents, ce dispositif est
devenu un « poison » qui a conduit au surendettement du groupe.

Hercule permettra de mettre fin à l’ Arenh, un « poison » pour EDF, d’après Jean-Bernard Levy
  L’objectif de Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, est de donner à son groupe les moyens financiers de faire face aux défis de la transition énergétique. Et, pour y parvenir, aller au bout du projet Hercule est pour lui la seule voie possible.
  C’est le principal enseignement de son intervention devant le Sénat, ce mercredi 10 février 2021. Durant ce grand oral, le président du groupe a défendu le projet Hercule, qui prévoyait, avant cette audience, une réorganisation du groupe en trois entités – EDF Bleu, une entreprise publique, pour le réseau de transport et la gestion du parc nucléaire ; EDF Vert, une entreprise cotée en Bourse dont l’Etat demeurera actionnaire majoritaire, pour les activités commerciales, la distribution d’électricité et les énergies renouvelables ; et EDF Azur, une entreprise dédiée à la gestion des centrales hydrauliques, dont les concessions seront ouvertes à la concurrence.
  Voulu par la Commission Européenne, défendu avec plus de prudence par le président Emmanuel Macron et sa ministre de la Transition Ecologique Barbara Pompili, mais critiqué avec force par les syndicats, qui craignent un démantèlement d’EDF, le projet Hercule déchaîne les passions. Il devrait être finalisé dans les semaines qui viennent.
  Pour Jean-Bernard Lévy, cette réforme est indispensable, car c’est, aux yeux de la Commission Européenne, une condition sine qua non à une profonde transformation de l’ Arenh. Ce dispositif, qui permet aux électriciens alternatifs d’acheter à EDF un quart de sa production nucléaire au prix fixe de 42 euros le mégawattheure, est, pour le patron du groupe, un véritable « poison », qui a provoqué un
surendettement qui bloque les possibilités d’investissement d’EDF.

Une réforme nécessaire pour assurer le développement d’EDF, tant sur le nucléaire que sur les EnR
  « Sans réforme, nous sommes menacés de devenir un énergéticien de seconde zone. Nous avons été dégradés cinq fois par les agences de notation ces dernières années », a tonné Jean-Bernard Lévy. Pour lui, le choix à faire est entre « garder le statu quo et continuer à vendre les joyaux de la couronne », ou mettre en œuvre Hercule, « la meilleure des solutions qu’on ait trouver pour respecter les contraintes européennes ».
  Le patron d’EDF a largement insisté sur la principale inquiétude de l’opposition et des organisations syndicales : “Le groupe EDF doit rester un groupe public intégré. C’est un point essentiel, incontournable”, a-t-il insisté. Les différentes entités ne devront pas se faire concurrence mais coopérer entre elles.
  Jean-Bernard Lévy a d’ailleurs précisé que les négociations avaient évoluées, et que l’idée dominante était désormais de revenir à la séparation d’EDF en deux entreprises seulement, l’hydro-électricité étant intégrée avec le nucléaire et le réseau de transport dans EDF Bleu.
  Il affirme par ailleurs qu’Hercule devrait permettre à EDF Vert de se développer plus rapidement, et de doubler les objectifs du groupe en terme de renouvelables, de 50 GW à 100 GW à horizon 2030. Un point incontestable, car EDF Vert regroupe les activités les plus rentables du groupe.
  Il estime également que cette réforme devrait permettre à EDF de couvrir ses investissements dans le nucléaire. Jean-Bernard Levy en a également profité pour souligner qu’il fallait autoriser le plus vite possible EDF à construire 6 nouveaux EPR – même si l’exécutif a repoussé cette décision à 2022 au plus tôt.

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