Dans les eaux troubles de la transition énergétique et du monde politique, fait de contrevérités, d’impostures intellectuelles et de manœuvres financières, surgit parfois un message rare de lucidité et de droiture, comme si la vérité relevait la tête. C'est maintenant !
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Énergie et industrie : nous sommes « lost in transition »
TRIBUNE. L’Europe investit massivement dans l’électrification, mais la consommation baisse depuis 15 ans. Pour Olivier Lluansi, ce paradoxe coûteux freine la transition énergétique.
La centrale nucléaire du Bugey, à Saint-Vulbas, dans l'Ain. © SOPA Images/SIPA / SIPA / SOPA Images/SIPA
Quel serait le mix électrique idéal dans 10-15 ans ? Qui le sait ? Sans doute personne. Ayons l'humilité de le reconnaître. Nous tâtonnons. Ce que nous savons en revanche, c'est que nous ne prenons pas aujourd'hui le chemin de l'électrification. Contrairement à ce que nous souhaitons. Nous voulions des matériaux « verts » tandis que l'une des industries les plus consommatrices d'énergie, l'acier, abandonne ses projets, les uns après les autres. Les faits sont têtus : depuis 15 ans, la consommation d'électricité baisse, tandis que nos prévisions d'électrification sont toujours plus ambitieuses…
C'est ainsi que nous avons créé un parc surcapacitaire. Tout ce que nous avons construit en plus depuis 2005 « ne sert quantitativement à rien », du moins pas aujourd'hui. Ainsi le taux de charge de nos centrales [nucléaires] est devenu scandaleusement bas à 60-70 % au lieu de 80-90 %, moyenne mondiale. Ainsi le nombre d'heures à prix négatifs explose par surplus d' ENR lorsqu'on a l'équation « soleil + vent ».
Cela conduit à un prix moyen au MWh toujours plus élevé, taxes et transferts compris. En effet, la part fixe de l'investissement est de plus en plus lourde, y compris pour les réseaux de transport. Et donc produire ou ne pas produire coûte davantage, mais repose sur moins de MWh. Au nom d'une consommation future, nous programmons de plus en plus d'investissements qui pèsent dès aujourd'hui sur les coûts, donc les prix élevés… et la baisse de la consommation se poursuit. Nous persistons, c'est un cercle vicieux.
Cela conduit à un prix moyen au MWh toujours plus élevé, taxes et transferts compris. En effet, la part fixe de l'investissement est de plus en plus lourde, y compris pour les réseaux de transport. Et donc produire ou ne pas produire coûte davantage, mais repose sur moins de MWh. Au nom d'une consommation future, nous programmons de plus en plus d'investissements qui pèsent dès aujourd'hui sur les coûts, donc les prix élevés… et la baisse de la consommation se poursuit. Nous persistons, c'est un cercle vicieux.
La hausse de consommation d'électricité en priorité
Pour que ce cercle devienne vertueux, il faudrait que la consommation d'électricité augmente. C'est la priorité. Pour qu'elle augmente, il faut que l'électricité soit compétitive, décarbonée et prévisible.
Certains préconisent d'augmenter encore et encore le prix du carbone. À terme, c'est une impasse pour deux raisons. D'une part, on rendrait toute notre économie encore moins compétitive puisque l'Europe est quasiment la seule dans le monde à internaliser le prix du carbone. Et d'autre, part on a un marché unique : on ne différencie même pas les MWh électriques vertueux (décarbonés) des MWh produits par des fossiles.
Si le carbone était à 200 euros la tonne, c'est toute l'économie européenne qui s'arrêterait. Car la taxe carbone aux frontières est trop partielle (une poignée de produits), difficilement extensible à d'autres (pas de majorité européenne), et pire, facilement contournable par nos concurrents. La question même se pose : un coup d'épée dans l'eau ?
Pour que ce cercle devienne vertueux, il faudrait que la consommation d'électricité augmente. C'est la priorité. Pour qu'elle augmente, il faut que l'électricité soit compétitive, décarbonée et prévisible.
Certains préconisent d'augmenter encore et encore le prix du carbone. À terme, c'est une impasse pour deux raisons. D'une part, on rendrait toute notre économie encore moins compétitive puisque l'Europe est quasiment la seule dans le monde à internaliser le prix du carbone. Et d'autre, part on a un marché unique : on ne différencie même pas les MWh électriques vertueux (décarbonés) des MWh produits par des fossiles.
Si le carbone était à 200 euros la tonne, c'est toute l'économie européenne qui s'arrêterait. Car la taxe carbone aux frontières est trop partielle (une poignée de produits), difficilement extensible à d'autres (pas de majorité européenne), et pire, facilement contournable par nos concurrents. La question même se pose : un coup d'épée dans l'eau ?
« Réamorcer la pompe » vertueuse
Certains vantent la destruction créatrice. Notre transition énergétique peut en effet créer de nouvelles activités, des filières industrielles. Leur potentiel additionnel pour l'emploi manufacturier est de quelques pourcents. Tandis que la menace que fait peser l'énergie chère sur l'ensemble de l'industrie européenne se chiffre, elle, en pertes potentielles d'emplois de plusieurs dizaines de pourcents. Un ordre de grandeur de différence.
À cela s'ajoute la disjonction des échelles de temps : destruction rapide et déjà en cours tandis que la création sera lente, future et potentielle ; et les technologies chinoises qui nous devancent d'une génération.
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