Épisode précédent : SAINT-BLIN & SEMILLY : PROJET D'USINE ÉOLIENNE : LE RAPPORT DU COMMISSAIRE ENQUÊTEUR
Saint-Blin : « vue aérienne ». Source.
Dans le cadre de la procédure d’enquête publique relative au projet de l'usine de 9 éoliennes sur le territoire des deux communes, après avoir pris connaissance du Rapport, voici les conclusions et l'avis formulé par le commissaire enquêteur, au terme d’une analyse approfondie du dossier, des contributions du public et des éléments fournis par le porteur de projet.
Ce document constitue une étape décisive dans l’instruction du projet, en ce qu’il synthétise les arguments en présence, évalue les enjeux environnementaux, économiques et sociaux, et oriente les autorités compétentes dans leur décision finale.
Dans ce billet, nous vous présentons les grandes lignes de ces conclusions ainsi que l’avis exprimé par le commissaire enquêteur, afin de mieux comprendre les implications de ce projet pour le territoire concerné.
Dans ce billet, nous vous présentons les grandes lignes de ces conclusions ainsi que l’avis exprimé par le commissaire enquêteur, afin de mieux comprendre les implications de ce projet pour le territoire concerné.
Avis et conclusions du commissaire enquêteur
Extraits
« Sur les Interventions du public et des collectivités localesLe public ne s’est pas déplacé en nombre pour appréhender le projet ou apporter observations et contre-propositions, Pendant les vingt heures de permanence, j’ai rencontré 15 personnes.20 observations ont été formulées.
- 8 sur le registre d’enquête,
- 12 par mail ou courrier.
Ce qui est peu, malgré une communication importante (annonces légales, flyers distribué aux habitants, affichages …).Sur les 20 observations, 6 contributions étaient favorables, une neutre et 13 défavorables.Il faut intégrer aussi le fait que quelques contributions défavorables provenaient de la même famille.(...) Dans le cadre des communes consultées 39 communes ou collectivités ont été concernées par cette enquête. Les
communes suivantes ont transmis une délibération à la préfecture. Seules 12 collectivités ont répondu soit 30 %.3 ont émis un avis défavorable, et 9 un avis favorable .... »
p. 4.
« Sur les impacts environnementaux du projet
- Le projet ne présente pas d’impacts négatifs sur le milieu physique,
- Développées en substitution des centrales thermiques ou nucléaires, les éoliennes préservent l’eau, l’air et le sol des contaminations,
- Les effets cumulés avec les parcs de proximité ont été analysés et permettent de conclure selon le pétitionnaire, qu’une fois pris en compte les mesures annoncées, le parc construit « n'impactera pas de nouveaux espaces.
- (...)
- Les incidents du projet sur la faune et la flore été jugés non significatifs.
- Des mesures de compensation ayant pour objet d’enrayer la perte nette de la biodiversité seront mises en place.
- Un suivi spécifique du milan royal sera réalisé. [1].
... »
[1]. Les promesses n’engageant que celles et ceux qui y croient, espérons que les autorités resteront vigilantes à l’avenir — si toutefois l’usine voit le jour — quant au respect des engagements pris par le porteur de projet.
pp. 7-8.
« Sur les oppositions au projet et les difficultés particulièreLa population locale bien que concernée et informée par les canaux habituels (presse, annonces légales, informations municipales, s’est peu mobilisée. Il est vrai que la communication a été relativement importante. Trois lettres d’information ont été publiées et transmises à l’ensemble de la population. La première lettre date de décembre 2019. La dernière lettre date de décembre 2024.Un comité de suivi a été mis en place. Ce comité s’est réuni une fois par an. Des comptes rendus réguliers ont été communiqués à l’ensemble de la population via les bulletins municipaux.
- Le projet a été initié, il y a déjà pas mal d’années. Les premiers contacts datent de mai 2017.
- La commune de Saint Blin a initié fin 2023, une consultation sur le thème « Zones d’accélération pour la production des énergies renouvelables ». L’ensemble des observations de l’époque étaient positives, sauf une que l’on retrouve sur cette enquête.
- Les principales remarques formulées tournent autour des points suivants :
- l’aspect bruit initié par les neuf éoliennes.
- le risque de ne plus pouvoir recevoir les chaines de télévision.
- l’aspect visuel qui détruit le paysage.
- les impacts sur la faune et la flore.
- un certain nombre de questions reçues par mail traitent un certain nombre de problèmes liées aux aspects financiers et juridiques du montage de cette opération.- Il est important aussi de souligner que les projets éoliens ne suscitent pas uniquement de l’opposition. De nombreuses personnes y sont favorables et comprennent l’importance de la transition énergétique et du développement de l’éolien [2].
- Il faut noter aussi que les deux maires des communes concernées sont très favorables à ce projet.
- Je considère que le pétitionnaire a parfaitement répondu à ces inquiétudes. »
[2]. On ne peut qu’être surpris — pour ne pas dire interloqué — par le commentaire du CE affirmant que les projets éoliens bénéficieraient d’un soutien affirmé dans la population. Une telle déclaration, qui s’apparente davantage à un publi-reportage en faveur du lobby éolien qu’à une analyse objective, paraît totalement déplacée dans le cadre de la présente enquête. Celle-ci révèle en effet un tout autre tableau : seuls six avis favorables ont été recensés, un chiffre dérisoire qui contredit frontalement l’optimisme affiché. Ce décalage flagrant entre les faits constatés et le discours tenu interroge sur la pertinence — voire la neutralité — d’un tel commentaire.
pp. 8-9.
« CONCLUSIONS... J ’estime que cette demande d’autorisation unique pour l’installation et l’exploitation du Parc Eolien Saint Blin et Semilly situé sur les territoires des communes de Saint Blin et Semilly est cohérent et peut être appréhendée sous des aspects favorables au regard des enjeux pris en considération par le porteur de projet. (...)Pour ces raisons et ces motifs, j'émets un
AVIS FAVORABLE
À la demande d’autorisation unique présentée par la « société Saint Blin et Semilly » ,situé sur les territoires de Saint Blin et Semilly de construire et d’exploiter un parc éolien composé de
- 9 éoliennes et un 2 poste de livraison.Cet avis favorable est assorti des recommandations suivantes :
- Réaliser une étude acoustique dès la mise en place en service du parc afin de vérifier si les différents plans de bridage sont efficaces ou s’ils doivent être réajustés.
- Réaliser et respecter des plans de bridage des éoliennes, entre autres, pendant les travaux agricoles, en accord avec le mode de vie du Milan Royal mais aussi des espèces protégées. Ce plan de bridage devra être de 48 heures après les travaux. Ce bridage est valable aussi durant toute la nuit en fonction de l’activité des chiroptères.
- Faire intervenir un coordinateur environnemental qui devra traiter toute la période des travaux afin d’attester le respect des préconisations environnementales.
- Créer une haie en milieu agricole qui aura un effet bénéfique pour les nombreuses espaces animales.
- Réaliser un suivi écologique pendant la phase travaux. Ce suivi sera nécessaire pendant la phase exploitation à savoir, un suivi tous 1,3,10 et 20 ans après la mise en exploitation.
- Bien proposer aux habitants qui le souhaitent des arbres fruitiers qu’ils pourront planter chez eux.
- Dans l’éventualité où une perturbation de la réception télévisés ou radio électrique serait constatée, le pétitionnaire devra prendre toutes les mesures nécessaires pour restituer les signaux perturbés dans leur qualité équivalente à la situation initiale.
• Continuer à bien communiquer vis-à-vis de la population lors des travaux de mise en place des éoliennes. »
La conclusion de Les vues imprenables et PHP
Sans grande surprise, le commissaire enquêteur rend un avis favorable. On peut légitimement se demander s’il lui est déjà arrivé d’en formuler un défavorable !...
Pour prendre connaissance des « CONCLUSIONS ET AVIS » en entier, c'est ICI.
Pour rappel :
Dans le cadre d’un projet éolien — comme pour toute enquête publique — le commissaire enquêteur est rémunéré, non pas par l’autorité qui le désigne, mais par le maître d’ouvrage du projet… autrement dit, le porteur du projet éolien lui-même — généralement un développeur privé.
Le commissaire enquêteur est désigné par le président du tribunal administratif, sur proposition du préfet ou d’une autorité publique compétente.
Bien que cette désignation soit publique, sa rémunération est à la charge du maître d’ouvrage, en vertu de l’article R123-21 du Code de l’environnement.
Cette rémunération est forfaitaire et définie par un barème fixé par arrêté ministériel.
Cela peut soulever une question de neutralité perçue, puisque la personne chargée de recueillir et de synthétiser les avis du public est payée par le promoteur du projet qu’elle évalue dans l’enquête.
Même si nous savons qu'ils existent des garde-fous pour garantir l’indépendance des commissaires enquêteurs, ce mode de financement augmente le risque de conflit d’intérêts qu’il fait peser sur la procédure. Pour lever tout soupçon de partialité, il serait souhaitable que la rémunération du commissaire enquêteur relève non pas du maître d’ouvrage, mais d’une autorité réellement indépendante — idéalement, la Justice elle-même — et ce, quel que soit le type de projet concerné, éolien ou autre.
Bien que cette désignation soit publique, sa rémunération est à la charge du maître d’ouvrage, en vertu de l’article R123-21 du Code de l’environnement.
Cette rémunération est forfaitaire et définie par un barème fixé par arrêté ministériel.
Cela peut soulever une question de neutralité perçue, puisque la personne chargée de recueillir et de synthétiser les avis du public est payée par le promoteur du projet qu’elle évalue dans l’enquête.
Même si nous savons qu'ils existent des garde-fous pour garantir l’indépendance des commissaires enquêteurs, ce mode de financement augmente le risque de conflit d’intérêts qu’il fait peser sur la procédure. Pour lever tout soupçon de partialité, il serait souhaitable que la rémunération du commissaire enquêteur relève non pas du maître d’ouvrage, mais d’une autorité réellement indépendante — idéalement, la Justice elle-même — et ce, quel que soit le type de projet concerné, éolien ou autre.
À ce propos, lire ci-dessous, une partie de l' Audition, ouverte à la presse, de M. Fabien Bouglé, lanceur
d’alerte, porte-parole du collectif Touche pas à nos îles, devant la Commission de l'Assemblée nationale, 2019.
d’alerte, porte-parole du collectif Touche pas à nos îles, devant la Commission de l'Assemblée nationale, 2019.
« ... Troisième point : les commissaires enquêteurs. Pour rappel, en vertu de l’article L. 123-10 du code de l’environnement, les commissaires enquêteurs se voient octroyer une indemnité à la charge des promoteurs éoliens. Ce sont donc les promoteurs éoliens qui payent les commissaires enquêteurs amenés à donner un avis favorable ou non à un projet.L’intermédiaire entre le commissaire enquêteur et le promoteur éolien est le président du tribunal administratif, tribunal administratif qui sera chargé de juger le projet éolien lorsqu’il passera devant les tribunaux.
Avant même toute décision d’accord ou de refus d’un parc éolien, trois acteurs clés — le commissaire enquêteur, le promoteur éolien et le tribunal administratif – sont en lien pour la rémunération du commissaire enquêteur, qui ne sera d’ailleurs jamais connue et qui restera opaque, au point de ne jamais être mentionnée dans les rapports d’enquête publique. L’opacité sur la rémunération des commissaires enquêteurs est totale et n’est pas dévoilée dans le cadre des enquêtes publiques.
Nous avons découvert que des formations destinées aux commissaires enquêteurs étaient réalisées par les promoteurs éoliens eux-mêmes. Je dispose de slides de formations et un programme de formation de 2013, organisée avec le concours de tribunaux administratifs et de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), des cours étant dispensés aux commissaires enquêteurs par des promoteurs éoliens pour leur expliquer comment organiser une enquête publique. Cette connivence, pour ne pas dire cette collusion, se traduit sur le terrain par des résultats édifiants.Pour les éoliennes d’ Arromanches, par exemple, l’enquête publique avait démontré une opposition de 67 %. L’avis du commissaire-enquêteur fut favorable. À Noirmoutier, une opposition de 76 % avec une forte mobilisation et plus de 1 700 contributions. L’avis des commissaires enquêteurs fut favorable à l’unanimité.
Pour le terrestre, les exemples sont très nombreux. Je ne dispose pas de listes à vous fournir, mais je peux vous livrer quelques exemples. À Brignac, dans le domaine rural, au nord-ouest du Morbihan, sur 89 contributions, 5 étaient favorables et 84 opposées. L’avis du commissaire-enquêteur était pourtant favorable.
Partout, des témoignages édifiants sont remontés de citoyens, choqués par l’attitude des commissaires enquêteurs, souvent très favorables à l’éolien, dissertant dans les rapports sur la piètre culture écologique et environnementale des participants ou de leur tropisme « not in my back yard ». Le mépris et le dédain de certains commissaires enquêteurs sont souvent ressentis par les citoyens participant sincèrement à ces enquêtes publiques. On est loin de la convention internationale d’Aarhus traduite dans la charte environnementale, en son article 7, qui exige la participation des citoyens aux décisions ayant un impact sur leur environnement.
La convention ne demande pas un avis, elle « exige » que le citoyen soit acteur de la décision.
Manifestement, par leur attitude, les commissaires enquêteurs prennent en otage la souveraineté populaire issue des valeurs de la République en donnant leur opinion, ce qui est totalement contraire à la convention.
Je finirai cet exposé en rappelant que le 1er mai 2018, Jacques Turpin, commissaire enquêteur du projet de Noirmoutier, dans un mail envoyé par mégarde aux opposants et devenu emblématique, traitait les opposants « de personnes sans scrupule et au QI qui n’est pas celui du géranium. » Il a réagi ainsi après que les opposants se sont offusqués que la permanence des commissaires enquêteurs présentait les affiches, les tracts, les logos commerciaux des promoteurs éoliens et même le registre dématérialisé avec le logo du promoteur éolien. Un commissaire enquêteur devant témoin a confirmé avoir distribué des tracts commerciaux du promoteur éolien.
La présidente de la Compagnie des commissaires enquêteurs, absente aujourd’hui, également commissaire enquêtrice au titre de ce dossier, répondait à tous à ce mail par un simple « Rien de nouveau à l’ouest », oubliant l’article premier des règles de déontologie des commissaires enquêteurs : « Le commissaire enquêteur remplit son rôle dans l’intérêt général avec équité, loyauté, intégrité, dignité et impartialité. » Pour rappel, cette enquête ne sera pas suspendue par le préfet, le commissaire enquêteur ne sera pas radié sur-le-champ et ni le préfet de Vendée ni le président du tribunal administratif de Nantes n’ont procédé à des sanctions administratives de ce fait, et un avis favorable sera donné pour l’enquête publique, avec la signature du commissaire enquêteur insultant. Le député Emmanuel Maquet a d’ailleurs posé une question écrite à ce sujet.
Ma conclusion : les commissaires enquêteurs seraient-ils dans le domaine éolien au- dessus des lois et des intouchables de la République ? Je vous remercie. »
Source : Compte rendu, Commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique, Jeudi 11 juillet 2019 Séance de 10 heures 30 Compte rendu n° 56
Et l'avenir ? À l’issue de l’enquête publique et après examen des avis émis par les services compétents, le préfet statuera sur la demande en décidant de l’autoriser ou de la rejeter.
À suivre...
php