Avant même que l’enquête de l’ ENTSO-E — Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité, n'ait apporté la moindre conclusion à son enquête, une vérité s’impose : il est hors de question d’imaginer que le crash du réseau électrique espagnol soit dû à une cyberattaque !
Le gouvernement espagnol a d’ailleurs immédiatement enterré cette idée, avec la délicatesse d’un bulldozer : pas question d'ajouter à la panique du blackout celle, autrement plus dérangeante, d'une attaque informatique orchestrée par une puissance étrangère.
Ça ferait un peu désordre. Et pire encore : cela risquerait de mettre en lumière, ô sacrilège, la fragilité des sacro-saintes énergies renouvelables. Imaginez le scandale ! Montrer à la face du monde que la robustesse des EnR équivaut à bâtir un château en Espagne ? Impensable.
Le gouvernement espagnol a d’ailleurs immédiatement enterré cette idée, avec la délicatesse d’un bulldozer : pas question d'ajouter à la panique du blackout celle, autrement plus dérangeante, d'une attaque informatique orchestrée par une puissance étrangère.
Ça ferait un peu désordre. Et pire encore : cela risquerait de mettre en lumière, ô sacrilège, la fragilité des sacro-saintes énergies renouvelables. Imaginez le scandale ! Montrer à la face du monde que la robustesse des EnR équivaut à bâtir un château en Espagne ? Impensable.
En même temps, par la parole et par écrit, l'Allemagne lèverait son veto au nucléaire français !? Wait and see...
La grande frayeur ibérique du 28 avril dernier ne semble pas avoir alarmé outre mesure le gouvernement français. Il persiste, en effet, à défendre – après une pause estivale – le nouveau projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie — PPE3, qui continue de faire la part belle aux énergies renouvelables.
Comme le disait si bien le président Chirac (1) :
« Cela m'en touche une sans faire bouger l'autre. »
L’avenir nous dira si l'État français avait raison...
La grande frayeur ibérique du 28 avril dernier ne semble pas avoir alarmé outre mesure le gouvernement français. Il persiste, en effet, à défendre – après une pause estivale – le nouveau projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie — PPE3, qui continue de faire la part belle aux énergies renouvelables.
Comme le disait si bien le président Chirac (1) :
« Cela m'en touche une sans faire bouger l'autre. »
L’avenir nous dira si l'État français avait raison...
(1). Cette phrase, attribuée à Jacques Chirac, n’a jamais été prononcée publiquement. Elle est rapportée dans l’ouvrage Paroles de présidents : Carnets secrets, 1996, de la journaliste Sylvie Pierre-Brossolette.
Aux jours qui viennent !...
php
***
L’échec de l’inertie synthétique
Mortel crash test
Les causes du blackout ibérique du 28 avril demeurent inconnues. Si l’inertie synthétique destinée à remplacer celle des centrales conventionnelles, devait être mise en cause, les décès imputés à l’incident apparenteraient celui-ci à un mortel crash test des moyens mis en œuvre pour permettre l’intégration d’une large part d’énergies renouvelables — EnR. Car pour y parvenir, l’Espagne a mis l’accent sur les technologies de « grid forming » et de stockage afin d’assumer sa situation de péninsule peu connectée à l’inertie des parcs voisins. Ce risque lié au manque de centrales conventionnelles avait été identifié à de nombreuses reprises par l’ Entsoe dont le dernier avertissement date de janvier 2025, tandis que RTE concédait que des tests in situ n’avaient pas encore évalué l’efficacité de cet ersatz d’inertie.
Pour n’être pas encore jugée responsable, la forte pénétration d’ EnR n’en reste pas moins le principal suspect du blackout ibérique. Au nom de sa présomption d’innocence, la PPE3 prévoit d’accélérer en France le développement des EnR électriques intermittentes dont la viabilité repose sur l’inertie synthétique malgré la vraisemblance de leur mortel crash test d’avril et la nécessité probable pour le réseau européen de recourir encore longtemps à l’inertie de notre parc nucléaire.
Où il apparait que 1,3 + 0,8 < 2
L’ Entsoe ne s’est pas encore prononcée sur la responsabilité de l’inertie synthétique utilisée par l’Espagne pour respecter la constante d’inertie de 2 secondes qu’elle juge nécessaire pour stabiliser le réseau. Celle-ci n’était en effet que de 1,3 s au moment de l’incident, le reste étant assuré par de l’inertie synthétique, tromperie sémantique dont l’efficacité n’a encore jamais été testée hors des démonstrateurs de laboratoires, ainsi que l’écrit RTE sur l’efficacité :
« L’équipe R&D développe les outils permettant de qualifier cette stabilité et de tester, via des démonstrateurs sur site, les solutions envisagées comme le « grid forming ». Nous avons réussi à démontrer la faisabilité théorique d’une telle adaptation, après des tests en laboratoire concluants, les équipes de R&D vont commencer des tests à l’échelle industrielle. »
Le groupe d’investigation Lemur de l’université d’Oviedo permet de connaître l’inertie du réseau au moment de l’incident, reproduite ci-dessous.
Notons qu’elle mentionne :
« l’inertie synthétique aurait pu amener l’inertie totale au dessus des 2 s préconisées par l’ Entsoe » et non « a permis d’amener … »
Le rapport de l’ Entsoe dira donc s’il faut considérer le
blackout ibérique comme un premier test grandeur réelle des solutions
développées en laboratoire pour permettre aux EnR de remplacer l’inertie
rotationnelle des centrales conventionnelles.
En tout état de cause, il semblerait que le mix espagnol
tende vers davantage de machines tournantes depuis l’alerte du 28 avril.
Et c’est le moment précis choisi par l’Allemagne pour se
rapprocher de la France en levant
son opposition au nucléaire, dernier rempart contre l’instabilité du réseau
quand le soleil luit Outre-Rhin ou que le vent souffle sur la mer du Nord,
ainsi que le mentionne le rapport
ERCOT qui souligne la dépendance de la stabilité dynamique du réseau
européen au charbon allemand et au nucléaire français.
En tout état de cause, les messages de sous fréquence émis par l'Allemagne sur l'instabilité du réseau semblent perdurer
Source.
PPE3 : l'urgence d'attendre avant de fragiliser le système
La présomption d’innocence des EnR dans le blackout ibérique
doit leur bénéficier tant que l’ Entsoe n’aura pas rendu son rapport définitif. Ses
conclusions permettront de dégager les préconisations permettant d’éviter le
blackout de plus grande ampleur identifié dans son alerte de janvier 2025 sur
les besoins urgents
d’inertie.
En tant que principale interconnexion avec la péninsule, et principal
stabilisateur de la fréquence européenne, le système électrique
français verra le développement de son mix de production
particulièrement concerné
par ces préconisations.
Plus que jamais, il est urgent d’attendre avant de fragiliser
davantage le système en développant de nouvelles EnR électriques en France.
***
Mise à jour du 22/05
En 2023, déjà, Red Eléctrica (REE) avait signalé à la Commission nationale des marchés et de la concurrence (CNMC) que le déploiement des nouvelles petites installations provoquait de « fortes tensions » sur le réseau de transport qui, à certains moments, dépassaient « les valeurs maximales admissibles », ce qui pouvait conduire au « découplage intempestif » de certaines centrales.
Et en novembre 2023 REE adoptait de nouvelles dispositions de contrôle de la tension en considérant notamment que « À certains moments, même lorsque tous les outils disponibles pour le contrôle de la tension ont été activés, les ressources n’ont pas été suffisantes pour garantir que les valeurs de tension se situent dans les marges admissibles établies (1). »
(1) Incident du 24 juillet 2021
En mai 2024, REE publiait une mise à jour des critères de sécurité du réseau destinée à faire face à ce nouveau défi d’intégration des EnR pour lequel le réseau n’était pas prévu. Son analyse relevait la réduction progressive des générateurs synchrones des centrales conventionnelles, la variabilité de la production et l’engorgement du réseau de distribution qui n’était pas prévu pour évacuer des afflux aussi importants d’ EnR qui y sont raccordées « ce qui peut provoquer un changement de criticité de certains nœuds traditionnellement destinés aux centres de transformation et à la demande d'approvisionnement, puisqu'ils peuvent devenir des nœuds d'évacuation de grandes quantités de production »
REE constatait également que « dans le système électrique actuel, qui repose en grande partie sur des générateurs synchrones, il peut y avoir des situations dans lesquelles les systèmes de protection ne parviennent pas à détecter correctement certains défauts, […] lorsque ces générateurs sont découplés. »
En janvier dernier, le gendarme de la concurrence CNMC alertait de la multiplication des épisodes de surtension sur le réseau espagnol qui entraînaient des déconnexions automatiques, notamment du réacteur nucléaire d’ AlmarazII.
La suite, on la connaît, quand bien même le rapport de l’ ENTSO-E devait trouver d’autres coupables.
Mise à jour du 24/05
Le 12 février, le Congrès espagnol avait adopté une motion demandant au gouvernement de renoncer à la mise à l’arrêt prévue des sept tranches nucléaires espagnoles et de prolonger leur fonctionnement. Inquiètes des conséquences du blackout, les entreprises d'énergie renouvelables ont alerté de la fuite hors d'Espagne des millions d'euros de subventions pour leur filière qui résulterait d'une prolongation du parc nucléaire.
Dans un article du 23 mai, le Telegraph évoque la piste d'un test raté sur réseau qui aurait provoqué son écroulement par effet domino. Un test crucial en cette période charnière, un test destiné à montrer qu'on pouvait se passer du nucléaire. L'article fait le parallèle avec le test qui avait entraîné l'accident de Tchernobyl. Et l'article considère que c'est le gouvernement socialiste qui devrait être jugé pour ce fiasco.
Pour très hypothétique que soit cette piste, elle n'en reste pas moins emblématique du contexte du développement des EnR.
Le rôle de l'inertie dans la stabilité du réseau a été l'objet de controverse, le propos n'est pas d'en débattre ici. Mais simplement de s'appuyer sur l'avis de celui qui est chargé de le stabiliser. C'est à dire l' ENTSO-E, qui ne saurait être plus clair

Mise à jour du 07/06/2025
Le 6 juin, l' ENTSO-E publiait les premières données disponibles sur ce blackout.
Et le 7 juin paraissait une analyse détaillée de l'événement dans la revue spécialisée BIC.
Celle-ci
illustre notamment l'opposition de phase des oscillations du réseau qui
étaient apparues dans la matinée entre Malaga en Espagne et Riga en
Lettonie.

Selon l'article « Ces
oscillations sont associées aux oscillations électromécaniques
résultant des interactions entre les masses en rotation des générateurs
synchrones, les systèmes d'excitation, les stabilisateurs de réseau
(SRT) et les contrôleurs des convertisseurs électroniques de puissance ». Sachant que « Il
faut également tenir compte du potentiel d'instabilité lié au
comportement des convertisseurs électroniques de puissance des
générateurs éoliens et solaires photovoltaïques, qui peuvent osciller
entre eux. »
C'est
dans ce contexte qu'une première source de production s'est déconnectée
pour une cause encore inconnue dans le sud de l'Espagne, suivie par une
seconde qui a entrainé la déconnexion automatique de nombreuses
installations photovoltaïques entrainant une vitesse de changement de
fréquence de 1,5 Hz/s, considérée ingérable par l' ENTSO-E.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire