Mais pourquoi donc le gouvernement d’outre-Rhin s’entête-t-il à promouvoir un hydrogène dit « vert », qui vire au gris dès qu’on y regarde de plus près, engloutit des milliards d’argent public et dépend massivement des importations pour exister ?
Si quelqu'un à un début de réponse...
Sur le front du climat, on pourrait aisément intervertir les législateurs français et allemands : même ferveur pour les mirages écologiques, même indifférence aux additions salées. Bah !, tant que les électeurs continueront à voter pour leurs rêveurs et à payer leurs chimères, pourquoi se priver ?

Faibles taxes : le Tiers‑État vainquant l’impôt – « Hydre de Lerne ». École française, caricature anonyme, vers 1789. Musée de la Ville de Paris, Musée Carnavalet.
Bonne lecture...
php
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La stratégie hydrogène allemande nécessite une mise à jour selon la Cour Fédérale des Comptes
Rapport spécial de la Cour Fédérale des Comptes « Umsetzung der Wasserstoffstrategie des Bundes », [ Mise en œuvre de la stratégie fédérale sur l’hydrogène ]. Source : Bundesrechnungshof / [ Cour fédérale des comptes ]
Sommaire
Contexte de départ
La montée en régime de l’économie de l’hydrogène ne s’effectue pas au rythme escompté
- L’objectif de 10 GW de capacité d’électrolyseurs en 2030 est illusoire
- Les besoins en matière d’importations d’hydrogène vert sont presque impossibles à couvrir
- La demande nationale d’hydrogène vert est inférieure aux prévisions
- Le rythme de déploiement du réseau d’hydrogène est trop ambitieux
L’économie de l’hydrogène vert n’est pas sans risques environnementaux
La faisabilité de la stratégie hydrogène doit être examinée de près
Références
Contexte de départ
Le développement de l’économie de l’hydrogène est fortement influencé par les objectifs et les directives européennes /3/.
Pour atteindre les objectifs climatiques, le recours à l’hydrogène « vert » ou au moins à un hydrogène à faible teneur en carbone est incontournable en particulier là où il n’existe actuellement aucune alternative aux combustibles fossiles : l’industrie — notamment industrie sidérurgique, industrie pétrochimique, et certains segments du transport lourd : camions, avions, bateaux. De plus, les centrales à gaz, convertissables à l’hydrogène, doivent contribuer à la sécurité de l’approvisionnement en électricité.
C’est pour cela que gouvernement allemand a fait de l’hydrogène vert un pilier du système énergétique neutre d’ici 2045 /4/.
Lancée en 2020, la stratégie nationale hydrogène vert a été révisée et adaptée en 2023 aux enjeux de la filière à l’horizon de 2030 /5/. Les principaux objectifs : une capacité d’électrolyseurs de 10 GW d’ici 2030, le déploiement des infrastructures de transport d’hydrogène et le développement d’une stratégie d’importation d’hydrogène vert.
En 2030, la demande totale en hydrogène vert et ses dérivés est estimée à 95 – 130 TWh, soit 2,9 à 3,9 Mt : facteur de conversion : 33,33 kWh/kg. À l’horizon de 2045, une demande totale d’hydrogène entre 560 et 700 TWh par an est prévue dont environ 200 TWh pour ses dérivés, comme l’ammoniac. D’autres études indiquent des chiffres encore plus élevés.
Il est prévu d’importer entre 50% et 70% — 47,5 – 91 TWh, d’hydrogène vert et ses dérivés d’ici 2030.
La part des importations continuera à augmenter après 2030.
Une économie de l’hydrogène nécessite le déploiement d’un réseau important de canalisations pour connecter les producteurs d’hydrogène, les utilisateurs, et les infrastructures de stockage. En octobre 2024 le feu vert a été donné pour la mise en place d´ici 2032 du « réseau de démarrage » d’hydrogène d’une longueur de 9040 km. Il est prévu d’utiliser une grande partie du réseau gazier existant. La mise en place du réseau d’hydrogène se fait progressivement à partir de 2025.
La Cour Fédérale des Comptes a examiné les progrès et les défis liés à la mise en place d’une économie de l’hydrogène en Allemagne. Le rapport spécial montre que, malgré des subventions de plusieurs milliards d’Euros, la mise en œuvre de la stratégie hydrogène ne suit pas le rythme escompté. Une mise à jour de la stratégie nationale hydrogène s’impose.
La montée en régime de l’économie de l’hydrogène ne s’effectue pas au rythme escompté
Une disponibilité suffisante de l’hydrogène vert n’est pas garantie à l’horizon de 2030. Le gouvernement n’atteindra pas ses objectifs de production nationale d’hydrogène vert par électrolyseurs. Il n’y aurait pas assez d’hydrogène vert mondialement disponible dans un avenir prévisible pour couvrir les besoins d’importations attendus. De plus, la demande intérieure d’hydrogène vert est inférieure aux prévisions et le rythme de déploiement du réseau d’hydrogène est trop ambitieux.
L’objectif de 10 GW de capacité d’électrolyseurs en 2030 est illusoire
L’objectif actuel est d’installer jusqu’à 10 GW d’électrolyseurs en 2030. Cinq ans avant l’échéance à peine 2% de cet objectif ont été réalisés. Selon la Cour des Comptes, la capacité installée en 2030 serait inférieure à 5 GW.
Les électrolyseurs devraient absorber à moindre coût les excédents temporaires de la production solaire et éolienne afin de produire de l’hydrogène. Sans une capacité d’électrolyseurs suffisante, les réseaux électriques manquent d’un important dispositif de stockage et de compensation de la production variable des énergies renouvelables.
Les besoins en matière d’importations d’hydrogène vert sont presque impossibles à couvrir
D’après l’ AIE /6/, la production mondiale d’hydrogène vert et bleu atteindra 49 Mt par an en 2030, soit environ 1600 TWh/an : facteur de conversion : 33,33 kWh/kg.
En revanche les projets de production d’hydrogène vert pour lesquels une décision finale d’investissement — FID, avait été prise ou qui étaient en cours de construction ne s’élèvent qu’à 1,9 Mt par an : ~ 63 TWh/an. De nombreux développeurs de projets ont reporté ou annulé leurs projets d’électrolyseurs.
La stratégie hydrogène du gouvernement allemand prévoit que les besoins d’importation atteindront au moins 47,5 TWh en 2030. Cela correspond à environ trois quarts de la production mondiale prévisible d’hydrogène vert. En revanche, les besoins maximaux d’importation sont évalués à 91 TWh d’ici 2030 : cf. figure 1.
En revanche les projets de production d’hydrogène vert pour lesquels une décision finale d’investissement — FID, avait été prise ou qui étaient en cours de construction ne s’élèvent qu’à 1,9 Mt par an : ~ 63 TWh/an. De nombreux développeurs de projets ont reporté ou annulé leurs projets d’électrolyseurs.
La stratégie hydrogène du gouvernement allemand prévoit que les besoins d’importation atteindront au moins 47,5 TWh en 2030. Cela correspond à environ trois quarts de la production mondiale prévisible d’hydrogène vert. En revanche, les besoins maximaux d’importation sont évalués à 91 TWh d’ici 2030 : cf. figure 1.

Figure 1 : besoins d’importation et production mondiale de l’hydrogène vert d’ici 2030, source : Bundesrechnungshof et AIE
Selon la Cour des Comptes, les importations ne permettront pas de couvrir les besoins prévus en hydrogène vert dans un avenir prévisible. Il n’y aurait pas assez d’hydrogène vert mondialement disponible pour cela. C’est tout le contraire d’un scénario réaliste.
La demande nationale d’hydrogène vert est inférieure aux prévisions
Les mesures prises par le gouvernement pour promouvoir l’utilisation industrielle de l’hydrogène n’ont pas suscité la demande escomptée, en particulier dans le secteur sidérurgique.
L’un des quatre grands projets sidérurgiques ne sera pas mis en œuvre en raison de la situation du marché et du manque de rentabilité d’une production d’acier vert /7/. Pour les trois autres projets, la date et l’ampleur de l’utilisation de l’hydrogène sont incertaines. À eux seuls, ces quatre projets représentaient un besoin annuel en hydrogène vert de plus de 18 TWh.
En outre, tant que les centrales à gaz ne seront pas obligatoirement converties à l’hydrogène, contrairement à ce qui était prévu par le passé, il manquera un élan essentiel à la demande d’hydrogène vert.
Le gouvernement fédéral actuel souhaite lancer rapidement un appel d’offres ouvert à toutes les technologies pour la construction de centrales à gaz d’une puissance totale pouvant atteindre 20 GW. Il n’est actuellement plus prévu de rendre juridiquement obligatoire la conversion progressive des centrales à gaz à l’hydrogène, compte tenu de l’urgence de construction de nouvelles centrales pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité.
D’autres applications ne devraient pas pouvoir compenser cette baisse de la demande en hydrogène dans un avenir prévisible.
Le rythme de déploiement du réseau d’hydrogène est trop ambitieux
Sur les 9 040 km que comptera au total le réseau de démarrage d’ici 2032, plus de 6 000 km seraient déjà en service d’ici 2030 : cf. figure 2.

Figure 2 : rythme de déploiement du réseau de démarrage d’hydrogène, source : Bundesrechnungshof
Le réseau sera donc largement surdimensionné compte tenu du faible déploiement d’électrolyseurs et d’une demande d’hydrogène vert de l’industrie en berne.
Compte tenu de la lenteur du développement de l’économie de l’hydrogène, la mise en place du réseau devrait être étalée dans le temps pour alléger le budget fédéral.
Compte tenu de la lenteur du développement de l’économie de l’hydrogène, la mise en place du réseau devrait être étalée dans le temps pour alléger le budget fédéral.
Approvisionnement à prix abordable de l’hydrogène vert non garanti – Risques financiers et subventionnement à long terme prévisible
L’hydrogène vert est nettement plus cher que les énergies fossiles telles que le gaz naturel. Comme il ne pourra pas être produit ou importé à des prix compétitifs dans un avenir proche, la conséquence sera un soutien financier permanent de l’État.
En 2030, sur la base des prévisions actuelles, la différence de prix entre l’hydrogène vert importé et le gaz naturel — y compris les coûts des certificats d’émission, sera considérable, soit entre 70 et 275 €/MWh : cf. figure 3.
Figure 3 : différence de prix entre l’hydrogène vert importé et le gaz naturel, source : Bundesrechnungshof
Pour que les importations d’hydrogène vert soient attractives, la différence de prix par rapport au gaz naturel devrait être compensée par un soutien de l’État de l’ordre de 3 à 25 milliards d’Euros en 2030 avec des conséquences considérables pour la stabilité des finances fédérales.
La différence de prix par rapport au gaz naturel pourrait disparaître pour un prix du CO2 de 500 à 1300 €/t. Une telle évolution du prix du CO2 d’ici 2030 est assez improbable. En octobre 2025, le prix de la tonne de CO2 a fluctué autour de 80 €.
La différence de prix par rapport au gaz naturel pourrait disparaître pour un prix du CO2 de 500 à 1300 €/t. Une telle évolution du prix du CO2 d’ici 2030 est assez improbable. En octobre 2025, le prix de la tonne de CO2 a fluctué autour de 80 €.
L’économie de l’hydrogène vert n’est pas sans risques environnementaux
L’hydrogène vert a en principe le potentiel d’être produit et utilisé de manière neutre sur le plan climatique. Cependant, il n’est pas certain que cet effet positif se produise. L’importation d’hydrogène vert, en particulier, peut générer des émissions considérables notamment dans la chaine d’importations.
Selon une étude réalisée en octobre 2024 par l’Institut de Recherche pour la Durabilité de Potsdam /8/, l’hydrogène qui s’échappe dans l’atmosphère agit comme un gaz à effet de serre extrêmement nocif pour le climat. Les deux tiers de ces émissions sont imputables à la chaîne d’importations : production, transport.
De plus, la production d’hydrogène nécessite de grandes quantités d’eau. Selon l’ AIE, environ 40% des projets d’hydrogène vert prévus d’ici 2030 se situent dans des pays déficitaires en eau.
La faisabilité de la stratégie hydrogène doit être examinée de près
Le Ministère Fédéral de l’Économie et de l’Énergie a reconnu qu’il devait agir. En effet, il estime que les mesures qu’il prévoit ne sont pas suffisantes pour que l’hydrogène vert devienne un vecteur énergétique compétitif dans un avenir proche. C’est pour cela qu’Il est prévu d’utiliser dans l’avenir, outre l’hydrogène vert, également l’hydrogène d’origine fossile avec captage du CO2 : hydrogène bleu.
La Cour Fédérale des Comptes estime nécessaire de vérifier la faisabilité de la stratégie hydrogène actuelle et éventuellement la réviser et adapter. Si besoin, il faudrait en temps utile un plan B pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2045 sans un soutien permanent de l’État d’une économie hydrogène vert non économique.
Références
/1/ Bundesrechnungshof (2025), Wasserstoffstrategie des Bundes auf dem Prüfstand, en ligne : https://www.bundesrechnungshof.de/SharedDocs/Kurzmeldungen/DE/2025/wasserstoff/kurzmeldung_wasserstoffstrategie.html
/2/ Gouvernement Français (2025) Stratégie nationale hydrogène (SNH II) : le Gouvernement publie sa mise à jour, Communiqué de presse du 16 avril 2025, en ligne : https://presse.economie.gouv.fr/strategie-nationale-hydrogene-snh-ii-le-gouvernement-publie-sa-mise-a-jour/
/3/ CE (2020) Une stratégie de l’hydrogène pour une Europe climatiquement neutre, Commission Européenne, en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020DC0301&rid=1
/4/ Allemagne Energie (2025), Le tournant énergétique allemand, en ligne : https://allemagne-energies.com/tournant-energetique/
/5/ BMWi (2023) National Hydrogen Strategy, update 2023, Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz, En ligne : https://www.bundeswirtschaftsministerium.de/Redaktion/EN/Publikationen/Energie/national-hydrogen-strategy-update.pdf?__blob=publicationFile&v=2
/6/ AIE (2024), Global Hydrogen Review 2024, Revised version (October 2024), Agence internationale de l’énergie (AIE), en ligne : https://iea.blob.core.windows.net/assets/89c1e382-dc59-46ca-aa47-9f7d41531ab5/GlobalHydrogenReview2024.pdf
/7/ Hydrogeninsight (2025), ArcelorMittal cancels two green hydrogen-based steel projects in Germany, despite attracting €1.3bn of subsidies, en ligne : https://www.hydrogeninsight.com/industrial/arcelormittal-cancels-two-green-hydrogen-based-steel-projects-in-germany-despite-attracting-1-3bn-of-subsidies/2-1-1836221
/8/ RIFS (2024) Controlling Emissions in Germany’s Future Hydrogen Economy, Research Institute for Sustainability Potsdam, en ligne : https://publications.rifs-potsdam.de/rest/items/item_6003744_3/component/file_6003745/content





