USINE ÉOLIENNE : PROMESSE DE BAIL : UNE ANNULATION EST TOUJOURS LÉGALEMENT POSSIBLE

  De nombreux agriculteurs ayant signé une promesse de bail — que ce soit en qualité de propriétaires, d’exploitants ou en tant qu’héritiers d’un signataire initial — pensent qu’ils ne peuvent ni y mettre fin, ni refuser de conclure le bail définitif lorsque le projet tarde à se concrétiser, même s’ils le souhaitent. Cette peur est souvent alimentée par les opérateurs, qui les menacent de poursuites judiciaires s’ils osent se retirer. 
  Pourtant, cette appréhension n’est pas fondée. Un exemple concret à Andelaroche1 — Allier. illustre cette réalité : un propriétaire signataire d’une promesse de bail a refusé de conclure le bail définitif et l’opérateur n’a engagé aucune action judiciaire, préférant abandonner le projet. 
 
https://www.cc-paysdelapalisse.fr/images/2021/04/15/paysage-andelaroche-lapalisse-tourisme-4_1.jpg 
 
1. La commune fait partie de la Communauté de communes du Pays de Lapalisse. 
  « Aux portes de l'Auvergne et du Roannais, où se rencontrent les pays d'oc et d'oïl, Andelaroche est un petit village connu dès l'Antiquité. En 1292, le fief appartient à un certain Audin de Gléné — à l'origine du nom, sa famille le gardera jusqu'au XVIᵉ siècle. Ande et Laroche sont réunies peu avant la Révolution.
  Arrosée par l' Andan et le Balavan, la commune s'étale au fond d'une gorge, ses hameaux s'éparpillent sur les vallons, contreforts de la Montagne Bourbonnaise. Le territoire est essentiellement rural et agricole, très boisé, vallonné, et ponctué de nombreux étangs. »
 
  Dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Riom, 1re chambre, le 31 mai 2022 — n° 20/01146, cette dernière a examiné la clause de prorogation automatique prévue à l’article 11 de la convention. Elle a jugé qu’elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, pour les raisons suivantes :
« La mise en place … de ce dispositif dérogatoire de prorogation sur demande unilatérale et discrétionnaire du bailleur, alors que la durée initiale profitant au bénéficiaire de la promesse avait été précisément calculée sur un temps suffisamment long de six années, apparaît effectivement procéder d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties. »
  La Cour a relevé que cette clause de prorogation :
  • s’appliquait de manière unilatérale sans marge de discussion contractuelle,
  • prolongeait de manière substantielle l’engagement au-delà d’une période déjà longue — de six à neuf années, voire douze avec une seconde prorogation,
  • comprenait un préavis de seulement quinze jours avant l’échéance, ce qui était objectivement disproportionné par rapport à la durée initiale de six ans.
 En conclusion, la Cour a considéré que les modalités de cette clause rendaient l’ensemble du mécanisme « exorbitant du droit commun contractuel » et entaché de caractère abusif. 
  Elle en a tiré la conséquence suivante :
 « Cette clause de prorogation automatique prévue à l’article 11 de la convention litigieuse sera en conséquence réputée non écrite en raison de son caractère abusif. Dans ces conditions, M. [L] [W] est en droit d’opposer à la société FERME ÉOLIENNE D’ ANDELAROCHE la caducité de la convention litigieuse à compter du 11 juillet 2019, sans qu’il soit dès lors nécessaire de poursuivre la discussion sur les autres moyens. »
  Ainsi, la Cour d’appel a considéré que la promesse ne produisait plus d’effets à l’expiration de la période initiale de six ans, faute d’un mécanisme de prorogation valable
 
Références juridiques applicables
  • Article 1171 du Code civil — Aux termes de cet article, dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée, au détriment du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite; cela s’applique aussi aux clauses de promesse de bail conclues entre un exploitant agricole particulier et un opérateur.
  • Notion de clause abusive La jurisprudence considère comme abusives les stipulations qui, par leur contenu ou leurs effets, créent un déséquilibre significatif entre les parties, notamment lorsque la charge d’immobilisation et les délais imposés ne correspondent pas à la nature et aux objectifs réels de la convention.
Principales leçons juridiques  
  • Une promesse de bail emphytéotique n’est pas irrémédiablement contraignante si elle présente des clauses créant un déséquilibre significatif et des engagements excessifs, notamment au travers d’un mécanisme de prorogation automatique disproportionné.
  • Le bénéficiaire d’une promesse ne saurait s’en prévaloir pour contraindre indéfiniment le signataire à conclure le bail définitif si les conditions contractuelles dépassent manifestement ce qui peut être exigé d’un non-professionnel en termes d’immobilisation foncière ou d’exigence unilatérale de prolongation. 
  • Une clause de prorogation qui délivre un avantage excessif à l’opérateur et impose une charge disproportionnée au propriétaire peut être réputée non écrite et conduire à la caducité de la promesse dès l’expiration de la période initiale.
  Ainsi, que vous soyez signataire d’une promesse de bail ou héritier d’un tel engagement, les éléments ci-dessus démontrent clairement que l’annulation ou la dénonciation d’une promesse de bail est juridiquement possible, si les conditions sont réunies : clauses abusives ou déséquilibre significatif !
  Nous espérons que ces informations vous auront apporté l’éclairage nécessaire pour appréhender plus sereinement vos droits.
 
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DÉROGATION « ESPÈCES PROTÉGÉES » : LE PRÉFET TENU DE RESPECTER LES TROIS CONDITIONS INDISPENSABLES À SA VALIDATION

  La justice est régulièrement vilipendée par la société civile : trop laxiste, trop lente, trop distante des victimes… et parfois accusée d’abuser de son pouvoir. Pourtant, lorsqu’il s’agit des projets d’usines ENR, éoliennes ou solaires, ce ne sont pas les magistrats qui posent problème, mais bien les « espèces protégées », ces obstacles naturels devenus le cauchemar des écornifleurs de vent et de soleil. Et dans nombre de dossiers, ces derniers trouvent, en la personne du préfet, un allié précieux et décisif.
  Heureusement, cette justice tant décriée sait encore dresser des barrières et rappeler aux autorités préfectorales qu’on ne joue pas impunément avec les « espèces protégées ». Ici, elle demeure le dernier rempart contre l’inévitable.

Merci.
 
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Le Préfet peut-il délivrer une autorisation environnementale assortie de prescriptions même si les conditions d’octroi d’une dérogation « espèces-protégées » ne sont pas réunies ?

Le Préfet peut-il délivrer une autorisation environnementale assortie de prescriptions même si les conditions d’octroi d’une dérogation « espèces-protégées » ne sont pas réunies ? 
 
  En principe, il est fait interdiction de détruire, altérer, dégrader les spécimens d’espèces protégées et habitats visés par l’article L. 411-1 du code de l’environnement. C’est donc uniquement par exception que certains projets peuvent solliciter la délivrance d’une dérogation à cette interdiction, communément appelée dérogation « espèces-protégées ». 
 
  L’obtention de cette dérogation suppose la réunion de trois conditions, à savoir : 
  1. L’absence de solution alternative satisfaisante ;
  2. L’absence de nuisance pour le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
  3. La justification de la dérogation par l’un des motifs énumérés à l’article L. 411-2 du code de l’environnement parmi lesquels figurent « l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques » ou « d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique » et « des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ».
  Ainsi, le code de l’environnement prévoit que l’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent également le respect des conditions de délivrance de la dérogation « espèces-protégées », entre autres, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation.
  Néanmoins, la dérogation « espèces-protégées » n’est exigée que si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé.
 
  Le Conseil d’État a ainsi récemment rappelé que : 
« A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées " » (CE, 8 juillet 2024, n° 471174).
  Le Conseil d’État confirmait également à cette occasion que l'administration doit vérifier à tout moment si le dépôt d'une demande de dérogation « espèces-protégées » est ou non nécessaire. En l’occurrence, la Haute juridiction n'avait pas estimé nécessaire le dépôt d’une telle demande.
 
  Dans cette continuité, la Cour administrative d’appel de Lyon a été amenée à préciser que si l’administration estime qu’une telle dérogation s’impose et que les conditions limitativement prévues pour l’accorder ne son pas réunies, elle ne peut, lorsque la demande de dérogation porte sur l'ensemble du projet, délivrer l'autorisation environnementale, même en l'assortissant de prescriptions (CAA Lyon, 25 juillet 2024, n° 22LY02288).
 
  Au cas d’espèce, après avoir relevé que les mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées dans son dossier de demande d'autorisation environnementale et dans sa demande de dérogation « espèces-protégées » étaient insuffisantes pour garantir la préservation du Milan royal et que les conditions pour délivrer la dérogation « espèces-protégées » n’étaient pas réunies, le préfet a tout de même délivré l’autorisation sollicitée en fixant des prescriptions destinées à améliorer ce projet en vue de renforcer les mesures d'évitement, de réduction et de compensation initialement prévues.
 
  La Cour censure toutefois cet arrêté en considérant que « même en fixant des prescriptions, l'administration ne pouvait, sans méconnaître le champ d'application des dispositions combinées des articles L. 181-3 4° et L. 181-4 2° du code de l'environnement, autoriser un projet qui, comme le rappelait l'arrêté contesté dans ses motifs, ne remplissait pas les conditions limitativement prévues par l'article L 411-2 de ce même code pour l'octroi d'une dérogation " espèces protégées " et, ce faisant, s'affranchir des règles strictes gouvernant la protection de ces espèces ».
 
Ce vice n’étant pas régularisable, la Cour a annulé purement et simplement l’autorisation ainsi délivrée.
 
  Pour conclure, l’administration ne peut, après avoir constaté que le dépôt d’une demande de dérogation « espèces-protégées » était nécessaire et après avoir considéré qu’une telle dérogation ne pouvait être délivrée en l’état, décider d’accorder l’autorisation environnementale sollicitée, même en l’assortissant de prescriptions. 
 
Sur le Web.

VOISEY : PROJET D'USINE ÉOLIENNE : REFUS DE L' AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE D' EXPLOITATION

 
  VICTOIRE ! Victoire avant tout pour l’association « À contre vent » de Melay, fer de lance de l'opposition, ainsi que pour la municipalité, également investit dans ce refus et, pour tous ces opposants anonymes. Leur très forte participation à l'enquête publique était d'autant plus prégnante que ces Melaysiennes et ces Melaysiens avaient de très bonnes raisons de s'opposer : 
«  il y a un impact architectural – proximité de nombreux sites classés ; 40 ares de milieux naturels sont, avec la piste permanente, exposés ; le projet est prévu dans un secteur de sensibilité maximale pour l’Avifaune nicheuse, et le Milan royal qui, présent toute l’année, y a un couloir de migration, plusieurs couples de cigognes noires sont sur l’aire d’étude du site, avec 14 espèces de chiroptères, dont trois migratoires ; la distance réglementaire de 200 m entre les éoliennes et les zones boisées n’est pas respectée. L’association évoque encore un impact sur la ressource en eau à la fois à Voisey et Melay, et des nuisances sonores. Enfin, le tourisme s’en trouverait malmené »
 
 Melay : association « À contre vent ». jhmQuotidien 2025 05 14.
 
  Du côté de Voisey, à la population fort discrète sur le sujet, on imagine sans peine que c’est la grande soupe à la grimace pour monsieur le maire — directement concerné par ce projet, lire ci-devant, ainsi que pour son conseil municipal, qui l’avait suivi d’un seul homme…
 « La relation entre les écornifleurs éoliens et le conseil municipal semble toujours favorable. Lors de la présentation du dossier de synthèse, le conseil municipal a soulevé trois interrogations, toutes formulées par le même élu. Ces questions n'ont cependant pas remis en cause l'approbation du projet, qui a reçu un vote favorable de six autres membres du conseil (voir ci-dessus). Le maire, étant « partie prenante dans l'affaire », n'a pu participer ni aux réunions ni aux votes sur ce sujet*, mais s'est engagé « à faire remonter ces trois remarques ». 
Source.  
 
  Et qui sait ? Cette petite soupe pourrait bien tourner au vinaigre, si cette vaillante équipe municipale venait à se faire éjecter lors des municipales de mars 2026
 
  Conseil municipal 2020-2026
  À noter que l’assemblée a été renouvelée à près de 70 %, tandis que le nombre d’inscrits a fortement chuté, passant de 278 à 264, soulignant le déclin de ce village. 
  • GAROT Jany, maire, ancien agriculteur exploitant
  • LORRAIN Christian, maire délégué, employé civil et agent de service de la fonction publique
  • ELSAN Nelly, 1er adjointe, ouvrier qualifié de type industriel 
  • MARTIN Michel, 2eme adjoint, ancienne profession intermédiaire
  • DENIZET Lionel, ancien ouvrier
  • DIEVART Gilles, ancien cadre
  • CARDEUR Béatrice, profession intermédiaire administrative et commerciale des entreprises
  • SOLTANI Sauvan, ouvrier agricole  
  • MEULLE Daniel, ancien employé 
  • GOUGNOT Dominique, ancien cadre 
En gras, les réélus en 2020 
 
 
— Inscrits : 264 / 278 en 2014
— Abstentions : 70 / 55
— Votants : 194 / 223
— Blancs ou Nuls : 5 / 3
— Exprimés : 189 / 220
 
 
 En attendant un éventuel recours dans un délai maximal de deux mois de la part l'écornifleur du vent et de ses amis locaux, profitez de ce moment, Mesdames et Messieurs de l’opposition : cette victoire est entièrement la vôtre ! BRAVO !

 Arrêté n° 52-2025-11-00170, du 28 novembre 2025

 Extraits 
 
 
 
 p. 1.
 
 
 
 
 
 
 
p. 2.
 
 
 
 
 
 
 
 p. 3. 
 
  Pour prendre connaissance de l'intégralité de l'arrêté, c'est ICI
 
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USINE ÉOLIENNE : PROMESSE DE BAIL : UNE ANNULATION EST TOUJOURS LÉGALEMENT POSSIBLE

  De nombreux agriculteurs ayant signé une promesse de bail — que ce soit en qualité de propriétaires, d’exploitants ou en tant qu’héritiers...