Au-delà de la critique de l'« écologie du spectacle », de sa complaisance envers les détenteurs du capital, car l'argent, bien que malsain, reste le nerf de la lutte, ainsi que de sa proximité et de sa complicité avec les représentants de l'État, l’auteur (1) prône une nouvelle forme de lutte : l’ ACTION, indissociable de la lutte des classes.
« La conséquence politique du capitalisme n’est autre que la concentration exponentielle du pouvoir entre les mains d’une élite. »
Le tout, raconté dans un livre paru... aux Éditions du Seuil, appartenant à l’un des plus grands groupes capitalistes — Médias Participation, « leader dans l'édition, les médias et le divertissement depuis 1986 »...
Vous avez dit paradoxe ?
Conclusion : vive le capitalisme, à bas le capitalisme ! 😏
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(1) SÉNÉCHAL Clément est sociologue, expert des enjeux climatiques. Il a collaboré avec le site Médiapart et le journal Marianne, a été le porte-parole de Greenpeace France, 2015-2023, et il publie « Pourquoi l'écologie perd toujours » aux éditions du Seuil.
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« L’écologie du spectacle est aveugle à la critique du capitalisme »—
Clément Sénéchal
Laurent Ottavi (Élucid) : Pouvez-vous expliquer en quoi et pourquoi, selon vos mots, l'environnementalisme moderne a été codé comme une « écologie du spectacle » ?
Clément Sénéchal : Dans les années 1970, il existait en France une écologie radicale et militante, marquée par des luttes d’occupation (comme au Larzac ou en Bretagne) et les écrits anticapitalistes d’André Gorz. Une écologie syndicale, même, menée par Bernard Laponche et la CFDT dans le secteur énergétique. Mais un autre type d’écologie se développe au même moment au Canada, avec l’avènement de Greenpeace, qui va rapidement devenir mainstream et s’imposer sur les autres au niveau international, au moins dans l’espace occidental.
Plutôt que d’occuper les zones à protéger, détruire l’infrastructure écocidaire ou même simplement constituer une force militante, Greenpeace opte pour une écologie du témoignage, qui place l’image au centre du jeu, avec une division très stricte entre acteurs (« prophètes » selon Robert Hunter, figure tutélaire de l’organisation) et spectateurs, puis entre professionnels et donateurs. Au cœur de cette recette, on trouve l’idée selon laquelle suffirait d’alerter sur un problème pour qu’il trouve automatiquement une résolution — ce qui dénote une vision très naïve de la démocratie libérale et du capitalisme. « Image is everything », écrit Robert Hunter dans ses mémoires.
Dans cette équation, la médiatisation devient une fin en soi, notamment parce qu’elle permet de mobiliser des capitaux. Pour ce faire, l’écologie promue par Greenpeace ou le WWF est à la fois sensationnaliste et compassionnelle, œcuménique et restreinte, concentrée sur des espèces iconiques et oublieuse des classes populaires. Elle forme une cause séparée des autres, éloignée de la question sociale, aveugle à la critique du capitalisme et dédaigneuse des clivages politiques. Elle devient alors morcelable, négociable et surtout profitable pour les élites, qui en tirent un business (le développement durable) et des positions sociales avantageuses (dirigeant d’ONG, ministre d’ouverture, etc.). Ce qui ouvre la voie à son institutionnalisation au sein du capitalisme : l’horizon révolutionnaire laisse place aux salons mondains, les militants aux experts. Les collectifs militants deviennent des multinationales et l’écologie un produit rentable sur le marché de la bonne conscience.
Plutôt que d’occuper les zones à protéger, détruire l’infrastructure écocidaire ou même simplement constituer une force militante, Greenpeace opte pour une écologie du témoignage, qui place l’image au centre du jeu, avec une division très stricte entre acteurs (« prophètes » selon Robert Hunter, figure tutélaire de l’organisation) et spectateurs, puis entre professionnels et donateurs. Au cœur de cette recette, on trouve l’idée selon laquelle suffirait d’alerter sur un problème pour qu’il trouve automatiquement une résolution — ce qui dénote une vision très naïve de la démocratie libérale et du capitalisme. « Image is everything », écrit Robert Hunter dans ses mémoires.
Dans cette équation, la médiatisation devient une fin en soi, notamment parce qu’elle permet de mobiliser des capitaux. Pour ce faire, l’écologie promue par Greenpeace ou le WWF est à la fois sensationnaliste et compassionnelle, œcuménique et restreinte, concentrée sur des espèces iconiques et oublieuse des classes populaires. Elle forme une cause séparée des autres, éloignée de la question sociale, aveugle à la critique du capitalisme et dédaigneuse des clivages politiques. Elle devient alors morcelable, négociable et surtout profitable pour les élites, qui en tirent un business (le développement durable) et des positions sociales avantageuses (dirigeant d’ONG, ministre d’ouverture, etc.). Ce qui ouvre la voie à son institutionnalisation au sein du capitalisme : l’horizon révolutionnaire laisse place aux salons mondains, les militants aux experts. Les collectifs militants deviennent des multinationales et l’écologie un produit rentable sur le marché de la bonne conscience.
À la différence des entreprises, ces multinationales de la morale n’ont pas vraiment d’obligation de résultat : elles se contentent d’être du bon côté de l’Histoire. Une logique qui entraîne une forme d’indifférence à son objet et une culture de la défaite, justement parce que cette écologie installée finit par avoir trop à perdre pour prendre les risques nécessaires à la transformation sociale et politique.
À Greenpeace, l’aversion au risque se matérialise de deux façons principales : d’abord la mutation en bureaucratie très hiérarchisée, avec l’apparition d’un management intermédiaire dédié à la domestication des salariés et des porte-paroles, afin qu’ils n’en disent surtout pas trop. Ensuite, une expansion invasive des métiers de la communication, notamment pour maîtriser le « risque image » de l’organisation, véritable obsession de la direction. Par conséquent, cette écologie professionnelle se contente essentiellement de « sensibiliser » des groupes sociaux déjà sensibilisés, avec des symboles et des apparences : c’est ce que j’appelle dans mon livre « l’écologie du spectacle ». C’est en quelque sorte une écologie zombie, qui ne se salit jamais les mains.
À Greenpeace, l’aversion au risque se matérialise de deux façons principales : d’abord la mutation en bureaucratie très hiérarchisée, avec l’apparition d’un management intermédiaire dédié à la domestication des salariés et des porte-paroles, afin qu’ils n’en disent surtout pas trop. Ensuite, une expansion invasive des métiers de la communication, notamment pour maîtriser le « risque image » de l’organisation, véritable obsession de la direction. Par conséquent, cette écologie professionnelle se contente essentiellement de « sensibiliser » des groupes sociaux déjà sensibilisés, avec des symboles et des apparences : c’est ce que j’appelle dans mon livre « l’écologie du spectacle ». C’est en quelque sorte une écologie zombie, qui ne se salit jamais les mains.
Élucid : Quel rôle Greenpeace a-t-elle précisément joué dans la mise en orbite de cet environnementalisme du spectacle, qui devient même une écologie récréative aujourd'hui ? En quoi WWF forme-t-il avec elle deux faces d'une même médaille ?
Clément Sénéchal : Greenpeace a vraiment été pionnière de cette écologie du spectacle, qui coïncide avec l’avènement des médias de masse, lesquels fascinaient ses membres fondateurs, dont beaucoup étaient versés dans les métiers de la communication, de l’actualité ou du discours à des postes élevés : « une certaine aristocratie », selon Robert Hunter. Lors de la première campagne, les membres de Greenpeace ambitionnent d’empêcher des essais nucléaires en Alaska en s’interposant sur place. Ils montent une expédition sur un bateau de pêche et prennent grand soin de raconter les détails de leur périple, quasi quotidiennement, à plusieurs médias. « La seule manière pour nous d’avoir un réel impact, c’est de rester d’un bout à l’autre sous les projecteurs », théorise Hunter, qui considère la télévision comme le « théâtre par excellence de l’action politique moderne ».
C’est l’avènement du storytelling environnemental à grande échelle. Leur aventure suscite l’engouement et lors d’une escale, les « combattants de l’arc-en-ciel » décident finalement de rebrousser chemin, au prétexte que leur notoriété médiatique suffit à faire progresser la cause. Plus besoin de s’interposer : ils tournent le dos à leur cible en cours de route et se voient pourtant traités en héros à leur retour. Alors qu’en réalité la campagne est un échec total, alors que les essais nucléaires ont bel et bien lieu, l’équipage en déroute considère avoir gagné. C’est désormais la notoriété, source de capitaux, qui compte.
Clément Sénéchal : Greenpeace a vraiment été pionnière de cette écologie du spectacle, qui coïncide avec l’avènement des médias de masse, lesquels fascinaient ses membres fondateurs, dont beaucoup étaient versés dans les métiers de la communication, de l’actualité ou du discours à des postes élevés : « une certaine aristocratie », selon Robert Hunter. Lors de la première campagne, les membres de Greenpeace ambitionnent d’empêcher des essais nucléaires en Alaska en s’interposant sur place. Ils montent une expédition sur un bateau de pêche et prennent grand soin de raconter les détails de leur périple, quasi quotidiennement, à plusieurs médias. « La seule manière pour nous d’avoir un réel impact, c’est de rester d’un bout à l’autre sous les projecteurs », théorise Hunter, qui considère la télévision comme le « théâtre par excellence de l’action politique moderne ».
C’est l’avènement du storytelling environnemental à grande échelle. Leur aventure suscite l’engouement et lors d’une escale, les « combattants de l’arc-en-ciel » décident finalement de rebrousser chemin, au prétexte que leur notoriété médiatique suffit à faire progresser la cause. Plus besoin de s’interposer : ils tournent le dos à leur cible en cours de route et se voient pourtant traités en héros à leur retour. Alors qu’en réalité la campagne est un échec total, alors que les essais nucléaires ont bel et bien lieu, l’équipage en déroute considère avoir gagné. C’est désormais la notoriété, source de capitaux, qui compte.
Cette tendance se change en paradigme lors de la seconde campagne internationale. Au lieu de renchérir contre la course aux armes nucléaires, Greenpeace décide de sauver les baleines, un animal pour lequel les humains peuvent facilement éprouver de la pitié. Leur bateau est alors transformé en cinéma flottant et l’objectif de l’expédition devient purement spectaculaire : recueillir une photo bien précise, celle des « activistes » s’interposant entre un harpon et un cétacé. Ils y parviennent et contrairement à la baleine immortalisée sur la pellicule, s’en sortent sains et saufs. Leur notoriété franchit un nouveau cap et la charité environnementale, matinée de bons sentiments, devient le nouveau mode de développement de l’écologie.
En glorifiant une vie sauvage lointaine — mais si proche nous — pour mobiliser des financements, le WWF suit la même voie. Les deux organisations ne cesseront jamais de coordonner une partie de leurs actions. À quelques nuances près, elles incarnent un même modèle : celui de l’écologie lucrative. Greenpeace France, c’est plus 30 millions d’euros de ressources en 2023. Pour quel impact ?
Quelles conséquences cette spectacularisation de l'environnementalisme a-t-elle eues sur la portée politique de l'écologie ?
Je pense qu’elles ont été désastreuses et qu’on a encore du mal à bien les saisir, à en dresser l’inventaire rigoureux. Cette écologie du spectacle produit une suite de négations qui la rendent à la fois inoffensive et contre-productive. Elle nie d’abord la réalité en elle-même, en produisant essentiellement des mises en scène (banderolisme éphémère, costumes d’ours, photographes et figurants, certifications et labels mensongers, grenelles et One Planet Summit superfétatoires, vedettes et ministres ornementaux, plaidoyer illusoire envers des autorités hostiles et phraséologie creuse) qui relèvent d’une entreprise de falsification.
À l’action, elle substitue la représentation, au sens théâtral du terme. Au lieu de porter secours, elle se contente de porter témoignage. En versant d’ailleurs dans une forme de divertissement pour le moins embarrassant : récemment, Greenpeace France a par exemple installé une pieuvre gonflable devant le centre Pompidou pour « sensibiliser à la protection des océans ».
Elle nie ce faisant la réalité du conflit politique, sa brutalité et sa rigueur, en accréditant l’idée fantaisiste que l’écologie pourrait être de gauche comme de droite, suggérant qu’elle n’est finalement pas un enjeu politique sérieux. C’est ce qui la rend aujourd’hui si erratique au niveau électoral et ce qui fait d’elle un vecteur de la fausse conscience : elle énonce des prémisses (la fin du monde) auxquelles elle est incapable d’offrir des débouchés politiques, contribuant à vider l’histoire de son caractère contingent pour la rendre immuable.
Elle nie aussi la réalité du conflit social (qui détermine en partie le champ politique), c’est-à-dire la lutte des classes et les antagonismes qui la structurent. Ce qui la porte vers un mépris de classe implicite, dans ses revendications comme dans son incarnation, qui la prive des assises nécessaires pour imprimer utilement dans la société. Elle nie ainsi la cause même du ravage écologique, à savoir le mode de production capitaliste et son régime d’accumulation particulier.
L’écologie du spectacle est en effet essentiellement réformiste, concentrée sur les petits pas effectués par les entreprises, le législateur ou les citoyens, qui lui permettent d’afficher des victoires faciles, mais illusoires. Elle nie dès lors la nécessité de s’impliquer corps et âme, en proposant un gradualisme confortable doublé d’un engagement par procuration. Par suite, elle nie la légitimité de l’écologie militante, symboliquement reléguée dans la sphère dangereuse, malsaine et immature des utopistes ou des jusqu’au-boutistes (pour ne pas dire des rouges), alors même qu’elle est la seule à placer le curseur au bon niveau de confrontation avec le capital. En fait, l’écologie du spectacle s’arrête toujours avant d’être utile, c’est-à-dire à la bordure du conformisme, au-delà de laquelle les choses portent à conséquence.
Je pense qu’elles ont été désastreuses et qu’on a encore du mal à bien les saisir, à en dresser l’inventaire rigoureux. Cette écologie du spectacle produit une suite de négations qui la rendent à la fois inoffensive et contre-productive. Elle nie d’abord la réalité en elle-même, en produisant essentiellement des mises en scène (banderolisme éphémère, costumes d’ours, photographes et figurants, certifications et labels mensongers, grenelles et One Planet Summit superfétatoires, vedettes et ministres ornementaux, plaidoyer illusoire envers des autorités hostiles et phraséologie creuse) qui relèvent d’une entreprise de falsification.
À l’action, elle substitue la représentation, au sens théâtral du terme. Au lieu de porter secours, elle se contente de porter témoignage. En versant d’ailleurs dans une forme de divertissement pour le moins embarrassant : récemment, Greenpeace France a par exemple installé une pieuvre gonflable devant le centre Pompidou pour « sensibiliser à la protection des océans ».
Elle nie ce faisant la réalité du conflit politique, sa brutalité et sa rigueur, en accréditant l’idée fantaisiste que l’écologie pourrait être de gauche comme de droite, suggérant qu’elle n’est finalement pas un enjeu politique sérieux. C’est ce qui la rend aujourd’hui si erratique au niveau électoral et ce qui fait d’elle un vecteur de la fausse conscience : elle énonce des prémisses (la fin du monde) auxquelles elle est incapable d’offrir des débouchés politiques, contribuant à vider l’histoire de son caractère contingent pour la rendre immuable.
Elle nie aussi la réalité du conflit social (qui détermine en partie le champ politique), c’est-à-dire la lutte des classes et les antagonismes qui la structurent. Ce qui la porte vers un mépris de classe implicite, dans ses revendications comme dans son incarnation, qui la prive des assises nécessaires pour imprimer utilement dans la société. Elle nie ainsi la cause même du ravage écologique, à savoir le mode de production capitaliste et son régime d’accumulation particulier.
L’écologie du spectacle est en effet essentiellement réformiste, concentrée sur les petits pas effectués par les entreprises, le législateur ou les citoyens, qui lui permettent d’afficher des victoires faciles, mais illusoires. Elle nie dès lors la nécessité de s’impliquer corps et âme, en proposant un gradualisme confortable doublé d’un engagement par procuration. Par suite, elle nie la légitimité de l’écologie militante, symboliquement reléguée dans la sphère dangereuse, malsaine et immature des utopistes ou des jusqu’au-boutistes (pour ne pas dire des rouges), alors même qu’elle est la seule à placer le curseur au bon niveau de confrontation avec le capital. En fait, l’écologie du spectacle s’arrête toujours avant d’être utile, c’est-à-dire à la bordure du conformisme, au-delà de laquelle les choses portent à conséquence.
En définitive, l’écologie du spectacle a rendu la problématique environnementale parfaitement soluble dans l’extension du système capitaliste et dans le fonctionnement social des classes dominantes. Elle en a fait l’un des agents principaux du statu quo, une préoccupation bourgeoise et la valeur refuge d’une social-démocratie moribonde. Elle concentre aujourd’hui des intérêts économiques qui n’ont pas intérêt à la transformation de l’ordre social, mais à sa stabilisation.
Vous analysez un cercle vicieux dans votre livre. Dans quelle mesure l'obtention d’engagements volontaires des entreprises par les ONG leur confère-t-elle une autorité symbolique en grande partie factice, tout en contribuant à réduire l'action de l’État ?
Dépourvues de visées révolutionnaires, les grandes ONG ont opté pour les solutions de marché, comme si l’on pouvait modifier structurellement des filières économiques et des multinationales sans passer par la régulation étatique. Avec un schéma de campagne assez simple : mettre en exergue un dommage environnemental en dégradant provisoirement l’image d’une entreprise, afin d’exiger des évolutions paramétriques dans sa chaîne d’approvisionnement, comme le remplacement d’un fournisseur accusé par exemple de déforestation. Soucieuses de leur clientèle, les entreprises sont alors amenées à prendre des « engagements volontaires », couronnés par des certifications la plupart du temps bidon.
Pour le dire autrement : en créant tout un marché de l’audit environnemental et du conseil RSE, dont la seule finalité est non seulement de dissimuler les dommages réels provoqués par le business model des grandes entreprises privées sur les écosystèmes, mais surtout de gagner de nouvelles parts de marché en valorisant des engagements mineurs et souvent mensongers, ainsi ont-elles professionnalisé le greenwashing. Dans une économie de marché, la pression de la concurrence et des actionnaires sera de toute façon toujours supérieure à quelques banderoles suivies de déjeuners feutrés.
En l’occurrence, c’était aller complètement à rebours de l’Histoire. Dans les années 1970, le rapport Meadows du Club de Rome formalise une évidence : la croissance infinie dans un monde fini mène forcément, à terme, au chaos. Mais c’est aussi le moment où le néolibéralisme prend son essor et entraîne de nouvelles conquêtes pour le capital, notamment via la dérégularisation des marchés et l’élargissement international du libre-échange.
Les multinationales ont alors commencé à s’attaquer à la prétention normative de l’État, au moment même où le réchauffement climatique était reconnu par la communauté internationale, lors du 1er sommet de la Terre de 1972 à Stockholm, réclamant dès lors de nouvelles législations. Elles ont donc non seulement rendu l’État inopérant sur le terrain économique au moment même où son rôle normatif aurait dû être renforcé, mais elles se sont également arrogé ce pouvoir normatif pour elles-mêmes, via des engagements volontaires valorisés par Greenpeace et autres partenariats noués avec le WWF. D’un point de vue dialectique, les ONG ont été leurs meilleures alliées sur ce terrain. Elles sont un sous-produit du capitalisme. Elles font donc partie du problème.
Pour le dire autrement : en créant tout un marché de l’audit environnemental et du conseil RSE, dont la seule finalité est non seulement de dissimuler les dommages réels provoqués par le business model des grandes entreprises privées sur les écosystèmes, mais surtout de gagner de nouvelles parts de marché en valorisant des engagements mineurs et souvent mensongers, ainsi ont-elles professionnalisé le greenwashing. Dans une économie de marché, la pression de la concurrence et des actionnaires sera de toute façon toujours supérieure à quelques banderoles suivies de déjeuners feutrés.
En l’occurrence, c’était aller complètement à rebours de l’Histoire. Dans les années 1970, le rapport Meadows du Club de Rome formalise une évidence : la croissance infinie dans un monde fini mène forcément, à terme, au chaos. Mais c’est aussi le moment où le néolibéralisme prend son essor et entraîne de nouvelles conquêtes pour le capital, notamment via la dérégularisation des marchés et l’élargissement international du libre-échange.
Les multinationales ont alors commencé à s’attaquer à la prétention normative de l’État, au moment même où le réchauffement climatique était reconnu par la communauté internationale, lors du 1er sommet de la Terre de 1972 à Stockholm, réclamant dès lors de nouvelles législations. Elles ont donc non seulement rendu l’État inopérant sur le terrain économique au moment même où son rôle normatif aurait dû être renforcé, mais elles se sont également arrogé ce pouvoir normatif pour elles-mêmes, via des engagements volontaires valorisés par Greenpeace et autres partenariats noués avec le WWF. D’un point de vue dialectique, les ONG ont été leurs meilleures alliées sur ce terrain. Elles sont un sous-produit du capitalisme. Elles font donc partie du problème.
La portée politique des ONG est-elle d'autant plus faible à cause de leur neutralité par rapport aux consignes de vote ?
Les ONG qui font du plaidoyer incarnent une impasse totale de la praxis : de la pratique stratégique. Comme elles ont fait de la non-violence un fétiche — qui confine en réalité à la bienséance permanente — les voies insurrectionnelles leur sont inaccessibles. Absentes des territoires comme des usines, elles sont également inutiles aux luttes locales comme au combat syndical.
On pourrait croire qu’il leur reste le terrain électoral. Car à quoi bon sensibiliser si ce n’est pour capitaliser sur la bataille culturelle au moment des élections, qui sont un levier citoyen, démocratique et non-violent évident pour amener des changements législatifs favorables à l’environnement — et plus largement pour amorcer une réforme réelle du système économique ? Mais là aussi, elles s’abstiennent. Leur apartisanisme viscéral les empêche de jouer un rôle utile lors de ces séquences potentiellement charnières, qui sont en fait perçues comme un mauvais moment à passer pour les environnementalistes installés.
En 2022, après avoir fourni un vrai travail de commentaire politique et de documentation sur l’inanité écologique du projet et de la pratique d’Emmanuel Macron, après avoir fait condamner l’État pour inaction climatique et rassemblé 2,5 millions de signatures, elles ont par exemple été trop frileuses ne serait-ce que pour appeler au vote et réduire l’abstention. Donc même voter, même les urnes leur apparaissent comme trop politique, trop engagé, trop radical. Elles préfèrent se contenter d’un décryptage sectoriel et pénible des programmes. Les pseudo-alliances syndicales sont remisées au placard, au lieu de construire un front de la « société civile » consistant capable de peser sur l’issue du scrutin. Si certaines ont soutenu le Nouveau Front populaire en 2024 du bout des lèvres, c’est uniquement parce que le Rassemblement national était annoncé à Matignon et qu’il fallait donner le change aux bases salariales.
Même dans les moments de l’Histoire qui sont les mieux balisés, elles ne font donc pas le job. Pour trois raisons : d’une part, elles sont trop dilettantes politiquement pour naviguer correctement dans ces grands moments d’arbitrage et de politisation. D’autre part, elles sont finalement assez peu intéressées par une inflexion réelle des politiques publiques, dans la mesure où elles ont besoin du désastre pour exister — c’est leur raison d’être. Enfin, l’argent n’ayant pas d’odeur, se mouiller politiquement signifierait se couper de certaines sources de capitaux.
Les ONG qui font du plaidoyer incarnent une impasse totale de la praxis : de la pratique stratégique. Comme elles ont fait de la non-violence un fétiche — qui confine en réalité à la bienséance permanente — les voies insurrectionnelles leur sont inaccessibles. Absentes des territoires comme des usines, elles sont également inutiles aux luttes locales comme au combat syndical.
On pourrait croire qu’il leur reste le terrain électoral. Car à quoi bon sensibiliser si ce n’est pour capitaliser sur la bataille culturelle au moment des élections, qui sont un levier citoyen, démocratique et non-violent évident pour amener des changements législatifs favorables à l’environnement — et plus largement pour amorcer une réforme réelle du système économique ? Mais là aussi, elles s’abstiennent. Leur apartisanisme viscéral les empêche de jouer un rôle utile lors de ces séquences potentiellement charnières, qui sont en fait perçues comme un mauvais moment à passer pour les environnementalistes installés.
En 2022, après avoir fourni un vrai travail de commentaire politique et de documentation sur l’inanité écologique du projet et de la pratique d’Emmanuel Macron, après avoir fait condamner l’État pour inaction climatique et rassemblé 2,5 millions de signatures, elles ont par exemple été trop frileuses ne serait-ce que pour appeler au vote et réduire l’abstention. Donc même voter, même les urnes leur apparaissent comme trop politique, trop engagé, trop radical. Elles préfèrent se contenter d’un décryptage sectoriel et pénible des programmes. Les pseudo-alliances syndicales sont remisées au placard, au lieu de construire un front de la « société civile » consistant capable de peser sur l’issue du scrutin. Si certaines ont soutenu le Nouveau Front populaire en 2024 du bout des lèvres, c’est uniquement parce que le Rassemblement national était annoncé à Matignon et qu’il fallait donner le change aux bases salariales.
Même dans les moments de l’Histoire qui sont les mieux balisés, elles ne font donc pas le job. Pour trois raisons : d’une part, elles sont trop dilettantes politiquement pour naviguer correctement dans ces grands moments d’arbitrage et de politisation. D’autre part, elles sont finalement assez peu intéressées par une inflexion réelle des politiques publiques, dans la mesure où elles ont besoin du désastre pour exister — c’est leur raison d’être. Enfin, l’argent n’ayant pas d’odeur, se mouiller politiquement signifierait se couper de certaines sources de capitaux.
Vous évoquez une troisième voie avant l’heure à propos de l'environnementalisme de spectacle et vous soulignez que les mots de capitalisme, et même de néolibéralisme, sont tabous pour une ONG comme Greenpeace. Le cœur de l'impasse à laquelle mènent ces multinationales vertes tient-il au fait de se refuser à penser une critique du capitalisme ?
En effet, il existe toute une vulgate, toute une novlangue émolliente propre aux ONG, qui consiste à toujours éviter de dire vraiment les termes. La première fois que je me suis fait réprimander en interne, c’est quand j’ai qualifié Marine Le Pen de fasciste sur mon compte Twitter, en 2017. Sur des mots comme néolibéralisme ou capitalisme, empruntant au registre de la pensée critique et de tout un pan de la production intellectuelle et académique, il fallait sans cesse batailler.
De fait, leur usage sporadique constitue l’exception qui confirme la règle. Ces restrictions débilitantes sont encore et toujours liées à des questions d’image : les ONG s’adressent d’abord aux classes supérieures bien installées dans l’ordre établi (une audience qu’elles appellent les « stabilisateurs »). Et elles veulent garder leurs entrées auprès de tous les décideurs, quel que soit leur bord politique.
Mais quand la langue se prive de certains concepts, la conscience s’amollit et la faculté de penser disparaît. De fait, en contournant sans cesse la critique du capitalisme pour présenter une écologie grand public plus acceptable, elles se sont interdit de la penser; donc de définir des positionnements, des tactiques et des stratégies qui soient cohérentes avec la réalité économique et sociale du monde contemporain, aujourd’hui très largement définie par la propriété privée des moyens de production et la reproduction du capital.
Or, comme c’est le mode de production qui régente notre rapport aux écosystèmes (matières premières, marchandises, externalités négatives), elles sont incapables d’analyser les ressorts de la cause qu’elles prétendent défendre. Encore plus d’engager les rapports de force qui permettraient de la faire gagner. Dans ces conditions, l’écologie du spectacle reste inoffensive; un supplément d’âme commode à l’avantage des classes dominantes. Le double discours de la marchandise et du capital.
De fait, leur usage sporadique constitue l’exception qui confirme la règle. Ces restrictions débilitantes sont encore et toujours liées à des questions d’image : les ONG s’adressent d’abord aux classes supérieures bien installées dans l’ordre établi (une audience qu’elles appellent les « stabilisateurs »). Et elles veulent garder leurs entrées auprès de tous les décideurs, quel que soit leur bord politique.
Mais quand la langue se prive de certains concepts, la conscience s’amollit et la faculté de penser disparaît. De fait, en contournant sans cesse la critique du capitalisme pour présenter une écologie grand public plus acceptable, elles se sont interdit de la penser; donc de définir des positionnements, des tactiques et des stratégies qui soient cohérentes avec la réalité économique et sociale du monde contemporain, aujourd’hui très largement définie par la propriété privée des moyens de production et la reproduction du capital.
Or, comme c’est le mode de production qui régente notre rapport aux écosystèmes (matières premières, marchandises, externalités négatives), elles sont incapables d’analyser les ressorts de la cause qu’elles prétendent défendre. Encore plus d’engager les rapports de force qui permettraient de la faire gagner. Dans ces conditions, l’écologie du spectacle reste inoffensive; un supplément d’âme commode à l’avantage des classes dominantes. Le double discours de la marchandise et du capital.
Vous avez travaillé au sein de Greenpeace. Pouvez-vous donner des exemples personnels qui vous conduisent à conclure que ces ONG sont des entreprises comme les autres et aussi souligner les processus de fréquentation qui conduisent les « professionnels de l'activisme » à une domestication idéologique ?
Tant d’anecdotes illustratives me viennent en tête : on m’a empêché de parler de racisme environnemental ou de colonialisme climatique ; on m’a réprimandé parce que j’avais critiqué la Primaire populaire, Barbara Pompili ou François Gemenne sur les réseaux sociaux, ou bien dit « ces gens-là » à propos des milliardaires dans une émission de France Inter; on m’a demandé d’y aller un peu mollo avec Mulliez dans un rapport sur l’ ISF climatique; on m’a dit qu’il ne fallait pas que je me fâche avec des gens pour ma carrière; on m’a obligé à faire un rendez-vous de plaidoyer avec un protagoniste de la campagne présidentielle de Macron en 2022…
Deux scènes détaillées. Quelques semaines avant la COP27, je suis convié, avec mes collègues du Réseau action climat, à un rendez-vous de plaidoyer sous les ors républicains avec Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de l’Écologie. Tandis que la ministre égrène les satisfécits sous le regard médusé de ses conseillers, sans doute gênés par tant d’audace, je tente de la reprendre. Un ange passe; la ministre ne permet pas. Elle ne m’adressera plus la parole, mais, au moment de partir, m’offre une poignée de main appuyée, presque chatoyante, comme si le contact physique pouvait dissoudre le mauvais rêve d’une opposition idéologique et dissuader toute nouvelle irrévérence. Plus tard, le bruit court au bureau de Greenpeace France que j’aurais manqué de respect à la ministre, mis en péril nos relations avec le gouvernement et déstabilisé une rencontre « interasso » pourtant nulle et non avenue. Ce n’est pas la confrontation qui compte, mais l’apparat, la comédie. The show must go on.
Quelques semaines après la COP27, alors que je ne fais plus partie de Greenpeace, je suis cette fois invité au pot de départ d’un ancien confrère du WWF, sur une très chic péniche parisienne, à proximité de l’Hôtel de Ville de Paris. De hauts responsables du WWF sont là, secondés par des journalistes de BFM, le directeur des programmes de Greenpeace ou encore la directrice du Réseau action climat. D’autres visages connus apparaissent rapidement : le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, suivi de près par son ministre de tutelle, Christophe Béchu, ou encore la conseillère écologie de Matignon, Marine Braud.
Sur l’arche du pont Marie, un rétroprojecteur inscrit en lettres lumineuses l’injonction suivante : « Pense à rêver ». Dans la perspective, il surplombe le petit agglutinement qui s’est formé autour de Clément Beaune, où je reconnais mes anciens homologues, avides de confidences et de regards entendus avec les autorités, un verre de Spritz offert à la main. Convergence des flûtes. On réaffirme ses accointances, son réseau, ses manières communes : les us et coutumes d’une petite élite distinguée, la noblesse environnementale. On se congratule pour une parole publique, on félicite les évolutions de carrière, on confesse des états d’âme, de nobles fatigues, on admire les lumières dorées de la nuit parisienne qui nous récompensent de tous nos efforts.
Comment, dès lors, destituer un monde dont on s’imagine faire partie ? Une autorité dont dépend votre homologation professionnelle — à plus forte raison quand la multiplication de ces interactions cérémonieuses amène complicité et connivence ? Le goût des associatifs assermentés pour la proximité du pouvoir est d’abord un aveu d’impuissance.
Le lendemain de cette sauterie placée sous le signe du panda, le ministre Christophe Béchu déclare sur CNews, la chaîne du milliardaire Vincent Bolloré : « Malheureusement, certaines mouvances écologiques font reculer la cause qu’elles prétendent défendre ». Quelques jours plus tard, le collectif est dissous en Conseil des ministres.
Tant d’anecdotes illustratives me viennent en tête : on m’a empêché de parler de racisme environnemental ou de colonialisme climatique ; on m’a réprimandé parce que j’avais critiqué la Primaire populaire, Barbara Pompili ou François Gemenne sur les réseaux sociaux, ou bien dit « ces gens-là » à propos des milliardaires dans une émission de France Inter; on m’a demandé d’y aller un peu mollo avec Mulliez dans un rapport sur l’ ISF climatique; on m’a dit qu’il ne fallait pas que je me fâche avec des gens pour ma carrière; on m’a obligé à faire un rendez-vous de plaidoyer avec un protagoniste de la campagne présidentielle de Macron en 2022…
Deux scènes détaillées. Quelques semaines avant la COP27, je suis convié, avec mes collègues du Réseau action climat, à un rendez-vous de plaidoyer sous les ors républicains avec Agnès Pannier-Runacher, alors ministre de l’Écologie. Tandis que la ministre égrène les satisfécits sous le regard médusé de ses conseillers, sans doute gênés par tant d’audace, je tente de la reprendre. Un ange passe; la ministre ne permet pas. Elle ne m’adressera plus la parole, mais, au moment de partir, m’offre une poignée de main appuyée, presque chatoyante, comme si le contact physique pouvait dissoudre le mauvais rêve d’une opposition idéologique et dissuader toute nouvelle irrévérence. Plus tard, le bruit court au bureau de Greenpeace France que j’aurais manqué de respect à la ministre, mis en péril nos relations avec le gouvernement et déstabilisé une rencontre « interasso » pourtant nulle et non avenue. Ce n’est pas la confrontation qui compte, mais l’apparat, la comédie. The show must go on.
Quelques semaines après la COP27, alors que je ne fais plus partie de Greenpeace, je suis cette fois invité au pot de départ d’un ancien confrère du WWF, sur une très chic péniche parisienne, à proximité de l’Hôtel de Ville de Paris. De hauts responsables du WWF sont là, secondés par des journalistes de BFM, le directeur des programmes de Greenpeace ou encore la directrice du Réseau action climat. D’autres visages connus apparaissent rapidement : le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, suivi de près par son ministre de tutelle, Christophe Béchu, ou encore la conseillère écologie de Matignon, Marine Braud.
Sur l’arche du pont Marie, un rétroprojecteur inscrit en lettres lumineuses l’injonction suivante : « Pense à rêver ». Dans la perspective, il surplombe le petit agglutinement qui s’est formé autour de Clément Beaune, où je reconnais mes anciens homologues, avides de confidences et de regards entendus avec les autorités, un verre de Spritz offert à la main. Convergence des flûtes. On réaffirme ses accointances, son réseau, ses manières communes : les us et coutumes d’une petite élite distinguée, la noblesse environnementale. On se congratule pour une parole publique, on félicite les évolutions de carrière, on confesse des états d’âme, de nobles fatigues, on admire les lumières dorées de la nuit parisienne qui nous récompensent de tous nos efforts.
Comment, dès lors, destituer un monde dont on s’imagine faire partie ? Une autorité dont dépend votre homologation professionnelle — à plus forte raison quand la multiplication de ces interactions cérémonieuses amène complicité et connivence ? Le goût des associatifs assermentés pour la proximité du pouvoir est d’abord un aveu d’impuissance.
Le lendemain de cette sauterie placée sous le signe du panda, le ministre Christophe Béchu déclare sur CNews, la chaîne du milliardaire Vincent Bolloré : « Malheureusement, certaines mouvances écologiques font reculer la cause qu’elles prétendent défendre ». Quelques jours plus tard, le collectif est dissous en Conseil des ministres.
Plutôt que les petits pas, le care, les écogestes et l'autonomisation de la cause environnementale, vous plaidez pour une écologie radicale, du clivage, élargie, populaire, qui cherche à prendre le pouvoir institutionnel pour lier le général au local. Quels mouvements en tracent la voie aujourd'hui ?
Je pense que les Soulèvements de la Terre proposent la bonne formule. Ils procèdent d’un double constat : l’indifférence de l’État capitaliste à la crise écologique et l’incapacité des organisations traditionnelles à peser. Les Soulèvements sont une réponse valable à l’écologie « hors-sol » pratiquée par les forces de la bourgeoisie, au ronronnement confortable de la sensibilisation et des indignations de façade pour assumer une conflictualité radicale, sans compromis, avec le pouvoir.
Cela passe par des revendications sans concessions, lestées d’un contenu empirique, qui s’en prennent au totem capitaliste de la propriété privée : l’axe principal des Soulèvements de la Terre est en effet de lutter contre l’accaparement foncier pour instaurer un accès populaire à la terre et ses ressources, à l’eau notamment. En corollaire, ils n’entendent pas réclamer des engagements volontaires de la part des industries écocidaires, mais œuvrer à leur démantèlement.
En pratique, cela signifie passer de la désobéissance à la « résistance civile ». Soit substituer aux spectacles de rue les sabotages, les blocages et les occupations, c’est-à-dire réinventer les formes de l’action directe pour surpasser les faux-semblants de l’écologie du spectacle. S’ensuivent des mobilisations devenues emblématiques, capables de mobiliser une force militante nombreuse, comme autour des mégabassines ou de l’A69, avec un réel rapport de force et des victoires d’étape à la clé.
Cette écologie est à la fois inclusive et déterminée, anticapitaliste et intersectionnelle, articulée à des luttes locales, mais capable d’un discours général. Elle doit maintenant contribuer à la formation d’un front politique ascendant, capable de s’emparer des leviers exécutifs et législatifs. Car il faudra un moment étatique coercitif pour défaire le pouvoir du capital.
Je pense que les Soulèvements de la Terre proposent la bonne formule. Ils procèdent d’un double constat : l’indifférence de l’État capitaliste à la crise écologique et l’incapacité des organisations traditionnelles à peser. Les Soulèvements sont une réponse valable à l’écologie « hors-sol » pratiquée par les forces de la bourgeoisie, au ronronnement confortable de la sensibilisation et des indignations de façade pour assumer une conflictualité radicale, sans compromis, avec le pouvoir.
Cela passe par des revendications sans concessions, lestées d’un contenu empirique, qui s’en prennent au totem capitaliste de la propriété privée : l’axe principal des Soulèvements de la Terre est en effet de lutter contre l’accaparement foncier pour instaurer un accès populaire à la terre et ses ressources, à l’eau notamment. En corollaire, ils n’entendent pas réclamer des engagements volontaires de la part des industries écocidaires, mais œuvrer à leur démantèlement.
En pratique, cela signifie passer de la désobéissance à la « résistance civile ». Soit substituer aux spectacles de rue les sabotages, les blocages et les occupations, c’est-à-dire réinventer les formes de l’action directe pour surpasser les faux-semblants de l’écologie du spectacle. S’ensuivent des mobilisations devenues emblématiques, capables de mobiliser une force militante nombreuse, comme autour des mégabassines ou de l’A69, avec un réel rapport de force et des victoires d’étape à la clé.
Cette écologie est à la fois inclusive et déterminée, anticapitaliste et intersectionnelle, articulée à des luttes locales, mais capable d’un discours général. Elle doit maintenant contribuer à la formation d’un front politique ascendant, capable de s’emparer des leviers exécutifs et législatifs. Car il faudra un moment étatique coercitif pour défaire le pouvoir du capital.
Vous évoquez dans votre ouvrage la nécessité de cibler un ennemi principal, ce que se refusent à faire aujourd’hui les multinationales vertes comme Greenpeace ou WWF. De qui s’agit-il aujourd'hui ?
Il s’agit de la classe capitaliste, c’est-à-dire celle qui possède à la fois les moyens de production et une conscience aiguë de son existence en tant que classe dominante : non seulement classe en soi, mais classe pour soi. Le capital, ce n’est pas seulement de l’argent. C’est de l’argent parvenu à un tel degré de concentration qu’il se traduit en pouvoir économique, social, culturel, symbolique : autrement dit, en emprise politique. La résultante politique du capitalisme n’est autre que la formation d’un surplus de pouvoir exponentiel entre les mains d’une minorité, dont ni la reproduction sociale ni le mode de vie ne sont universalisables dans le cadre des limites planétaires et des principes démocratiques.
L’enjeu écologique est une question de pouvoir et la minorité sociale qui le détient n’a évidemment pas intérêt au renversement des hiérarchies impliqué par la transformation écologique de la société. Défaire la classe capitaliste, en mobilisant notamment de nouvelles alliances entre les classes populaires et les petites et moyennes bourgeoisies qui décrochent du capitalisme, devrait donc être la seule tâche qui incombe aux écologistes. Cela implique un préalable : imposer l’écologie du clivage sur celle du consensus.
Propos recueillis par Laurent Ottavi.
Ce document est l'œuvre de l'auteur ou des auteurs indiqués. Les opinions qui y sont exprimées ne sont pas nécessairement celles de Les Vues imprenables et PHP.
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