MER DU NORD : LES ÉCORNIFLEURS DU VENT LAISSENT L' ALLEMAGNE EN RADE

  Sans surprise, l’Allemagne vient de rappeler une évidence : sans perfusion de l’État et de l'argent des citoyens, l’éolien en mer et sur terre, n'a aucun avenir ! Résultat, l’appel d’offres d’août 2025 pour 2,5 GW en mer du Nord ? Zéro candidat. Trop risqué, trop incertain, trop peu rentable… bref, personne n’a levé la main. Mais pas de panique : les investisseurs désœuvrés pourront toujours traverser le Rhin et se consoler en France, ce petit paradis où les gouvernements successifs ont transformé l’argent des Français en un vent perpétuel...
php 
 
*** 
 

Premier échec d’un appel d’offres de 2,5 GW pour l’éolien maritime en Allemagne 


  Selon la publication de l’Agence Fédérale des Réseaux (Bundesnetzagentur) du 6 août 2025 /1/, l’appel d’offres éolien maritime susceptible d’allouer deux concessions en mer du Nord, baptisées N-10.1 et N-10.2, d’une capacité totale de 2,5 GW pour une mise en service prévue en 2029 et 2031, n’a reçu aucune réponse. Les conditions cadres comportaient manifestement trop de risques pour les investisseurs. En outre le rendement annuel attendu des éoliennes était plus faible que pour d’autres sites suite à une densité élevée de la puissance prospectée favorisant l’effet de sillage. 
  Il s’agit de sites qui avaient déjà été soumis à une analyse préalable par l’Office Fédéral de la Navigation Maritime et de l’Hydrographie (BSH) concernant l’environnement marin, le sol de construction et les conditions atmosphériques et océanographiques. 
  Selon l’annonce du régulateur, les concessions feront l’objet d’un nouvel appel d’offres, selon des règles moins strictes, conformément aux spécifications pour les sites non préalablement analysés. La date limite de soumission des offres a été fixée au 1er juin 2026
  Il s’agit du deuxième revers majeur en peu de temps pour le développement des éoliennes en mer. En juin 2025 le français TotalEnergies avait remporté un appel d’offres pour un montant de 180 M€ pour une concession de 1 GW /2/, soit une fraction de ce que les soumissionnaires avaient encore offert les années précédentes. 
  Ainsi, l’Agence Fédérale des Réseaux avait encaissé plus de 12 Md€ en 2023 pour 4 concessions de 7 GW au total /3/. En 2024, ce chiffre s’élevait encore à 3 Md€ pour deux concessions de 2,5 GW au total /4/.
 
 
Effets de sillages sur un parc éolien en Mer du Nord entrainant une baisse de production des éoliennes environnantes, source : Bundesamt für Seeschifffahrt und Hydrographie 
 

Procédures d’appels d’offres pour l’éolien en mer en Allemagne 

  Les procédures d’appels d’offres pour l’éolien en mer sont fixées dans la Loi pour le développement et la promotion de l´éolien en mer (Windenergie-auf-See-Gesetz – WindSeeG). Il existe deux types de procédures d’appel d’offres avec des conditions cadres différentes
  Les concessions baptisées N-10.1 et N-10.2, d’une capacité totale de 2,5 GW ont fait l’objet d’« appels d’offres pour des sites ayant fait l’objet d’une étude préliminaire centralisée ». 
  Aucune rémunération (par exemple tarif d’achat garanti) n’est prévue pour ces sites. Les investisseurs proposent un montant (en €) pour la concession pour pouvoir construire des éoliennes et précisent en outre les critères qualitatifs auxquels celles-ci répondent. Cela concerne par exemple la contribution à la décarbonisation, la compatibilité environnementale de la technologie utilisée pour les fondations ou la garantie de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée. 
  De plus l’octroi d’une attribution entraine l’obligation de payer une redevance de 37,4 M€ pour la concession N-10.1 et de 9,8 M€ pour la concession N-10.2 pour couvrir les dépenses engagées pour la réalisation de l’étude préliminaire des sites /1/. Exemple : même si un investisseur n’avait proposé qu’un Euro pour une concession, il aurait dû payer les redevances citées ci-dessus. 
  En l’absence d’offres, l’Agence Fédérale des Réseaux met désormais ces concessions aux enchères selon les règles moins strictes des « appels d’offres pour des terrains n’ayant pas fait l’objet d’une étude préalable centralisée ». Les critères qualitatifs ne s’appliquent pas et il existe pour les investisseurs la possibilité de demander une rémunération (tarif d’achat garanti) pour l’électricité injectée au réseau. 
  Ce n’est que lorsque plusieurs offres dites « à zéro centime » ne font pas état d’un besoin d’une rémunération pour leur projet qu’une procédure d’appel d’offres « dynamique » est lancée dans un deuxième temps. Au cours de laquelle les investisseurs font des offres financières pour la concession. 
  Cette procédure a par exemple été utilisée lors de l’appel d’offres clôturé en juin 2025 pour le site non pré-étudié N-9.4, pour lequel deux soumissionnaires se sont présentés avec « zéro centime par kWh » /2/. Le gagnant (TotalEnergies) était prêt à payer pour la concession 180 M€ au gouvernement fédéral (droit de construction d’une puissance éolienne totale d’un gigawatt). 

Trop de risques pour les investisseurs 
  Selon la Fédération allemande des industries de l’énergie et de l’eau (BDEW), les risques pour les développeurs de parcs éoliens en mer ont considérablement augmenté ces dernières années /5/. Cela s’explique notamment par la hausse des coûts d’investissement et d’exploitation due aux tensions géopolitiques et aux goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement. 
  À cela s’ajoutent incertitudes sur les prix de l’électricité et un rendement des éoliennes plus faible en raison d’effets de sillage. 
  Les conditions géologiques pourraient également expliquer l’absence d’offres. Selon la Ministre Fédérale de l’Économie et de l’Énergie, Katherina Reiche /6/, les concessions mises en adjudication présentent des risques plus élevés en raison des conditions géologiques. En effet, une plus grande profondeur d’eau augmente le risque que les fondations soient emportées. Cela pourrait entraîner des primes de risque plus élevées et rendre les zones mises en adjudication peu attractives. 
  De plus, lors des épisodes de prix négatifs, les gestionnaires de réseaux rechignent à honorer leurs contrats d’achat d’électricité, ce qui remet en question l’ensemble du plan de financement d’un projet. 
  BDEW /5/ demande que le modèle de subvention soit remplacé par des contrats pour différence (Contracts for Difference). Ceux-ci prévoient la fixation d’un prix de l’électricité entre l’État et l’exploitant de l’installation. Si le prix réel du marché est inférieur, l’État compense la différence. En revanche, si le prix du marché dépasse le prix convenu, l’exploitant doit reverser les recettes supplémentaires à l’État. 

Problèmes liés à l’effet de sillage non résolus 
  La forte densité de construction prévue jusqu’ici entraîne une réduction significative des heures équivalent de pleine puissance (hepp) sur les sites actuellement mis en adjudication en raison d’effets de sillage. À l’arrière d’une éolienne, un sillage se développe et la vitesse moyenne du vent est diminuée entrainant notamment une baisse de production des éoliennes environnantes /5/, /7/. 
  Selon BDEW /5/ il convient de tenir compte, dans le cadre de la réforme de la Loi pour le développement et la promotion de l´éolien en mer (Windenergie-auf-See-Gesetz – WindSeeG), des effets de sillage croissants en raison de la densité des installations dans la zone économique allemande de la Mer du Nord. 
  Dans une analyse de l’Institut Fraunhofer /5/ le rendement annuel des concessions N-10.1 et N-10.2 (densité de puissance moyenne de 13,8 MW/km2) serait inférieur à 3 000 hepp
  Dans de nombreux parcs éoliens en mer existants, moins touchés par l’effet de sillage, il est possible d’atteindre entre 3 300 et 4 500 hepp et donc une rentabilité plus élevée. 

Références

/1/ BNetzA (2025a) Windenergieanlagen auf See, Ausschreibungen im Jahr 2025, Bekanntgabe der Ausschreibungsergebnisse N-10.1, N-10.2, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Beschlusskammern/BK06/BK6_72_Offshore/Ausschr_vorunters_Flaechen/start.html

/2/ Deutsche Windguard (2025) Status des Offshore-Windenergieausbaus in Deutschland. Erstes Halbjahr 2025, en ligne : https://www.windguard.de/Statistik-1-Halbjahr-2025.html?file=files/cto_layout/img/unternehmen/windenergiestatistik/2025/Halbjahr/Status%20des%20Offshore-Windenergieausbaus_Halbjahr%202025.pdf

/3/ Allemagne Energies (2023) Bilan 2023 de l´éolien en Allemagne, en ligne : https://allemagne-energies.com/2024/02/05/bilan-2023-de-leolien-en-allemagne/

/4/ Allemagne Energies (2024) Bilan 2024 de l´éolien en Allemagne, en ligne : https://allemagne-energies.com/2025/02/07/bilan-2024-de-leolien-en-allemagne/

/5/ BDEW (2025) BDEW zur BNetzA-Ausschreibung für Windenergieanlagen auf See: Erstmals keine Gebote in einer Ausschreibung für Offshore-Wind, Communiqué de presse du 06.08.2025, Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft (BDEW), en ligne : https://www.bdew.de/presse/erstmals-keine-gebote-in-einer-ausschreibung-fuer-offshore-wind/

/6/ ZfK (2025) Keine Gebote: Offshore-Wind-Ausschreibung erstmals gescheitert, Zeitung für kommunale Wirtschaft, en ligne : https://www.zfk.de/energie/strom/keine-gebote-offshore-wind-ausschreibung-erstmals-gescheitert

/7/ Allemagne Energies (2020) Le développement de l’éolien maritime dans la partie allemande de la Mer du Nord tributaire de l’effet de sillage, en ligne : https://allemagne-energies.com/2020/04/17/le-developpement-de-leolien-maritime-dans-la-partie-allemande-de-la-mer-du-nord-tributaire-de-leffet-de-sillage/

Sur le Web

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

MER DU NORD : LES ÉCORNIFLEURS DU VENT LAISSENT L' ALLEMAGNE EN RADE

  Sans surprise, l’Allemagne vient de rappeler une évidence : sans perfusion de l’État et de l'argent des citoyens, l’éolien en mer et s...