Les 7 pêchés capitaux de l'éolien industriel

Yves Verilhac
le 30 juin 2009


Entretien donné par Yves Verilhac


La prolifération des éoliennes sert-elle l’écologie ou le capitalisme vert ?

Les promoteurs de l’éolien industriel se sont assis sur un nombre important de principes de base enseignés par l’écologie, sans doute dans l’espoir d’un changement du contexte énergétique.
Mais faute d’avoir su encadrer cette volonté politique au niveau local, le pari est déjà perdu quelques années seulement après avoir nationalement « dopé » ce secteur industriel.


Retour sur les sept péchés capitaux d'Éole



Mitage
Dans de nombreuses communes françaises, il est difficile voir impossible de construire une simple maison. Les règles sur les paysages sont heureusement venus contraindre la construction : ici c’est la loi Montagne qui oblige à construire dans la continuité des hameaux et bourgs existants, là la loi Littoral, partout les règles d’urbanisme veillent au respect des « greffes » entre le nouveau et l’ancien pré existant. Ces règles louables ont des incidences fortes : ainsi il n’est pas rare de manquer de logements dans le Massif Central à cause de contraintes paysagères. Des industries, et donc des emplois locaux (contrairement aux éoliennes) ne peuvent pas s’implanter. Les permis de construire des éoliennes industrielles s’affranchissent quant à eux de ces principes de bases. La « beauté » de ces machines est un argument subjectif. Car on pourrait tout aussi légitimement vanter la beauté d’usines et de logements. Sur ce prétexte faut-il mettre à bas ces lois qui ont construit les magnifiques paysages français ? Est-ce que l’urgence sociale ne vaut pas celle de l’écologie ?

Saucissonnage
Aucun aménageur ne peut « saucissonner » ses projets pour les faire accepter par petits bouts sans se retrouver poursuivi devant le Tribunal administratif. Sauf pour les promoteurs d’éoliennes ! Aucune planification territoriale n’est venue encadrer la multiplication des machines. Non seulement les projets sont étudiés au coup par coup sans savoir si d’autres implantations auront lieu ou non juste à côté, parce que portés par un autre opérateur privé ou sur une autre commune, mais il est courant que des parcs initiaux « vendus » pour quelques machines à la population, fassent « des petits » quelques années plus tard. Des zones de développement éolien sont approuvées par des collectivités locales sans connaître le nombre de machines à terme. Vous êtes d’accord pour 10 éoliennes ? Demain vous en aurez 50, ou plus... sans pouvoir y redire. Les Régions qui s’étaient vues après coup confier la responsabilité de schémas ont la plupart du temps préféré décliner.

Gaspillage

Les environnementalistes dénoncent à juste titre, la concentration et le gaspillage, mais pas pour l’éolien industriel ! Transporter très peu d’énergie aléatoire (rentabilité moyenne de 30% du temps) et non modulable sur de longues distances n’est pas rentable. Au lieu de développer les énergies renouvelables au niveau de l’habitat individuel préalablement isolé, ce qui rendrait les citoyens plus autonomes... l’éolien renoue avec la concentration. Mono tourisme, mono agriculture, mono énergie... avec toutes les pertes en ligne induites. Cette énergie là serait parait- il « délocalisée » parce que située au plus près des habitants d’une commune. C’est juste oublier que l’énergie ainsi produite part dans le réseau national voir international sans possibilité d’utilisation locale.
Les éoliennes industrielles permettent de se donner bonne conscience sans changer un système centralisé et peu économe. Ainsi la seule augmentation de la consommation française entre 2007 et 2008, soit 5,8 TWh, nécessiterait d’ériger 1400 nouvelles machines. Et en 10 ans 14.000 machines en plus uniquement pour suivre l’augmentation exponentielle ? L’implantation de centaines de machines depuis cinq ans n’a en rien fait décroître la consommation française. Au contraire c’est un alibi pour continuer en pensant que « la technique y pourvoira ».

Not in my back yard

Le « Nimby », pas dans mon jardin (not in my back yard) est dénoncé à juste titre par les tenants de l’environnement. Certains s’en servent même pour discréditer les motivations des opposants aux éoliennes. Mais par une sorte de force centripète, les parcs éoliens sont rarement visibles par les communes qui portent les projets et bénéficient de la taxe professionnelle. Les implantations sont souvent excentrées, visibles depuis les communes qui n’appartiennent pas à la même intercommunalité et ne profitent pas des retombées financières.

Mauvaise gouvernance
Est-ce parce que le secteur est soumis à forte concurrence entre opérateurs eux-mêmes, ou pour éviter la structuration d’oppositions locales, toujours est-il qu’il n’est pas rare que des habitants découvrent les projets au dernier moment, dans le journal ou lors de l’enquête publique. Pas rare non plus que les mâts des éoliennes soient implantés sur les propriétés de certains élus ayant eux-mêmes à se prononcer sur l’opportunité des projets. La concertation, les plaquettes en couleur, l’organisation de voyages sur d’autres parcs éoliens sont le plus souvent financés par les promoteurs eux-mêmes.

Nationalisation de l’investissement, privatisation des profits
En décidant de doper l’énergie éolienne en subventionnant le rachat de l’électricité ainsi produite au dessus du prix du marché, le gouvernement a sollicité le porte monnaie de tous les consommateurs. Ces derniers, en payant leur facture d’électricité, financent les entreprises privées, souvent des multinationales qui, grâce à cet « impôt » bénéficient d’un retour sur investissement très court : entre 5 et 7 ans sachant qu’une machine revient en moyenne à 1M€. Sans garantie que ces bénéfices soient réinvestis pour l’environnement, loin s’en faut. Cette incitation fiscale explique pour une grande part la frénésie qui s’est emparée des aménageurs.

Absence de principe de précaution
Pourtant règle d’or en écologie, le principe de précaution, n’est pas appliqué pour le développement industriel de l’éolien. L’urgence de la réduction des gaz à effet de serre sert de prétexte à la précipitation. Démontrer préalablement la rentabilité de ce développement avant de bouleverser les paysages ? A quoi bon. Vérifier l’impact sur la faune avant de couvrir le territoire national et pourquoi donc ? Un taux de mortalité moyen de 33 oiseaux par machine et par an a été constaté sur des axes migratoires importants (Toronto renewable energy cooperative 2000). Mais certaines associations, dites naturalistes, réalisent les études préalables pour les promoteurs ! Caution n’est pas précaution...
Et le Président de la République vient d’annoncer la construction d’une voire deux nouvelles centrales nucléaires. Encore un pari perdu !
Alors, prenons le temps de la réflexion avant de chambouler les campagnes françaises par des champs d’éoliennes aujourd’hui, et de panneaux photovoltaïque demain. La réforme de la taxe professionnelle saura mettre un frein à cet engouement « vert ». Les communes qui ont su préserver leurs patrimoines paysagers pourraient bien se retrouver gagnantes.


L’auteur: Yves Verilhac a été le premier directeur du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche. Il est ornithologue depuis 1970 et initiateur de la demande de moratoire à l’installation des éoliennes en Ardèche déjà signé par des personnalités comme Pierre Rabhi ou Gilles Clément :
L'exceptionnelle beauté du département de l'Ardèche est menacée à court terme : 38 éoliennes industrielles de plus de cent vingt mètres de haut sont d'ores et déjà visibles de jour comme de nuit depuis les sites les plus emblématiques de ce département tel le Mont Gerbier-de-Jonc, sources de la Loire.
La construction d'une trentaine d'éoliennes supplémentaires a d'ores et déjà été autorisée par la Préfecture et des permis de construire pour une vingtaine de machines supplémentaires sont actuellement en cours d'instruction. Les projets se multiplient sur l'ensemble du département, plus spécialement sur les paysages les plus sensibles des montagnes et collines ardéchoises.
Considérant que :
- La multiplication d'éoliennes industrielles en Ardèche au cours de ces dernières années, qui plus est sans que le nombre total de machines envisagé à terme ne soit fixé, fait peser une grave menace sur l'identité et l'originalité de ce territoire d’exception.

- Il est fort justement demandé aux ardéchois des efforts conséquents pour transmettre aux générations futures des paysages de qualité : loi Montagne, sites classés du Mézenc et du Mont Gerbier de jonc, Parc naturel régional des Monts d'Ardèche, exigences architecturales diverses.

- Selon l'article 2 de la Charte de l'environnement (Constitution de la V° République) «toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement»

- Il faut préserver et entretenir ce patrimoine paysager hors du commun qui est déjà et sera de plus en plus facteur de développement local.

- Le principe de précaution doit également s'appliquer aux paysages.

- Les implantations de machines industrielles ne correspondent en rien à une nécessité énergétique : l'Ardèche produit bien plus d'électricité qu'elle n’en consomme et sa part en énergies renouvelables est de très loin supérieure à la moyenne nationale.

- La construction de machines supplémentaires sur des sites équipés, quelques années après les premières installations et sans annonce initiale aux populations, dénature le sens des débats et des enquêtes publiques.

- La recherche de taxe professionnelle à court terme à des échelles territoriales trop petites, génère des compétitions et des incohérences.

- En fin de compte le territoire ardéchois n'a pas vocation à accueillir un nombre indéfini d'éoliennes industrielles.

De nombreuses personnalités issues du monde économique, social, environnemental et culturel, parmi lesquelles Michel BENHAÏEM Pianiste concertiste, Alain BRON Auteur, Gilles CLÉMENT Paysagiste, Christophe d' INDY Président de l'Agence pour la création d'entreprise, Pierre de LAFARGE Président de l'Amicale des Ardéchois à Paris, Yves LECOQ Humoriste, Jean LEVY, Ancien Ambassadeur de France, Jean Robert PITTE Président de la Société de Géographie, membre de l'Académie des sciences morales et politiques, Pierre RABHI Agro écologiste, Yves VERILHAC Premier directeur du parc naturel régional des Monts d'Ardèche, Kenneth WHITE, écrivain, Institut international de géopoétique, tous attachés à l'Ardèche, demandent à Messieurs les Préfet de l'Ardèche, Président de la Région Rhône-Alpes et Président du Département de l'Ardèche de surseoir à toute implantation nouvelle d'éoliennes industrielles en Ardèche pour les dix années à venir, et l'apport de garanties quant à l'avenir des paysages ardéchois.

Tous les amoureux des patrimoines paysagers ardéchois peuvent s'associer à cette initiative indépendante et apolitique en signant cette demande de moratoire.

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