LE NUCLÉAIRE SOUS L' EMPRISE DU VENT ET DU SOLEIL

" Va maintenant, va donc,
  Va-t-en par ce chemin tout rempli de ténèbres,
  Va-t'en là d'où l'on dit qu'un départ si funeste
  À tes pas fut donné; ... "
AUTEUR Inconnu, Le Lengrois Chirapa, présentée et traduite par LAZARY Louis, Société Historique et Archéologique de Langes, I984.

  Deux interrogations au monde politique qui a décidé de cette politique énergétique :
  1.  Quand on observe la croissance fulgurante des profits réalisés par les entreprises actives dans les énergies renouvelables, EnRi, on peut se demander pourquoi l’État français, en quête de ressources financières, n’envisage pas de nationaliser ce secteur stratégique ?
  2. De nombreux responsables politiques – maires, présidents de communautés de communes, départements, régions – soulignent les bénéfices locaux apportés par ces " usines du vent et du soleil " : prospérité économique et création d’emplois. Pourtant, on ne peut qu’être surpris de constater que des lieux emblématiques comme Paris, Versailles, Chambord, Le Touquet, Courchevel ou Saint-Tropez semblent encore se passer d’une telle opportunité. Pourquoi ?
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Grand vent abat le nucléaire

 

  Lorsque le vent souffle fort et sur toute la France, il faut diminuer la production des centrales nucléaires. Exemple avec les chiffres de la production d’électricité du mois de novembre que RTE vient de publier. Explication en graphiques de ce phénomène spécifique du système électrique français (hexagonal du moins) qui a connu deux épisodes de ce type, les 19 et 20 novembre mais surtout les 24, 25 et 26 novembre.
  D’abord, retour à l’information de base : de quoi est constitué le système de production et ses caractéristiques principales, avec les chiffres de novembre 2024 ?
  Le « parc », l’ensemble des moyens de production d’électricité sont représentés par ce graphique qui donne une impression d’équilibre entre la puissance nucléaire et les énergies renouvelables :
 
Les moyens de production d’électricité disponibles (en théorie) semblent équilibrés entre un parc nucléaire qui en constitue un peu moins de 40%, et des moyens utilisant des énergies renouvelables apparemment de même taille, environ 15% chacun pour l’eau, le vent et le Soleil. Les centrales thermiques au gaz pèsent un peu moins de 9%, le charbon et le fioul sont résiduels. Le calcul est réalisé en considérant la puissance maximum installée, donc pour le vent, lorsque les éoliennes tournent à 100% de leur capacité et pour les panneaux photovoltaïques ce qu’ils peuvent fournir à midi heure solaire sous un ciel sans nuage. Les capacités des centrales nucléaires et thermiques sont également considérées à leurs puissances maximales, sans considération de leur disponibilité réelle, qui tombe à zéro lors des opérations de maintenance et de chargement/déchargement du combustible nucléaire des réacteurs.
  Toutefois, en raison de « facteurs de charge » – le temps réel de production modulé par la puissance réellement disponible – très différents selon ces moyens, la part de la production peut s’écarter fortement de cet équilibre apparent. En voici une présentation également sous la forme d’un graphique qui permet de visualiser immédiatement cette différence entre puissance installée et production réelle :
En novembre 2024, le nucléaire a fourni un peu plus de 70% de la production, l’hydraulique un peu plus de 10%, l’éolien presque 9% et le solaire 2,5%, tandis que le gaz approche les 6%, charbon et fioul restant marginaux.
  Au delà des parts de production, il est utile de considérer les volumes d’électricité produits que synthétise ce tableau, détaillant les 46,5 TWh (Térawattheures) produits en novembre 2024.
 
L’utilisation de cette production a été pour l’essentiel nationale (82%) mais le solde import/export montre qu’environ 16% a été exporté
  Mais cette production varie dans le temps, en fonction de la consommation. Soit intérieure, soit liée à une demande extérieure qui se traduit par des exportations d’électricité. Logique, on ne consomme pas autant d’électricité à 3 heures du matin qu’à 10h, ou le lundi à 19h que le dimanche à 22h. D’où l’intérêt, pour comprendre comment fonctionne un tel système de considérer cette production avec un pas de temps de 30 minutes sur l’ensemble du mois : 
Un mois de novembre assez « normal » en termes de météorologie, le facteur principal de variations entre années, lié à l’utilisation de l’électricité pour le chauffage résidentiel – environ 37% (pompes à chaleur comprises) des ménages contre 47% pour les énergies fossiles : gaz, fioul et GPL (chiffres de 2020). Les variations journalières sont pilotées par les différences de consommations liées à l’activité, donc l’heure de la journée et par la demande extérieure.

Un regard rapide sur le graphique ci-dessus permet de se douter qu’il s’est passé quelque chose du côté du vent, vers le 20 novembre et du 24 au 26 novembre. Pour en avoir une mesure plus précise, voici le graphique de la production éolienne, avec un pas de temps de 30 mn. On y vérifie le caractère très erratique de la production éolienne avec un creux à 675 MW et un pic à 19 304 MW, sans aucune corrélation avec la consommation. Un des jours de plus forts vents, le 24 novembre, tombe ainsi un dimanche, lorsque la consommation est au plus bas.

La production éolienne a été très contrastée entre la première partie du mois et la seconde. Très faible du 1er au 11 novembre, avec un minimum à 675 MW le 6 novembre. Un premier pic le 13 novembre a un peu plus de 10 000 MW. Une rechute sous les 2000 MW les 16 et 17. Puis, une montée en trois paliers vers un pic à près de 18 000 MW le 20, Suivi d’une chute brutale à 4 000 MW, suivi d’une remontée jusqu’au maximum de 19 304 MW le 25. Une nouvelle chute sous les 4 000 MW le 26, un nouveau pic à plus de 14 000 MW le 27.
  Quelles conséquences ces variations brutales ont sur le système électrique ? Pour  garantir que la production suive la consommation, ni trop d’électricité ni pas assez – condition sine qua non de la tenue du réseau – il faut tout à la fois fournir de l’électricité par d’autres sources lorsque le vent n’est pas là et les piloter à la baisse lorsqu’il est là puisque, c’est une manière de le subventionner, l’éolien a priorité d’accès au réseau sur les autres sources de production.
  Ce pilotage à la hausse ou à la baisse pour compenser les sautes d’humeur d’Éole se fait essentiellement avec le nucléaire tandis que le pilotage  des moyens hydrauliques a surtout pour objectif de suivre au plus près les pics de consommations horaires, en particulier le soir. On le vérifie avec le graphique suivant qui superpose la production éolienne et la production nucléaire. Alors que la production nucléaire est assez stable – entre 40 000 MW et 50 000 MW durant tout le mois, elle montre un petit creux temporaire lors du pic éolien du 20 novembre, et surtout un creux prononcé lors du double pic du 24 au 26 novembre. Lors de ce dernier épisode, la puissance nucléaire a été diminué de plus de 18 000 MW en quelques heures, puis remontée d’autant en quelques heures. Une flexibilité qui n’a rien d’évident, et constitue une performance tout à fait remarquable à l’échelle internationale.
Attention : pour lire ce graphique, il convient de bien prendre en compte la double échelle. À gauche l’éolien, à droite le nucléaire, une double échelle qui permet de mieux visualiser l’épisode du 24 au 26 novembre. les variations de puissance sont donc exagérées pour l’éolien… ou sous-estimées pour le nucléaire relativement l’une à l’autre : la diminution du nucléaire aux alentours du 25 novembre est ainsi de 18 000 MW, c’est à dire l’équivalent de la totalité de la production éolienne à cette période.
  Deux autres graphiques permettent de mieux visualiser le fonctionnement du système de production, en mettant en évidence le rôle de soutien de base du nucléaire, tandis que l’essentiel du pilotage fin destiné à suivre les variations horaires de consommation est surtout réalisé par l’hydraulique. Le premier superpose consommation et production nucléaire, le second montre la production hydraulique dont les pics et les creux suivent l’évolution de la consommation au cours de la journée, en faisant appel aux barrages de lacs et à la production des STEP (des systèmes qui remontent l’eau lorsqu’il y a beaucoup de production disponibles au regard de la consommation) pour passer les pics du matin et du soir :
 
À part l’épisode du 24 au 25 novembre, le nucléaire fonctionne pour l’essentiel en base. Il peut, au coeur de la nuit, parfois dépasser la consommation nationale.
La production hydraulique offre une capacité de pilotage rapide précieuse pour assurer l’équilibre entre consommation et production en fonction de l’évolution au cours de la journée.
  Une autre manière de montrer le pilotage du système électrique est de représenter pour chaque jour le maximum et le minimum de production, la dimension de la « barre » permettant de mesurer la flexibilité du nucléaire d’une part et le caractère erratique de la production éolienne sur 24h : 
 
Chaque barre représente la variation de production maximale sur 24h pour le nucléaire et l’éolien. Pour le solaire, le rond signale le niveau maximum journalier, le minimum sur 24h est toujours de zéro dès lors que le Soleil s’est couché. C’est le 25 novembre que le nucléaire a dû varier sa production de près de 18 000 MW pour compenser la brusque variation des vents (même s’il y a également d’autres causes comme la variation de la consommation horaire).
  La bonne nouvelle, c’est que ce système demeure en permanence climato-compatible avec une performance très peu égalée dans le monde en émission de gaz à effet de serre tout au long du mois. La part d’électricité bas-carbone se situe presque tous les jours au dessus de 90% avec une moyenne mensuelle à 92,4%.
  L’autre bonne nouvelle, c’est que la capacité de production bas carbone excède les besoins nationaux et que la France affiche un solde imports/exports d’électricité de 7,2 TWh sur le mois en direction des voisins qui ont tous une électricité plus carbonée.

Sur le Web.


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