Commentaire : Merci à eux.
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L’éolien industriel : définition, pertinence et chasse aux idées reçues
L’éolien est, parmi les énergies renouvelables, celle qui est (du moins sur le papier) la plus tentante. Tirant de l’électricité à partir du vent, elle est à l’évidence renouvelable et peu polluante, si tant est que l’on limite la portée de la pollution à la pollution chimique dans la phase de fonctionnement. C’est aussi parmi les productions d’électricité à partir d’énergies renouvelables l’une des moins chères, donc parmi les plus rentables.
Et pourtant, cette énergie ne fait pas l’unanimité. De fait, ce dossier espère vous convaincre que l’éolien est loin d’être une solution aussi efficace que l’on voudrait bien nous le faire croire. Pire, le développement anarchique actuel à marche forcée, mû par une carotte financière hors de proportion avec le but visé conduit dans un certain nombre de cas à une dégradation de notre environnement.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut savoir qu’il existe plusieurs formes d’éolien. L’éolien domestique, par exemple, concerne les éoliennes de petites tailles installées par des particuliers. L’éolien industriel désigne les parcs d’éoliennes de grande taille (70m et plus de hauteur de mât) assurant une production industrielle d’électricité. C’est cet éolien qui à nos yeux est le plus critiquable et ce pour les raisons évoquées ci-dessous.
L’éolien, une vraie fausse bonne idée ?
Avant que la frénésie de l’éolien ne saisisse la France, d’autres pays européens tels l’Allemagne, le Danemark et l’Espagne ont implanté nombre d’éoliennes sur leurs territoires. Du coup, la France paraît “en retard”, comme on peut le lire dans les articles pro-éolien. Un “retard” qui serait à rattraper... Mais un retard sur quoi, exactement ? On peut considérer que la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables vise deux buts distincts :
-Diminuer la production de CO2,
-Diminuer le recours à l’énergie nucléaire sans augmenter la production de CO2.
Concernant le premier point, la production d’énergie électrique dans le monde est responsable d’environ un quart des rejets de CO2 : c’est la première source mondiale de gaz à effets de serre (http://www.maicorecom/documentation/serre/GES.html). Cela est vrai pour les pays ne disposant pas de centrales nucléaires, comme les petits pays européens dont le Danemark. La production d’énergie électrique est alors basée sur des énergies fossiles (gaz, charbon). L’Allemagne a recours à une production mixte énergie fossile-énergie nucléaire et doit stopper sa production nucléaire en 2025. La France, quant à elle, a une production électrique aux trois-quarts nucléaires. Le reste se partage entre l’hydraulique (14%) et une production thermique d’appoint. De ce fait, la part des émissions de gaz à effet de serre en France du fait de la production d’électricité est minime (quelques pour cents). L’éolien en France ne contribuera pas à diminuer de manière significative les émissions de gaz à effets de serre de notre pays. Cette situation est radicalement différente de celle des pays cités plus haut ou toute production d’origine éolienne se substitue en partie à une production émettrice de gaz à effet de serre.
On peut alors espérer gagner sur le deuxième tableau, c’est à dire sortir du nucléaire grâce au concours de l’éolien. Il faut alors se pencher sur la production d’électricité éolienne que pourrait avoir la France si elle était pleinement équipée de parcs éoliens. Les calculs que vous pourrez trouver sur ce site (http://www.manicore.com/documentation/eolien.html) montrent que l’on ne peut espérer guère plus de 10% de notre consommation électrique annuelle. C’est bien trop peu pour faire baisser de manière significative le recours à l’énergie nucléaire. Certains argumenteront que “c’est toujours ça de pris”. Notre objectif est aussi de sortir du nucléaire, de l’angoisse d’une catastrophe majeure et de la menace que les déchets et les installations après l’arrêt de leur exploitation représentent pour les générations futures, mais pas à n’importe quelles conditions. Il faut savoir que le financement de l’éolien par la collectivité coûte cher et l’on peut légitimement poser la question de la pertinence de ce développement effréné. 10% de consommation en moins, c’est par exemple ce que l’on pourrait obtenir en isolant les logements mal isolés, avec probablement plus de retombées économiques à la clé (création d’industries et d’emplois, économies d’énergie...)
D’autant que l’éolien souffre d’un gros défaut : la production est intermittente. Pas de vent, pas d’électricité. Il faut alors avoir recours à des moyens de production souples permettant une compensation de l’électricité manquante. Ces moyens reposent sur des énergies fossiles. D’autre part, il faut disposer et maintenir une capacité de production d’appoint au moins égale à la capacité de production éolienne existante. Tant que la part de production d’électricité éolienne reste confidentielle comme c’est le cas actuellement, cela ne pose pas de problème particulier. En revanche, si l’on approche ou l’on dépasse la capacité de production d’origine fossile (qui n’est que de quelques % en France), on risque de se retrouver dans la situation où le développement de l’éolien nécessite d’accroître la capacité de production d’origine fossile, ce qui est pour le moins contraire au but recherché.
Les limites de l’éolien se vérifient chez nos voisins Danois et Allemands. Il est par exemple intéressant d’étudier le bilan de la production énergie renouvelable chez les Danois (cf graphique ci-dessous tiré du bilan 2007 de l’agence Danoise pour l’énergie).
On constate que la part du vent est de moins de 20% alors que le Danemark a abondamment recours aux éoliennes. En 2006, un trou de production éolien significatif a été enregistré du fait d’un automne peu venteux. La production stagne depuis 2003. En Allemagne, il apparaît inévitable que l’arrêt des centrales nucléaires se traduise par une augmentation des gaz à effet de serre générés par la production d’électricité. Ce ne sont pas moins de 26 centrales au charbon qui sont en cours de construction ou en projet. Du coup, l’Allemagne demande à l’Europe un moratoire sur les augmentations de production gaz à effet de serre dus à l’arrêt du nucléaire ( http://www.spiegel.de/international/germany/0,1518,544926,00.html,http://www.spiegel.de/international/germany/0,1518,544926,00.html). Ces deux exemples montrent que l’éolien n’est pas la solution à nos problèmes énergétiques, ni même une composante si intéressante d’une solution multiple. En fait, la production de CO2 du fait de la production d’électricité en 2003 (http://www.econologie.com/europe-emissions-de-co2-par-pays-et-par-kwh-electrique-articles-3722.html) montre que les Danois en produisent pratiquement 10 fois plus de CO2 que nous pour produire 1kW.h et les Allemands 7 fois plus. Quel retard aurions-nous alors sur eux ?
Les promoteurs ne sont pas en mal d’arguments pour réfuter ces faits. On nous assure par exemple que le “foisonnement”, à savoir la multiplication d’éoliennes sur le territoire, permet d’assurer la production là où il y a du vent pour les zones qui en sont dépourvues. Cependant, le transport électrique entraîne des pertes qui augmentent avec la distance parcourue ; quoi qu’il arrive la puissance installée ne sera pas disponible dans son intégralité. Un autre argument souvent utilisé est que les parcs éoliens produisent quasiment en permanence de l’électricité mais le problème n’est pas tant le fait qu’ils produisent que la quantité qu’ils produisent, qui est en moyenne bien inférieure à la puissance installée. Pour bien clarifier ce dernier point, prenons comme exemple un dispositif produisant de l’électricité avec une puissance de 1kW. Si ce dispositif fonctionne à plein régime pendant une heure, il produira une quantité d’énergie de 1kWh. L’énergie, c’est aussi ce que vous consommez à votre compteur EDF : un fer à repasser d’une puissance de 1kW branché pendant une heure consommera une énergie de 1kWh. Dès lors, on voit bien la différence entre puissance installée et énergie produite : s’il n’y a pas de vent, un parc éolien ne produit pas d’énergie quelle que soit sa puissance. En réalité, on peut considérer qu’une éolienne fonctionne à plein régime 2000h par an, soit un quart du temps. Cela n’est vrai que pour les zones bien ventées : ce chiffre varie en fonction de la localisation du parc éolien. En “temps effectif”, un parc éolien produit de l’électricité seulement un jour sur quatre. Les industriels de l’éolien vantent souvent la puissance installée et la durée pendant laquelle de l’électricité est produite (par exemple 85% du temps) mais jamais la quantité d’énergie produite qui est, en réalité, le seul paramètre intéressant.
Un autre chiffre donné souvent par les promoteurs et repris dans la presse est “le nombre de foyers alimentés par éoliennes”. Ces chiffres sont donnés “hors chauffage”, cependant il est évident que le chauffage est une dépense énergétique majeure dans un foyer qui dépasse de loin la quantité d’énergie consommée pour l’éclairage, le réfrigérateur, machine à laver, etc. De plus, la consommation électrique des industries ou du commerce ne sont pas comptabilisés dans ce décompte. Ainsi, en admettant que la France compte 10 millions de foyers et qu’un parc éolien alimente par exemple 1000 foyers (selon le chiffre donné par le promoteur), équiper le pays de 10.000 éoliennes nous laisserait toujours très loin du compte nécessaire...
Inconvénients de l’éolien industriel
Même si cette technologie est en apparence non polluante, il faut savoir que les parcs éoliens sont source de nuisances. Pour tenir une éolienne au sol, il faut réaliser un socle de béton armé de plusieurs centaines de tonnes. Dans les baux dont nous avons connaissance, les promoteurs fuient leurs responsabilités pour le démantèlement des installations, soit en attribuant la responsabilité au propriétaire foncier, soit en ne prévoyant que l’arasement de la quille hors sol.
Le bruit est aussi une source de nuisance potentielle. En fonction de la direction du vent, du relief et de la situation des habitations, le ressenti des habitants peut être très variable. On nous rétorque souvent que les parcs récents ne présente pas cette nuisance. Le fait est que des témoignages recueillis après la mise en service du parc d’Ally (voir par exemple http://www.eolien.info/documents/pdf/cpally270408.pdf ) montre que ce type de nuisance existe toujours, même si chaque parc est un cas particulier. Le problème est qu’il incombe aux promoteurs de démontrer par calcul l’absence de nuisance, cette information étant jointe au dossier de demande de permis de construire. Même s’il n’est pas dans l’intérêt du promoteur de construire un parc bruyant qui serait arrêté la nuit sur ordre du Préfet (cela s’est déjà vu..), il n’empêche que le promoteur est juge et partie. C’est lui qui fournit les preuves que son installation n’aura pas d’incidence sur la qualité de vie des riverains. Aucune contre-étude critique ne permet de valider les affirmations du promoteur. L’ombre des pales peut aussi constituer une nuisance. Si l’ombre portée se trouve sur une habitation, les occupants verront passer les pales sur leur jardin ou même dans leur salon de façon obsédante Dans le cas du parc de Dolus le Sec / Tauxigny, le promoteur affirme que ce phénomène ne se produira plus de cinquante heures par an. Cinquante heures par an, c’est une heure par jour pendant cinquante jours ! A cette gêne s’ajoute celle permanente de l’effet stroboscopique de la rotation des pales ressentie comme entêtante à grande distance.
Un parc éolien a aussi un impact sur l’avifaune. Les promoteurs citent des chiffres très bas de mortalité due aux collisions. Cependant, le principal danger réside dans la perte d’habitat : les oiseaux quitte la zone occupée par le parc éolien. La logique voudrait alors qu’aucun parc éolien ne soit installé en zone sensible. Malheureusement, les promoteurs ne se privent pas de déposer des demandes de permis de construire en bordure ou même au sein de zones sensibles : le projet sur Dolus-le-Sec / Tauxigny en est le parfait exemple.
Un mécanisme financier alléchant
Pour assurer une croissance importante à ce secteur, le législateur a prévu des mécanismes financiers propres à aplanir toute difficulté. Les éoliennes sont installées sur des terres agricoles louées ou sous-louées. L’exploitant des terres et le cas échéant le propriétaires touchent alors un revenu inespéré. D’autre part, la commune (ou la communauté de communes s’il en existe une) devait percevoir une taxe professionnelle importante qui faisait tourner la tête à bien des conseils municipaux mais l’annonce de sa suppression prochaine a entraîné le renoncement de nombreuse communes. En outre, il arrive souvent en zone rurale que les agriculteurs concernés par l’installation d’éoliennes siègent au conseil. Même si dans des petites communes il est considéré que la confusion entre intérêts particuliers et intérêt commun est inévitable, cela conduit à une absence de réflexion sur le bien fondé du parc, sa situation, etc. Au final, bien du monde veut son parc éolien pour pouvoir en tirer profit.
Le développement anarchique des parcs éoliens sur les départements du littoral a conduit L’État à mettre en place les Zones de Développement Éolien ( ZDE). En effet, il était difficile pour un préfet de refuser un permis de construire au seul motif de la cohérence du projet par rapport à sa situation ou la présence d’autres parcs déjà en place. Les décisions préfectorales de refus étaient alors attaquées par les promoteurs à hauteur de pratiquement une sur deux. Pour donner aux préfets plus d’emprise sur le développement éolien, le tarif de rachat (qui fait tout l’intérêt d’un parc) est maintenant lié à la présence d’une ZDE. Rien n’interdit la construction d’un parc en dehors d’une ZDE si le permis de construire est accepté mais il n’est pas financièrement rentable. Les ZDE sont instruites par la préfecture à partir d’une demande de la commune ou la communauté de communes. Certaines préfectures vont plus loin en établissant un schéma de développement éolien qui précise notamment les zones où les services du préfet estiment l’implantation de parcs possible. Un tel schéma a été établi pour l’Indre et Loire ; il est entré en vigueur au début de l’année 2009. Ainsi constitué, le mécanisme de ZDE a pour but de contrebalancer les velléités des communes.
L’ annonce de la suppression de la taxe professionnelle a contribué à faire changer d’avis les maires que seule cette manne motivait. Nous avons eu le plaisir d’apprendre que la Communauté de Communes de Loches Développement renonçait à postuler pour une ZDE sur son territoire, économisant ainsi les 100 000 euros qu’auraient coûté les études de faisabilité. Nous espérons que cette somme sera affectée à la recherche d’économie d’énergie dans les installations électriques et les bâtiments publics. Nous espérons aussi que les autres communautés de communes prendront un telle décision de refus d’une ZDE sur leur territoire.
Pour conclure
Au final, beaucoup d’argent et beaucoup d’énergie sont dépensés dans cette voie qui pourtant présente de nombreux inconvénients dont :
-Production énergétique faible et intermittente,
-Nuisances environnementales que ce soit pour la faune ou les riverains,
-Peu de création d’emplois.
Malgré ce bilan plutôt maigre, cette filière a connu un essor important du fait des conditions financières particulièrement favorables qui lui ont été accordées. Malheureusement, cette manne a provoqué un développement anarchique au mépris du respect de l’environnement (un comble !), de la concertation locale et de la qualité de vie et de l’entente des habitants en zone rurale.
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