TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : QUAND LE MARCHÉ, CONTRE LE VENT, ORDONNE AUX ÉOLIENNES DE NE PAS PRODUIRE

MENSONGE n. Père de la plus respectable des familles, qui comprend l' Enthousiasme, l' Affection, l' Abnégation, la Foi, l' Espérance et la Charité ainsi que de nombreux autres rejetons.
  Mes hommages, Mensonge ! N'est-ce pas grâce à toi
  Que le monde se retrouve le cul par-dessus tête ?
  Car le Vice par d'habiles sèmes revendique
  Les oriflammes de la Vertu abandonnée.

  Mumfrey Mappei
  BIERCE Ambrose, Le Dictionnaire du Diable, Éditions Payot et Rivages, pour la traduction française, 75006 Paris, p. I8I.

 

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 Pourquoi des éoliennes restent-elles à l'arrêt malgré le vent ? " Il s'agit d'un enjeu stratégique majeur "

  Des éoliennes immobiles alors que le vent souffle. C’est un spectacle de plus en plus courant. Non, elles ne sont pas en panne mais bien arrêtées volontairement par les producteurs d’électricité renouvelable.
  Cela s’explique par le fait que de bonnes conditions de vent et une faible consommation génèrent une surproduction d’électricité, avec des prix négatifs sur le marché. On préfère donc freiner voire stopper les éoliennes. À commencer par les installations en mer.
  " Cela peut se produire pendant les vacances, les week-ends et les jours fériés, lorsque la consommation d’électricité est moins importante que sa production. Mais on parle de faibles quantités, à peine 2% de l’ensemble de la production de l’année dernière ", explique Marie Leclere, porte-parole de la Belgian Offshore Platform, qui représente les exploitants de parcs éoliens en mer.
  " Mais la tendance est à la hausse ", poursuit-elle. " En 2022, le volume de production régulée a été deux fois plus important qu’en 202I. Exemple, dimanche dernier même si le vent n’était pas particulièrement puissant, le gestionnaire du réseau Elia a demandé aux parcs éoliens en mer de limiter leur production d’une centaine de mégawatts afin de préserver l’équilibre du réseau.
  Dans ces cas-là, les exploitants sont rémunérés pour cette contrainte sur leur production.

L’éolien plus flexible

  " Actuellement, nous avons peu de capacité de stockage de l’électricité éolienne. Tout ce qui est produit doit être presque instantanément consommé ", explique Jean Fassiaux, porte-parole d’ Elia, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en Belgique. " C’est donc à Elia que revient la charge de répartir la production. "
  " C’est le marché qui détermine ce qui va être mis à l’arrêt en fonction des incitants prix. Le mécanisme est complexe ", ajoute Jean Fassiaux. " Globalement, on a plusieurs technologies : le nucléaire d’abord dont la production est très stable et difficile à arrêter de manière instantanée. On a le gaz qui est déjà à son minimum. On a le photovoltaïque qui est un peu plus dispersé et on a l’éolien sur lequel on a le plus de flexibilité possible. C’est donc celui-ci qui permet de conserver l’équilibre et c’est pourquoi, certains parcs éoliens sont momentanément arrêtés. "

Un enjeu stratégique majeur
  Ces arrêts de production, outre le fait qu’ils constituent un véritable gaspillage, posent question sur notre futur énergétique. Et ils interpellent Francisco Cantino, spécialiste des énergies renouvelables à l’ UCL.
  " C’est un petit peu inquiétant même si cela ne représente pas encore un volume important. Mais si on veut encore augmenter la quantité d’énergie renouvelable sur notre réseau, il va falloir investir dans l’infrastructure de stockage et le transport pour atteindre l’objectif européen : zéro production de CO2 en 2050. Pour l’éolien, on doit arriver à produire I5 ou 20 gigawatts. Pour le solaire, c’est encore plus important, il faut atteindre 50 voire I00 gigawatts. Il faut donc adapter le réseau pour absorber ces énormes quantités d’énergie. Si on n’a pas les moyens de les absorber par la consommation, il faut investir dans le partage. Mais il faut savoir que quand il n’y a pas de vent en mer du Nord, il n’y en a pas non plus dans plein de pays. C’est un problème. "

Que faire alors de toute cette énergie excédentaire ?
  Francisco Cantino avance des solutions : " On peut aussi stocker sur site. Et là deux solutions : soit les batteries, mais à l’heure actuelle, leur capacité reste inférieure à la production lorsque le parc éolien tourne à plein, soit on s’en sert pour produire de l’hydrogène que l’on pourra stocker directement au pied des éoliennes. Il y a beaucoup de projets qui vont dans ce sens. "

Plus de flexibilité
  Au-delà de ces fermetures encore anecdotiques aujourd’hui, les enjeux sont énormes. Avec la fin progressive des énergies fossiles, notre consommation va s’électrifier de plus en plus. Il suffit d’observer l’explosion annoncée des véhicules électriques.
  L’infrastructure ne va pas pouvoir toujours suivre et il faut s’attendre à devoir arrêter la production d’énergie. Mais pour Marie Leclere, l’éolien offshore ne doit pas être le seul à pâtir de cette situation qui risque de limiter son développement.
  Les autres sources d’énergie doivent être rendues elles aussi plus flexibles. L’équilibre de notre système de production et notre indépendance énergétique sont à ce prix.

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