Dans la « classe » européenne, section lutte contre le réchauffement climatique, le niveau général est plutôt bon, en cette année 2024. Néanmoins, deux élèves, l'Allemagne et la Pologne, se distinguent par des résultats mitigés. Ils bénéficient des bons résultats des premiers de la classe, en particulier de la France, pour maintenir une moyenne acceptable. Aussi, nous leur attribuerons la mention : « Ensemble correct avec des résultats en progrès ».
Pour l'exemple, le bilan annuel de l'Allemagne :
« Les 10 points essentiels
- La consommation énergétique en Allemagne marque un recul de 1,3% par rapport à 2023 et atteint un niveau historiquement bas. La principale raison est la conjoncture toujours en berne;
- Les énergies fossiles — pétrole, gaz naturel, houille et lignite — continuent de représenter plus de trois quarts de la consommation énergétique;
- Principalement marquée par la baisse de production du couple lignite/houille et l’absence du nucléaire, la production d’électricité recule d’environ 3% par rapport à 2023;
- Les énergies renouvelables atteignent – lissées sur l’année – un nouveau record : 58% de la production brute d’électricité et 55% de la consommation intérieure brute;
- Avec 457 heures à prix négatif sur le marché de gros de l’électricité le record de 2023 — 301 pas horaires — a été battu. D’autre part, pendant un court épisode pratiquement sans vent ni ensoleillement en décembre, les prix sur les marchés de gros se sont envolés dans la soirée du 12 décembre 2024 à 936 €/MWh. L’Allemagne, jouant un rôle clé dans la formation des prix de l’électricité en Europe, a fait s’envoler les prix spot non seulement au niveau national mais aussi chez certains de ses voisins, notamment les pays scandinaves;
- L’Allemagne a été à nouveau importatrice nette d’électricité. En 2024, le solde des échanges s’est encore creusé par rapport à 2023 : importations principalement de la France et des pays scandinaves;
- L’approvisionnement en gaz a été assuré en 2024. La Norvège est de loin le principal fournisseur de gaz naturel par gazoduc, le GNL — Gaz Naturel Liquéfié — provient principalement des États-Unis;
- La part des véhicules électriques au parc de véhicules de tourisme immatriculés en Allemagne, ~ 49 millions, est actuellement environ de 3%. L’atteinte de l’objectif de 15 millions véhicules « 100% électriques » d’ici 2030 ne semble plus réaliste;
- Les prix de l’électricité et du gaz pour le consommateur résidentiel ont baissé par rapport à 2023, sans toutefois retrouver les niveaux d’avant-crise;
- Selon les premières estimations, les émissions de gaz à effet de serre ont reculé d’environ 3% par rapport à 2023, principalement en raison de la baisse de consommation du charbon. »
L'ensemble des détails est disponible ici : Allemagne : les chiffres clés de l’énergie en 2024.
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Climat : le prix de l’inconstance
Les températures moyennes planétaires de l’année 2024 ont battu tous les records connus de l’ère du thermomètre.
Et ont franchi sur un an la barre des 1,5°C de réchauffement depuis la
fin du 19ème siècle devenue symbolique depuis l’Accord de Paris, en
2015. Un accord qui stipulait que les pays signataires s’engageaient à
conduire des politiques permettant de « s’approcher le plus possible » de cette barre. S’en approcher « par le haut », puisqu’il s’agissait de durcir l’objectif des 2°C fixé à Copenhague en 2009.

Les courbes de la température moyenne planétaire (un à deux mètres au
des sols et le premier mètres des océans et mers) par les équipes
scientifiques. Avec un accord remarquable des mesures (y compris le
groupe de Berkeley fondé par des physiciens soupçonnant les
climatologues de mal faire le travail). Source OMM.
Mais de quelle « inconstance » s’agit-il ici ? Le titre de cet article pourrait bien sûr stigmatiser les politiques climatiques conduites depuis 1992, date de la signature de la Convention Climat de l’ONU. Mais non. Je veux traiter ici d’un seul élément de ces politiques : avec quoi produisons nous l’électricité dont nous avons besoin ? Un sujet clé de toute politique climatique, comme l’indiquent les rapports du GIEC – le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
Électrifier nos économies et notre vie quotidienne pour substituer aux énergies fossiles, à l’origine des émissions de gaz à effet de serre, une électricité bas-carbone est une condition sine qua non de l’atteinte des objectifs climatiques. Les systèmes électriques doivent donc être capables de produire de manière constante en recourant à des moyens bas-carbone, tant qu’il n’existe pas des systèmes de stockages massifs, susceptibles de compenser une production qui serait trop variable et incapable de suivre les évolutions des consommations. Qu’en est-il dans nos pays européens ? Voici une représentation particulièrement illustrative de la situation. Sur le graphique ci-dessous, chaque point représente une heure de production d’électricité, entre le Ier janvier et le 31 décembre 2024. Les émissions de CO2 rapportées sont des estimations, valables en ordre de grandeur relatives les unes aux autres. Les pays représentés sont : Belgique, Suisse, Allemagne, Danemark, Espagne, France, Italie, Norvège, Pologne, Portugal et Suède.
En abscisse la quantité d’électricité produite durant une heure, en ordonnée l’émission de CO2 associée. Source : Thomas Auriel.
La production, oui, mais la consommation ? Avec les échanges
d’électricité aux frontières leurs rapports aux émissions de gaz à effet
de serre changent-ils ? Pour le savoir, voici un second graphique concocté par Thomas Auriel :
Émissions de CO2 liées à la consommation d’électricité, donc tenant
compte des imports et exports. Un nouveau pays est représenté, le
Royaume-Uni. Source ; Thomas Auriel.
Si l’allure générale du tableau ne change pas, c’est le cas de certains détails. Les pays les plus carbonés, Allemagne et Pologne, voient leurs plus mauvaises performances s’améliorer un peu par l’importation d’électricité bas-carbone depuis la France, la Suède ou la Norvège. C’est le cas aussi du Danemark, lorsqu’il importe massivement de Suède et de Norvège.
Sous son allure de tableau abstrait, ce graphique dit quelque chose de simple : pour qu’un système électrique de grande taille soit constant dans sa capacité à produire une électricité bas-carbone, il a besoin de sources pilotables bas carbone en suffisance. Si ses sources d’électricité bas carbone sont trop limitées à l’éolien et au solaire, il lui est très difficile de maintenir constant toute l’année de bonnes performances climatiques.
Le bas du graphique montre les 4 pays qui parviennent à l’objectif : Suisse — CH, Norvège, Suède et France. Leurs systèmes électriques peuvent compter sur une production hydraulique et/ou nucléaire suffisante pour être constants. Aucun autre pays n’y parvient, malgré de très lourds investissements en éolien et solaire.
L’Allemagne a bien sûr diminué les émissions de son système électrique en raison de ses investissements massifs dans l’éolien et le solaire qui sont aujourd’hui majoritaires dans les capacités de production.
Sous son allure de tableau abstrait, ce graphique dit quelque chose de simple : pour qu’un système électrique de grande taille soit constant dans sa capacité à produire une électricité bas-carbone, il a besoin de sources pilotables bas carbone en suffisance. Si ses sources d’électricité bas carbone sont trop limitées à l’éolien et au solaire, il lui est très difficile de maintenir constant toute l’année de bonnes performances climatiques.
Le bas du graphique montre les 4 pays qui parviennent à l’objectif : Suisse — CH, Norvège, Suède et France. Leurs systèmes électriques peuvent compter sur une production hydraulique et/ou nucléaire suffisante pour être constants. Aucun autre pays n’y parvient, malgré de très lourds investissements en éolien et solaire.
L’Allemagne a bien sûr diminué les émissions de son système électrique en raison de ses investissements massifs dans l’éolien et le solaire qui sont aujourd’hui majoritaires dans les capacités de production.
Capacité installée en janvier 2024 en Allemagne. Pour le solaire et
l’éolien ce sont les capacités maximales théoriques. La partie colorée
des barres indique la production effective le 14 janvier à la mi
journée.
Pourtant, comme l’indique le graphique précédent, les émissions
demeurent élevées, à tout moment de l’année plus élevées que celles du
système électrique français. Il n’est pas inutile pour juger du problème
de recourir à une vision plus élargie dans le temps, comme le permet le
graphique ci-dessous qui compare les émissions des systèmes électriques
allemand et français depuis 2012 :
Malgré des investissements massifs dans l’éolien et le solaire
l’Allemagne ne parvient pas à décarboner massivement son système
électrique. Il lui manque une source bas-carbone pilotable pour
compenser les périodes faibles en vent et soleil. La baisse importante
en 2020 et 2021 s’explique par la crise sanitaire COVID-19. Source Radiant.
Le système électrique français parvient à sa performance remarquable —
c’est le seul grand pays industriel à afficher un tel niveau de
décarbonation de son électricité — à l’aide d’un mix électrique où les
sources bas-carbone pilotables sont en suffisance. Comme la Suède, la
Norvège et la Suisse. Pour maintenir cette performance alors que de
nombreux domaines d’activité demeurent à électrifier — transports,
chauffage, industrie — pour diminuer la menace climatique, il lui faudra
augmenter ses capacités pilotables, les investissements dans l’éolien et
le solaire ne pourront pas y suffire. Et tout d’abord conserver ses
capacités actuelles en bon état de fonctionnement, comme c’est
d’ailleurs le cas aujourd’hui, source, RTE, avec près de 90% de la puissance maximale théorique en service :
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