QUAND LA COUR DES COMPTES S' INVITE À LA TABLE DES DISCUSSIONS SUR LE NUCLÉAIRE FUTUR

  « La Cour des comptes a été créée par une loi du 16 septembre 1807. Napoléon Ier voulait en l’instituant poursuivre l’assainissement financier du pays. S’inspirant des chambres des comptes de l’Ancien Régime supprimées par la Révolution après parfois cinq cents ans d’existence, l’Empereur fonda une juridiction unique pour l’ensemble du territoire. La Cour reçut deux missions : juger les comptes des comptables publics, ceux de l’État comme ceux des collectivités territoriales (sauf les petites) ; contrôler la gestion des ministres et des autres ordonnateurs, avec le devoir de dénoncer les abus et malversations qu’elle relevait lors de ses contrôles, mais à l’Empereur seulement. D’emblée, la Cour remplit ainsi une fonction juridictionnelle (elle rend des arrêts) et une fonction qui n’a pas ce caractère (elle adresse des observations). »
 
 En comparant les rapports sur l'avenir du nucléaire, de 2012 et 2025, il apparaît que l'ambition de la CC a évolué au fil du temps : 
  En 2012, le président de l'époque, MIGAUD Didier, ancien député socialiste, I988-20I0, soulignait la trajectoire financière pour l’avenir du nucléaire, tout en laissant aux acteurs de la filière la responsabilité de se préparer à affronter les défis à venir.
 « Le rapport ne présente pas de comparaisons de coût entre les énergies ni de scénario d’évolution du mix énergétique. Il ne compare pas les coûts aux tarifs. La Cour ne prend pas position sur la bonne ou mauvaise gestion des crédits publics concernés. Il ne s’agit pas d’un rapport d’évaluation. »

« Quelles que soient les réponses données à ces questions dans l’avenir, la Cour relève qu’à court et moyen terme des dépenses importantes d’investissements sont prévisibles tant en matière de maintenance que de construction de moyens de production de remplacement ; elles viendront s’ajouter aux dépenses d’investissement dans les réseaux de distribution ou dans la recherche, s’il est décidé de poursuivre le programme de développement des réacteurs de 4ème génération, qui devrait conduire à des investissements sensiblement supérieurs à ceux faits actuellement dans ce domaine, sans qu’il soit actuellement possible de les chiffrer. Les conséquences stratégiques et financières de cette situation doivent être analysées de manière à pouvoir en tirer des orientations de la politique énergétique à moyen terme, publiquement connues et utilisables par tous les acteurs du secteur.  »

 
  En 2025, l' actuel président, MOSCOVICI Pierre, lui aussi ancien député socialiste, I997-20I4, fait entendre une toute autre voix, plus « péremptoire », s'« invitant » à la table, comme un partenaire à part entière du nouveau nucléaire : 
« la Cour émet une nouvelle recommandation : retenir la décision finale d’investissement  du programme EPR2 jusqu’à la sécurisation de son financement et l’avancement des études de  conception détaillée conforme à la trajectoire visée pour le jalon du premier béton nucléaire. »
Source

  Est-ce que quelqu'un de son entourage, lui a dit qu'il n'était plus ministre, ni commissaire européen ?

  À suivre...

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Précisions de la Sfen sur le rapport de la Cour des comptes au sujet de la filière EPR

  La Cour des comptes a publié, le 14 janvier 2024, un rapport de suivi sur la filière EPR. Ce document salue les progrès réalisés pour relancer le nucléaire en France, mais émet des alertes sur les coûts et la rentabilité, ainsi que sur les synergies entre le programme national et les projets internationaux. La Sfen apporte des précisions sur les analyses de la Cour et insiste sur les conditions nécessaires pour assurer la compétitivité et la réussite de cette filière stratégique.


Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, le 14 janvier 2025 – @ Valentin Faivre / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP 
 
  Après un premier travail très critique en 2020 sur la filière EPR, la Cour des comptes a publié, le 14 janvier 2024, un rapport de suivi intitulé : « La filière EPR : une dynamique nouvelle, des risques persistants ». Ce document se penche sur le programme EPR2, qui prévoit la construction de 6 à 14 réacteurs en France, tout en évaluant la situation des chantiers existants en France — Flamanville —, en Chine, en Finlande et au Royaume-Uni. Il est naturel que la Cour des comptes s’intéresse à ce programme structurant pour le pays. En effet, le rapport souligne que le développement des EPR2 vise à répondre à des enjeux cruciaux : la sécurité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le respect des objectifs de l’Accord de Paris.
  Lors de sa conférence de presse, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a salué les avancées : « En moins de quatre ans, d’importants dispositifs ont été mis en place pour relancer le nucléaire ». Cependant, le rapport émet plusieurs alertes. L’une d’elles concerne les coûts et la rentabilité des projets, notamment en se basant sur l’expérience de Flamanville 3, récemment connecté au réseau. Une autre souligne l’importance de renforcer les synergies entre le programme domestique et les initiatives internationales pour maintenir la compétitivité de la filière. La Société française d’énergie nucléaire, Sfen, a tenu à préciser quelques éléments de compréhension sur ces deux points.
Sur la question de la rentabilité pour EDF du programme EPR
  La Cour donne une nouvelle mise à jour des coûts d’investissement de Flamanville 3, cette fois-ci en euros 2023, €2023, alors que l’évaluation précédente était en euros 2015 : €2015. Ainsi le coût de construction, qui avait été réévalué à 13,2Md€2015, EDF, fin novembre 2023, est évalué à 15,6Mds€2023, EDF, compte tenu de l’inflation. C’est bien ce coût qui doit être comparé au coût de construction initial de 3,3Md€2005.
  En effet, comme dans son rapport précédent, la Cour élargit son paramètre d’étude à d’autres catégories de coûts qui ne sont pas compris dans le devis initial. Il s’agit par exemple des dépenses lors de la première phase d’exploitation et les coûts de financement : intérêts intercalaires. Ainsi, les Sages de la rue Cambon évaluent le coût total à 23,7Mds€2023. Par ailleurs, le coût de production associé, avec un facteur de charge de 85% et une rentabilité de 4 %, est évalué par la Cour à 122€2023/MWh.
  La Cour note la « faible rentabilité de Flamanville 3 » pour EDF. Ce qui est sans surprise compte tenu des retards du projet et par sa nature même de tête de série. Il est important de rappeler que l’ EPR de Flamanville, qui a contribué à remettre en marche la filière de constructions neuves en France, n’a bénéficié d’aucune aide d’État. Il a été financé par EDF sur fonds propres. De plus, il vendra sa production, au sein de l’ensemble du parc actuel, dans un marché de l’électricité européen dont les prix sont non seulement incertains, mais aussi de plus en plus volatils.
  La Sfen a souligné, dans sa réponse à la concertation sur la PPE, que le nucléaire, qui rentre dans un nouveau cycle d’investissement, aura besoin d’un soutien équivalent à celui qu’ont reçu les renouvelables. Pour rappel, le parc éolien en mer de Saint Brieuc1 bénéficie depuis sa mise en service en 2023 d’un tarif d’achat garanti de 155€/MWh sur 20 ans, lequel a permis, entre autres, la construction de l’usine du Havre pour la fabrication des éoliennes.
  La Cour attire de nouveau l’attention sur l’importance de la question des coûts financiers, un sujet qui sera très important pour le programme EPR2. Dans ses différentes publications, la Sfen a elle aussi souligné que le coût final d’investissement et le coût de production des futurs EPR2 seront très sensibles au coût moyen pondéré du capital. Elle a récemment indiqué, dans sa réponse à la PPE, que le schéma financier, sur lequel on attend toujours une orientation de la part de l’État, pourrait s’inspirer par exemple de celui de Dukovany5 en République tchèque, approuvé par la Commission, lequel comprend à la fois un tarif d’achat garanti et un prêt à taux zéro pendant la durée de construction. 
 
Sur les prochaines décisions sur le programme national et les projets internationaux
  La Cour note qu’après le jalon du passage de la conception initiale — basic design — à la conception détaillée — detailed design — de l’EPR2 en juillet 2024, une nouvelle évaluation des coûts et des délais est attendue pour le programme les prochaines semaines. La Cour fait état du nouveau chiffrage provisoire de fin 2023 dont avait fait état le Sénat, avec un coût de construction overnight — hors intérêts intercalaires [1] de 67,4Md€, euros 2020, dont 8,7Md€ pour le développement du palier EPR2.
  EDF avait indiqué, lors de son audition au Sénat, qu’il poursuivait ses travaux d’optimisation du planning et des contrats. La Cour rappelle aussi que les conditions de financement doivent elles aussi toujours être arrêtées par les pouvoirs publics, avant d’être approuvées par la Commission européenne au titre des aides d’État, un processus qui devrait prendre un an. En attendant, ces incertitudes « réduisent la visibilité dont les acteurs de la filière ont besoin pour s’engager dans les projets industriels de cette ampleur et obtenir des financements », indique la Cour des comptes.
  Au-delà du programme français, la Cour fait plusieurs recommandations à l’international. Au Royaume-Uni, elle préconise de ne pas approuver une décision finale d’investissement pour EDF dans Sizewell C avant l’obtention d’une réduction significative de son exposition financière dans Hinkley Point C. Dans sa réponse, le Président d’EDF rappelle l’importance de ce projet pour EDF et la filière industrielle française. Il s’agira du « premier cas d’industrialisation par la réplication d’un projet EPR, en particulier en reconduisant la filière industrielle, afin de dérisquer le planning et réduire le délai de construction ». Par principe, tout délai dans la décision au Royaume-Uni de nature à impacter le cadencement industriel de réplication peut se solder, au final, par des coûts supplémentaires sur le projet.
  La Cour recommande aussi à EDF de s’assurer que tout nouveau projet à l’international dans le secteur nucléaire soit générateur de synergies chiffrées avec le programme EPR2 et ne ralentisse pas le calendrier du programme en France. Le Président d’EDF dans sa réponse rappelle qu’un des enjeux stratégiques du développement de projets à l’international, entre autres, est de faire changer d’échelle industrielle la filière nucléaire française. Il s’agit d’éviter un « risque de marginalisation de notre industrie en Europe, face à une concurrence coréenne et américaine très active ». 
 
  Sur le Web  https://www.sfen.org/rgn/precisions-de-la-sfen-sur-le-rapport-de-la-cour-des-comptes-au-sujet-de-la-filiere-epr/#_ftnref1


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