Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode XXIII

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  Place de la Commune, on a beaucoup parlé de ce notaire qui s'est tué, rue de l' Égalité438. Un maçon a dit qu'il n'y aurait pas de mal que tous les notaires en fissent de même, car il n'y en a pas un qui soit vraiment patriote. " Cela est vrai ", a-t-on dit.
  Dans les cafés, on parle toujours de la maladie de Robespierre et de Couthon439. Le peuple, je veux dire le petit peuple, qui est sans détours, prend la plus grande part au rétablissement du premier. [ " ... Dans ses considérations sur la France qu'il publie alors, de Lausanne [printemps 1797], Joseph de Maistre [1753-1821 ; homme politique, écrivain et philosophe savoyard] met les points sur les " i " quand au mythe de la souveraineté du peuple, d'autant plus impossible que celui-ci est introuvable : " En formant des hypothèses sur la contre-révolution, on commet trop souvent la faute de raisonner comme si cette contre-révolution devait être et ne pouvait être que le résultat d'une délibération populaire. Le peuple craint, dit-on, : le peuple ne consentira jamais ; il ne convient pas au peuple, etc. Quelle pitié! Le peuple n'est pour rien dans les révolutions, ou du moins, il n'y entre que comme instrument passif. Quatre ou cinq personnes, peut-être, donneront un roi à la France. Des lettres de Paris annonceront aux provinciaux que la France a un roi, et les provinces crieront : Vive le Roi! " ; Claude Quétel, Crois ou meurs! Histoire incorrecte de la Révolution française, Editions Tallandier/Perrin, Texto, 2019 et 2021, p. 438]



Portrait de Joseph de Maistre par Carl Christian Vogel von Vogelstein, 1788–1868, au Musée d'Art et d'Histoire de Chambéry. Crédits : Wikimédia Commons

  Le café Deschiens, sur le boulevard, près Audinot440, doit être surveillé. Des fripons et des gens sans aveu vont à ce café.
  On a beaucoup arrêté, à l'Opéra, des filous et des voleurs de mouchoirs.
  Les quartiers que j'ai parcourus m'ont paru fort tranquilles.

Rapport de Beraud, W 112
  Dans un café de la rue Saint-Denis, on s'entretenait des arrestations. Un citoyen a pris la parole et a dit : " Depuis quelques jours le comité révolutionnaire de la section des Lombards a arrêté au moins cinquante personnes dont le patriotisme et la probité sont reconnus. Il semble que ce comité s'attache à renfermer tous les chefs de maisons, afin de faire tomber le commerce, et d'exciter un soulèvement parmi ceux que ces marchands font vivre. — Un citoyen441, a répondu un autre, pour avoir dit, il y a longtemps, qu'il aimait mieux donner aux pauvres ce qu'on exigeait de lui pour la fête de Marat, vu que cette fête ne donnait point de pain à l'indigence, que c'était d'abord à elle qu'il fallait songer, et que c'était le plus bel acte d'humanité qu'un vrai républicain pouvait exercer. "
  Beaucoup de personnes se plaignent, disait-on au café de la Montagne, Jardin Égalité, de ce qu'on les a portées sur la liste des émigrés, tandis qu'elles étaient dans les départements ou à leurs maisons de campagne, et qu'elles ont toutes les peines du monde à faire biffer leur nom de dessus les registres, tandis qu'elles ont les preuves les plus authentiques de leur demeure constante dans la République. Il en résulte que, leurs biens étaient séquestrés, ce sont de nouvelles familles réduites à l'indigence, et que, ces mêmes biens restant en démence (sic), le commerce, l'agriculture, tout en souffre.
  On se dit partout à l'oreille : " Robespierre442 a été empoisonné ; mais les antidotes qu'on lui a fait prendre à propos nous font espérer que nous le verront reparaître encore plus rayonnant de gloire. "
  " Puisque le général Henriot, disait-on dans un café, rue Saint-Martin, défend par ses ordres443 que les charretiers, voituriers, etc., fassent courir leurs chevaux, pourquoi ne leur donne-t-il pas l'exemple, lui qui, toutes les fois qu' il passe sur les boulevards, dans les rues, court bride abattue? Vous verrez qu'il finira par écraser quelque enfant, quelque vieillard ou quelque infirme. — Cela est vrai, a répliqué un citoyen ; je l'ai vu aux Champs-Élysées, il y a quelques jours, abîmer avec son cheval les fossés qui les entourent. Un des travailleurs lui ayant dit : " Prenez garde à ce que vous faites, " il lui répondit d'un ton arrogant : " Est-ce que tu ne me connais pas? Je suis le général Henriot. — Tant mieux pour toi, lui répliqua l'ouvrier ; mais tu ne dois pas détruire mon ouvrage. "

Rapport de Charmont, W 112
  La manière dont on travaille les notaires de Paris pour leur conduite incivique fait peur à ceux qui sont détenus dans ce moment. Le notaire Étienne444, de la rue Saint-Jacques, détenu à la maison d'arrêt de Saint-Lazare, vient de se détruire hier. On ignore les motifs qu'il l'ont porté à ce crime. Le plus malheureux dans tout cela, c'est qu'il avait un enfant âgé de dix ans, dont il allait reconnaître l'existence civile ; il n' y a pour constater son état naturel que deux ou trois lettres écrites par lui, dans sa prison, par lesquelles il prie un de ses amis de faire les démarches nécessaires ; les pièces allaient être déposées au tribunal à l'instant où l'on a appris qu'il s'était détruit lui-même. On demande que la Convention prévienne par une loi ces sortes d'abus, tant pour le suicide que pour les malheureux enfants qui seraient dans ce cas.
  Des citoyens qui causaient entre eux de l'intérêt général regardaient comme un grand malheur le peu de succès que la Liberté avait obtenu à la rentrée du Parlement à Londres445. " Il parait, disaient-ils, que l'esprit public est encore, dans ce pays, dans les ténèbres de l'ignorance, et qu'il n'est pas encore près de naître, et qu'en attendant sa naissance ils se préparent à nous faire le plus de mal qu'ils pourront. Mais heureusement que nous avons un bon Comité de salut public qui nous conduit dans le bon chemin. — Sans ce Comité, disait un autre, nous n'existerions plus en république ; nos ennemis avoit (sic) déjà trouvé le moyen pour nous perdre, et les scélérats se seraient partagé nos dépouilles, et Messieurs de Bourbon se seraient vus obligés de ramper sous les lois de la coalition du despotisme. — Oh! c'est bien vrai, répondait-on en chorus ; il vaut mieux manquer de tout, comme nous y sommes réduits, que de courber nos têtes sous le joug honteux de la tyrannie. " Cela fut fort applaudi.
  Le commissaire aux accaparements de la section Charlier a fait suspendre les travaux commencés au haut de la porte ci-devant église des Mathurins446, ordonnés par l'architecte des travaux publics de la Commune, comme contraires aux intérêts de la Nation relativement à des travaux inutiles ; il s'agissait d'abattre des anges autour d'une gloire : point du tout, voilà quinze jours que deux sculpteurs de pierre y travaillent. Ce commissaire disait qu'il fallait dénoncer l'architecte de la Commune, et lui en faire supporter les frais. C'est à quoi tout le monde a applaudi.

Le couvent des Mathurins
  Hier
 


Les Mathurins, rue Saint-Jacques ; Leymonnerye, Léon : 1803 - 1879. — Musée Carnavalet numérique.@ CC BY-SA 4.0
 
 
 

Le cloître ; Leymonnerye, Léon : 1803 - 1879. — Musée Carnavalet numérique. @CC BY-SA 4.0

 
 
Maisons autour de l'ancien couvent avant leur démolition ; Leymonnerye, Léon : 1803 - 1879.Musée Carnavalet numérique. @CC BY-SA 4.0
 
Aujourd'hui
 
 
"... En saillie sur le trottoir, vous ne pouvez passer à côté de ce mur ancien, vestige de l’église du couvent des Mathurins. [...] D’autres vestiges furent également trouvé en 1965 dont l’autre partie de l’arcade, visible dans les cours des immeubles au 20 et 22 rue de Sommerard. Charge aux plus courageux de découvrir ces pépites dont l’accès est privé... " ;  Source

  Les bouchers sont l'objet de la sollicitude publique. La majeure partie des traiteurs sont sans viande depuis de (sic) jour, et il n'existe point de légumes. Une grande partie des ouvriers murmurent de ne point trouver de quoi manger à l'heure de leurs repas. Il serait nécessaire que la Commune réfléchisse sur cette disette, qui pourrait amener quelques mouvements, car on dit : " Si cela continue, il faudra nous égorger les uns les autres, puisqu'il n'y a plus rien pour vivre. " C'est ainsi que parlaient les ouvriers aujourd'hui.
  On assurait aujourd'hui que Robespierre allait mieux, que sa maladie n'était rien, mais que celle de Couthon n’était pas de même447. Le peuple a les yeux portés du côté de ces deux citoyens. On demande partout de leur nouvelle.
  Le cours du salpêtre448 se continue avec force. On admire avec plaisir le concours prodigieux de citoyens qu'il attire ; tous veulent apprendre à exploiter le salpêtre. Les sections sont dans la plus grande activité ; la section de Marat en a déjà fait plus de 150 livres, extrait de moyenne chaudière. " Ainsi que doivent penser nos ennemis de nos travaux! Cela doit les faire trembler. " Voilà comment on parle, et comme pensent les vrais sans-culottes de Paris.

Rapport de Dugas, W 112
  On a applaudi à l'arrestation de Benjamin Calmer449, agent de change très connu et très riche.
  On a annoncé aussi que Robespierre se trouvait beaucoup mieux450, et qu'il était même sorti aujourd'hui.
  On ne cesse de s'entretenir des malveillants et des gens de toute espèce soudoyés par nos ennemis pour faire monter à un prix excessif jusqu'aux plantes potagères que l'on avait toujours vues à Paris à un prix dix fois au-dessous de ce qu'il est aujourd'hui. On ne s'accoutume pas à payer un chou jusqu'à vingt sols, et tous les légumes à proportion.
  À Fontenay-aux-Roses, Châtillon, Bagneux, Clamart, et autres villages voisins, il y a beaucoup de vin chez les vignerons et autres particuliers. Le maximum y est à 60 livres la pièce, et ils se vendent jusqu'à 220 livres. " Pourquoi, dit-on, ne pas mettre en réquisition tous ces vins là, pour les vendre à ceux qui en ont besoin, et au prix qu'il a été taxé? En visitant les caves de ces vignerons, on en trouverait une grande quantité parce que plusieurs d'entre eux espèrent de le vendre au-delà de 220 livres. À Fontenay-aux-Roses, il y a un nommé Bonnelai qui en recueilli beaucoup ; les mesures révolutionnaires seules sont capables de le faire vendre au maximum. "
  La même cupidité s'étend dans ce moment sur tous les comestibles. Aujourd'hui, on vendait une oie à la Vallée451 22 livres, un dindon, 30 livres, un mauvais lapin domestique 8 livres, et tout le reste en proportion.
  Dans la rue Thibautodé452, le veau a été vendu jusqu'à 36 sous la livre. On voit à la porte des bouchers la même affluence, dès six heures du matin, qu'à la porte des boulangers lors de la difficulté d'avoir du pain.
  Un combat d'affiches et de longs placards s'est élevé entre Souton et les frères Daumy453. Ceux-ci préviennent leur adversaire qu'ils l'ont cité devant les tribunaux pour avoir oser avancer que les entrepreneurs de la monnaie des cloches avaient volé plus de 500.000 livres.

Rapport d' Hanriot, W 112
  C'est quelque chose d'admirable que l'activité avec laquelle tous les bons patriotes fouillent les souterrains et les caves pour en extraire le salpêtre. Chacune s'empresse à préparer les éléments de la foudre contre les brigands et les traîtres.
  Ceux qui sont arrêtés par d'autres occupations ne laissent point que de payer leur tribut en fournissant du bois pour entretenir le feu nécessaire à la chose.
  J'ai vu beaucoup de citoyens, au Palais de l'Égalité, lisant avec avidité un placard en forme d'instruction sur la fabrication du salpêtre.
  Un citoyen disait hier, dans un café : " Si la Convention nationale a sagement décrété que les biens de ces perfides enfants qui ont attiré sur leur mère la foudre impuissante des tyrans coalisés seraient destinés à venger la République454, ceux que le dessein de fomenter des guerres intestines a fait rester dans leurs foyers, ceux que la détention met hors d'état de faire le mal devraient aussi payer de leur trésor les crimes dont ils se sont souillés. Que la Convention nationale, par une suite de ces principes, décrète donc au plus tôt le séquestre des biens des détenus comme suspects, et nous trouverons encore dans cet acte de justice les moyens de poursuivre avec plus d'autorité tous les oppresseurs du genre humain. " Cette motion a été vivement applaudie.
  La disette de la viande va toujours en croissant ; il faut se morfondre trois ou quatre heures à la porte des bouchers, incertains même d'en avoir au bout de ce terme. Voilà la plainte des malheureux sans-culottes. Elle a même entièrement manqué aujourd'hui dans plusieurs étaux. Les patriotes bien portants supportent patiemment cette privation, mais elle est bien douloureuse pour les malades à qui l'on ne peut donner le bouillon nécessaire. En attendant le retour de l'abondance que promet le zèle actif des administrateurs, il est très instant, et c'est le vœu de tous, d'aviser aux moyens de fournir sans obstacle aux besoins de l'humanité souffrante.
  Il s'élève de toutes parts des plaintes contre le service de la petite poste de Paris. [De 1792 à 1990, la Poste a connu de grandes transformations. Des progrès sont réalisés en terme de transport, d'offre de services ou encore de modernisation de l'activité postale. Ces transformations s'inscrivent soit dans la longue durée, par la mise en œuvre de réformes déployées dans le temps comme l'installation des bureaux de poste, soit dans un temps plus court, par rupture avec ce qui se faisait auparavant, comme l'utilisation de l'électronique et de l'informatique. Les mutations de la Poste ne se font pas toujours sans difficultés, d'autant que la Poste est dépendante des volontés du législateur et peu autonome vis-à-vis du ministère des Finances... ; source] On lui reproche beaucoup d'inexactitude soit pour la distribution des lettres ou des journaux. Plusieurs personnes m'ont assuré qu'il était très ordinaire de ne recevoir les lettres que le lendemain de leur remise à la poste, souvent le surlendemain, quelquefois point du tout. Elles se proposent de dénoncer cette négligence répréhensible.


La poste durant la Révolution ; Éditeur : Musée de la Poste, Paris, 1989.

Rapport de Latour-Lamontagne, W 112
   Quand le Comité de sûreté générale fera-t-il son rapport sur l'affaire de Basile et Chabot455? Dans tous les groupes, dans tous les cafés, c'est le cri universel. On commence à regarder cette fameuse conspiration comme un jeu ; et les amis de ces deux représentants profitent des délais du Comité pour vanter leur innocence et apitoyer le peuple sur leur destinée.
  On s'entretenait sur les galeries du Théâtre de la République, du mandat lancé456 par le Tribunal révolutionnaire contre Loiseau [Jean-François, 1751-1822 ; chirurgien-barbier ; député 1792-1795], membre du Comité de l'examen des marchés. Un citoyen regardait cette démarche comme attentatoire à la Représentation nationale. Il rappelait l'interrogatoire que ce Tribunal a fait subir à Bailleul [Jean-Charles, 1762-1843 ; avocat ; député 1792-1795 et 1795-1799, Conseil des Cinq-Cents]457, député, sur le sort duquel la Convention nationale n'a point encore prononcé. " Il semble, ajoutait-il, que le Tribunal cherche à avilir la Convention et à se mettre au-dessus d'elle. " On a imposé silence à ce particulier, qui s'est retiré brusquement, voyant que personne ne partageait son opinion.
  On s'indigne toujours d'entendre crier partout, avec une espèce d'affectation, la liste des guillotinés458. On ne peut prêter que des intentions contre-révolutionnaires à ceux qui ont publié cet ouvrage. Il n' y a point de milieu ; ou c'est une liste de proscription et d’infamie pour les familles des suppliciés, ou on cherche à rendre le Tribunal odieux à la France entière. Cette dernière conjecture est d'autant plus vraisemblable que, si l'éditeur eût eu des intentions patriotiques, il n'eût pas manqué de joindre à la liste des condamnés la liste, plus nombreuse encore et bien plus consolante, de tous ceux que le Tribunal a acquittés. On demande de toutes parts la suppression de cette espèce de libelle. On voudrait même que son auteur fût poursuivi, à moins qu'un patriotisme bien connu ne justifiât de ces bonnes intentions.

Rapport de Le Breton, W 112
  Dans la rue de Thionville459 et celle de Beaune, la garde s'est transportée chez quelques charcutiers, avec des commissaires, et a fait délivrer au peuple, à raison du maximum, les provisions qu'avaient chez eux ces marchands. Ce procédé a eu lieu aussi dans la rue du Bac. Cela a fait jeter quelques cris sourds parmi la gent mercantile, mais le peuple criait Bravo!
  Les marchands d'argent sont aux abois ; ils ne savent plus où faire leur commerce ; ils se rassemblent actuellement, à ce que l'on dit, dans le faubourg Saint-Denis, à un petit jardin qu'ils ont adopté pour négocier. Je me suis transporté dans l'endroit désigné, et je n'ai rien remarqué qui caractérise ce bruit. S'il se passe quelque chose, j'en donnerai avis.
  Des malveillants répandent toujours le bruit que nous sommes battus sur les frontières et dans la Vendée. J'ai entendu, à ce sujet, une conversation dans le marché ci-devant Boulainvilliers460, dont voici l’extrait. Un boucher avec une fruitière. La femme disait que l'on criait une victoire. Le boucher demandait si elle était certaine. " On nous en fait quelquefois accroire ", ajoutait-il...461 Après quelques questions encore de part et d'autre, le boucher demandait : " Mais qu'allons-nous devenir? " La femme répondit : " Mon ami, nous n'avons plus qu'un parti à prendre, c'est de nous munir chacun d'une bêche, aller faire un trou quelque part, et nous foutre dedans. " Le ton avec lequel cette femme prononça ce propos me fit approcher d'elle. Je la rassurai comme je pus, et, avec ma petite éloquence, je parvins à leur persuader à tous deux que leurs craintes étaient mal fondées, qu'ils ne devaient être inquiets sur leur sort ni l'un ni l'autre, et que l'on prenait des mesures pour qu'ils fussent pas lésés, et je les quittai plus contents d'eux-mêmes.
  La cherté des comestibles est toujours un objet de plainte pour le peuple. Ils se consolent cependant en disant que cela ne durera pas ; ils ont une grande confiance à la sagesse de nos magistrats, et en la récolte prochaine.

Rapport de Le Harivel, W 112
  Ce n'est plus à la porte des boulangers que se forment les attroupements : c'est aux portes des bouchers, des charcutiers, et du bureau de la distribution des tabacs, ancien hôtel Longueville462 [Découvert par Christophe Collomb en 1429, le tabac connaissant un succès de plus en plus important, l’État vit en sa vente une source possible de revenus et, c'est ainsi que, Richelieu créa le premier impôt sur le tabac : 1629. Entre 1674 et 1681, Colbert, responsable des finances sous Louis XIV, instaura, à la fois, le monopole d’État de la vente du tabac et le monopole de sa fabrication. En 1789, la Révolution supprima ce monopole ; celui-ci fut rétabli par Napoléon Ier en 1810], que se rassemblent tous les jours une foule immense de citoyens qui interceptent les passages. Dans la rue de Rohan nommément, les citoyens étaient rangés sur quatre de front depuis la porte du charcutier, même rue, jusque près celle Saint-Nicaise. " Comment se fait-il, disaient des citoyens, que, pour avoir un quarteron ou une demi-livre de lard, des femmes passent des jours presque entiers à la porte d'un marchand? — Il y a, répliquait un autre, il y a certainement de la malveillance là-dessous. " Deux gardes sont préposés à la porte des marchands pour contenir la multitude.
 
 
Hôtel de Longueville : "... construit en 1622 pour le duc de Chevreuse par l'architecte Clément II Métezeau, l'hôtel est cédé en 1663 à la duchesse de Longueville dont il a gardé le nom. [...] En 1749, il est acheté par les fermiers généraux pour y établir la Ferme du tabac, annexe de la Ferme générale « pour le soin et approvisionnement des manufactures et bureaux du tabac » [...] Il devient une salle de bal sous le Directoire, puis écuries impériales sous l'Empire, avant d'être démoli en 1833... " ; source ; auteur : Jean Marot, 1686. @gallica.bnf.fr/

  Dans un précédent rapport463, il a été fait mention d'une des sections, qui, réclamant des autres l'adhésion à un de ses arrêtés portant qu'il serait levé sur chaque particulier de la section, une ou deux fois par décade, 10 ou 15 sols selon leur faculté, pour subvenir aux besoins multipliés des sections respectives, fut généralement improuvée, en rappelant que la Commune avait dernièrement464 passé à l'ordre du jour sur un objet de cette nature, motivé sur ce qu'aucune section n'avait le droit de voter des impôts directement ou indirectement.
  Malgré cette leçon, la section des Tuileries a ouvert un registre où les citoyens sont invités de se faire inscrire et de payer chaque mois ou trois mois entiers une somme destinée au soulagement des femmes et des enfants des volontaires de l'armée de l' Ouest.

  À suivre...

   Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 224-236.

438. Cf. ci-après, p. 226. — Au lieu de : rue de l' Égalité, lire : rue Saint-Jacques.
439. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
440. Théâtre de l' Ambigu-Comique, du sieur Audinot, boulevard du Temple.
441. Sic ; il semble qu'il faille suppléer : " [On a arrêté] un citoyen... "
442. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
443. Nous n'avons pas trouvé celui ou ceux auxquels Beraud fait allusion.
444. Pas de dossier sur lui dans le classement alphabétique du fonds du Comité de sûreté générale. — Il était notaire rue Saint-Jacques depuis 1780 : Almanach royal.
445. Cf. t. III, p. 88, note 4.
446. Dans la rue de ce nom, aujourd'hui rue du Sommerard.
447. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
448. Ou " cours révolutionnaire de la fabrication de salpêtre et de la poudre ", en huit leçons, organisé par ordre du Comité de salut public.
449. Le texte porte : Cramer. — Sur Louis-Benjamin Calmer, courtier de change, mis en arrestation le 30 pluviôse an II [18 février 1794], traduit au Tribunal révolutionnaire et condamné à mort le 4 floréal suivant [23 avril], voir J. Bouchary, Les manieurs d'argent à Paris à la fin du XVIIIe siècle, t. II : Paris, 1940, in-8°, p. 95-102.
450. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
451. Cf. t. II, p. 51, note 3.
452. Ou Thibault-aux-Dez, dans la section du Muséum.
453. Un de ces placards fut reproduit dans un supplément au Moniteur du 6 ventôse [24 février] : réimp., t. XIX, p. 531. Il est daté du 18 pluviôse [6 février] et donné comme signé de " Dauny (sic) frères, aux Bernabites, place du Palais ". Les frères Daumy, qui étaient fondeurs, ont joué un rôle important dans l'utilisation du métal des cloches pour les besoins de la Défense nationale : cf. Camille Richard, Le Comité de salut public et les fabrications de guerre sous la Terreur, p. 265-268. Souton était directeur de la Monnaie de Pau. Le placard renvoie au Journal de Paris des 14 et 16 pluviôse [2 et 4 février].
454. Nous ne trouvons pas, dans les décrets de la Législative et de la Convention sur la confiscation et la vente des biens des émigrés, de disposition répondant à l'allégation rapportée par Hanriot. À moins que ne soit visé, ?, le décret voté le 27 juin 1793 [9 messidor an I], et qui n'eut pas de suite, portant que les lots de terre d'une valeur totale de 600 millions seraient distraits de la vente des biens des émigrés et distribués aux défenseurs de la Patrie.
455. Cf. t. Ier, p. 309, note 2, et t. II, p. 13, note 6.
456. Il s'agissait non d'un mandat proprement dit, mais d'une citation à comparaître adressée au conventionnel Loiseau, auteur, au nom du Comité de l'examen des marchés, d'un rapport sur les conclusions duquel Choiseau, Pierre-Étienne [un fournisseur aux Armées ; "... Choiseau, certes, n'a pas l'envergure d'un d' Espagnac. Ses ambitions et ses moyens sont modestes. Il n'a pas su se hisser aux premiers rôles ni se procurer de puissants protecteurs parmi les dirigeants. L'histoire n'a pas retenu son nom. Mais son aventure n'en est pas moins instructive parce qu'elle nous apprend d'une part sur les institutions militaires et les pratiques administratives sous la Terreur, d'autre part sur le rôle trop méconnu et souvent défiguré du Tribunal révolutionnaire. En ce temps-là, comme sous l'ancien régime, les transports aux armées, transports des vivres, des fourrages, de l'équipement et du campement, des ambulances, transports des canons, caissons et des munitions, étaient assurés par des entrepreneurs qui passaient des marchés avec l' État... " ; source https://www.jstor.org/stable/41923409] inspecteur des charrois militaires, avait été renvoyé pour malversations devant le Tribunal révolutionnaire. Saisie par Loiseau, la Convention décréta, le 2 ventôse [20 février], que ses membres n'avaient pas à déférer à des citations de ce genre, et que l'accusateur public près le Tribunal était tenu de se procurer dans les Comités les renseignements dont il pouvait avoir besoin. Le jour même, Choiseau et deux de ses coaccusés étaient condamnés à mort : Moniteur, réimp. t. XIX, p. 158 ; Wallon, Hist. du Trib. révol., t. II, p. 510.
457. Décrété d'arrestation le 3 octobre 1793 [12 vendémiaire an II], Bailleul avait été emprisonné peu après. Il allait être traduit au Tribunal révolutionnaire lorsque la Convention par décret du 26 pluviôse [14 février], ordonna de suspendre toute procédure contre lui.
458. Il s'agit probablement de la Liste générale et très exacte... que décrit Tourneux sous le numéro 3957 de sa Bibliographie : voir en outre à la table. — Cf. ci-dessus, p. 184.
459. Rue Dauphine.
460. Entre les rues du Bac, de Verneuil, de Beaune, et de Bourbon : aujourd'hui de Lille.
461. Ces points de suspensions sont dans le texte.
462. Il était situé entre les rues Saint-Nicaise, de Chartres, et Saint-Thomas-du-Louvre. Le bureau des tabacs y était installé depuis 1749.
463. Cf. ci-dessus, p. 88.
464. Pas de renseignement sur ce fait.

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