Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode XXIV

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Cette somme, à la vérité, n'est pas déterminée, mais il n'en est pas moins vrai que l'on souscrit pour peu ou beaucoup.
  Des citoyens se plaignent d'autant plus de cette vexation qu'ils savent que le ministre de la Guerre a entre les mains des sommes destinées à cet effet.

Rapport de Mercier, W 112
  Des citoyens disaient aujourd'hui, au Palais Égalité465, que l'on ne devrait pas avoir de confiance aux papiers qui se vendent dans Paris, vu que la plupart du temps ils ne disaient que des menteries, et que la Convention, lorsqu'elle a décrété la permission de la presse, elle devait au moins mettre une punition à toutes personnes qui feraient de faux écrits.
  Palais de Justice — Un citoyen qui se disait de la Vendée disait qu'il était bien sûr, par les lettres qu'il recevait, que le peuple était bien malheureux de ce côté là, vu les dégâts qui ont été faits. D'autres disaient qu'il serait bon que la Convention nationale, afin de nous tranquilliser, envoyât au moins six commissaires dans la Vendée, et que par là nous serions à même de savoir comment se comportent les brigands qui entourent ce pays.
  Au marché de la place Maubert, j'ai remarqué que, dans l'esprit de plusieurs, il n' y avait plus de crainte, car plusieurs se permettaient de dire : " Que [ne] nous laissaient-ils comme nous étions? Au moins, l'on trouvait tout ce que l'on désirait avec son argent ; mais à présent l'on ne trouve rien, et, si peu que l'on trouve, il nous le font payer quatre fois le double de ce que nous le payions quand on le trouvait facilement. " Et une femme qui avait l'air de ne plus pouvoir se retenir dans la colère où elle était, dit : " Ah f....! si je ne me retenais, j'enverrais faire f.... le nouveau régime. "
  Des citoyens s'entretenaient aujourd'hui de ce que plusieurs départements, districts et sociétés populaires louent la Convention nationale sur ses glorieux travaux en l'invitant de rester à son poste jusqu'à la paix. Ces citoyens avaient l'air de dire qu'il semblait qu'il n'existait plus aucuns citoyens dans la République capables de pouvoir obtenir le suffrage et la confiance du peuple.
  Ce soir, au café qui tient aux Italiens466, il y avait plusieurs citoyens qui disaient que les députés de la Convention se protégeaient. C'était au sujet de l'assignation qu'à reçue Loiseau467. Ces citoyens trouvent bien étrange que le citoyen Thuriot [Jacques Alexis, de la Rozière, 1753-1829 ; avocat ; "... Il soutient la création du Comité de salut public en avril 1793 aux côtés de Danton et Lecointre(3). Il intègre le Comité de salut public pour former brièvement un noyau dantoniste avec Hérault-Séchelles. Se sentant isolé au sein du comité rénové que Danton refuse de rejoindre, il en démissionne en septembre 1793(4). [...] Élu vice-président(8) de la Convention le 1er thermidor, 19 juillet, il est celui qui remplace le plus souvent Collot d’ Herbois à la présidence de l’assemblée. Il couvre les tentatives de Robespierre de prendre la parole au cours de la séance du 9 thermidor(9). [...] Quand la défaite de la Commune est assurée, il manifeste à plusieurs reprises de l’empressement à ce que Robespierre soit exécuté le plus promptement possible : pendant la nuit du 9 au 10, quand son collègue Charlier propose de le faire comparaître : « Le cadavre d’un tyran ne peut porter que la peste ; la place qui est marquée pour lui et ses complices est la place de la Révolution : il faut que les deux Comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai… » : Elie Lacoste n’officialisera que le lendemain le retour de la guillotine à son lieu le plus emblématique(15). Durant la séance matinale du 10 thermidor, où il évoque la rumeur de Robespierre roi : « Nous sommes tellement instruits de la scélératesse de nos ennemis, que nous savons que Robespierre était en mesure pour se faire proclamer roi à Lyon et dans d’autres communes de la République. »(16) [...] En prairial an III, il se solidarise avec les derniers Montagnards ce qui entraine sa mise en accusation, auquel il se soustrait en se cachant. Sieyès, dont il est resté proche, l’aide à retrouver une place dans la magistrature sous l’Empire(18). ; source] voulait une distinction dans les mandataires du peuple468.


Portrait de Jacques Alexis Thuriot de la Rozière, publié dans le " Bulletin de l'œuvre des voyages scolaires ", 1908

Rapport de Monic, W 112
  Partout où j'ai été aujourd'hui, j'ai entendu les citoyens se plaindre du manque de comestibles en général. J'ai été à la Halle, voir comme elle était approvisionnée : sur le midi, il n'y avait rien que trois ou quatre restants de saumons, mais pas de légumes secs, ni beurre, ni œufs.
  Faubourg Saint-Germain, mêmes plaintes. Une personne dit dans un endroit ou j'étais : " Je suis d' Arpajon [commune de l' Essonne, 91] ; nous en manquons à Arpajon tout comme à Paris ; l'on met tout en réquisition dans nos campagnes pour Paris. " Paris ne devrait pas être si à court si la malveillance ne s'en mêlait pas ; c'est à quoi qu'il serait [bon] que l'on fît attention.
  À la société [populaire de la section] des Gardes-Françaises, l'on a beaucoup parlé sur cet objet. Un citoyen a dit qu'il était affreux de voir des marchands de draps avoir dans leurs caves des 50 et 60 pièces de vin, qu'il en connaissait qu'ils devaient avoir des provisions de bouche à proportion. Un autre dit qu'il avait vu entrer dans sa maison 22 barils de harengs et un cochon tout entier, que les riches égoïstes sont fournis tandis que les vrais sans-culottes ne peuvent plus se procurer de quoi nourrir leur famille. Deux citoyens de la société, dont tous les deux sont chirurgiens, ont représenté qu'ils avaient beaucoup de malades qu'il y avait déjà plusieurs jours qu'ils n'avaient du bouillon faute d'avoir pu se procurer de la viande, quoique avec des billets signés par eux ; que plusieurs femmes en couches étaient dans la même peine. Un autre citoyen dit que, tandis que les bons citoyens manquaient de tout, les malveillants n'en manquent pas, " car ce matin, à la porte de ma maison, l'on avait jeté au moins 12 livres de viande crue toute gâtée. " Il est très urgent que l'on prenne des mesures pour réprimer les brigandages qu'ils se commettent pour porter le peuple à quelques excès. Ce qu'il y a de certain, c'est que partout les citoyens paisibles demandent que la Commune prenne des mesures pour faire faire une visite générale dans toutes les maisons le même jour.
  Rue de Rohan, chez un charcutier, le peuple s'est porté en foule chez lui pour avoir du lard. La foule a duré bien trois heures, mais assez paisiblement.

Rapport de Perrière, W 112
  Pain soustrait de Paris. — Un homme déjà éloigné des barrières, dans la campagne, rencontre de ses connaissances qui lui demandent s'il a du pain, question qui suppose qu'il y a parmi les gens de la campagne un cours de pratiques employées pour suspendre la vigilance des sentinelles et faire leurs provisions de pain aux dépens de Paris, malgré la loi sévère qui s'y oppose. Oui, dit cet homme, et il tire de la poche de son habit un pain de deux livres. Que faire pour empêcher cet abus? Fouillera-t-on, comme autrefois, les citoyens aux barrières? Non, cet usage est indigne de républicains ; mais il faut défendre aux boulangers de fabriquer des pains de deux livres, et punir ceux que l'on trouvera en contravention avec cette loi.
  Bois de chauffage. — Hier au soir, sur les six heures, la route de Clichy, jadis la Garenne [commune du département 92], était couverte de voitures fortement chargées de bois. Venaient-elles au secours de Paris? ou n'était-ce qu'un commerce d'égoïsme? Car on sait que les riches particuliers ont leurs approvisionneurs affidés dans les campagnes qui ne les laissent manquer de rien, moyennant des prix exorbitants. C'est ainsi que l'appât du gain engage les citoyens d'un même Empire à s'entre détruire, malgré le resserrement des biens du républicanisme. [ " En septembre 1793, le bois de chauffage est au nombre des marchandises soumises à la loi du maximum. Il est taxé à Paris au tarif de 30 livres la corde, majorée de 5 %. Ce tarif forcé était totalement artificiel, le prix moyen de la corde de chêne étant d‘environ 50 livres en 1790, époque depuis laquelle la dévaluation du cours de l’assignat était de 40 %. Par ailleurs la loi du maximum induit pour les bûcherons une augmentation de salaire de 50 %. Ces mesures incitèrent les propriétaires forestiers à cesser les coupes, provoquant une cruelle pénurie de bois de chauffage, dans la capitale. Les administrations chargées de l’approvisionnement de Paris eurent recours à tous les expédients, sans souci d'assurer la conservation du patrimoine forestier. Ainsi, au début de l'hiver 1795, la Commission du commerce envoie dans la forêt de Bondy 200 bûcherons prisonniers de guerre, pour approvisionner Paris. Le retour à l'ordre se produisit à partir de l'an VIII, date à partir de laquelle les actes de pillage du patrimoine forestier cessèrent progressivement." ; source]

 


Délibération du dimanche 29 août 1789 ; Registre des délibérations de l’Assemblée municipale, Archives municipales de Tremblay-en-France.
Transcription :
   " L’an mille sept cent quatre-vingt dix, le dimanche vingt neuf août, issue des vêpres, l’assemblée tenante, nous officiers municipaux de la Paroisse de Tremblay, assistés du Procureur de la Commune, ayant été avertis par voix indirectes, que plusieurs personnes des pays circonvoisins avaient eu la témérité de couper du Bois vert dans les Bois Domaniaux sur notyre territoire de Tremblay, en conséquence la municipalité étant chargée d’y veiller ont délibéré qu’il était de leur devoir d’y faire une visite pour en connaître les Délits qui pourraient avoir été faits dans les dits Bois, et que la dite visite se ferait le mari 31 août mille sept cent quatre-vingt dix et ont tous les membres de l’assemblée municipale signé. " Cousin maire, Choconin, Joly, Corbon, Louis Noël, Soupplet, Chauffourrier greffier
Source

   Mouvements militaires. — Hier soir, sur les sept heures, il parut dans la rue Neuve-des-Petits-Champs deux patrouilles très nombreuses dont la première, plus forte que l'autre, était armée de superbes fusils avec leurs baïonnettes reluisant au coin.
  Esprit des cafés. — J'entrai dans un des cafés les plus peuplés de la maison Égalité469. Je cherchai à m'informer des causes de ce que je venais de voir. Le peu de personnes que je trouvai disposées à parler ignoraient comme moi ; les autres avaient l'air de se défendre de toute question comme d'un piège ; presque tous causaient de choses indifférentes, comme lorsqu'on n'avait pas de patrie, et s'occupaient de jeux frivoles.
  Ce silence est fâcheux ; il sera bien plus difficile de connaître l'esprit public. Il ne peut provenir que de deux causes, ou de l'aristocratie qui sait que ses propos ne seraient pas soufferts, ou de la timidité même et de la défiance qui, parlant ordinairement d'après son cœur, craint que quelque malveillant n'abuse d'une expression peu mesurée pour l'accuser et le faire trouver coupable en dépit de son innocence.
  Il n'y a qu'un moyen de guérir de ce mal politique, qui en est un grand, puisqu'il ôte au gouvernement la connaissance des bases sur lesquelles il doit gouverner : c'est d'accorder la plus importante protection à la liberté des opinions, j'entends celles qui, au yeux d'un juge de bonne foi, ne sauraient avoir une direction contraire au bien commun.
  Mendicité. — Un citoyen, voyant un jeune enfant couvert de haillons et grelottant de froid s'adresser humblement à un de ses semblables qu'il appelait " mon bon citoyen ", dit : " Il n'y a que le nom de changé, et ce titre de la Liberté, sera invoqué aussi humblement que celui de Monsieur, par le malheur et par l'indigence...470 Non, continua-t-il, on ne peut me forcer de voir l' Égalité là où un citoyen se prosterne devant l'autre pour obtenir en quelque sorte sa grâce de la misère qui le poignarde. "
  " Voilà mes hommes, lui dis-je ; ils paraissent adorer l' Égalité, ils s'élèvent vers une sainte indignation contre tout ce qui paraît s'opposer à son établissement, et ils ne veulent rien faire pour le favoriser... Commencez d'abord, vous dont l'extérieur annonce de l'aisance, à partager vos moyens avec l'être souffrant que vous voyez sous le glaive de la faim... et vous aurez fait quelque chose pour l'égalité. Au reste, gardez-vous, lui dis-je, de l'erreur qui fait ici la base de votre censure : l'égalité promise aux Français par notre Constitution est de cette égalité devant la loi qui assure le châtiment du riche comme du pauvre, de celui qui remplit les premières fonctions de la République et de celui qui est relégué aux dernières... mais non cette égalité de fortune qui, par le même mot fortune, annonce une diversité de moyens moraux et physiques dans les individus, et de rencontres plus ou moins heureuses qui ne permettent pas d'établir un sort égal pour tous. L'égalité républicaine ne doit aux citoyens que la suppression de la mendicité, par ce que l'homme qui, sans cela, se voit nécessairement réduit à s'agenouiller devant son semblable, sait fort bien, dès qu'il a de quoi satisfaire ses premiers besoins, maintenir sa fierté et son indépendance envers quiconque serait tenté de l'humilier. "
  Dénonciation des tempéraments. — Simond [Philibert, 1755-1794 ; curé savoisien et député à la Convention nationale ; "... fut enfermé à la prison du Luxembourg, mais ne fut pas jugé avec les Dantonistes. [...] fut condamné à mort le 23 germinal an II, 12 avril 1794 [...] il fut exécuté, le lendemain, en même temps que Pierre-Gaspard Chaumette, Jean-Baptiste Gobel, la veuve d' Hébert, le général Arthur Dillon, Lucile Desmoulins et 23 autres condamnés... " ; source] dans une dernière séance des Jacobins471, ayant défini le feuillant, " l'homme sec, à l'air rêveur, qui ne regarde personne en face, etc. ", il s'est répandu une terreur subite parmi tous les gens naturellement maigres ou en consomption [amaigrissement et dépérissement progressifs dans certaines maladies, en particulier la tuberculose. Larousse] et ceux qui sont nés avec des dispositions à la contemplation ; il importe de les rassurer.

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"... il contribua au premier rattachement de la Savoie à la France, fin novembre 1792... ". Source

Rapport de Pourvoyeur, W 112
  Ce matin, je fus au café ci-devant Conti, vis-à-vis le Pont-Neuf. Ce café paraît être le rassemblement de tous les aristocrates. Il ne faut que voir la mine de ces gens là pour en juger ; ils ont l'air de se connaître tous, l'on ne s'y appelle point : citoyen, c'est toujours : Monsieur. Il y a beaucoup d'acteurs de tous les spectacles ; il y a même une grande quantité de jeunes gens dans le cas de la première réquisition mais qui, par de faux prétextes, s'y sont soustraits. L'on ne voit jamais lire les papiers, et, quand il y a quelques citoyens qui les lisent, on les regarde et l'on rit, et souvent on leur cherche dispute. En un mot, ce café est le rendez-vous des conspirateurs. Le maître même est aristocrate ; il avoua lui-même, il y a à peu près quinze jours, qu'il passa au Tribunal révolutionnaire comme témoin contre un conspirateur qui allait à son café et qui fut guillotiné ; il dit qu'il venait en effet des aristocrates, mais qu'il venait d'un et d'autre. Si ces individus ne lisent point les papiers, ils en ont dans leurs poches, qu'ils cachent avec grand soin et qu'ils se communiquent les uns aux autres.
  Les rassemblements étaient fort peu nombreux aujourd'hui partout. Auprès de la Convention nationale, plusieurs individus paraissaient douter de la nouvelle de la Vendée472 ; ils disaient hautement que c'étaient des nouvelles faites à plaisir ; les autres disaient tout bas : " Comme on nous en fait croire! L'on nous disait que la Vendée n'existait plus, et il y a tous les jours des attaques. "


Le siège de Granville : " Les deux camps se partagent le premier plan de la toile, avec les Vendéens sur le tiers gauche et les Républicains sur la droite. La cité est contrôlée par une troupe de cinq mille soldats installés à l’intérieur de la muraille de la vieille ville, un contingent très inférieur aux Vendéens, renforcés par les chouans, soit environ vingt-cinq mille combattants. En plus de ses puissantes fortifications, la ville est naturellement protégée par un vaste promontoire qui offre une position dominante, comme suggéré au dernier plan... " LESUEUR Pierre-Étienne ( - ) © RMN – Grand Palais / Thierry Le Mage

  L'on se plaignait que des papiers annonçaient que Valenciennes et Condé étaient pris473, et que cela n'était pas vrai. L'on observe que l'on ne devrait pas souffrir de fausses nouvelles, surtout dans les papiers.
  L'on se plaint qu'il y a des boulangers dans différents quartiers qui donnent de très mauvais pain, de plus qui fait mal ; ils font des échanges avec les pâtissiers ; ils leur donnent la farine bien blanche, et prennent celle de ces derniers.
  L'on s'arrache les subsistances dans les marchés et chez les marchands. La garde n'a pas pu mettre la police dans les Halles tant la multitude était grande. Les pommes de terre se vendent cent sols le quart. Enfin, la disette est générale, et c'est le cri public.

Rapport de Prevost
   Esprit public. — Les citoyens se plaignent singulièrement de ce qu'on manque de tout comme viande, légumes et autres denrées. Aux Halles on s'y plaint ouvertement. Il est à craindre que, si cette disette dure, que le peuple ne se soulève. Plusieurs personnes disaient dans le marché de l' Abbaye que la patience du public était bientôt à bout.
  Deux citoyens étant au café de Lisle, rue de Bourgogne, faubourg Saint-Germain, coin de celle Saint-Dominique, disaient que sur leur section on avait arrêté et incarcéré beaucoup de citoyens, notamment le citoyen Molé de Champlâtreux474, rue Saint-Dominique, faubourg Saint-Germain, détenu au Luxembourg ; qu'il était cependant un excellent patriote, qu'il n'avait cessé de faire du bien depuis et avant la Révolution, et fait son service comme tous ses concitoyens ; qu'il s'est toujours montré pour défendre la cause générale ; qu'il a fait beaucoup de dons pour les défenseurs de la Patrie ; qu'il a fait conduire à la section cinq à six milliers pesant de plaques provenant de sa maison, pour en faire ce que bon leur semblerait ; qu'on ne lui reproche qu'un voyage qu'il fit à Bruxelles et sa famille, pour le rétablissement de la santé de son père et de sa femme qui ne peut marcher, étant perclue de ses jambes ; qu'il fit ce voyage en avril 1791, et de retour en novembre de la même année ; que cette cause n'est pas suffisante pour qu'il soit détenu ; que beaucoup de ses concitoyens le regrettent, et qu'ils désirent son élargissement, que ce serait un acte de justice et d'humanité à rendre à ce patriote.

Premier rapport de Rolin, W 112
  On se plaignait encore ce matin des arrestations arbitraires qui se multipliaient d'une manière à ne pouvoir être décrite. Il suffit, dit-on, d'avoir un ennemi dans un comité de surveillance, ou d' y avoir un débiteur, pour être incarcéré. Le peuple se fatiguera, disait un citoyen, de ces sortes de vexations ; gare son réveil!
  Je ne puis bien faire connaître les connivences des citoyens notaires, procureurs, avocats et autres de la même trempe, touchant la liquidation des offices, dont on a parlé hier le citoyen Bordas475 [Pardoux, 1748-1842 ; avocat ; membre du Comité de liquidation, puis nommé secrétaire de la Convention. Député de la Haute-Vienne à l'Assemblé législative, réélu à la Convention. Membre du Conseil des Cinq-Cents. Président du Conseil des Anciens à la Convention nationale], mais je sais qu'il existe pour ces messieurs des moyens d'éluder certains droits qu'ils doivent payer. Je crois qu'il serait bon de chercher quelque lumière à ce sujet.

 


Rapport présenté à la Convention nationale, au nom des comités de liquidation et des finances, sur le mode de liquidation de tous les offices, ou charges, du remboursement... Source

  J'ai déjà prévenu que des militaires répandent l'alarme dans les sociétés à Paris, en faisant des récits dignes de plus francs aristocrates. Hier, un soi-disant gendarme disait que, sur toute la cavalerie qui était à Paris, tant au Luxembourg qu'ailleurs, et qui fut envoyée à la Vendée, il n'en était revenu que quatre-vingts, je crois même qu'il a dit quarante. De plus, il a prétendu que nous avions perdu plus de cent cinquante mille hommes, et que la Vendée, c'est-à-dire les royalistes, n'étaient pas encore détruits, qu'ils s'étaient réfugiés dans le Cantal, etc.
  Il n' y a plus de bois actuellement que sur le bord de l'eau, et encore n'en a pas qui veut.
  Les marchands se plaignent que le commerce ne va pas plus, que nos marchandises ne sont taxées que pour les détaillants et non pour les fabricants, enfin que sous peu ils seront forcés de fermer boutique ; ils se plaignent des vexations qu'ils disent éprouver de la part des commissaires aux accaparements.
  Les citoyennes des sections se plaignaient que l'on ne les entretient pas d'ouvrage, ce qui les met hors d'état d'exister, surtout celles dont les maris sont aux frontières.
  Dans la ville et commune de Champignelles, Yonne, il existe un prêtre insermenté qui dit sa messe à l'ordinaire. On vient de lui refuser un certificat de civisme, et en conséquence il ne peut toucher sa pension, mais il a de quoi vivre sans elle. Champignelles est du district de Saint-Fargeau.
  Les citoyens des sociétés populaires de Paris, dit-on, se gendarment [se gendarmer : protester, réagir vivement, s'emporter contre quelqu'un, quelque chose pour une raison quelconque, Larousse] contre la société des Jacobins. J'aime à croire que ce sont des bruits semés par les malveillants.

Deuxième rapport de Rolin, W 112
  On s'occupe dans le ci-devant Berry, à Romorantin et environ, à dessécher les étangs qui sont en très grand nombre dans ce département ; mais il serait peut-être bon de modifier l'ardeur de ceux qui exécutent cette loi476, voici pourquoi. Premièrement, ces étangs fournissent abondamment du poisson, et certes, dans des instants comme celui-ci, c'est une grande ressource, puisqu'on ne peut avoir de la viande. En second lieu, ces étangs fournissent de l'eau pour boire, vu que celle des fontaines n'est pas saine. Enfin, les terres étant composées de sable et d' argile, leur produit ne sera point conséquent, sauf la première année. On se plaint, dans ces contrées, que certains commissaires du Conseil exécutif provisoire ne s'y comportent point avec toute la décence et l' honnêteté qu'exigent les fonctions dont ils sont chargés. Au contraire, on se loue beaucoup des députés représentants du peuple ; on cite particulièrement Garnier de Saintes, et le citoyen Laplanche477, que l'on regrette beaucoup.
  Sceaux l'Union [Sceaux, Hauts-de-Seine, 92 ; " Le domaine est confisqué lors de la Révolution et converti en école d’agriculture. La ville de Sceaux est rebaptisée “ Sceaux l’unité ” par décret de la Convention. Son premier maire est élu en 1790. Remis en vente en 1793, le domaine est acquis par Lecomte, riche négociant, qui fait raser le château et le pavillon de la Ménagerie. " ; source] — On assure que l' Administration des domaines nationaux a alloué les terres domaniales de Sceaux l' Union pour un an seulement. Je certifie que c'est un défaut de réflexion ; car quel est le citoyen qui, sachant qu'il ne possède ces terres que pour un an, voudra faire les dépenses nécessaires pour faire des engrais, afin de bonifier ces terres? aucun, car il aura lieu de craindre que, si ces terres étaient d'un bon rapport, ses voisins n' y mettent l'enchère pour l'année suivante, ce qui le priverait de profiter des dépenses et du travail qu'il aurait faits. Il faudrait donc plutôt louer ces terres pour trois, six et neuf ans, et promettre de préférer dans le nouveau bail le locataire actuel à tout autre : alors il serait intéressé à faire valoir ses terres et à les rendre excellentes ; sans quoi, sous deux ou trois ans, personne n'en voudra, parce qu'elles ne seront bonnes à rien. Il en est de même des bâtiments.  

 https://www.sceaux.fr/sites/default/files/styles/content_page/public/content_page/Sceaux_057504.JPG?itok=Y_RWbAHN


" En 1670, Jean-Baptiste Colbert, intendant des finances de Louis XIV, devient propriétaire du premier château construit en 1597. Il achète de nombreux terrains et constitue un vaste domaine. Il fait venir André Le Nôtre, qui dessine les jardins, crée l’Octogone et les cascades. Aujourd’hui, le parc de Sceaux et ses monuments constituent l’un des ensembles les mieux préservés du 17e siècle. "
Source

  On assure qu'à Meaux les citoyens ne sont point à la hauteur de la Révolution.
  Hier, on a donné au spectacle de la République Épicharis et Néron478 [ou Conspiration pour la liberté, auteur : Legouvé, Gabriel Marie Jean Baptiste, 1764-1812 ; poète tragique ; académicien, 1803 ; une tragédie ; argument de la pièce : Épicharis conspire contre l’empereur Néron, complot qui, contre toute attente, réussit et voit le suicide du tyran historique, même si la comploteuse disparaît sous la torture, un supplice inspiré par Pison, hypostase du tribun robespierriste... " ; source], pièce digne des plus grands éloges. En sortant, je vis devant moi un citoyen de 5 pieds 6 pouce au moins [1,68m], qui donnait le bras à deux citoyennes qui m'ont paru être les deux sœurs ; elles étaient habillées en pierrot de toile d'orange, fond brun, et lui en carmagnole d'espagnolette grise. L'aînée des deux femmes lui dit, parlant de je ne sais qui : " Elle m'a assuré qu'elle tenait club chez elle, qu'on l'avait faite présidente et son mari secrétaire. " Le citoyen lui répondit : " Je ne sais pas si c'est un club ; mais je sais qu'elle reçoit beaucoup de monde chez elle la nuit, et j'ai entendu dire que c'était une espèce de confrérie. " C'est tout ce que j'ai pu entendre. J'ai suivi mes citoyens ; le mâle a quitté ces femelles rue Sainte-Marguerite, et s'est arrêté pour les voir aller. J'ai suivi les citoyennes ; elles sont entrées, dans une rue qui fait face à l' Abbaye, faubourg Saint-Germain, chez le charcutier ; elles avaient le passe-partout de l'entrée.

File:Legouve gabriel.jpg

Portrait de Gabriel-Marie Legouvé. Source

3 Ventôse an II, 21 février 1794


Rapport de Bacon
  Il y a eu du bruit au marché Catherine479, près les ci-devant Jésuites. Une fruitière qui avait des œufs, et qui ne pouvait, disait-elle, les donner au maximum parce qu'elle perdait au moins trois sous par œuf, a été sur le point d'être la victime de la fureur du peuple. Heureusement la garde est arrivée, et a forcé la fruitière à donner ses œufs au maximum. Une telle conduite a apaisé les femmes, et il n' y a eu aucune suite fâcheuse. Comme cette querelle avait fait rassembler beaucoup de monde, j'ai remarqué que des hommes et des femmes disaient, en s'en allant : " On veut donc que les fruitiers donnent pour un sol ce qu'on achète cinq? Eh bien! dans un mois on verra ce qui arrivera, que Paris manquera de tout. " Ceux qui entendaient de tels discours soupiraient sans rien dire.

   À suivre...

   Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 236-248.

465. Ex Palais-Royal.
466. Le Théâtre-Italien, sur le boulevard. — Il s'agit très probablement du café Chrétien, qui a joué un rôle dans la vie politique parisienne en 1793 et en l'an II.
467. Cf. ci-dessus, p. 232, note 2.
468. L'intervention de Thuriot, telle que la rapporte le Journal de la Montagne du 3 ventôse [21 février], avait tendu à ceci : il avait émis l'avis que le membre de la Convention auteur d'un rapport pouvait être entendu par la Justice comme témoin, parce que, dans son rapport, c'était non son opinion, mais celle du Comité dont il était l'organe, qu'il avait présentée.
469. Ex Palais-Royal
470. Ces points de suspension sont, comme ceux qui suivent, dans le texte.
471. Celle du 29 pluviôse [17 février]. Le propos de Simond auquel Perrière fait allusion figure dans le compte rendu publié au Moniteur : réimp., t. XIX, p. 508.
472. Allusion probable aux lettres du commandant de Granville [le siège de Granville se déroula en les 14 et 15 novembre 1793 [24 et 25 brumaire an II] : "... les contre-révolutionnaires vendéens se retrouvent aux portes de Granville, localité qu’ils assiègent dans le but d’ouvrir un pont avec l’Angleterre et les émigrés qui s’y trouvent... "] et du général Turreau [Louis-Marie Turreau de Lignières, dit Turreau de Garambouville, 1756-1816 ; "... Parmi les généraux de la Révolution, le général Turreau occupe une place singulière. Connu comme le responsable des « colonnes infernales » qui ravagèrent une partie du territoire de l’insurrection vendéenne, [...] Les faits pour lesquels il est cité devant le tribunal de l’Histoire peuvent tenir en peu de lignes, si leur objectif n’est pas de décrire les multiples événements tragiques qui ont eu lieu dans les mois de janvier à mars 1794. Dans ce laps de temps des troupes républicaines, placées sous le commandement suprême de Turreau, parcourent surtout le sud du département du Maine-et-Loire, le nord-ouest de la Vendée, à un moindre titre l’ouest de la Loire-Atlantique et le nord des Deux-Sèvres, tuant de nombreuses personnes. Celles-ci, armées et non armées, n’appartiennent que pour une part d’entre elles aux armées catholiques et royales qui ont subi de graves revers dans les mois précédents, mais qui restent dangereuses – notamment l’armée de Charette qui est toujours opérationnelle. Il est impossible de dresser clairement les bilans chiffrés des tueries et des massacres, des affrontements brefs et brutaux sont attestés mais en nombre limité, comme de déterminer les raisons exactes des mises à mort, puisque si les combats proprement dits ont été peu nombreux, les dévastations n’ont pas été systématiques, certains villages ou bourgs étant incendiés, tandis que leurs voisins ne l’étaient pas. On sait en outre que les soldats ont parfois stationné assez longuement dans certains endroits, mettant à mort une partie de la population hors de tout critère politique, commettant parfois des actes de sadisme... " ; source], communiquées à la Convention les 1er et 2 ventôse [19 et 20 février] : Moniteur, réimp., t. XIX, p. 157, 158.
473. Cf. t. II, p. 200, note 2.
474. Cf. ci-dessus, p. 23.
475. Séance du 1er ventôse [19 février] : Moniteur, réimp., t. XIX, p. 518.
476. Décret des 11 et 14 frimaire an II [1er et 4 décembre 1793].
477. Laplanche avait été en mission dans le Cher et le Loiret en septembre et octobre 1793 [fructidor an I et vendémiaire an II] ; Garnier de Saintes avait été chargé au début de nivôse [décembre] d'aller organiser le gouvernement révolutionnaire dans la Sarthe et le Loir-et-Cher.
478. Cf. t. III, p. 305, note 1.
479. Le marché Sainte-Catherine, rue d' Ormesson et Caron.

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